Contenu du sommaire : De 1821 à 1922 – La France en Grèce – La Grèce en France
Revue | Rives méditerranéennes |
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Numéro | no 63, 2022 |
Titre du numéro | De 1821 à 1922 – La France en Grèce – La Grèce en France |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Dossier. De 1821 à 1922 – La France en Grèce – La Grèce en France
- De 1821 à 1922 – La France en Grèce – La Grèce en France - Tassos Anastassiadis, Ourania Polycandrioti p. 7-13
- Orientalisme et philhellénisme sous le Second Empire - Marilisa Mitsou p. 15-26 Plus connu pour l'enlèvement de Venus de Milo que pour son œuvre littéraire, retiré très tôt de la vie publique, Marie-Louis-Jean-André-Charles Demartin du Tyrac, comte de Marcellus (1795-1865) choisit de publier ses « mélanges orientaux » sous le Second Empire, au moment où le philhellénisme était en pleine régression. Tous les ouvrages « philhelléniques » du « dernier des classiques », comme l'avait qualifié Lamartine, remontent à son séjour à Constantinople en tant que secrétaire de l'ambassade (1816-1820) et à son périple en Méditerranée orientale à la fin de sa mission diplomatique. Marcellus dépeint l'Orient, dans un premier temps, comme « un pays rebelle à l'action des siècles, obstinément fermé à l'invasion des idées et de la civilisation nouvelle », puis reprend son récit en y ajoutant des épisodes littéraires et des portraits de Grecs qu'il aurait fréquentés à Constantinople, à Athènes et dans les îles Égéennes. L'autobiographie et le récit de voyage au service de l'histoire ; d'une histoire néanmoins inventée et d'une population imaginaire. Pourquoi ces anachronismes ? Pourquoi inventer le passé ? Cet article se propose de traiter le cas d'un philhellène tardif et singulier, celui du comte de Marcellus, tout en inscrivant son œuvre dans le contexte transnational des philhellénismes du XIXe siècle.Better known for the abduction of the Venus de Milo than for his literary work, and retired from public life at a very early age, Marie-Louis-Jean-André-Charles Demartin du Tyrac, Count de Marcellus (1795-1865) chose to publish his “mélanges orientaux” during the Second Empire, at a time when philhellenism was in full regression. All the “philhellenic” works of the “last of the classics”, as Lamartine had called him, date back to his stay in Constantinople as secretary of the embassy (1816-1820) and to his journey in the Eastern Mediterranean at the end of his diplomatic mission. Marcellus depicts the East, at first, as “a country rebellious to the action of the centuries, obstinately closed to the invasion of ideas and new civilization”, then takes up his account by adding literary episodes and portraits of Greeks that he would have frequented in Constantinople, Athens and the Aegean islands. Autobiography and travelogue at the service of history; of a history nevertheless invented and of an imaginary population. Why these anachronisms? Why invent the past? This article proposes to treat the case of a late and singular philhellene, that of the Count of Marcellus, while placing his work in the transnational context of the philhellenisms of the 19th century.
- De la France à la Grèce, et vice versa - Ioannis Koubourlis, Eleni Fournaraki, Dimitris Foufoulas, Myrto Lamprou p. 27-42 Dans cet article, on examine la naissance et la marche des idées saint-simoniennes à travers le prisme d'un transfert culturel qui a eu lieu entre deux pôles : nous allons restituer l'itinéraire que suivent ces idées de leur lieu d'origine et de première élaboration – la France de la Restauration et de la Monarchie de Juillet – jusqu'en Grèce, un pays d'Orient qui venait de gagner son indépendance contre les Ottomans. Notre étude porte sur une période qui s'étend de 1803 – date de parution d'une des premières œuvres de Saint-Simon – à 1843, l'année qui annonce la fin de la monarchie absolue en Grèce. Notre thèse se construit sur trois échelles chronologiques qui reflètent l'évolution des idées saint-simoniennes dans les deux pays.In this article, we examine the birth and development of Saint-Simonian ideas through the prism of a cultural transfer that took place between two poles: we will reconstruct the itinerary that these ideas follow from their place of origin and first elaboration – the France of the Restoration and the July Monarchy – to Greece, a country in the East that had just gained its independence from the Ottomans. Our study covers a period that extends from 1803 – the date of publication of one of Saint-Simon's first works – to 1843, the year that announces the end of the absolute monarchy in Greece. Our thesis is built on three chronological scales that reflect the evolution of Saint-Simonian ideas in the two countries.
- Le grec et le français à la Une - Despina Provata p. 43-59 La genèse de la presse francophone en Grèce remonte aux années de la guerre d'Indépendance et son émergence est étroitement liée à la présence de nombreux étrangers dans le pays mais aussi à la volonté d'informer l'opinion publique occidentale sur les développements de la révolution grecque. Si l'objectif premier de cette presse aux deux langues est de répondre aux besoins du lectorat allophone séjournant dans le pays, elle témoigne aussi d'une certaine modernisation de la société hellénique et de sa volonté d'adhérer au monde occidental. Cet article étudie la typologie de ces publications périodiques ainsi que leurs contenus pour dégager les représentations données des deux pays et des deux peuples.The genesis of the French-speaking press in Greece dates back to the years of the War of Independence and its emergence is closely linked to the presence of many foreigners in the country but also to the will to inform the Western public opinion about the developments of the Greek Revolution. If the first objective of this press with two languages is to answer the needs of the allophone readership staying in the country, it also testifies to a certain modernization of the Hellenic society and its will to adhere to the Western world. This article studies the contents and the typology of this press to bring out the given representations of the two countries and the two peoples.
- La Grèce moderne ou le savoir invisible - Alexandre Farnoux p. 61-77 Créée en 1846, l'École française d'Athènes accueille chaque année de jeunes hellénistes dont la mission est de compléter leur formation livresque et classique par un séjour sur le territoire du tout récent État grec pour ajouter à la connaissance des textes l'expérience du terrain. À partir de 1850, l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres oriente leur travail par des questions qui doivent être traitées dans le cadre d'une exploration donnant lieu à un mémoire soumis à évaluation. Une partie de ces questions repose sur la confrontation des informations issues des sources antiques et des données qu'autorise l'autopsie et a pour objet non seulement les vestiges anciens, mais aussi l'état présent du pays. Les mémoires produits dans ce cadre entre 1850 et 1890 font ainsi preuve d'une connaissance précise et documentée du pays et de sa population, de l'histoire récente et des enjeux économiques et politiques contemporains de cette région du monde. Ce savoir produit reste cependant peu valorisé académiquement et ne trouve, à l'époque, un débouché éditorial que dans la presse d'opinion grand public où s'illustrent des savants comme Émile Burnouf, Albert Dumont, Georges Perrot ou Victor Bérard. Il faudra attendre longtemps pour que l'histoire moderne de la Grèce devienne un champs académique autonome et un objet d'étude scientifique en soi. L'article se propose de faire une rapide analyse de cette contradiction.This article proposes to make a quick analysis of a contradiction. Created in 1846, the French School at Athens welcomed each year young Hellenists whose mission was to complete their classical training with a stay in the territory of the young Greek state in order to add to their knowledge of texts the experience of the field. From 1850 onwards, the Académie des Inscriptions et Belles-Lettres guided their work by questions that had to be dealt within the framework of an exploration that gave rise to a dissertation submitted for evaluation. Some of these questions are based on the confrontation of information from ancient sources and data from the fieldwork, and are concerned not only with the ancient remains, but also with the present state of the country. The memoirs produced within this framework between 1850 and 1890 thus demonstrate a precise and documented knowledge of the country and its population, of recent history and of the contemporary economic and political issues of this region of the world. This knowledge, however, was not much valued academically and was only published in the general public press, where scholars such as Émile Burnouf, Albert Dumont, Georges Perrot and Victor Bérard made their mark. It will be a long time before the modern history of Greece becomes an autonomous academic field and an object of scientific study in itself.
- Jules Blancard (1815-1888) - Lucile Arnoux-Farnoux p. 79-93 En 1880, un enseignement de grec moderne est créé à l'université de Marseille, alors qu'à cette époque cette langue n'est enseignée, en France, qu'à l'École des langues orientales. Il ne s'agit cependant pas d'une chaire mais d'un « cours annexe » professé à la faculté des sciences par Jules Blancard (1815-1891). Élève de Charles‑Benoît Hase, ce néo‑helléniste a commencé sa carrière comme secrétaire-interprète de la toute nouvelle École française d'Athènes, en 1846, pour se diriger ensuite vers l'enseignement. Il est également l'auteur d'essais historiques et de diverses traductions. Le parcours atypique de ce philhellène révèle à quel point, durant tout le XIXe siècle, le domaine des études néo‑helléniques occupe une place marginale dans le monde académique français et repose essentiellement sur l'initiative individuelle.In 1880, a course in modern Greek was created at the University of Marseille, whereas at that time this language was only taught in France at the École des Langues Orientales. However, it was not a chair but an “annexed course” taught at the Faculty of Sciences by Jules Blancard (1815-1891). A student of Hase, this neo-Hellenist began his career as secretary-interpreter of the newly founded French School at Athens in 1846, and then turned to teaching. He is also the author of historical essays and various translations. The atypical career of this philhellene reveals to what extent, throughout the 19th century, the field of Neohellenic studies occupied a marginal place in the French academic world and relied essentially on individual initiative.
- Traces visibles et échos invisibles de la France en Grèce à travers la littérature pour la jeunesse (XIXe‑XXe siècles) - Ourania Polycandrioti p. 95-105 La France a joué un rôle prépondérant en Grèce post-révolutionnaire, non seulement par sa présence militaire et/ou politique, mais aussi en tant que source intellectuelle, modèle culturel et représentation emblématique d'un Occident à la fois objet d'admiration et de défiance. Le rôle donc de la France fut à la fois concret et pragmatique ainsi qu'abstrait et théorique. Dans tous les cas, la France fut un modèle, non pas tant ou non pas seulement concrètement national ou européen, mais plutôt occidental, dans tout ce que l'Occident représente dans les consciences. Cet article examine les traces visibles et les échos invisibles d'une France tant pragmatique que fantasmatique dans des textes adressés à la jeunesse, pendant la deuxième moitié du XIXe et le début du XXe siècle. Les lectures destinées à la jeunesse reflètent dans une large mesure les idéologies courantes de la société, tandis que les manuels scolaires, dont le rôle est essentiellement de préparer les futurs citoyens, propagent le discours officiel de l'état, l'idéologie dominante. Sources de notre problématique sont la revue la plus appréciée de l'époque, La Formation des jeunes, ainsi qu'un bon nombre de manuels scolaires entre 1880 et 1922.France played a prominent role in post-revolutionary Greece, not only through its military and/or political presence, but also as an intellectual source, cultural model and emblematic representation of a West that was both admired and distrusted. France's role was therefore both concrete and pragmatic as well as abstract and theoretical. In all cases, France was a model, not so much or not only concretely national or European, but rather Western, in all that the West represents in the consciousness. This article examines the visible traces and invisible echoes of a pragmatic as well as a fictitious France in texts addressed to young people during the second half of the nineteenth and the beginning of the twentieth century. The readings intended for youth reflect to a large extent the current ideologies of the society, while the school textbooks, whose role is essentially to prepare the future citizens, propagate the official discourse of the state, the dominant ideology. The sources of our problematic are the most popular magazine of the time, La Formation des jeunes, as well as a good number of school textbooks between 1880 and 1922.
- Les francophiles Grecs au début du XXe siècle - Nicolas Manitakis p. 107-126 En abordant la question de l'intensité des rapports francohelléniques, tout au long de la période allant de la fondation de l'État hellénique et jusqu'à la guerre greco-turque de 1922, en se posant notamment la question des canaux par lesquels se sont opérés les contacts entre les deux pays, cet article focalise sur les francophiles Grecs. En effet, ceux-ci se sont avérés non seulement des solides appuis des intérêts et de la présence française en Grèce, mais également des intermédiaires facilitant les échanges entre les deux pays. Si leur présence est à signaler tout au long du XIXe siècle, force est de constater qu'aux cours des deux premières décennies du XXe un important tournant s'est produit. On observe en effet au cours de cette période une mobilisation sans précèdent des milieux francophiles en Grèce, mobilisation ayant conduit, entre autres, à l'apparition des premières associations francophiles. L'article met l'accent sur le contexte national et international favorisant cette évolution. Il examine, par ailleurs, la composition sociale et professionnelle de ces groupements. Il s'avère ainsi que le lien le plus solide avec la France s'est souvent produit au moyen d'un séjour d'études ou d'une formation professionnelle acquise sur le territoire français et par opposition aux activités des diplômés et stagiaires Grecs formés en Allemagne, qui favorisaient la circulation en Grèce d'un savoir-faire concurrent allemand. L'opposition qui n'a pas tardé à se manifester entre francophiles et germanophiles Grecs a eu comme conséquence un renforcement de l'identité même de francophile, alors même que ce type d'opposition traversait, dans les années 1910, un grand nombre de pays européens et même de pays d'autres continents (Amérique Latine).In addressing the question of the intensity of Franco-Hellenic relations, throughout the period from the foundation of the Hellenic State until the Greek-Turkish War of 1922, and in particular the question of the channels through which the contacts between the two countries took place, this article focuses on the Greek Francophiles. Indeed, they proved to be not only solid supporters of French interests and presence in Greece, but also intermediaries facilitating exchanges between the two countries. If their presence is to be noted throughout the 19th century, it is necessary to note that during the first two decades of the 20th an important turn occurred. One observes indeed during this period a mobilization without precedent of the Francophile circles in Greece, mobilization having led, among other things, to the appearance of the first Francophile associations. The article emphasizes the national and international context that favored this evolution. It also examines the social and professional composition of these groups. It turns out that the strongest link with France often occurred by means of a study stay or professional training acquired on French territory and in opposition to the activities of Greek graduates trained in Germany, which favored the circulation in Greece of a competing German know-how. The opposition that soon arose between Francophiles and Germanophiles in Greece resulted in a reinforcement of the very identity of Francophile, as this type of opposition crossed, in the 1910s, a large number of European countries and even countries from other continents (Latin America).
Varia
- Cheminement axial et dynamique verticale - Pauline Vasile p. 129-148 Cet article propose d'étudier, à travers l'exemple du vaisseau central de la nef de l'église l'abbatiale de Viboldone, le rôle des fresques dans la structuration axiale de l'espace ecclésial au Trecento. Après une description et un bref bilan historiographique, nous nous attardons essentiellement sur le traitement iconographique de l'arc triomphal en nous intéressant d'abord à la Crucifixion puis à la localisation du Jugement dernier. Ceci nous amène à souligner en conclusion l'impression d'unité conférée par ce décor en adéquation parfaite avec le déploiement architectural, ce qui semble signaler l'élaboration d'un projet cohérent, précédant à sa réalisation, de la part d'un seul commanditaire, Guglielmo Villa, en collaboration avec les artistes qui se succèdent sur le chantier durant plus de trente ans.The aim of this article is to study, through the example of the central nave of the abbey church of Viboldone, the role of frescoes in the axial structuring of the ecclesial space during the Trecento. After a description and a brief historiographic assessment, we focus mainly on the iconographic treatment of the triumphal arch. First, we analyze the Crucifixion and then the location of the Last Judgment. This leads us to emphasize in conclusion the impression of unity conferred by this decoration in perfect harmony with the architectural deployment, appearing as the result of a unique preliminary project preceding its achievement, designed by a single patron, Guglielmo Villa, in collaboration with the artists who succeeded each other on this decorative project over three decades.
- La corporéité de la femme dans le cinéma libanais et égyptien - Sabina Nasser p. 149-162 Dans le monde arabe, le corps féminin représente une source de fascination et d'inspiration pour les cinéastes. De par leur analogie, les cinémas libanais et égyptien réifient un corps féminin pour le regard masculin afin de satisfaire son seul plaisir. La femme est une résurgence d'emblèmes multiples et de paradoxes ; d'une part elle est objet de fantasme et de l'autre un sujet de désir. Cet article a pour objectif de mettre en exergue le désir et la corporéité de la femme dans le cinéma libanais et égyptien. Nous nous proposons d'analyser en premier lieu les différentes figures imaginées et imaginaires pour satisfaire le regard masculin. La pin-up, la danseuse orientale ou encore la femme fatale d'action sont des images construites par et pour le male gaze. Face à ce regard masculin dominant, s'impose peu à peu un regard féminin qui bouscule normes et fantasmes, porté par des réalisatrices engagées prônant la liberté du corps féminin.In the Arab world, the female body has long been an ideological battleground and a source of fascination for filmmakers. Lebanese and Egyptian cinema objectifies the female body to give pleasure to the male gaze. Women are a resurgence of paradoxes; on the one hand she is an object of fantasy and on the other a subject of desire. The aim of this paper is to present the desire and the corporeality of women in Lebanese and Egyptian cinema. We will first demonstrate how the different fantasy figures engage the male gaze. The pin-up, the oriental dancer or the femme fatale are phantasmagorias created by and for the male gaze. As an alternative, a feminine gaze gradually asserts and overturns norms and fantasies, advocating the freedom of the female body.
- Cheminement axial et dynamique verticale - Pauline Vasile p. 129-148
Comptes rendus d'ouvrages
- Wolf Lepenies, Le pouvoir en Méditerranée. Un rêve français pour une autre Europe - Alexandre Massé p. 165-167
- Marcella Aglietti, Matthieu Grenet, Fabrice Jesné (dir.), Consoli e consolati italiani dagli Stati preunitari al fascismo (1802‑1945) - Pierre-Marie Delpu p. 169-171