Contenu du sommaire : Former à l'intervention sociale
Revue | Pensée Plurielle |
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Numéro | no 56, 2022 |
Titre du numéro | Former à l'intervention sociale |
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- Former à l'intervention sociale : Comment pensent (et font penser) les instituts de formation à l'intervention sociale et au travail social professionnels - Yves Lacascade p. 5-8
- Entre professionnalisation de l'Université et universitarisation des écoles professionnelles, « faire sa transition » pour les écoles sociales : du savoir comme phare à la lampe de poche du professionnel enquêteur - Patrick Lechaux p. 9-21 L'étonnante permanence des grands traits du système de formation des travailleurs sociaux, malgré ses transformations régulières, est au cœur de cette contribution. L'auteur montre que ce système est en réalité l'expression du croisement de deux matrices épistémiques qui ont engendré ce modèle français singulier d'écoles professionnelles de métier, notamment sous l'angle du statut des savoirs enseignés. La nouvelle « ère géologique » dans les champs du social et de la formation rend cependant désormais possibles des reconfigurations institutionnelles et curriculaires comme le manifestent les deux exemples retenus : l'approche du territoire par des outils scientifico-pragmatiques ; l'approche ethnographique de l'activité d'enquête des professionnels.This contribution explores the amazing permanence of the main features of the training system for social workers, despite its regular transformations. The author shows that this system is in fact the result of the crossing of two epistemic matrices that have generated this singular French model of vocational schools, in particular from the point of view of the status of the knowledge taught. The new “geological era” in the fields of social and training now makes possible institutional and curricular reconfigurations as shown by two examples: the approach of the territory by scientific-pragmatic tools; the ethnographic approach of professional survey.
- Une redéfinition tâtonnante de la recherche au sein d'une école de travail social : Exploration des effets de la pluralité des rationalités en présence et de la socialisation professionnelle des chargés de recherche - Maëlle Moalic p. 22-33 Cet article s'efforce de caractériser et d'expliciter l'activité menée par un service recherche dans une école de formation aux métiers du social. Il s'agit d'identifier les facteurs explicatifs des oscillations observées entre logiques d'action et production de connaissances. La compréhension de démarches de recherche à distance d'un ethos de chercheur académique constitue un second objectif. La réinscription du service dans un univers institutionnel permet d'identifier des attentes plurielles et parfois contradictoires vis-à-vis de ce service. La manière dont les chargés de recherche endossent leur rôle de chercheurs dans cet espace contraint est en outre étroitement liée à leur « socialisation professionnelle ». Leurs dispositions les poussant moins à reproduire un schéma académique, ils proposent un modèle de production des savoirs original qui valorise leur socialisation professionnelle dans le secteur du travail social.Focused on a French school of social work, this article considers the question of social work research. The service dedicated to the research divides its times between intervention projects, “participatory action research”, and rushed research projects carried out without the usual precautions. Our aim is to identify the factors which explain this scattered search model. By exploring the contextual framework, it appears that the service dedicated to the research has to face constraints and contradictory injunctions. Its room for manoeuvre is limited. But there is more to it than that. This explanation must be linked to the specificities of the professional socialization of research officers. Because of their past as social workers or trainers, they are distant from an academic research model.
- Comment savoir ? Les rapports aux sciences sociales des étudiants en formation en travail social - Renaud Cornand, Hajer Bettaieb p. 34-46 Cet article présente les résultats d'une recherche portant sur les rapports aux sciences sociales d'étudiants en formation de travail social. L'enquête s'est appuyée sur la mobilisation de deux types de matériaux empiriques : des observations réalisées dans le cadre d'enseignements en sciences sociales et des données issues d'un questionnaire distribué à des étudiants d'un institut de formation. Notre travail montre que ce qui fait prioritairement obstacle à l'accès aux savoirs produits par les sciences sociales n'est pas un quelconque désintérêt lié à l'incompréhension de l'utilité de ces savoirs, mais plutôt la difficulté à identifier où ces savoirs sont publiés, voire à distinguer clairement ce qu'est un savoir scientifique.This article presents the results of research examining the relationship of social work students to social sciences. The investigation was based on the mobilization of two types of empirical material: observations made in the context of teaching in the social sciences and data from a survey distributed to students of a professional institute. Our study shows that a major obstacle to access to knowledge produced by the social sciences is not any disinterest caused by the lack of understanding of the usefulness of this knowledge but the difficulty of identifying where this knowledge is published, or even to clearly distinguish what scientific knowledge is.
- Se former aux métiers du social par le jeu : Le jeu en formation de travailleur social comme outil d'émergence de compétences professionnelles - Valérie Galantini p. 47-58 Jouer est inné mais n'est pas pour autant aisé pour des adultes en formation. Former, ce n'est pas seulement transmettre des connaissances d'un expert vers un apprenant mais c'est aussi créer des conditions pour que les apprenants progressent ensemble, entre eux, sous l'impulsion d'un formateur (apprentissage coopératif). Le jeu permet d'apprendre en éprouvant du plaisir : c'est par l'expérience et dans l'agir que se situe cet apprentissage. Le jeu est choisi dans l'idée de proposer des méthodologies alternatives à celles couramment utilisées. Il vient alors travailler la dynamique de groupe, l'esprit d'équipe et de coopération, en améliorant la communication professionnelle des étudiants. Jouer est un acte délibéré, choisi, qui inscrit la personne et son savoir au sein du corps social. Le jeu facilite ainsi la cohésion du groupe et permet de créer des liens. Il facilite le partage et permet de libérer la parole.Plaiying is innate, but it is not easy for adults in training. Training is not only about transmitting knowledge from an expert to a learner, but also about creating the conditions for learners to progress together, under the guidance of a trainer (cooperative learning). The game allows us to learn while having fun; it is through experience and action that this learning takes place. The game is chosen with the idea of proposing alternative methodologies to those commonly used. It works on group dynamics, team spirit and cooperation, and improves students' professional communication. Playing is a deliberate, chosen act; it inscribes the person and his or her knowledge within the social body. Playing facilitates the cohesion of the group and allows for the creation of links; it facilitates sharing and allows for the freeing of speech.
- La (dé)formation en travail social : Construction identitaire et socialisation professionnelle en formations au travail social - Nicolas Polo p. 59-70 Les formations au travail social ont pour but de faire acquérir des savoir-faire et des connaissances spécifiques à l'exercice de ces métiers, mais en tant qu'intenses moments de socialisation secondaire, elles sont également à appréhender en termes de construction identitaire. Mais alors, quel est ce processus et comment opère-t-il ? Cet article, mêlant approche sociologique et expérience de formateur en travail social, s'attache à questionner trois aspects en particulier de ce phénomène : la formation comme processus de construction identitaire, les étapes de la socialisation professionnelle et enfin, le développement d'une culture professionnelle.The purpose of social work training is to acquire specific skills and knowledge to exercise of these professions, but as intense moments of secondary socialization, they are also to be understood in terms of identity building. But then, what is this process and how does it operate? This article, combining a sociological approach and experience as a trainer in social work, will focus on questioning three aspects in particular of this phenomenon: training as a process of identity construction, the stages of professional socialization, and finally, the development of a professional culture.
- Se défaire de l'usager en soi : Premières réflexions sur la formation des travailleurs sociaux, ses limites et ses dérives en tant qu'injonction au changement et imposition d'un travail sur soi - Yves Lacascade p. 71-83 Dans cet article, via la présentation d'une enquête réalisée un peu avant le début puis au milieu des années 2010 et au cours de laquelle il a interviewé une trentaine d'apprenant.e.s, l'auteur s'efforce de valider cinq hypothèses concernant la formation des travailleurs sociaux professionnels qui, une fois réunies, proposent une lecture anthropologique d'ensemble de celle-ci : la formation des travailleurs sociaux professionnels fonctionne comme un rite d'institution au cours duquel les apprenants placés en position d'usagers de l'intervention sociale sont tenus de réaliser un travail sur eux-mêmes dont l'objectif est la mise à distance radicale et définitive de l'usager (passé, présent ou éventuel) en eux. Mise à distance qui atteste par avance de l'efficacité des actions qu'ils auront à conduire.In this paper, through the presentation of research carried out in twice – just before the beginning of the 2010s and six years later – based on the interviews of around thirty students, the author strives to validate five hypotheses concerning the training of professional social workers which, once brought together, offer an overall anthropological reading of it: the training of professional social workers functions as an institutional rite placing the learners in the position of users of social services who are required to produce a work on themselves, for the purpose of creating a radical and definitive distance between them and the user (past, present or potential) of social services inside themselves. A distancing that attests in advance the effectiveness of the actions they will have to carry out.
- « Nous les apprentis, on n'est pas des stagiaires ! » : comprendre les différences de construction des professionnalités aux métiers de l'éducation spécialisée - Marie Chartier p. 84-96 Se former à un métier de l'éducation spécialisée peut se faire à partir de différents dispositifs de formation en alternance. Nous proposons une réflexion sur les apprentis et les étudiants en formation initiale, deux statuts qui témoignent d'organisations distinctes de formation pour accéder à un même diplôme. Nous partirons de l'hypothèse que des professionnalités différentes s'y construisent. Dans les deux premières parties, le parcours avant l'entrée en formation d'éducateur spécialisé, les épreuves de sélection et l'organisation de l'alternance sont étudiés pour chacune des deux modalités de formation. Puis dans un troisième temps, nous analysons comment se construisent les professionnalités dans ces dispositifs de formation.Training in a specialized education profession can be done through different training systems in alternation. We propose a discussion about apprentices and students in their initial training, two statuses that reflect distinct training organizations to access the same diploma. We will start from the hypothesis that different professionalities are built. In the first two parts, the pathway before entering the training of specialized educator, selection tests, and the organization of the work-study program are studied for each of the two training modalities. In the third part, we analyze how professionalities are built in these training systems.
- Travailleurs sociaux et enseignants : penser des temps communs de formation pour construire une société inclusive - Renaud Claverie p. 97-111 La recherche a transformé la conception initiale du handicap et, au travers des différentes définitions données, depuis le milieu du siècle dernier, de nouvelles pratiques éducatives et pédagogiques ont vu le jour. En ce début de troisième décennie du XXIe siècle, il nous semble nécessaire de poser les questions du travail social, et de la formation des travailleurs sociaux, dans un contexte éducatif plus large, depuis notamment la mise en œuvre de la loi de février 2005, qui définit ainsi de nouveaux « espaces de travail », de nouvelles missions, de nouvelles pratiques professionnelles et de nouveaux partenariats. Cette posture nous amènera à considérer les métiers du travail social et ceux de l'enseignement dans une certaine forme de complémentarité, relevant d'un indispensable partenariat à construire. À ce titre, des propositions en matière de formation sont à envisager pour construire une société inclusive.Research has transformed the initial conception of disability and, through the various definitions given, since the middle of the last century, new educational and pedagogical practices have emerged. At the beginning of the third decade of the 21th century, we believe necessary to ask the question of social work, and the training of social workers, in a broader educational context, notably since the implementation of the February 2005 Act, which thus defines new “workspaces”, new missions, new professional practices and new partnerships. This posture will lead us to consider the professions of social work and those of education in a certain form of complementarity, and part of an indispensable partnership to be built. As such, proposals for training are to be considered to build an inclusive society.
- L'urbanisme transitoire : carewashing ou jeu de dupes dans la fabrique de la ville ? : Le cas du tiers lieu Coco Velten à Marseille - Sébastien Delfavero p. 112-126 La quête de sens est une motivation essentielle pour les jeunes diplômés de l'enseignement supérieur. Ainsi, des acteurs de l'aménagement, de l'architecture ou du spectacle intègrent depuis quelques années l'économie sociale et solidaire. Ils fondent leur pratique sur des appels à projets et ils inventent des lieux hybrides qui associent mixité sociale et créativité.Si ce type de management vise l'innovation, ces pratiques bouleversent l'intervention sociale : les modes de financement sollicités modifient profondément le rapport au temps et à l'action. Partant de l'observation d'un tiers-lieu marseillais et de son environnement, cet article expose les tensions qui naissent des différences de pratiques et de cultures entre les porteurs d'un projet d'urbanisme transitoire et les structures sociales pérennes et plus traditionnelles qui l'environnent. Si la temporalité est pointée du doigt pour expliquer ces tensions, n'y aurait-il pas là l'expression d'un différend logique, qui engagerait la rationalité même du projet, interrogeant sa capacité à prendre réellement en compte les questions sociales auxquelles il prétend se confronter ?The search for meaning is fundamental for young graduates. Thus, several actors from urban planning, architecture or entertainment integrate the social economy. They base their practices on calls for projects and they invent hybrid places, where social mix and creativity are combined. This kind of management aims for innovation, but this method disrupts the social sector. Indeed, this fund format involves a different relationship with time and action. Following the observation of Coco Velten, a third-place downtown Marseille, this article shows the tensions appearing develop between a temporary town planning project and its environment. The time scale difference of both approaches is commonly invoking. This argument is relevant but the rationality cutting across the project is probably also a decisive underlying factor.