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Revue | Revue critique de droit international privé |
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Numéro | no 1, janvier-mars 2021 |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Éditorial
- Dans le désordre planétaire... - Horatia Muir Watt, Dominique Bureau, Sabine Corneloup p. 1-30
Doctrine
- « Erga- » : Contribution sémantique et lexicale à une étude unifiée des relations entre ordres juridiques - Didier Boden p. 5-42 Le droit international privé et les autres ensembles de règles d'un ordre juridique qui ont trait aux relations de celui-ci avec d'autres ordres juridiques sont mal dénommés et mal définis. Le présent article propose de remédier à cette impropriété lexicale et à cette déficience sémantique en présentant une nouvelle collection de dénominations et une nouvelle collection de définitions.Private international law and the other sets of rules of a legal order which touch upon its relations with other legal orders are poorly named and poorly defined. This article proposes to remedy that lexical impropriety and that semantic deficiency by presenting a new collection of names and a new collection of definitions.
- Perquisitionner les nuages - "CLOUD Act", souveraineté européenne et accès à la preuve dans l'espace pénal numérique - Frederick T. Davis, Charlotte Gunka p. 43-66 À l'heure où la crise du Covid-19 a fait prendre conscience de la nécessité pressante pour les États européens de renforcer leur souveraineté nationale à travers celle de l'Union européenne, un retour aux possibilités offertes par le CLOUD Act américain en matière de souveraineté pénale et numérique s'impose. Le CLOUD Act propose en effet de réformer les mécanismes d'entraide judiciaire en consacrant le critère de l'accès à la preuve numérique autorisant des perquisitions informatiques hors des frontières étatiques, quelle que soit la localisation des données. Bien que ce critère permette une application extraterritoriale plus étendue des procédures pénales américaines, l'analyse des règlements européens et des législations en vigueur en France et au Royaume-Uni confirme que l'approche européenne n'est pas si différente de celle introduite par les États-Unis. L'émergence du monde informatique et l'accélération des nouvelles technologies ont créé un « espace pénal numérique », immatériel et sans frontière, qui nécessite une réforme profonde des procédures pénales permettant une coopération internationale plus rapide et efficace contre la criminalité transnationale. Cette réforme doit permettre à l'Europe, notamment par le biais de son nouveau Parquet européen, d'affirmer sa souveraineté numérique grâce aux droits fondamentaux individuels qu'elle contribue à véhiculer sans troquer la sécurité et les intérêts stratégiques de ses États membres.At a time when the Covid-19 crisis has raised awareness over the urgent need for European Member States to enhance their national sovereignty through the European Union, it is essential to go back to the possibilities offered by the U.S. CLOUD Act with regard to criminal and digital sovereignty. The CLOUD Act proposes a reform of current mutual legal assistance mechanisms by establishing access to digital evidence as the benchmark authorizing computer searches outside state borders, regardless of the location of the relevant data. Although this benchmark allows for more extensive extraterritorial application of U.S. criminal proceedings, an analysis of European regulations and legislation currently in force in France and the United Kingdom confirms that the European approach is not so different from the one introduced by the U.S. government. The emergence of the computer world and the acceleration of new technologies have created a criminal digital space, ephemeral and borderless, which requires a fundamental transformation of criminal procedures allowing for faster and more efficient international cooperation against transnational crime. This should give an opportunity to Europe, in particular through its new European Public Prosecutor's Office, to assert its digital sovereignty through the individual fundamental rights that it continues to promote without undermining the security and strategic interests of its Member States.
- La refonte du règlement sur l'obtention des preuves en matière civile - Vincent Richard p. 67-77 Le règlement (UE) n° 2020/1783 adopté le 25 novembre 2020 procède à la refonte du règlement (CE) n° 1206/2001 relatif à la coopération entre les juridictions des États membres dans le domaine de l'obtention des preuves en matière civile ou commerciale. Les demandes d'obtention de preuves entre les États membres devront désormais privilégier les communications électroniques en s'appuyant sur une solution informatique décentralisée telle que l'e-CODEX. La refonte vise également à renforcer l'attrait du règlement en élargissant la notion de juridiction et en encourageant l'exécution directe des mesures d'instruction par la juridiction requérante.Regulation (EU) n° 2020/1783 adopted on 25 november 2020 recasts Regulation (EC) n° 1206/2001 on cooperation between the courts of the Member States in the taking of evidence in civil or commercial matters. Requests for the taking of evidence between Member States shall be transmitted through a decentralised IT system such as e-CODEX. The recast also aims at enhancing the attractiveness of the Regulation by broadening the concept of court and by encouraging direct taking of evidence by the requesting court.
- Droit des étrangers et des migrations : entre protection de l'ordre public et définitions de la liberté - Thibaut Fleury Graff p. 79-92
- « Erga- » : Contribution sémantique et lexicale à une étude unifiée des relations entre ordres juridiques - Didier Boden p. 5-42
Jurisprudence
- La déchéance de nationalité résiste à l'article 8 conv. EDH et à la règle non bis in idem : (CEDH 25 juin 2020, n° 52273/16, AJDA 2020. 1323) - Paul Lagarde p. 93-105 Bien que le droit à la nationalité ne soit pas en tant que tel garanti par la Convention ou par ses protocoles, une déchéance arbitraire de nationalité peut dans certaines circonstances poser un problème au regard de l'article 8 de la Convention du fait de son impact sur la vie privée de l'intéressé. (1)Quant aux conséquences de ces décisions sur la vie privée des requérants, il est vrai que leur capacité à rester en France s'en trouve fragilisée. Étrangers sur le sol français, ils peuvent désormais faire l'objet d'une mesure d'éloignement. Or une mesure de ce type serait susceptible d'avoir des incidences sur leur vie privée en ce qu'elle pourrait notamment provoquer la perte de leur travail, leur séparation de leurs proches et une rupture des liens sociaux qu'ils ont pu développer en France. Toutefois, en l'état du dossier, dès lors qu'aucune mesure d'éloignement n'a été prise, la conséquence de la déchéance de nationalité sur la vie privée des requérants tient à la perte d'un élément de leur identité. (2)Pour que s'applique l'article 4 du Protocole n° 7, aux termes duquel nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement en raison d'une infraction pour laquelle il a déjà été définitivement acquitté ou condamné, il faudrait déterminer si, par l'effet de cette déchéance de la nationalité française, en application de l'article 25 du code civil, les requérants peuvent être considérés comme ayant été « punis pénalement » au sens de l'article 4 du Protocole. Or il résulte tant du droit français que de la nature de cette mesure et de ce qu'elle n'a pas en elle-même pour effet l'éloignement hors du territoire français de ceux qu'elle touche, que la déchéance de nationalité prévue par l'article 25 du code civil n'est pas une punition pénale, au sens de l'article 4 du Protocole n° 7 et que cette disposition n'est donc pas applicable en l'espèce. (3)
- Improbable retour en grâce de la théorie générale des conflits de juridictions : naissance d'une règle de compétence purement internationale s'agissant d'une action en partage d'un bien immobilier situé en France - Étienne Farnoux p. 106-127 S'agissant d'une action en partage d'un bien immobilier situé en France, exercée sur le fondement de l'article 815-17, alinéa 3, du code civil, l'extension à l'ordre international des critères de compétence territoriale du juge aux affaires familiales, fondés sur la résidence de la famille ou de l'un des parents ou époux, n'était pas adaptée aux nécessités particulières des relations internationales, qui justifiaient, tant pour des considérations pratiques de proximité qu'en vertu du principe d'effectivité, de retenir que le critère de compétence territoriale devait être celui du lieu de situation de ce bien.
- Notion de litige transfrontière et conformité aux droits fondamentaux de la déjudiciarisation des procédures de recouvrement forcée - Vincent Richard p. 128-137 L'article 18 TFUE et l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ne s'opposent pas à une réglementation nationale habilitant les notaires, agissant dans le cadre des compétences qui leur sont dévolues dans les procédures d'exécution forcée sur le fondement d'un document faisant foi, à rendre des ordonnances d'exécution qui ne peuvent pas être reconnues et exécutées dans un autre État membre.
- Les mystères du domicile apparent - Maud Minois p. 137-147 Le demandeur a la possibilité d'attraire le défendeur devant les juridictions françaises de son domicile apparent s'il est établi que le premier pouvait légitimement croire qu'il s'agissait du domicile réel du second.
- À propos de l'application du Règlement Bruxelles II bis dans les relations avec les États tiers - Rebecca Legendre p. 146-156 Une juridiction d'un État membre est compétente pour connaître d'une demande en divorce, dès lors que l'un des critères alternatifs de compétence qu'il énonce est localisé sur le territoire de cet État, peu important que les époux soient ressortissants d'États tiers ou que l'époux défendeur soit domicilié dans un État tiers. Cette règle de compétence est exclusive de toute règle de compétence de droit international privé commun.
- Compétence pour ordonner la mainlevée d'une saisie conservatoire transfrontière - Gilles Cuniberti p. 157-30 1) L'article 1er, paragraphe 1, du règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2012, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, doit être interprété en ce sens qu'une action en référé, introduite devant une juridiction d'un État membre, dans le cadre de laquelle une organisation internationale invoque son immunité d'exécution afin d'obtenir tant la mainlevée d'une saisie-arrêt conservatoire, exécutée dans un État membre autre que celui du for, que l'interdiction de pratiquer de nouveau une telle saisie sur le fondement de mêmes faits, et engagée parallèlement à une procédure au fond portant sur une créance résultant du non-paiement allégué de carburants fournis pour les besoins d'une opération de maintien de la paix assurée par cette organisation, relève de la notion de « matière civile ou commerciale », pour autant que cette action n'est pas exercée en vertu de prérogatives de puissance publique, au sens du droit de l'Union, ce qu'il appartient à la juridiction de renvoi d'apprécier.2) L'article 24, point 5, du règlement n° 1215/2012 doit être interprété en ce sens qu'une action en référé, introduite devant une juridiction d'un État membre, dans le cadre de laquelle une organisation internationale invoque son immunité d'exécution afin d'obtenir tant la mainlevée d'une saisie-arrêt conservatoire, exécutée dans un État membre autre que celui du for, que l'interdiction de pratiquer de nouveau une telle saisie sur le fondement de mêmes faits ne relève pas de la compétence exclusive des juridictions de l'État membre dans lequel la saisie-arrêt conservatoire a été exécutée.
- Ordre public international de procédure et étendue des pouvoirs du juge de l'exequatur pour statuer sur des demandes accessoires : nouvelles précisions de la Cour de cassation - David Sindres p. 169-183 En rejetant la demande d'exequatur, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si la connaissance par la défenderesse de l'assignation et de l'instance devant la juridiction californienne ne démontrait pas que ses droits au procès équitable et au recours effectif, au sens des articles 6 et 13 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, avaient été respectés, nonobstant l'absence de notification des décisions rendues, dès lors qu'elle disposait d'un délai d'un an à compter de la décision pour former un recours, ce dont il résultait qu'au regard des circonstances de l'espèce, les décisions américaines pouvaient ne pas révéler d'atteinte à l'ordre public international de procédure, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 509 du code de procédure civile et des articles 6 et 13 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.Le juge de l'exequatur, dont les pouvoirs se limitent à la vérification des conditions de l'exequatur, ne peut connaître d'une demande reconventionnelle en responsabilité fondée sur une faute qui n'a pas été commise au cours de l'instance dont il est saisi.
- Retour sur la notion d'inconciliabilité des décisions au sens du Règlement « Bruxelles I » - Samuel Fulli-Lemaire p. 184-193 Statuant sur l'article 27.3° de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, dont les termes sont identiques à ceux de l'article 34, 3) du règlement CE n° 44/2001 (« Bruxelles I »), la Cour de justice des Communautés européennes a précisé qu'afin d'établir s'il y a inconciliabilité au sens de ce texte, il convenait de rechercher si les décisions en cause entraînaient des conséquences juridiques qui s'excluaient mutuellement (CJCE 4 févr. 1988, aff. C-145/86, Hoffmann c/ Krieg, pt 22).Deux décisions, dont l'une rejette une demande de nullité d'un prêt pour absence de cause et l'autre considère qu'aucune créance n'a pu valablement naître de ce même prêt, sont inconciliables au sens de l'article 34, 3) du règlement CE n° 44/2001 (« Bruxelles I »).
- Contrôle de la motivation et interdiction de la révision d'un jugement étranger - Hélène Gaudemet-Tallon p. 194-201 Viole l'article 37 de la convention judiciaire entre la France et le Togo du 23 mars 1976 l'arrêt qui, pour reconnaître qu'un individu n'est pas de nationalité française, retient que le jugement supplétif d'acte de naissance rendu le 18 août 2004 par le tribunal de première instance de Lomé ne mentionne le nom et l'âge d'aucun témoin et ne comporte aucune énonciation de faits susceptibles de justifier la décision et que ce défaut de motivation n'est suppléé par aucun autre élément, alors que le jugement togolais était pourvu d'une motivation, en sorte que la cour d'appel ne pouvait substituer sa propre appréciation de la valeur et de la portée des éléments de preuve à celle du juge togolais sans procéder à une révision au fond de ce jugement.
- La soumission de l'arbitrage international à un régime protecteur du consommateur - Éric Loquin p. 202-222 Au nombre des moyens adéquats et efficaces devant garantir aux consommateurs un droit à un recours effectif doit figurer la possibilité d'introduire un recours ou de former opposition dans de conditions procédurales raisonnables, de sorte que l'exercice de leurs droits ne soit pas soumis à des conditions, notamment de délais ou de frais, qui amenuisent l'exercice des droits garantis par la directive 93/13.Selon la Cour de justice, en l'absence de réglementation communautaire en la matière, les modalités procédurales visant à assurer la sauvegarde des droits que les justiciables tirent du droit communautaire relèvent de l'ordre public interne de chaque État membre en vertu du principe de l'autonomie procédurale des États membres, à condition toutefois qu'elles ne soient pas moins favorables que celles régissant des situations similaires de nature interne (principe d'équivalence) et qu'elles ne rendent pas impossible en pratique ou excessivement difficile l'exercice des droits conférés par l'ordre juridique communautaire (principe d'effectivité).Il résulte de l'article 1448 du code de procédure civile, applicable à l'arbitrage international en vertu de l'article 1506 du même code, sauf si les parties n'en sont autrement convenues, que lorsqu'un litige relevant d'une convention d'arbitrage est porté devant une juridiction de l'État, celle-ci se déclare incompétente sauf si le tribunal arbitral n'est pas encore saisi et si la convention d'arbitrage est manifestement nulle ou manifestement inapplicable.La règle procédurale de priorité édictée par ce texte ne peut avoir pour effet de rendre impossible, ou excessivement difficile l'exercice des droits conférés au consommateur par le droit communautaire que les juridictions nationales ont l'obligation de sauvegarder.Dès lors, la cour d'appel qui, après en avoir examiné l'applicabilité, en tenant compte de tous les éléments de droit et de fait nécessaires dont elle disposait, a écarté la clause compromissoire en raison de son caractère abusif, a, sans méconnaitre les dispositions de l'article 1448 du code de procédure civile, accompli son office de juge étatique auquel il incombe d'assurer la pleine efficacité du droit communautaire de protection du consommateur.
- Le juge sénégalais et les effets de la dissolution d'un PACS intervenue en France - Abdoul Aziz Diouf, El Hadji Samba Ndiaye p. 223-235
- La propriété cédée à titre de garantie sans publicité en Allemagne reste valable après le déplacement du bien en Autriche - Wolfgang Faber, Martine Costa p. 235-245 Renversant une jurisprudence constante depuis des décennies, la Cour suprême d'Autriche décide qu'une propriété valablement cédée en Allemagne à titre de garantie au moyen d'un constitut possessoire - c'est-à-dire sans publicité - reste valable après le transfert du bien grevé en Autriche.
- La déchéance de nationalité résiste à l'article 8 conv. EDH et à la règle non bis in idem : (CEDH 25 juin 2020, n° 52273/16, AJDA 2020. 1323) - Paul Lagarde p. 93-105
Éclairages
Bibliographie
- Private International Law Aspects of Corporate Social Responsibility, par Catherine Kessedjian et Humberto Cantú Rivera (dir.), Springer AG, coll. Ius comparatum - Global studies in comparative law, vol. 42, 2020, 701 pages - Fabien Marchadier p. 265-268
- Diversity and Integration in Private International Law, par Verónica Ruiz Abou-Nigm et María Blanca Noodt Taquela (dir.), Edinburgh University Press, 2019, 404 pages - Samuel Fulli-Lemaire p. 268-270
- L'étranger, Institut des hautes études internationales, coll. « Grandes pages du droit international », vol. VI, éd. Pedone, 2020, 288 pages - Natalie Joubert p. 270-272
- Conflict of Laws and the Internet, par Pedro de Miguel Asensio, Edward Elgar, coll. Elgar Information Law and Practice, 2020, 490 pages - Fabienne Jault-Seseke p. 272-275
- Human Rights Unbound. A Theory of Extraterritoriality, par Lea Raible, Oxford University Press, 2020, 256 pages - Étienne Pataut p. 276-278
- Nationalité et souveraineté, par Jules Lepoutre, préf. Xavier Vandendriessche, avant-propos Patrick Weil, Dalloz, Nouvelle Bibliothèque de Thèses, vol. 196, 2020, 810 pages - Amélie Dionisi-Peyrusse p. 278-285