Contenu du sommaire : Mise en scène de la rébellion dans les Amériques

Revue L'Ordinaire des Amériques Mir@bel
Numéro no 230, 2023
Titre du numéro Mise en scène de la rébellion dans les Amériques
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Mise en scène de la rébellion dans les Amériques - Nathalie Dessens, Émeline Jouve, Anne Stefani, Modesta Suárez accès libre
  • The Literary and Artistic Avant‑Gardes in Revolutionary Mexico (1915‑1929) - Anthony Stanton accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Cet article analyse cinq moments et scénari distincts qui définissent les premières avant-gardes artistiques et littéraires du Mexique entre 1915 et 1924. Ces moments initiaux impliquent tous des artistes et des écrivains mexicains établis à l'étranger. Née simultanément à New York et à Paris, puis renaissant à Caracas et à Barcelone, l'avant-garde mexicaine s'enracine finalement dans sa terre natale en 1921. Le cinquième moment fait l'objet d'une plus grande attention car il concerne l'Estridentismo, mouvement lancé à la fin de 1921 à Mexico. Nous proposons une lecture détaillée de la collaboration entre l'écrivain Manuel Maples Arce et le peintre Jean Charlot, en particulier dans l'édition illustrée du long poème Urbe: super-poema bolchevique en 5 cantos (1924) du premier. Dans chacun des moments mentionnés, les protagonistes se distinguent comme des rebelles indépendants au sein des mouvements radicaux de rébellion qui constituent la révolution esthétique que nous appelons aujourd'hui les avant-gardes historiques.
    This essay analyzes five different moments and scenarios that define the early artistic and literary avant-gardes of Mexico between 1915 and 1924. The initial moments all involve Mexican artists and writers who are based abroad. Born simultaneously in New York and Paris, then reborn in Caracas and Barcelona, the Mexican avant-garde finally sets down its roots in the native land in 1921. The fifth moment receives greater attention as it deals with the Estridentismo movement, launched at the end of 1921 in Mexico City. A detailed reading is offered of the collaboration between the writer Manuel Maples Arce and the painter Jean Charlot, especially in the illustrated edition of the former's long poem Urbe: super-poema bolchevique en 5 cantos (1924). In each of the moments mentioned the protagonists distinguish themselves as independent rebels within the radical movements of rebellion that constitute the aesthetic revolution we now refer to as the historical avant‑gardes.
  • Déplacement du poème à travers les saisons des émeutes : quelques exemples mexicains d'aujourd'hui - Nathalie Galland accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Afin de contribuer à la définition d'une économie de la révolte poétique au Mexique aujourd'hui, ce sont les compagnonnages rebelles de la poésie contemporaine que nous explorons ici en trois « saisons des émeutes » : infusion marxiste contre la globalisation néolibérale ; parler du monde depuis une communauté solidaire ; résistance du vernaculaire à la tropicalisation, quand l'éthos du poème contemporain fait corps comme travail de sape, manuel de survie ou reprise de souffle. De la langue tezontle d'O. de Pablo au modèle de la « communalité » mixe théorisé par C. Rivera Garza, de l'exégèse dialogique des glyphes mexica de Julián Herbert à la po-éthique binnizá d'Irma Pineda, les poèmes disent un ancrage inattendu dans la tradition vernaculaire. Face à l'interprétation dominante de la modernité, la révolte du poème contemporain reconfigure une politique du sensible, est d'abord résistance, humanité recouvrée, effets obliques d'un contre-cha.mp/nt.
    In order to contribute to a definition of poetic revolt in Mexico today, we intend here to explore and discuss rebellious companionships of contemporary poetry in three “seasons of the riots”: marxist infusion against neoliberal globalization; poem shaped by a new solidary community; resistance of vernacular verses to tropicalization, when the ethos of the contemporary poem rises as undermining, survival manual or deep breathing. From the tezontle language of Ó. de Pablo to the model of mixe «communality» theorized by C. Rivera Garza, from J. Herbert's extraordinarily dialogical deciphering of ancient glyphs to Irma Pineda's Binnizá writing, the poetic gestures reveal a certainly unexpected anchoring in indigenous traditions. Facing the dominant interpretation of Modernity, the revolt of the contemporary production reconfigures Politics through the Sensible, is first of all resistance, recovered humanity, oblique effects of a counter-poem.
  • Poet Warriors: Graphic and Linguistic Rebellion in Contemporary Native Writing - Audrey Goodman accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    L'autrice défend ici l'idée que les poètes amérindiens contemporains mettent en scène la rébellion dans leurs poèmes en résistant à l'autorité de la langue anglaise, des documents juridiques et des espaces institutionnels. L'étude est basée sur les écrits des écrivains contemporains Esther Belin (Diné), Layli Long Soldier (Lakota), Nathalie Diaz (Mojave) et Joy Harjo (Muscogee Creek) et explore également les publications collectives d'artistes autochtones, notamment les anthologies The Diné Reader et When the Light of the World was Subdued. L'article démontre comment la rébellion de ces écrivaines se déploie sur les plans linguistiques et symboliques : leurs poèmes usent du pouvoir des langues indigènes, les voix poétiques défient l'autorité des documents et des institutions gouvernementaux, et les formes retenues rendent compte des relations étroites que les Amérindiens entretiennent avec leurs terres, leurs langues et leurs communautés.
    This essay argues that contemporary Native poets stage rebellion on the pages of their poems through resisting the authority of the English language, of legal documents, and of institutional spaces. It focuses on the writing of contemporary writers Esther Belin (Diné), Layli Long Soldier (Lakota), Nathalie Diaz (Mojave), and Joy Harjo (Muscogee Creek) and also explores the collective publications of Native artists, including the anthologies The Diné Reader and When the Light of the World was Subdued. The essay demonstrates how these writers' rebellion takes linguistic and symbolic forms as their poems deploy the expressive power of Indigenous languages, as their speakers defy the authority of government documents and institutions, and as their poetic forms articulate deep relationships with their Native lands, languages, and communities.
  • Staging a Different Kind of Rebellion: Fighting Racial Stereotypes as Resistance in Slave Narratives - Marie-Pierre Baduel accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Les récits d'esclaves ne contiennent pas de rébellion au sens attendu du terme car aucune menace de violence ne pouvait trouver place dans ces récits. En racontant leur histoire, les anciens esclaves se sont pourtant rebellés contre l'esclavage, mais leurs armes étaient des mots pour témoigner de l'horreur qu'ils avaient vécue et dont ils avaient été témoins. Pour parler des Noirs, ils ont utilisé les étiquettes habituelles mais pour les combattre et résister ainsi à la déshumanisation et aux préjugés inhérents aux catégories raciales. Ils ont remis en question le concept même de « race » grâce à un réseau d'images utilisant la couleur de la peau et le sang comme vecteurs d'ethnicité et d'identité, et ont ainsi brouillé la « ligne de couleur ». Leur déshumanisation par les esclavagistes – mais aussi par les abolitionnistes – était bien le principal problème contre lequel ils résistaient. En se concentrant sur les individus, ils sont parvenus à reconquérir leur humanité.
    Slave narratives do not display instances of rebellion in the usual sense of the word because formerly enslaved narrators could not include any threats of violence in their narratives. In telling their stories, however, the narrators did rebel against slavery, although their weapons consisted of words carefully chosen to testify against the horror they had undergone and witnessed and to fight racial stereotypes. When referring to black people, they used the usual labels only to question them and resist the dehumanization and prejudices inherent in racial categories. They questioned the concept of race itself through a network of images involving skin color and blood as vectors of ethnicity and identity, and they blurred the color line in many ways. Dehumanization by pro-slavery activists – and even abolitionists – was indeed the main issue black people faced and resisted against. By focusing on individuals and individual stories of conversion and redemption, they reclaimed their humanity.
  • “My country, my enemy”: representing and questioning American politics through radical activism in The Darling by Russell Banks - Marine Paquereau accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Dans le roman The Darling, publié par Russell Banks en 2004, une jeune Américaine, Hannah Musgrave, décide de se rebeller contre son éducation bourgeoise dans les années 1960, en épousant le radicalisme du Weather Underground. Recherchée pour terrorisme, elle est contrainte de vivre sous un nom d'emprunt puis finit par fuir les États-Unis et s'installer au Liberia. Cet article se propose d'étudier la façon dont Banks s'appuie sur l'expérience personnelle de son personnage fictionnel pour interroger l'impact des idéaux révolutionnaires sur la société américaine. Les identités multiples de la protagoniste, qui reflètent les bouleversements politiques et les conflits intérieurs de son pays, ainsi que le constant brouillage des frontières entre réalité et fiction permettent à Banks d'offrir une réflexion complexe sur la construction et la mise en scène de l'histoire politique américaine dans la seconde moitié du xxe siècle.
    In the novel The Darling, published by Russell Banks in 2004, a young American woman, Hannah Musgrave, decides to rebel against her bourgeois upbringing in the 1960s by embracing the radicalism of the Weather Underground. After being accused of terrorism, she has to live under a fake name and she eventually flees the United States to settle in Liberia. This article aims at studying the ways in which Banks draws on his fictional character's personal experience to question the impact of revolutionary ideals on American society. The protagonist's multiple identities, which reflect the political upheavals and the inner conflicts of her country, as well as the constant blurring of the boundaries between reality and fiction enable Banks to offer a complex reflection on the building and the staging of American political history in the second half of the twentieth century.
  • Bradford's Morton: The Lord of Misrule in Early New England - Benjamin Perriello accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Thomas Morton, figure controversée de la Nouvelle-Angleterre du xviie siècle, a tenté d'établir une colonie en Nouvelle-Angleterre. Surnommé le « Lord of Misrule » par William Bradford, Morton est accusé, entre autres méfaits, d'avoir incité des engagés sous contrat à échapper à leur servitude, et d'avoir organisé des festivités devant un rassemblement mixte d'Anglais et d'Algonquins. Cet article examinera deux textes : des extraits Of Plymouth Plantation de William Bradford et le New English Canaan de Thomas Morton. Ces récits divergents peuvent être lus comme une remise en scène de certaines préoccupations prédominantes déjà existantes en Angleterre (comme les pratiques festives populaires et du théâtre) inextricablement liées à l'articulation des classes sociales et à la crainte de la prolifération des « hommes sans maître ». Je soutiens que la lecture des récits contradictoires de Bradford et Morton offre une clé pour interpréter les pratiques de colonisation aux mains des puritains au début de la Nouvelle‑Angleterre.
    Thomas Morton, controversial figure in early New England, attempted to establish a colony in what is today Quincy, Massachusetts. Dubbed the “Lord of Misrule” by William Bradford, Morton was accused of enticing indentured servants to escape their bondage, and staging festivities to a mixed gathering of English and Algonquian-speaking peoples, amongst other crimes. This article will examine two texts: those excerpts of William Bradford's Of Plymouth Plantation that mention Morton, and Thomas Morton's New English Canaan. These divergent accounts may be read as a restaging of some predominant preoccupations of early modern England, namely the hostile reception of popular festive practices and the theater, inextricably linked to the articulation of social class, and the fear of “masterless men.” I argue that reading the conflicting accounts of Bradford and Morton offer a key to interpreting the practices of colonization at the hands of Puritans and Pilgrims in early New England.
  • Staging LGBTQ Protest in the United States: Exploring the Politics of Theatricality - Guillaume Marche accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Cet article étudie les modalités physiques, discursives et visuelles selon lesquelles, aux États-Unis, le mouvement LGBTQ met en scène ses revendications et sa rébellion. L'article demande si la « mise en scène » doit s'entendre de façon littérale ou figurée et examine les interactions entre performeur∙ses et auditoire, que la performance soit explicite ou implicite, voire involontaire. L'auditoire et la scène sont un angle heuristique car, si la mise en scène diffère selon que l'auditoire est interne ou externe à la communauté LGBTQ, ce caractère interne ou externe n'est ni fixe ni inhérent et la frontière peut fluctuer. Les scènes elles-mêmes ne sont pas des données fixes, mais des contingences tributaires de facteurs sociaux, politiques, culturels et économiques. L'article analyse des exemples qui révèlent la forme particulièrement théâtrale que peut prendre la rébellion LGBTQ et montrent que la mise en scène peut politiser des pratiques qui ne sont pas a priori politiques.
    This paper considers the physical, verbal, and visual aspects of how LGBTQ protest and rebellion are and have been staged in the United States. It examines whether “staging” should be taken literally or figuratively, and explores the interactions between performers and audiences, whether the performance is explicit or subtle, possibly involuntary. A heuristic angle is that of audiences and stages: just as staging should be addressed differently depending on whether the audience is internal or external to the LGBTQ community, audiences are not inherently internal or external, but the boundary may fluctuate. Likewise, the stages on which LGBTQ protest is performed are not given or fixed, but contingent on larger social, political, cultural, and economic factors. The article examines examples that are illustrative and telling of the ways in which LGBTQ protest and rebellion may take on a theatrical form, or the staging itself may endow some practices with a degree of politicity.