Contenu du sommaire : Joueuses !
Revue | Clio : Histoires, femmes et société |
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Numéro | no 56, 2022/2 |
Titre du numéro | Joueuses ! |
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Éditorial
- Femmes en jeu : regards croisés de l'Antiquité à l'époque contemporaine - Marie-Lys Arnette, Véronique Dasen p. 7-21
Dossier
- L'Éveil de l'amour : Les adolescentes grecques et le jeu du porteur - Flavien Villard p. 23-43 Décrit par des lexicographes et représenté sur la céramique athénienne de l'époque classique, le jeu du porteur ( ephedrismos) est une activité ludique qui demande un effort physique. L'étude de figurines en terre cuite qui évoquent des adolescentes en train de s'y affronter permet d'affirmer que les jeunes filles grecques n'étaient pas étrangères à ce type de jeu, tout en explorant la symbolique érotique que pouvait revêtir la représentation d'une telle action sur ces objets.Described by lexicographers and depicted in Athenian ceramics from the Classical Age, the "piggyback game" ( ephedrismos) is a game requiring some physical effort. The study of terracotta figurines picturing adolescent girls competing in this game shows that Greek girls could take part in this activity. The research also explores the erotic symbolism these objects could have for the Greeks.
- Des joueuses divines et mortelles : Du bon temps dans le monde romain - Summer Courts, Rachel Daucé, Véronique Dasen p. 45-67 Les études modernes sur les jeux de hasard et d'argent dans le monde romain se concentrent principalement sur les joueurs masculins de l'élite, mais les sources écrites et iconographiques fournissent de nombreuses preuves de la présence de joueuses de tous horizons. Cette contribution rassemble les témoignages textuels et iconographiques qui, jusqu'à présent, ont été largement négligés quant aux informations qu'ils peuvent fournir sur les femmes et le jeu dans l'Antiquité romaine. Elle explore la relation entre le jeu et le féminin, des déesses aux grands-mères, et met en lumière les implications sociales du jeu et des paris pour les joueuses. Le jeu féminin était très répandu et pouvait prendre des formes différentes dans des contextes variés. En analysant ces textes ensemble pour la première fois, nous pouvons saisir de manière plus riche et nuancée l'importance du jeu au féminin à Rome en révisant les modèles existants trop dépendants de quelques textes célèbres.Modern studies of gaming and gambling in Roman world concentrate primarily on elite male players, but the written and iconographic records provide ample evidence for female gamers from all walks of life. This contribution collates textual and iconographic evidence until now largely overlooked for the information it can provide about women and gameplaying in Ancient Rome. It explores the relationship between gaming and the feminine, from goddesses to grandmothers, and sheds light on the social implications of gaming and gambling for non-male players. Female gameplaying was widespread and could take a range of different forms, performed in different contexts. By analysing these texts alongside each other for the first time, we can arrive at a more developed understanding of female gameplaying in Rome and move beyond existing paradigms, which are overly reliant on a few of the most famous textual passages.
- Joutes entre les sexes : Les jeux de plateau dans les textes gaéliques anciens - Katherine Forsyth, Geraldine Parsons p. 69-91 Les premiers Irlandais aimaient les jeux de société. Cela ressort clairement du matériel de jeu découvert et des nombreuses références aux jeux de société dans la littérature vernaculaire. Bien qu'une grande partie de la littérature séculaire présente des récits se déroulant dans un passé imaginaire, les textes peuvent néanmoins être étudiés pour donner un aperçu des attitudes à l'égard du jeu, tant pour les hommes que pour les femmes. Avant les échecs, le jeu le plus important était le fidchell local, un jeu de stratégie pure dérivé du ludus latrunculorum romain. Une sélection de références au fidchell dans la prose et la poésie, principalement de l'ancien et du moyen irlandais ( VIIe- XIIIe s.), permet d'explorer le rôle des femmes en tant que joueuses entre elles et contre les hommes, en se concentrant sur les thèmes suivants : le statut, le contexte social et physique des jeux, la matérialité des équipements de jeu des femmes, la relation entre jeux et alcool, le jeu, l'érotisme et son absence, et les attitudes envers les compétences intellectuelles féminines.The early Irish loved board games. This is clear both from archaeological finds of gaming equipment and from the numerous references to the playing of board games in vernacular literature. While much of the secular literature of early Ireland presents narratives set in an imagined past, texts can nonetheless be investigated for insights into attitudes to gaming, by both men and women. Before the advent of chess, the most important game was the native fidchell, a ‘battle'-type game of pure skill derived from the Roman ludus latrunculorum. A selection of references to the playing of fidchell in prose and poetry, primarily from the Old and Middle Irish periods (seventh-thirteenth century CE) is used to explore the role of women as players among themselves and against men, focussing on the following themes: status, the social and physical context of games, the materiality of gaming equipment owned by women, the relationship between games and alcohol, gambling, eroticism and its absence, and attitudes to the intellectual capacity of women.
- Tricheuses ! : Jeux de regards dans la peinture de la première modernité - Antonella Fenech p. 93-114 Entre la fin du Moyen Âge et la première modernité, les représentations de la femme et des jeux sont traversées par le motif de la tricherie. Les jeux de cartes sont un cas particulièrement significatif : passe-temps « honnêtes » lorsqu'ils sont pratiqués dans la sphère noble, ils sont marqués négativement si pratiqués dans la rue et/ou la sphère populaire. La tricherie en image devient une sorte d'emblème du statut de la femme prémoderne en même temps qu'elle exprime métaphoriquement le rôle de la dissimulation dans la culture courtisane de l'époque étudiées. Cet article aborde la question des modalités de figuration et de réception de ces représentations. en dialogue avec la diffusion de la littérature sur la probabilité qui ne cesse de se développer au XVIIe siècle, ainsi qu'avec les traités et brochures qui dévoilent les techniques de manipulation des cartes et de tricherie, associant prestidigitation, illusionnisme et pratiques ludiquesBetween the Late Middle Ages and the early modern period, representations of women and gameplaying are notable for references to cheating. Card games are a particularly significant case: an “honest” pastime when practiced in aristocratic circles, they are negatively marked if practiced in the street and/or among commoners. The image of cheating becomes a kind of emblem of the status of the premodern woman, while also metaphorically expressing the role of concealment in the courtier culture of the period studied. This article addresses the modalities of depiction and the reception of these representations alongside the diffusion of the literature on probability, which continued to develop in the seventeenth century, as well as treatises and pamphlets revealing the techniques of card manipulation and cheating, associating prestidigitation, illusionism and ludic practices.
- L'Éveil de l'amour : Les adolescentes grecques et le jeu du porteur - Flavien Villard p. 23-43
Regards complémentaires
- Jeux de déesses, de jeunes filles et d'enfants dans l'ancienne Mésopotamie - Anne-Caroline Rendu Loisel p. 115-126 Parmi les déesses du monde mésopotamien, deux figures féminines se dégagent : les sœurs Ištar et Ereškigal. Ištar agit dans la sphère des relations amoureuses, et surtout de la bataille. Elle joue dans la guerre comme elle le ferait « avec une corde à sauter ». Ereškigal règne sur le monde des morts : elle est celle « qui n'a pas connu le jeu des jeunes filles ». Cette contribution s'appuie sur les documents écrits (hymnes, narrations mythologiques) en cunéiformes (sumérien – akkadien et textes bilingues) des IIe et Ier millénaire av. J. C. Elle prend pour angle d'approche les relations conflictuelles entre ces grandes déesses pour mieux saisir leurs rapports respectifs au jeu : où et quand jouent-elles ? À quoi et avec qui jouent-elles ? Quelles sont les informations que l'on peut en tirer pour les femmes et jeunes filles humaines ? Diverses problématiques sont abordées à la lumière des études de genre : celles des rapports intergénérationnels et inter-familiaux, de la définition des espaces privé-public, de la séduction et de l'érotisme.Among the goddesses of the Mesopotamian world, two female figures stand out: the sisters Ištar et Ereškigal. Ištar's spheres of activity are love and especially battle. She takes part in battle as if playing "with a skipping rope". Ereškigal reigns over the world of the dead: she is the one "who has never known girls' games". This article is based on written documents (hymns, mythological narratives) in cuneiform (Sumerian – Akkadian and bilingual texts) of the second and first millennium BCE. It takes as its angle of approach the conflicting relations between these great goddesses in order better to understand their respective relationships to gameplaying: where and when do they play? What do they play at and with whom? What information can be drawn from this relating to human women and girls? Various issues are addressed in the light of gender studies: those of intergenerational and inter-familial relationships, the definition of private-public spaces, seduction and eroticism.
- Quand les femmes jouent aux dames : Images du jeu égyptien de senet (région thébaine, Nouvel Empire) - Marie-Lys Arnette p. 127-140 Dans l'Égypte du Nouvel Empire, les scènes de jeu de senet sont nombreuses, provenant en particulier des tombes de Deir el-Médina, dans la région thébaine. Ces scènes illustrent souvent la formule 17 du Livre des Morts, et révèlent un moment clé dans le parcours eschatologique du mort. Le défunt est montré la plupart du temps jouant seul, mais il arrive que son épouse joue face à lui, voire à sa place. L'article s'attache à comprendre ce qui gouverne ce choix, en mettant en regard les images de joueuses de Deir el-Médina avec celles issues d'autres tombes thébaines et d'un temple voisin, et qui s'avèrent fort différentes. Pour les unes, il s'agirait d'une mise en scène de leur pouvoir d'agir – éventuellement teintée de moquerie – tandis que pour les autres, le jeu serait signe de sexualité. Ce sont des aspects fondamentaux de l'acte de jouer qui apparaissent – potentiel d'action, décalage avec le monde du non jeu et dimension sexuelle –, comme deux images du genre féminin qui se superposent.In Egypt under the New Kingdom, scenes of people playing senet are numerous, especially from the tombs of Deir el-Medina, in the Thebes region. These scenes often illustrate Formula 17 of the Book of the Dead and reveal a key moment in the eschatological journey of the deceased. The dead person is mostly shown playing alone, but sometimes his wife plays opposite him, or even in his place. This article attempts to understand what governs this choice, by comparing the images of female players from Deir al-Medina with those from other Theban tombs and a nearby temple, which turn out to be very different. In the former, they appear to represent women's agency – possibly tinged with mockery – while in the latter, the game may be a symbol of sexuality. Fundamental aspects of the act of gameplaying appear here – the potential for agency, difference from the world of non-playing and a sexual dimension – as two superimposed images of the female gender.
- Romance numérique pour femmes au Japon : Les otome gēmu, entre aliénation et libération - Agnès Giard p. 141-152 Le Japon est le premier producteur de jeux vidéo à l'eau de rose. Appelés « jeux pour jeunes filles » ( otome gēmu), ils proposent des gammes de « beaux gosses » formatés sur le modèle du prédateur, entraînant l'héroïne dans une histoire d'amour proche du rapt. Les scénarios reposent sur la mise en scène d'une perte de pouvoir, où la joueuse renonce à son libre arbitre. Les personnages les plus agressifs sont « irrésistibles », expliquent les fans qui désirent être « prises au piège ». En étudiant ces jeux et les tensions qu'ils révèlent, j'espère éclairer les dynamiques sociales dont ils reproduisent, et déconstruisent, les logiques. Ils sont indissociables du contexte qui les a vu naître : celui d'une baisse record du nombre de mariages et de naissances, pour lesquelles les autorités désignent comme coupables les « personnes qui vivent seules » ( o-hitori-sama). Pourquoi préfèrent-elles des partenaires fictifs aux hommes de chair et d'os ? J'y vois l'expression d'une ambivalence à l'égard du mariage, désiré mais redouté.Japan is the leading producer of kitschy video games. Known as “games for girls” ( otome gēmu), they offer a whole range of “handsome guys” formatted on the model of the predator, who drags the heroine into a love story not far removed from abduction. The scenarios are based on the staging of a loss of power, where the (female) player gives up her free will. The most aggressive characters are “irresistible”, according to their fans, who want to “be trapped”. By studying these games and the tensions they reveal, the article sheds light on the social dynamics whose logics they reproduce and deconstruct. They are inseparable from the context in which they were created: that of a record fall in the number of marriages and births, for which the authorities have blamed “people who live alone” ( o-hitori-sama). Why do the players prefer fictitious partners to real men? I see it as an expression of ambivalence towards marriage, desired but feared.
- Jeux et jouets de filles dans l'Anti-Atlas marocain au XXIe siècle - Jean-Pierre Rossie p. 153-164 Les observations des activités de jeux et de construction de jouets se concentrent sur l'âge préscolaire et primaire. Le début des activités ludiques des filles et garçons à l'extérieur de la maison, dans le domaine public, se situe vers l'âge de trois ans dans l'Anti-Atlas et en général au Maroc. Toutefois, l'on trouve des enfants plus petits dehors, lorsqu'ils sont pris en charge par des filles à l'âge de l'école primaire ou par des adolescentes, moins souvent par des garçons ou adolescents : les observations concernent donc des filles de l'Anti-Atlas âgées de 2 à 8 ans, à quelques exceptions près, les jeux de faire semblant, les poupées et autres objets bricolés, et examinent l'impact des jouets industriels sur la fabrication de jouets par les enfants.Observations of play activities and toy construction tend to focus on children of preschool and primary school age. In the Anti-Atlas and in Morocco in general, the age at which girls and boys start playing outside the home, in the public sphere, is about three. However, even smaller children may be found out of doors, being taken care of by girls who are of elementary school age or teenagers, less often by young or teenage boys. The observations here therefore focus (with a few exceptions) on girls in the Anti-Atlas aged two to eight, and on “make-believe” games, dolls and other home-made objects, and examine the impact of industrial toys on the way children make their own playthings.
- Danser dans la cour d'école à l'ère post-numérique - Elizabeth L. Nelson p. 165-178 Cet article se concentre sur le jeu de danse d'une petite fille de neuf ans, filmé par elle-même dans la cour d'une école primaire écossaise, en 2018. Olivia incorpore dans son jeu des objets numériques, non numériques, et son environnement, passant de la sélection de chansons sur un téléphone à la danse avec la caméra, au jeu avec le vent, et à la manipulation d'un cône de signalisation. Elle créé un espace de jeu personnel au milieu de l'espace commun, marqué par la musique, le mouvement, les objets et elle-même. Cet article examine comment, à travers ce processus de danse ludique, Olivia met en scène son enfance genrée au féminin, dans sa façon d'interagir avec les gens, l'espace et les objets. Olivia s'inscrit ainsi dans la tradition du jeu dansé des filles. Mais dans la cour post-numérique, les objets numériques deviennent une partie de son jeu, suivant une autre tradition enfantine du jeu, le “bricolage”, dans lequel les enfants utilisent le monde qui les entoure, à travers le temps et l'espace.This chapter focuses on a girl's dancing play, recorded by herself in a primary school playground in Scotland in 2018. Nine-year-old Olivia seamlessly incorporates digital and non-digital objects and environment into her dancing play, moving between selecting songs on a phone to dancing with the camera, to playing with the wind, to twirling around a traffic cone. We see her create a personal space of play in the middle of the communal space, marked by music, movement, objects and herself. This article examines how through this process of playful dancing, Olivia performs her gendered girlhood in the way she interacts with people, place and objects. From an historical perspective, Olivia is playing into the tradition of girls' dancing play, and in the post-digital playground, the digital objects become part of her play, following another tradition of children's play as a form of bricolage, incorporating the world around them across time and space.
- Jeux de déesses, de jeunes filles et d'enfants dans l'ancienne Mésopotamie - Anne-Caroline Rendu Loisel p. 115-126
Documents
- Jeux de garçons, jeux de filles dans les épigrammes funéraires grecques - Sophie Laribi Glaudel p. 179-186 Parmi les épigrammes funéraires grecques consacrées aux enfants arrachés prématurément à la vie, plusieurs évoquent les jeux et les jouets de ces jeunes défunts. Si les garçons sont très présents dans ce corpus, quelques fillettes et jeunes filles ont également des activités ludiques. Cet article analyse trois textes en étudiant la dimension genrée de ces amusements et le discours sur l'enfance qu'ils livrent, tout en réévaluant nos définitions contemporaines du jouet appliquées aux mondes anciens. Notre étude porte sur l'inscription du jeune thessalien Athénaios (tournant de notre ère), confrontée à deux épigrammes de l'Anthologie Palatine, l'une pour Myrô (VII 190, IIIe s. av. J.‑C.) et l'autre pour Hymnis (VII 643, Ier s. av. J.‑C.).Among the Greek funerary epigrams dedicated to children who died prematurely, several evoke the games and toys of these young people. Boys tend to dominate this corpus, but some girls and young women are also given playful activities. This article analyzes three texts, studying the gendered dimension of these pastimes and the discourse on childhood that they convey, while reevaluating our contemporary definitions of toys when applied to ancient worlds. The study draws on the inscription for the young Thessalian Athenaios (turn of Common Era) and compares it with two epigrams in the Palatine Anthology: for Myrô (VII 190, third century BCE) and Hymnis (VII 643, first century BCE).
- Jouer au banquet : Le kottabe au féminin en Grande Grèce - Alexandra Attia p. 187-197 Le jeu du kottabe, intervenant une fois le symposion entamé, est sans doute le plus célèbre des jeux de banquet. Cette pratique ludique, source d'émulations entre les buveurs, consistait à projeter d'un geste habile et maîtrisé la dernière goutte de vin de sa coupe sur une cible prédéfinie. Le vin, médiateur de sociabilité, est dans ce cadre à la fois la modalité et l'instrument du jeu, tandis que la vaisselle de banquet est détournée de son usage premier. À partir d'une sélection de vases italiotes, cet article questionne l'agentivité féminine associée à ce divertissement habituellement considéré comme masculin. À la fois cible animée, enjeu du lancer, joueuse ou accessoire ludique, la présence féminine mise en scène dans le champ métaphorique de l'image est multiple et protéiforme. À l'aide de jeux visuels, les imagiers italiotes se jouent des codes et des normes établies en proposant une vision renouvelée, réelle ou fantasmée, autour de la culture du vin.The game of kottabos, which took place once the symposium was under way, is without doubt the most famous of all banquet games. This ludic activity, the scene of emulation between the drinkers, consisted of projecting with a skillful and practiced gesture the last drop of wine from one's cup toward a predefined target. Wine, the mediator of sociability, is in this context both the modality and the instrument of the game, while the banquet tableware is diverted from its primary use. Based on a selection of Italiote vases, this article asks questions about the feminine agency associated with an entertainment usually considered as masculine. Simultaneously animated target, stake of the throw, player or playful accessory, the female presence as staged in the metaphorical field of the image is polyvalent and multiform. With the help of visual games, the Italiote creators of images were playing with codes and established norms by offering a renewed vision, real or fantasized, around the culture of wine.
- Jeux de garçons, jeux de filles dans les épigrammes funéraires grecques - Sophie Laribi Glaudel p. 179-186
Entretien
- Les jeux vidéo pour dépasser les normes de genre ? Le cas Assassin's Creed - Fanny Lignon p. 199-208 Un joueur de jeux vidéo sur deux est une joueuse. À l'écran cependant, la présence des femmes et leur représentation ne vont pas de soi. L'entretien analyse le dernier opus d'Assassin's Creed, une saga dont chaque titre se déroule dans un contexte historique précis. Le premier jeu de la série (2007) imposait d'incarner un avatar masculin ; le huitième permettait d'incarner un personnage féminin, mais doté de caractéristiques autres que son homologue masculin ; le quatorzième proposait d'incarner un ou une hoplite, tous deux égaux dans le combat. Mais sur le plan du genre, le dernier titre en date, Valhalla (2020), va plus loin. Le joueur, en ouverture, incarne Eivor, un enfant dont le sexe est indéterminé. À l'âge adulte, il doit choisir : jouer Eivor au féminin, au masculin, ou laisser le système décider. Le genre ainsi n'est pas subi mais choisi, et est modifiable en cours de partie. S'agit-il vraiment d'une révolution ? Les frontières du genre ne sont-elles pas simplement repoussées ? Et comment, si c'est le cas, pourrait-on les dépasser enfin ?One out of two video game players is a woman. On screen, however, the presence of women and their representation is not self-evident. This interview analyzes the latest opus of Assassin's Creed, a saga in which each title takes place in a specific historical context. The first game in the series (2007) required a male avatar; the eighth game allowed a female character, but with different characteristics than the male; the fourteenth game allowed a male or female hoplite, both of whom were equal in combat. But in terms of gender, the latest title, Valhalla (2020), goes further. The player opens as Eivor, a child whose gender is undetermined. As an adult, he/she must choose: play Eivor as a female, as a male, or let the system decide. The gender is not imposed but chosen and can be changed during the game. But is this really a revolution? Aren't the lines simply being pushed back? And how, if this is the case, could we finally go beyond them?
- Les jeux vidéo pour dépasser les normes de genre ? Le cas Assassin's Creed - Fanny Lignon p. 199-208
Portraits
- Margaret Maruani (1954-2022) : Sociologue de profession, féministe de conviction - Rebecca Rogers p. 209-212
Varia
- Patrilinéarité et matrilinéarité dans le judaïsme ancien, de la Judée du Temple au Talmud des rabbins - Christophe Lemardelé p. 213-230 À ce jour, le passage de la patrilinéarité à la matrilinéarité dans le judaïsme rabbinique reste sans explication convaincante. Cependant, une hypothèse anthropologique permet de considérer cette évolution comme finalement cohérente lorsque la patrilinéarité s'est avérée trop dominante pour rester fonctionnelle. Cette hypothèse peut être renforcée par la prise en compte du contexte politique de l'époque romaine, qui a conduit les rabbins à repenser la survie des communautés sans projet messianique. L'accent mis sur la transmission culturelle interne a ainsi remplacé toute forme d'action politique et religieuse contre les Romains.To date, the transition from patrilineality to matrilineality in Rabbinic Judaism remains without a convincing explanation. However, an anthropological hypothesis makes it possible to consider this evolution as being finally coherent, when patrilineality proved to be too dominant to remain functional. This hypothesis can be reinforced by taking into account the political context of the Roman period, which led the rabbis to rethink the survival of communities without a Messianic project. The emphasis on internal cultural transmission thus took the place of any form of political and religious action against the Romans.
- Le roi et la reine font compte à part : Marguerite de Provence et la séparation des comptes royaux de l'Hôtel (1261) - Audrey Duchatel p. 231-249 Le roi et la reine de France font compte à part : si la séparation du roi et de la reine comme mode habituel de vie de couple princier est bien actée à la fin du Moyen Âge, qu'en était-il au xiiie siècle, c'est-à-dire au moment de l'émergence de l'hôtel réginal ? Si la question des institutions et de l'entourage royaux a fait l'objet d'une attention renouvelée ces dernières années elle n'a pas vraiment concerné l'hôtel de la reine. Pourtant la naissance de cet hôtel dans le royaume de France est peut-être à replacer dans un contexte bien plus politique que les historiens ne le laissaient à penser. En effet, l'étude de la personnalité de Marguerite de Provence (1221-1295) mérite de soulever d'intéressants questionnements en lien avec cette thématique. Il s'agit également d'élaborer une réflexion sur la chronologie de l'apparition institutionnelle de l'hôtel réginal, indépendamment de celui du roi, et de montrer que Marguerite de Provence est probablement la première reine en Occident à en posséder un.“The king and queen of France keep separate accounts”: if the separation of the king and the queen as the usual mode of life of a princely couple is well recorded in the Late Middle Ages, what was it like in the thirteenth century, at the time of the emergence of the hôtel réginal (the queen's residence)? The issue of royal institutions and entourage has received renewed attention in recent years, but little note has been taken of the hôtel réginal. The appearance of this queenly residence in the French kingdom should perhaps be situated in a much more political context than historians have led us to think. Indeed, the study of the personality of Marguerite of Provence (1221-1295) suggests that some interesting reflections can be raised in this connection. This article will also explore the chronology of the institutional appearance of Marguerite de Provence's residence, independently of that of the king, and will show that she was probably the first queen in western Europe to have one.
- Marie de Valois et ses descendants, ou l'honneur d'être bâtarde (XVe siècle) - Solène Baron p. 251-268 De la liaison de Charles VII et Agnès Sorel naissent quatre filles, dont trois atteignent l'âge adulte. L'une d'elles, Marie, épouse Olivier de Coëtivy, conseiller de Charles VII. Le couple et trois de leurs enfants ont laissé de nombreux manuscrits richement enluminés, témoins de leur bibliophilie mais aussi du regard porté sur la bâtardise de Marie de Valois par chaque membre de la famille. On découvre à travers les images de ces livres que l'identité bâtarde, dans les milieux de la haute aristocratie et de la royauté, est davantage un honneur qu'un stigmate, comme cela a déjà été démontré, mais plus encore : elle peut faire l'objet d'une commémoration et d'une célébration au-delà de la génération bâtarde, comme c'est le cas dans la Légende dorée de Catherine de Coëtivy et de son mari, dont il sera amplement question. Cet article propose de prolonger la réflexion sur la bâtardise aristocratique selon deux perspectives peu traitées : celle du genre, à travers un exemple de bâtardise féminine et les dynamiques conjugales, et celle de la « mémoire bâtarde » aux générations ultérieures.Charles VII, king of France, had three surviving illegitimate daughters from his relationship with Agnès Sorel. One of them, Marie, was married to the king's counsellor Olivier de Coëtivy. This couple and three of their children owned numerous lavishly illuminated manuscripts, evidence of their bibliophilia, but also providing information about the way family members envisioned Marie de Valois's bastard status. Images from the books indicate that in royal and aristocratic circles, bastard identity was seen as an honor rather than a stigma, as has already been argued by historians. But going even further, the copy of the Golden Legend owned by Catherine de Coëtivy and her husband, which is featured in the article, reveals that this particularity could also be commemorated and celebrated by later generations of children and grand-children. This case study aims to investigate bastardy in the aristocracy by focusing on certain rather neglected aspects: gender, through an example of female bastardy and the dynamics of conjugality, and the memorializing of bastardy in later generations.
- Patrilinéarité et matrilinéarité dans le judaïsme ancien, de la Judée du Temple au Talmud des rabbins - Christophe Lemardelé p. 213-230
Clio a lu « Joueuses ! »
- Marco Giuman, La trottola nel mondo classico: archeologia, fonti letterarie e iconografiche : Rome, Giorgio Bretschneider Editore, 2020, 160 p. - Véronique Dasen p. 269-271
- Jayne Draycott & Kate Cook, Women in Classical Video Games : London, Bloomsbury, 2022, 288 p. - Esteban Giner, Gabrielle Lavenir p. 271-274
Comptes rendus divers
- Tatiana Ivleva & Rob Collins (eds.), Un-Roman Sex: gender, sexuality, and lovemaking in the Roman provinces and frontiers : Abingdon/New York, Routledge, Routledge monographs in classical studies, 2020, 380 p. - Summer Courts, Bibia Pavard p. 275-278
- Claude Guillon, Robespierre, les femmes et la Révolution : Paris, Éditions IMHO, Coll. « Essais », 2021, 355 p. - Solenn Mabo p. 278-281
- Édith Thomas, Les Pétroleuses, nouvelle édition préfacée et enrichie par Chloé Leprince ; Carolyn J. Eichner, Franchir les barricades. Les femmes dans la Commune de Paris, traduit de l'anglais par Bastien Craipin, Sidonie Verhaeghe, Vive Louise Michel ! Célébrité et postérité d'une figure anarchiste : Paris, Gallimard, 2021 [1963], coll. « Folio Histoire », 393 p. ; Paris, Éditions de la Sorbonne, 2020 [2004], coll. « Histoire de la France aux XIXe et XXe siècles », 312 p. ; Vulaines-sur-Seine, Éditions du Croquant, 2021, 298 p. - Michelle Zancarini-Fournel p. 281-285
- Jérémie Brucker, Avoir l'étoffe. Une histoire du vêtement professionnel en France des années 1880 à nos jours : Nancy, Arbre bleu, coll. « Histoire des mondes du travail », 2021, 406 p. - Isabelle Cambourakis p. 285-288
- Antonin Durand (dir.), Les Voyages forment la jeunesse. Les boursières scientifiques David-Weill à la découverte du monde (1910-1939) : Strasbourg, Presses universitaires de Strasbourg, 2020, 391p. - Marie-Elise Hunyadi p. 288-291
- Catherine Valenti, Germaine Leloy. La dernière guillotinée : Paris, Fauves éditions, 2021, 166 p. - Laurence Giordano p. 291-294
- Juliette Rennes (dir.), Encyclopédie critique du genre, 2e édition : Paris, La Découverte, 2021. - Cécile Thomé p. 294-296
- Clio a reçu - p. 297-298