Contenu du sommaire : Transition

En psychiatrie, la transition désigne le passage des services de soins pour enfants et adolescents aux services pour adultes. Cela se produit vers l'âge de 18 ans (majorité civile) dans la plupart des pays du monde. Bien qu'il soit indéniable que les besoins des enfants soient différents de ceux des adultes, cette barrière artificielle de l'âge chronologique pose des problèmes pour une continuité optimale des soins. La croissance n'est, en effet, pas uniforme dans le temps et l'âge développemental ainsi que la maturation cérébrale jouent un rôle crucial dans l'autonomisation des individus. Ceci impacte alors la transition qui peut ainsi être sous optimale et conduire à une discontinuité thérapeutique, lors du passage d'un service à l'autre. Ces jeunes, dépourvus de soins, reviennent parfois des années plus tard dans des situations plus chroniques que s'ils avaient eu une continuité thérapeutique. Il semble urgent de changer les politiques et d'adapter les soins psychiatriques aux nouvelles découvertes sur le développement du cerveau qui se poursuit tout au long de la vie plutôt que de se focaliser uniquement sur un âge chronologique. Cette adaptation contribuerait à diminuer les déficits de soins.

Cet article fait suite à un travail de thèse de doctorat (Chantepie, 2020) portant sur l'évaluation, sous le prisme de l'investissement psychique de la temporalité, des processus de changement au cours de psychothérapies psychanalytiques menées auprès d'adolescents et de jeunes adultes. Ici, l'auteur propose des éléments de réflexion, orientés par la pensée psychanalytique, sur les spécificités à l'œuvre dans les remaniements psychiques engagés par le devenir adulte, à la suite des réaménagements pubertaires mis en jeu durant l'adolescence. La temporalité psychique s'offre comme une heuristique particulièrement intéressante à cet égard, en ce qu'elle permet un travail d'écart et d'articulation des deux processus psychiques visés – l'adolescence d'une part, le devenir adulte d'autre part. Ce prisme permet de souligner que si ces deux processus s'apparentent à des expériences de temporalisation, le devenir adulte offre la possibilité d'une véritable élaboration en après-coup du temps pubertaire lui-même. Le propos de l'auteur sera éclairé par le cas clinique d'une jeune femme ayant entrepris une psychothérapie psychanalytique à l'orée de ses 18 ans.

Les conduites à risque chez les adultes évoquent les recherches aux limites chez les adolescents, dans leur processus de subjectivation. Si la recherche des sensations en lieu et place des affects court-circuite l'élaboration mentale, elle est par définition transitoire, liée au remaniement pubertaire. Quand les agirs s'ancrent dans la répétition et dans le temps, ils peuvent témoigner de traumatismes cherchant à s'élaborer. L'exemple d'un sportif de l'extrême, qui a subi de nombreux deuils et qui récidive dans la prise de risques, potentiellement mortels, vient soutenir cette hypothèse, éprouvée par des tests projectifs. Il montre aussi comment l'évolution s'opère, dans une quête du maternel permettant la restauration après la destruction.

Un groupe de travail interdisciplinaire et intersectoriel bruxellois s'est réuni afin de réfléchir aux transitions de l'adolescence à l'âge adulte et les enjeux de celles-ci. Dans ces moments charnières mêlés d'injonctions à l'autonomie, un basculement entre une logique de protection vers une logique de responsabilisation s'opère. À partir de ce constat, nous interrogeons la question de la transgression et de l'échec pour les jeunes, leurs familles et les institutions de soins au regard du contexte social. Des lieux d'accueil en marge et en collaboration étroite avec le réseau apparaissent comme une nécessité pour accompagner ces jeunes en transition. L'écoute de ce que les jeunes nous disent sur le fonctionnement collectif et le dialogue avec eux/elles nous permettent d'inventer des réponses alternatives.

Dans le présent travail nous nous employons à interroger les soubassements métapsychologiques du dispositif de la Thérapie Institutionnelle. Nous exposons la fonction thérapeutique de cette approche à partir de son hypothèse psychopathologique fondamentale, développée conjointement par Jacques Schotte et Jean Oury, laquelle conceptualise le désordre psychotique comme un trouble profond du rythme pulsionnel. En déployant les conséquences de cette hypothèse, nous montrons comment la prise en considération de l'organisation rythmique de la jouissance du sujet nous amène à la nécessité de formuler une clinique différentielle de modes temporels de la psychose ainsi qu'une logique de leurs transitions. Une idée renouvelée de la thérapeutique s'en dégage car la réflexion sur la Psychothérapie Institutionnelle nous dévoile que, indépendamment de la forme particulière que prend l'approche clinique (psychothérapeutique, comportementale ou même biologique), le traitement des psychoses opère toujours, que le praticien le sache ou non, comme une orthopédie du rythme subjectif.

La santé, prise en compte dans sa globalité par l'OMS dès 1946, concerne les sphères somatique, psychique et sociale. Ainsi définie, elle se doit d'inclure les acteurs de chacun de ces champs. Afin de penser et d'organiser leurs liens, il a été mis en place des « réseaux de santé », dont les réseaux pour « adolescents en grande difficulté ». Ces réseaux ont initié un changement dans les institutions, non pas de leur pratique, mais de la façon de penser leur pratique : la penser reliée dans un maillage partenarial, la penser « en réseau ».Cet article propose de contribuer à la réflexion sur les pratiques de travail « en réseau » à partir du champ théorique psychanalytique groupal du lien. Il viendra discuter, au travers de l'expérience du Dispositif de Clinique Indirecte Concertée Arpège, des modalités de liaison interinstitutionnelle à l'usage des professionnels et indirectement, des adolescents et de leur famille. Le cadre clinique des réunions dites « de coordination » proposé par l'équipe s'ajuste continuellement pour permettre à cet ensemble impliqué de se lier, de partager et de constituer pour le sujet un nouveau contenant psychique.

Cet article présente un dispositif thérapeutique original pour les auteurs de violences sexuelles. Il est issu d'une expérience initiée en milieu hospitalier, qui s'est réinventée pour notamment s'adapter aux contraintes de la pratique hors institution. Après une brève exploration de la littérature portant sur les thérapies dites « combinées », nous présenterons les particularités du dispositif proposé : une « psychothérapie mixte » alliant entretiens individuels et sessions de groupe, où l'un des thérapeutes a la fonction de « fil rouge ». Un cas clinique montrera en quoi l'emboîtement de ces deux espace-temps est mobilisateur, favorisant notamment la mise au jour d'expériences traumatiques jusqu'alors « oubliées ». Enfin, les auteurs proposeront la notion de « transvasement » pour décrire le processus de potentialisation qui se déploie entre, à travers et au-delà des scènes individuelle et groupale.

Partant des nombreux ponts possibles entre une clinique de la transition adolescentaire et les impasses des personnes dépendantes à l'alcool, nous avons mis en avant la difficulté pour ces personnes de vivre les divers moments de transition en dehors d'un vécu de rupture et de fragilisation identitaire. Toute séparation ramène à une perte réelle de l'autre et, en miroir, de soi. Comment un cadre thérapeutique peut tenter de soutenir un certain travail autour de ces « passages » ? Pour ce faire, nous avons exploré le concept de transitionnalité, de préoccupation maternelle primaire, d'accrochage à un objet réel de dépendance afin d'aboutir sur les processus de séparation et d'individuation. Nous évoquons comment les différentes étapes et approches spécifiques d'un dispositif peuvent être autant d'occasions d'éprouver ces enjeux. La reprise dans les espaces de soin, de parole et de lien à l'autre réhumanisant (soignants et non-soignants) devrait rendre possible une transformation du patient lui permettant de renouer avec ses parts « capables », ouvrant la porte à d'autres investissements du côté d'une liberté nouvelle.

L'enjeu élaboratif de l'expérience de la maladie en phase aiguë est fondamentale pour l'être en transition qu'est l'enfant. Pour lui permettre de symboliser ce qui n'est pas symbolisable en l'état, le clinicien est amené à soutenir une fonction « transitionnelle ». Ce travail psychique par paliers est initié à partir du proto-thérapeutique. Cet article propose de décrire la qualité de ce travail psychique réalisé en institution onco-pédiatrique qui participerait au maintien de l'activité symbolisante ainsi que de la prévention de la qualité et de l'intensité des effets d'un après-coup de l'événement à valence traumatique.

En clinique infantile, l'intrication des troubles précoces dans la dynamique développementale et la multiplicité des modalités d'expression de l'enfant, du corps somatique au langage verbal, obligent le thérapeute à s'ajuster à de multiples transitions internes à la thérapie.Pour ce faire, les principes analytiques de la clinique présentée ici s'actualisent au sein d'un dispositif de psychomotricité relationnelle (Pratique Aucouturier).La partie théorique revient sur le paradigme de l'objet transitionnel de D.W.Winnicott, et sur les multiples formes intermédiaires de symbolisations, corporelles, primaires et secondaires. Celles-ci serviront de repères dans l'évolution thérapeutique.La partie clinique illustre ce « voyage dans l'espace transitionnel » auquel nous invitent les thérapies de deux enfants souffrant d'un trouble sévère du développement précoce. Des moments clés de leur évolution sont décrits.

À partir d'œuvres de fiction, de la clinique et de l'usage quotidien des nouvelles technologies de la communication, l'auteur s'intéresse à la transition de notre monde vers davantage de virtuel. Il s'agit de réfléchir aux effets probables de cette transition sur les façons d'éprouver le lien à autrui. L'auteur développera sa pensée à partir principalement de deux concepts : les processus transitionnels et la capacité d'être seul (D.W. Winnicott).

Notre article se propose de présenter les résultats d'une recherche doctorale en psychologie interculturelle investiguant les interactions entre le processus d'interculturation et les processus cognitifs et développementaux en France et à Singapour. En particulier, nous proposons de revenir sur le cas de Meziane, un adolescent singapourien, dont le développement identitaire ne se fait pas sans difficulté au cœur de son environnement multiculturel institutionnalisé.À travers la présentation de ce cas clinique, nous analyserons les relations qui nous semblent pouvoir émerger entre le développement de l'identité et le conflit que peut représenter pour le sujet le contact de cultures. Dans ce jeu des influences réciproques, nous pensons que le contact de cultures peut venir déstabiliser et/ou au contraire étayer le développement identitaire. Tout autant, le processus de développement identitaire peut venir réduire et/ou accentuer le conflit perçu dans la situation de contact de cultures. Nous proposons enfin une mise en perspective de notre vignette clinique au regard des statuts d'identité et des processus d'exploration et d'engagement identitaire.

Entre transitions de vie, le processus dit « de transition démocratique » en Tunisie et la rencontre clinique et institutionnelle avec des adolescents en grandes difficultés, s'articulent de nombreux défis, lacunes et questionnements. Le texte propose de soulever quelques-uns et d'analyser les spécificités de ces transitions à travers les mots qui y sortent et les liens qui se tissent. Une hypothèse de contiguïté des effets du contexte sur des lieux du soin est examinée. Sur le fil de ce qui se passe au niveau collectif, clinique et institutionnel, la transition se dessine comme un moteur de vie qui nécessite une élaboration soutenue à tous les niveaux. Quelques recommandations sont avancées à la fin pour mieux accompagner ces processus transitionnels complexes.

L'éducation sexuelle en milieu scolaire a bien grandi. D'une éducation qui visait à prévenir les jeunes des différents risques liés à sa pratique, elle intègre désormais les dimensions affectives et relationnelles de la sexualité en s'adressant aux élèves tout au long de leur scolarité. Le planning familial est un des acteurs en Belgique francophone de cette éducation à la vie relationnelle, affective et sexuelle (EVRAS). Nous décrirons dans cet article notre activité d'animateur EVRAS en nous aidant de la pensée de Jean Laplanche, et plus spécifiquement de sa théorie de la séduction généralisée. Cet usage de théories psychanalytiques comme objet de traduction d'une pratique de prévention nous permettra de penser les animations EVRAS autant sur le versant du collectif que sur celui de l'intrapsychique. Ce passage par l'œuvre de Laplanche nous mènera à l'hypothèse que l'EVRAS aurait des effets de connaissance dans la culture ambiante autant que de refoulement dans la construction psychique singulière.

Nous décrivons ici une expérience de création d'un collectif de consultation psychologique bénévoles créé au début du premier confinement implémenté par les autorités belges pour gérer la pandémie de COVID-19 qui a éclaté en mars 2020. Neuf psychologues et psychothérapeutes d'orientations différentes, dont la plupart ne se connaissaient pas, se sont réuni·es pour mettre en place ce dispositif qui a existé de mars à juin 2020. L'idée derrière sa création était de pouvoir proposer un lieu d'adresse temporaire, le temps que le réseau de la santé mentale trouve les adaptations nécessaires pour faire face aux nouvelles contraintes de la situation. Nous aimerions partager les conclusions et les enseignements de qui furent pour nous riches et intéressants tant d'un point de vue personnel que clinique.