Contenu du sommaire : Enseigner le genre
Revue | Travail, genres et société |
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Numéro | no 31, 2014 |
Titre du numéro | Enseigner le genre |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Parcours
- Janine Caillot, "Lejaby : la volonté d'en découdre" - Marlène Benquet, Fanny Gallot p. 5-19
Dossier : Enseigner le genre : un métier de Pénélope
- Enseigner le genre : un métier de Pénélope - Tania Angeloff, Nicole Mosconi p. 21-27
- Histoire des femmes, histoire du genre - Michelle Perrot p. 29-33 Cet article rappelle qu'à Paris Diderot, dans les années 1970, la création des premiers cours sur les femmes a rendu nécessaires les premières recherches et les premières productions de savoirs, puisque les femmes étaient absentes de l'histoire académique. Il fallait donc les rendre visibles et innover dans les sources et les méthodes pour créer des savoirs nouveaux. Très vite les chercheures sont passées de l'histoire des femmes à l'histoire du genre, affirmant qu'on ne peut pas faire l'histoire des femmes sans réfléchir à leur relation avec l'autre sexe. Ces historiennes ont développé leurs recherches en lien avec les sociologues, avec les études angloaméricaines et avec les historiennes américaines, en particulier celles qui travaillaient sur le champ français. L'article témoigne du caractère enthousiasmant de cette époque pionnière.This article recalls that in the 1970s, at the university Paris Diderot, creating the first classes about women brought about the first research and knowledge production, since women were absent from academic history. Therefore, they had to be made visible, and new sources and methods were needed to create new knowledge. Researchers quickly evolved from women's history to the history of gender, claiming that the women's history could not be built without reflecting on their relation to the other sex. These historians developed their research while exchanging with sociologists in Anglo-American studies and with American female historians, particularly those working on France. This article testifies how much enthusiasm this pioneer time could trigger.
- Que reste-t-il de nos cours sur le genre ? : Témoignage d'un enseignant américain en "French studies" sur un campus américain - William Poulin-Deltour p. 35-49 En réfléchissant sur ma pratique pédagogique d'enseignant de Gender Studies dans une petite université de Nouvelle-Angleterre, je reviens sur l'idée que les États-Unis seraient la Mecque mondiale des études sur le genre. Si ce champ d'études semble en effet prospérer ici, les apparences peuvent néanmoins être trompeuses. J'analyse les connaissances des étudiants américains sur le genre au début et à la fin de leurs cours de Gender Studies. Mon expérience révèle que la plupart d'entre eux arrivent en classe avec une vision essentialiste d'un système de genre hétérosexuel et binaire, et que les abreuver de textes de Judith Butler et de Michel Foucault n'est pas le meilleur moyen de subvertir leurs idées reçues. Vers la fin de l'article, j'en arrive à la conclusion que c'est peut-être ma propre pédagogie qui doit évoluer, afin d'encourager les étudiants à enquêter eux-mêmes sur le genre, en exploitant des sources originales et contemporaines, pour qu'ils appréhendent non pas tant ce qu'est le genre que ce qu'il fait.Through a reflection on my own pedagogical practice in the Gender Studies classroom in a small college in New England, I evaluate the narrative of the United States as the Mecca of Gender Studies worldwide. While the field appears to be thriving here, looks may be deceiving. Most importantly, I examine the knowledge American students have about gender before entering and upon leaving the Gender Studies classroom. My analysis of my own experience reveals that most students arrive with essentialized notions of a heterosexual and binary gendered system, and that exposing them to massive doses of Judith Butler and Michel Foucault does little to disrupt these idées reçues. Toward the end of the article, I come to the conclusion that it is perhaps my own pedagogical style that needs to change, allowing students to carry out their own research on gender with original and contemporary sources, in order for them to understand not so much what gender is but what gender does.
- Un enseignement unique en son genre - Nathalie Lapeyre p. 51-68 Cet article vise à mettre en lumière quelques éléments de réflexion issus d'une expérience singulière d'enseignement du genre à l'université. La présente analyse d'un processus d'institutionnalisation des études féministes s'ancre essentiellement au sein de la première formation professionnelle française sur le genre. Cette dernière est centrée sur la question de l'analyse des politiques sociales au prisme des rapports sociaux de sexe. Elle fut créée il y a une vingtaine d'années, par des collègues universitaires et professionnelles, pionnières au sein d'un département de sociologie. Tout en ne perdant pas de vue que le genre est bien plus qu'un enseignement, par sa portée scientifique, symbolique et politique, nous mettrons l'accent sur la genèse de cette histoire collective, les réalisations et les conquêtes dans un contexte d'opportunités, ainsi que les véritables défis à relever. Les effets sociaux de la mise en œuvre d'un Master professionnel, ou la place du genre en dehors de l'université, seront également abordés, au regard notamment de la dynamique actuelle autour des questions d'égalité hommes-femmes.This article offers food for thought from a singular experience, that of teaching gender at the university. The present analysis of the institutionalisation process mostly stems from the first French professional training on gender. It is centered around social policy analysis in the context of gendered social relationships. This training was created twenty years ago by university and professional colleagues who were pioneers within a sociology department. While keeping in mind that gender is a whole lot more than a teaching by its scientific, symbolic and political spans, we will focus on the genesis of this collective history, realizations and conquests in a context of opportunities, and true challenges to be met. The social impact of the implementation of a professional master or the importance of gender outside the university will also be tapped, as well as the social impact of implementing a professional master and the importance of gender outside the university, especially with regard to the present dynamic around the question of equality between men and women.
- Formation des enseignants : les résistances au genre - Muriel Salle p. 69-84 La mise en place du programme de l'abcd de l'Egalité, en octobre 2013, dans un contexte de tension consécutif au vote de la loi sur le mariage dit « pour tous », a placé sur le devant de la scène médiatique des actions pédagogiques pour la promotion de l'égalité entre filles et garçons dans le système scolaire dont certaines sont pourtant déjà anciennes. Dans l'académie de Lyon, depuis plus de dix ans, les enseignants reçoivent une formation sur les problématiques de genre et d'égalité entre les sexes. Ces formations, globalement très bien accueillies, suscitent aussi parfois des résistances, en dépit du fait que les enseignants en sont très demandeurs d'une part, et qu'ils se déclarent très soucieux de promouvoir l'égalité filles/garçons et femmes/hommes d'autre part. C'est à l'analyse de ce paradoxe qu'est consacré cet article, qui veut proposer à la fois une typologie de ces résistances et des pistes de remédiation.In October 2013, implementation of the abcd equality program took place in the tense context of the vote of the so-called « marriage for all » law. The media focused on pedagogic action to promote equality between girls and boys in the education system, some of which was already ancient. In the Lyon region, over the past 10 years, teachers follow a training session on gender issues and sex equality. Globally, these trainings are very well received, but sometimes also instigate resistance, despite the fact that on the one hand, teachers' demand is very high, and on the other hand, they declare themselves very keen to promote girl/boy and women/men equality. This article is dedicated to the analysis of this paradox, offering both a typology of resistance modes and remediation paths.
- Enseigner le genre : un devoir de dissidence : Retour sur quatre années d'introduction à la sociologie du genre à l'université Paris-Dauphine - Tania Angeloff, Céline Bessière, Arnaud Bonduelle, Jéromine Dabert, Gaston Laval p. 85-99 Cet article revient sur la pratique d'un enseignement du genre, introduit au niveau du Master 1 dans une université parisienne, Paris-Dauphine, spécialisée dans l'économie, la gestion et la finance. Il a pour originalité de confronter les points de vue des deux enseignantes à l'origine de la création de ce cours d'introduction au genre en sociologie et de trois étudiant-e-s de la dernière promotion qui ont accepté de se prêter, avec réflexivité, à cet exercice rétrospectif qui pose la question suivante : que fait le genre aux étudiant-e-s ? Et inversement, que font les étudiants d'un enseignement comme celui du genre, dans le cadre d'une formation en sciences sociales assez généraliste ? Loin d'un article théorique, il s'agit de partir de ces témoignages estudiantins concrets pour s'interroger sur la pédagogie du genre en sociologie, ses enjeux politiques et scientifiques, ses limites, sa (dé)légitimation. Dans cet écrit polyphonique, Tania Angeloff et Céline Bessière tentent de revenir sur leur pratique d'enseignantes du genre – pratique marginale, dans leur contexte institutionnel –, et de mettre en perspective les trois témoignages individuels des étudiant-e-s, dont l'un est très critique.This article deals with the teaching of gender, introduced at the Master 1 level of a Parisian university, Paris-Dauphine, specialized in economy, management and finance. Its specificity is to confront the points of view of the two professors who originated this introductive course to gender in sociology with that of three students of the previous year who accepted to take part, with reflexivity, in this retrospective exercise. It taps the following question : what does gender do to students ? And reversely, what do students do with a teaching such as that of gender, within the framework of a rather generalist training in social sciences ? Far from a theoretical article, concrete student testimonies question pedagogy of gender in sociology, its scientific and political implications, limits and (de)legitimization. In this polyphonic document, Tania Angeloff and Céline Bessière try to reflect on their practice of gender teaching – a marginal practice in the institutional context – and to put into perspective three individual students' testimonies, one of which is very critical.
Mutations
- Emploi associatif, féminisme et genre - Érika Flahault, Annie Dussuet, Dominique Loiseau p. 101-121 Le féminisme des années 1970 a débouché sur la création de réseaux associatifs aujourd'hui incontournables : Planning familial, Centres d'Information sur les Droits des Femmes et des Familles, Fédération Nationale Solidarité Femmes. Ces réseaux, producteurs d'un service de défense et d'accès aux droits pour les femmes, remplissent une fonction de « service public », grâce à l'emploi de salariés qui sont essentiellement des femmes. A partir des résultats d'une enquête qualitative de type monographique auprès d'associations de ces réseaux, nous montrerons que, si l'on peut observer dans ces organisations des conditions d'emploi souvent précaires, il faut sans doute référer ces observations aux conditions d'emploi que rencontrent par ailleurs les femmes dans d'autres secteurs de l'économie. Autrement dit, il semble que, paradoxalement, ces organisations féministes reproduisent simplement des normes d'emploi structurées par le genre.Feminism in the 1970s lead to the birth of associative networks that have become necessary nowadays : Family Planning, Information Center on Rights of Women and Families, Women's National Federation for Solidarity. These networks defend women and stand up for their rights, performing a public service duty, thanks to the employment of mostly female workers. On the basis of a monographic survey among structures belonging to the network, we will show that although precarious working conditions are often observed, they must be compared to the working conditions that women experience in other economic sectors. In other words, it seems that, paradoxically, these feminist organizations simply reproduce employment norms structured by gender.
- Remplacer les agricultrices : une histoire du congé de maternité en agriculture - Xavier Cinçon, Agnès Terrieux p. 123-140 L'histoire du congé de maternité est celle d'une politique sociale mise au service des intérêts masculins par l'entremise d'instruments d'action publique genrés. Le recours imposé aux services de remplacement agricole, foncièrement tournés vers le remplacement des exploitants masculins, s'est doublé d'une procédure subordonnant l'utilisation de la prestation aux décisions du chef d'exploi-tation. Il en a résulté une captation opportuniste par l'exploitant de la main-d'œuvre salariée destinée au remplacement de sa conjointe, contribuant à exclure cette dernière d'une prestation lui étant dédiée, et fournissant des ressources de développement à l'activité de remplacement. À tel point que les services de remplacement se sont ensuite efforcés d'améliorer ce droit des agricultrices, en lieu et place des porte-parole féminines, dans le but de consolider une rente indispensable à leur professionnalisation.The history of maternity leave is that of a social policy that serves male interests through gendered public action tools. The forced recourse to agricultural replacement services, basically thought out for male farmers, was reinforced by a procedure that subordinates the use of that service to the farm manager's decision. This resulted in the opportunistic capture by the farm manager of the workforce destined to replace his spouse. It contributed to exclude the latter from a service that was meant for her and that furnished development resources to the replacement activity. Therefore, replacement services then worked on improving this right of female farmers, coming into the place of female spokespersons, with the aim to consolidate a pension that is indispensable to their professionalization.
- Emploi associatif, féminisme et genre - Érika Flahault, Annie Dussuet, Dominique Loiseau p. 101-121
Controverse : Allez les garçons ?
- Autour du livre "Sauvons les garçons !" de Jean-Louis Auduc : Paris, Descartes Cie, 2009 - Marlaine Cacouault-Bitaud, Nicole Mosconi, Françoise Vouillot p. 141-144
- Sauvons la recherche ! - Gilles Moreau p. 145-149
- Les garçons et l'école : rapports sociaux de sexe et rapports de classe - Séverine Depoilly p. 151-155
- Les garçons sont-ils des immatures chroniques ? - Isabelle Collet p. 157-162
- Adapter l'école aux garçons ou lutter contre les stéréotypes - Annie Léchenet p. 163-167
- Sauver les élèves du décrochage scolaire ! - Jacques Tondreau p. 169-174
- L'éducation entre garçons et filles se construit en marchant sur les deux jambes - Jean-Louis Auduc p. 175-182
Critiques
- Anne Verjus, "Le bon mari. Une histoire politique des hommes et des femmes à l'époque révolutionnaire". Fayard, Paris, 2010, 390 pages - Magali Della Sudda p. 183-185
- Regard sur… L'intellectuelle suédoise Alva Myrdal. "Engagements publics, déchirures privées" - Pascal Marichalar p. 186-194
- Delphine Dulong, Christine Guionnet et Érik Neveu (dir.), "Boys don't Cry ! Les coûts de la domination masculine". PUR, Rennes, 201 2, 332 pages - Clément Arambourou p. 195-198
- Isabelle Clair, "Sociologie du genre". Colin, Paris, coll. « 128 », 2012, 128 pages - Christine Guionnet p. 199-201
- Geneviève Lefort, "L'éducation des mères. Olympe Gevin-Cassal, inspectrice générale de l'enfance (1859-1945)".PUR, Rennes, 2011, 290 pages - Rebecca Rogers p. 202-204
- Martine Monacelli et Michel Prum (dir.), "Ces hommes qui épousent la cause des femmes. Dix pionniers britanniques". Les éditions de l'atelier, Ivry-sur-Seine, 2010, 220 pages - Régine Bercot p. 205-206
- Mélanie Jacquemin, "« Petites bonnes » d'Abidjan". L'Harmattan, coll. « Logiques sociales », Paris, 2012, 216 pages - Monika Piecek p. 207-210
- Mariette Sineau, `"Femmes et pouvoir sous la Ve République". Presses de Sciences Po, Paris, 2011, 324 pages - Lucie Bargel p. 211-213
- Catherine Monnot, "De la harpe au trombone. Apprentissage instrumental et construction du genre." PUR, Rennes, 2012, 226 pages - Irina Kirchberg p. 214-217
- Michel Lallement, "Tensions majeures. Max Weber, l'économie, l'érotisme". Gallimard, coll. « Essais », Paris, 2013, 275 pages - Nathalie Heinich p. 218-221
- Réponse de l'auteur au compte rendu de lecture de Nathalie Heinich "sur, Michel Lallement. Tensions majeures. Max Weber, l'économie, l'érotisme" - Michel Lallement p. 222-225
- Melody Jan-Ré (dir.) "Le genre à l'œuvre". L'Harmattan, coll. « Logiques sociales », Paris, 2012, 3 volumes, 702 pages - Sylvia Faure p. 226-228
- Caroline Cardi et Geneviève Pruvost (dir.), "Penser la violence des femmes". La Découverte, Paris, 2012, 442 pages - Cécile Dauphin p. 229-232
- Hyacinthe Ravet, "Musiciennes. Enquête sur les femmes et la musique". Éditions autrement, Paris, 2011, 329 pages - Catherine Marry p. 233-236