Contenu du sommaire : La « zone réservée » des Allemands en France sous l'Occupation
Revue | Guerres mondiales et conflits contemporains |
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Numéro | no 286, avril-juin 2022 |
Titre du numéro | La « zone réservée » des Allemands en France sous l'Occupation |
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La « zone réservée » des Allemands en France sous l'Occupation
- Introduction. La « zone réservée » des Allemands en France sous l'Occupation - Marie-Bénédicte Vincent p. 3-13
- La politique des réfugiés de la IIIe République, la défaite et le zonage de la France - Johannes Großmann p. 13-27 Tandis que l'histoire de l'« Exode » de mai-juin 1940 est désormais plutôt bien étudiée, l'évacuation préventive touchant les trois départements frontaliers du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle en septembre 1939 a reçu nettement moins d'attention. Sur la base d'un projet de recherche collectif franco-allemand, l'article met en évidence les interrelations entre la politique des réfugiés de la IIIe République, l'invasion allemande et la réorganisation du territoire français après l'armistice. Il retrace ainsi les antécédents, le contexte situationnel et les conditions préalables à la création de la « zone interdite » ou « zone réservée » en s'intéressant tout particulièrement aux liens entre les déplacements de population et le zonage territorial de la France sous l'occupation.While the history of the French “Exode” of May-June 1940 is nowadays rather well studied, the preventive civil evacuation concerning the three border departments of Haut-Rhin, Bas-Rhin and Moselle in September 1939 has received much less attention. Based on a joint Franco-German research programme, the article highlights the interrelations between the refugee policy of the French Third Republic, the German invasion and the territorial reorganisation of France after the Armistice. It recalls the historical backgrounds, the situational context and the preconditions for the creation of the “Forbidden Zone” or “Reserved Zone”, emphasising the links between population movements and the territorial fragmentation of France under German occupation.
- Besançon sous l'Occupation : le poids de la zone réservée - Anne-Laure Charles p. 27-39 Si l'armistice de juin 1940 définit l'étendue de l'occupation du territoire national, d'autres espaces géographiques subissent des gestions, ou des projets de gestion, en violation des clauses de la convention franco-allemande. Ainsi, le territoire franc-comtois est en partie occupé par les Allemands et relève, en sus, de la zone interdite, ou réservée, empêchant le retour des réfugiés, et envisagée pour être rattachée au Reich. Inquiétude et législation confuse ponctuent le quotidien des populations locales.June 1940: the first German units invaded Besançon, a city of 60 000 inhabitants, on the border of Switzerland and the Reich. From there, the city was ruled by the German authorities, and belonged to a restricted area planned to become a part of the Reich territory. Worries alongside changeable territorial laws marked the daily routine of the population.
- L'enseignement secondaire à l'épreuve de l'Occupation allemande dans la zone interdite franc-comtoise - Maud Cussey-Besançon p. 39-53 En juin 1940, les troupes d'occupation allemandes s'installent sur une grande partie du territoire français dans lequel on délimite une zone au statut particulier : la zone « interdite ou réservée ». La Franche-Comté en fait presque intégralement partie. Le quotidien des populations et des établissements scolaires est rapidement bouleversé. Adultes comme élèves doivent s'accommoder de la situation et vivre au rythme du couvre-feu, des pénuries, des réquisitions, de la propagande, des censures, des arrestations… Il faut repenser le quotidien, poursuivre la mission éducative en s'adaptant sans cesse à la présence menaçante de l'occupant aux abords et au sein des établissements scolaires.In June 1940, the German occupation troops settled in a large part of French territory in which an area with a special status is defined: the area “prohibited or reserved”. The Franche-Comté is almost entirely part of it. The daily life of populations and schools is quickly turned upside down. Both adults and students must cope with the situation and live to the rhythm of curfews, shortages, requisitions, propaganda, censorship, arrests… They had to rethink their daily lives and to continue the educational mission by constantly adapting to the threatening presence of the occupier near and within the schools.
- Exploiter l'agriculture dans la zone interdite entre 1940 et 1944 : l'action de la société Ostland - Margot Lyautey p. 53-69 Comment l'Allemagne nazie exploite-t‑elle l'agriculture dans la zone interdite ? Les autorités d'occupation profitent de la production agricole d'une manière spécifique à travers l'action de la société Ostland. Cette entreprise de capital public est un rouage important de la politique agricole d'occupation, car elle exerce dans cette zone un faire-valoir direct sur des fermes françaises. Sur 170 000 hectares de terres agricoles, elle place des spécialistes allemands à la tête de quelque 370 grandes exploitations, où sont appliquées des méthodes dites « modernes ». Mais son action se traduit aussi par la mise en œuvre d'une gestion résolument national-socialiste de la main-d'œuvre, fondée sur une hiérarchisation de catégories de race et de genre.How did Nazi Germany exploit agriculture in the “Forbidden Zone”? The occupation authorities profited from agricultural production in a specific way, through the actions of the Ostland company. This state-owned firm was an important part of the agricultural occupation policy, as it directly managed French farms in the area. On 170,000 hectares of farmland, it placed German specialists at the head of some 370 large farms, where so-called “modern” methods were applied. But its activity also manifested itself in the implementation of a distinctly National-Socialist management of the workforce, based on a hierarchy of categories of race and gender.
- La persécution des Juifs dans la zone réservée - Rudy Rigaut p. 69-85 Cet article propose d'analyser la persécution des Juifs en l'insérant dans ce cadre régional particulier que représente la « zone réservée ». Dans une démarche résolument microhistorique, l'étude aborde du point de vue des bourreaux, qu'ils soient décideurs ou exécuteurs, la question du calendrier qui révèle un alignement sur celui instauré dans la zone occupée et met aussi en évidence le « paradoxe » de l'année 1944. La spécificité du sort réservé aux Juifs dans cette zone est également appréhendée à travers des lieux particuliers : les camps d'Écrouves, de Vittel et des Mazures. L'auteur traite aussi la question des tentatives de fuite vers la Suisse du point de vue des victimes, donnant ainsi à voir toutes les dimensions du processus de persécution dans cette configuration régionale spécifique.This article suggests to analyse the Jewish persecution within the particular regional framework which the “Reserved Zone” embodies. Opting for a decidedly microhistoric approach, the study deals with the issue of the calendar, which reveals an alignment following the one set up in the occupied zone, from the point of view of the torturers, should they be executives or subordinates; it also stresses the year 1944 « paradox ». The specific treatment reserved to the Jews in the zone is also dealt with through some particular locations: The camps in Ecouvres, Vittel and Mazures. The author deals also with the issue of the escape attempts towards Switzerland, from the point of view of the victims, allowing thus an insight into all the persecution process dimensions pertaining to that specific regional configuration.
- Images de soi, reflets de l'occupant. Trois exemples d'écriture personnelle en zone réservée - Stéphanie Krapoth p. 85-101 Cette réflexion constitue le premier jalon d'une recherche comparée collective sur les égo-documents par temps de conflit et de contrainte politique. Trois témoins livrent leurs carnets personnels qui s'avèrent être de véritables collages, intégrant des coupures de presse. Trois jeunes diaristes, trois contextes de vie en zone réservée : une mère de famille (née en 1910) attendant le retour de son mari, une paysanne (née en 1923), un horloger en formation (né en 1927). Tous trois gèrent avant tout les urgences du quotidien. Nous pouvons constater en particulier la grande retenue de ces témoins, leur méticulosité dans le détail, ainsi que leur patriotisme. La précision de ces écrits sert-elle à leurs auteurs de repère rassurant face aux incertitudes inhérentes au contexte ?This paper is the first step of a comparative group study on egodocuments during times of conflict and political constraint. Three witnesses confide in their personal notebooks, in form of collages including newspaper cuttings. Three young diarists, three living environments in the “Reserved Zone” (1940-1942): a mother (born in 1910) waiting for her husband to return, a peasant woman (b. in 1923), and a watchmaker in training (b. in 1927) belonging to a Resistance group. We can observe first of all the authors' self-restraint, then their thoroughness and, finally, their patriotic feelings. They all deal primarily with their everyday lives' needs, hoping for the end of the German occupation. Does their meticulousness in writing help reassure them against the inherently uncertain context?
- Individus et sociétés en guerre : en quête d'histoire(s) en zone réservée - Vincent Briand, Aurélie Cousin p. 101-114 Les mentions de la zone réservée restent rares, pour ne pas dire invisibles. Ce constat paradoxal d'une trace éparse, concernant pourtant une situation vécue par une grande partie des Francs-Comtois entre 1940 et 1944, interroge sur la manière dont le musée de la Résistance et de la Déportation de Besançon conserve le patrimoine autant qu'il participe de l'écriture de l'Histoire. Avec plus de 1 600 donateurs, une véritable galaxie de parcours personnels forme la base des collections qui ne cessent de s'enrichir. Parmi elles, intimement liées à la mémoire familiale, les photographies restent difficiles à collecter, en ce qu'elles sont perçues comme sans intérêt en dehors du cercle des proches. Indéniablement pourtant, elles nous aident à documenter la zone réservée qui, par bien des aspects, reste à découvrir.The “Reserved Zone” is rarely mentioned, even invisible. This phenomenon is paradoxical because it relates to a situation experienced by a large proportion of the Francs-Comtois between 1940 and 1944 and questions the way in which the museum of Resistance and Deportation of Besançon conserves heritage and participates in the writing of history. With more than 1,600 donors, a true galaxy of personal journeys forms the basis of the collections. Among them, because they are intimately linked to family memory, photographs remain difficult to collect, as they are perceived as irrelevant outside the circle of relatives. Undoubtedly, however, they help us document the reserved area, which in many ways remains to be discovered.
Varia
- Refouler la défaite : le mythe de l'armée de l'air invaincue en 1940 - Claude d'Abzac-Epezy p. 115-128 Le mythe selon lequel l'armée de l'air française aurait remporté en mai-juin 1940 davantage de victoires sur la Luftwaffe qu'elle n'a subi de pertes et qu'elle serait donc « invaincue » naît dès le mois de juillet 1940 dans le contexte de l'attaque anglaise sur Mers el-Kébir. Malgré les démentis, ce mythe fait l'objet de croyances tenaces, car il renforce une identité positive de l'armée de l'air et des pilotes de chasse. Cette étude propose de retracer comment le mythe a pris naissance et s'est imposé pour tenter ensuite de comprendre le contexte et les raisons de la falsification historique et enfin d'en analyser les conséquences, car nier l'échec, c'est aussi s'exposer à le reproduire.The narrative of the 1000 aerial victories of French Armée de l'Air in May-June 1940 was born in July 1940 in the context of the English attack on Mers-el-Kébir. Despite the denials, this myth has been the subject of stubborn beliefs until now because it reinforces a positive identity for the Armée de l'Air and its elite: fighter pilots. This study proposes to retrace how the myth originated and imposed itself, then, in order to try to understand the context and the reasons for historical falsification and finally to analyze the consequences, because to deny failure is also risking to reproduce it.
- Refouler la défaite : le mythe de l'armée de l'air invaincue en 1940 - Claude d'Abzac-Epezy p. 115-128
Témoignage
- Une jeunesse en résistance Catherine Varlin-Winter - Claude Collin p. 129-148
Filmographie
- Revenir à Rivesaltes, Film documentaire de Jo Anger-Weller, 2017, 47 minutes - Claude Collin p. 149-151
Comptes rendus
- Jean-François Klein, Pennequin, le « sorcier de la pacification », Madagascar-Indochine (1849-1916), Maisonneuve et Larose, Paris, 2021, 525 p. - Michel Bodin p. 153-155
- Daniel Aranda, Petits soldats dans la Grande Guerre. Les combattants juvéniles dans la littérature française entre 1914 et 1918, Lyon, Presses universitaires de Lyon, « Littératures & idéologies », 2021, 240 p. - Hubert Bonin p. 155-156
- Eberhard Demm, Censorship and Propaganda in World War I – a Comprehensive History, Londres, Bloomsbury, paperback, 2021, 329 p. - Charles Sorrie p. 156-158
- Claire Miot, La Première armée française, de la Provence à l'Allemagne, Paris, Perrin, 2021, 456 p. - Stéphane Weiss p. 158-160