Contenu du sommaire : Histoire et travail social : écriture, mythes et récits
Revue | Astérion |
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Numéro | no 28, 2023 |
Titre du numéro | Histoire et travail social : écriture, mythes et récits |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Dossier
- Histoire et travail social : écriture, mythes et récits - Michaël Pouteyo Alors que les recherches sur l'histoire du travail social se développent et s'élargissent depuis plusieurs années, ce dossier entend examiner de quelles manières histoire, sociologie et philosophie peuvent croiser objets et méthodes pour engager un dialogue fécond.While research on the history of social work has been developing and expanding for several years, this issue seeks to examine the ways in which history, sociology and philosophy can cross reference research topics and methods and engage in a fruitful dialogue.
- Ces filles accusées et repérées par le travail social - Jean-François Laé En parcourant ses travaux des années 1975 à 2010, Jean-François Laé découvre la très forte présence d'une figure, « les filles mères » capturées dans les filets des tribunaux, du travail social, des veilles institutionnelles. Il retrace le chemin sinueux de ses recherches et de sa propre biographie, pour réinterroger une correspondance des années 1950, des analyses de jurisprudence civile de la fin du XIXe au début du XXe siècle, des « mains courantes » de police des années 1960, des archives d'institutions sociales.Browsing through his work from 1975 to 2010, Jean-François Laé discovers the very powerful presence of a figure, “the teenage mother”, who is caught up in the nets of the courts, social work and institutional supervision. He traces the sinuous path of his research and of his own biography, in order to re-examine a connection from the 1950s, civil case law from the end of the 19th to the beginning of the 20th century, police archives from the 1960s, and the archives of social institutions.
- Quels appuis pour qui veut contribuer à l'histoire du travail social ? - Michel Chauvière Après avoir développé pourquoi et comment lui-même, sociologue du « social en actes », est parfois devenu historien ou plus exactement socio-historien, l'auteur nous présente les tenants et aboutissants de deux programmes de recherche conduits dans des conditions problématiques et méthodologiques contrastées. Il s'agit, d'une part, de travaux sur la naissance du secteur de l'enfance inadaptée et de la profession d'éducateur spécialisé, assez classiques dans leur conception, et, d'autre part, d'une investigation longuement partagée et même publiée avec les acteurs concernés, qui visait l'histoire de certaines associations familiales issues de la matrice du catholicisme social. Il conclut en soulignant pourquoi il faut régulièrement faire évoluer sa problématisation et en rappelant la nécessité de conditions institutionnelles et professionnelles favorables, sans quoi la recherche glisserait vers le simple échange des points de vue.Having established why and how, he, a sociologist of “social work in action” has sometimes become a historian, or more exactly a social historian, the author presents to us the ins and outs of two research programmes conducted in contrasting and methodological conditions. These involve, on the one hand, studies on the emergence of the maladjusted children sector and the profession of special needs teacher, both quite traditional in their approach, and, on the other hand, an investigation conducted over a long period of time, and even published with the actors concerned, which sought to explore the history of certain family associations founded on the Social Catholicism model. He concludes by emphasising why it is necessary to update his problematisation on a regular basis and by reiterating the need for favourable institutional and professional conditions, to ensure that research does not slide towards a mere exchange of points of view.
- Le lent recul des violences éducatives dans les établissements de l'Éducation surveillée - Jean-Jacques Yvorel La réforme des établissements pour mineurs sous main de justice entreprise en 1945 exclut tout usage de la violence physique. Les textes officiels, les articles de la presse généraliste ou professionnelle relèvent tous ce rejet de la manière forte et vantent la nouvelle pédagogie. Si l'on délaisse ces sources imprimées et que l'on explore les archives comme les rapports d'inspection, les comptes rendus d'activité, les dossiers des personnels et ceux des mineurs, on perçoit alors l'écart entre les pratiques effectives et les nouvelles normes promues par les autorités. L'auteur a mené l'enquête à l'« internat approprié de Chanteloup », la structure de l'éducation surveillée la plus susceptible de rejeter les « violences pédagogiques ». Pourtant, là aussi elles subsistent et l'on mesure la force de l'habitude et la lenteur de certaines transformations dans le champ de l'éducation.The reform of establishments for young offenders undertaken in 1945 prohibits any use of physical violence. Official texts and articles from the mainstream and professional media all highlight this rejection of the heavy-handed approach and extol the new pedagogy. If we put aside these printed sources and explore archives such as inspection reports, activity reports, records of both employees and the young people, we can see the discrepancy between actual practices and the new standards promoted by the authorities. The author carried out the study at the Chanteloup correctional boarding school, the young offenders' centre most likely to reject “educational violence”. However, even there it was still in evidence and so we evaluate the force of habit and the slow pace of certain changes in the field of education.
- Travail social, psychiatrie et alcoolisme dans les années 1950 au prisme des dossiers d'une consultation parisienne - Anatole Le Bras À partir de l'observatoire d'une « consultation antialcoolique » ouverte en 1954 dans le 13e arrondissement de Paris, cet article étudie la manière dont le travail social a investi le nouveau champ d'action du suivi psychiatrique de l'alcoolisme, dans un contexte de mutations de la prise en charge médicale de cette maladie. Le contenu autant que la structure des dossiers de patients de la consultation, que nous mettons en regard avec des publications issues de revues médicales et de travail social, permettent d'approcher le travail quotidien des assistantes sociales, au plus près des alcooliques et de leurs familles. Nous montrons que l'action de l'assistante sociale, devenue centrale bien que subordonnée à celle du médecin psychiatre, s'enrichit d'une dimension psychothérapique et se caractérise par la recherche de la confiance du malade et de son adhésion au traitement, marquant ainsi une inflexion nette dans le rapport aux populations assistées. Cependant, ces évolutions ne suffisent pas à débarrasser le travail social de ses ambiguïtés constitutives et notamment de ses fonctions de contrôle et de surveillance, sources de difficultés, de malentendus et de conflits avec les malades et leurs proches.Drawing on the records of an “alcoholism counselling service” launched in the 13th arrondissement of Paris in 1954, this article studies how social work became part of the new scope of psychiatric care for alcohol addiction, at a time when new medical cures were becoming available. The content and structure of patient records, which we analyse in comparison with papers from medical and social work journals, provide an insight into the day-to-day tasks of the social workers, who worked as closely as possible with alcoholic patients and their families. The article shows that the action of the social worker, which became central, although subordinated to that of psychiatric medicine, took on a psychotherapeutic dimension and was characterised by the need to gain the patient's trust and ensure their adherence to treatment, thus marking a clear inflection in the relationship with beneficiaries. However, social work was still characterised by its constitutive ambiguity; its control and surveillance functions created difficulties, misunderstandings and disputes with the patients and their relatives.
- L'anthropologie de l'enfant dans les romans de la rééducation des années 1950, récit et oppositions idéologiques - Michaël Pouteyo À partir de l'examen d'une scène similaire dans trois romans reçus dans les années 1950 dans le domaine de l'enfance en marge, cet article entend montrer quelles oppositions et arrière-plans idéologiques ces romans permettent de resituer. Derrière des usages du récit et des stratégies discursives propres se font jour des conceptions de la rééducation bien différentes, qui reposent sur des anthropologies de l'enfant antagonistes qu'il s'agit d'identifier plus clairement.Based on the examination of a similar scene in three novels received in the 1950s on the subject of childhood on the margins of society, this article seeks to show the ideological clashes and represented in these novels. Behind their respective uses of narrative and specific discursive strategies, very different conceptions of rehabilation emerge. These are based on conflicting anthropologies of the child that need to be more clearly identified.
- Histoire et travail social : écriture, mythes et récits - Michaël Pouteyo
Varia
- Le siège cérébral des facultés mentales au XVIIe siècle - Raphaële Andrault En 1810, Gall et Spurzheim posent le diagnostic suivant : la piètre connaissance du substrat cérébral des facultés mentales doit être imputée à la longue inféodation de l'anatomie par la métaphysique. Dans le présent article, nous interrogeons un tel jugement historique à partir du Discours sur l'anatomie du cerveau de Niels Steensen. La présentation des « systèmes » de localisation cérébrale que Steensen critique (celui des « Anciens », celui de Thomas Willis et celui de Descartes) nous permettra d'abord de brosser un tableau des différentes conceptions possibles du « siège de l'âme » au XVIIe siècle. Nous montrerons ensuite comment, dans ces trois cas de figure, la mise en correspondance d'une anatomie neurocérébrale lacunaire et d'une topique des grandes facultés mentales conduit à postuler que telle ou telle partie cérébrale est le siège de la mémoire, celui de l'imagination ou encore celui du sens commun. Enfin, nous montrerons que c'est au nom de la science anatomique, restreinte à ce qui peut être attesté par des témoins oculaires, que Steensen a écarté le principe même des localisations cérébrales.In 1810, Gall and Spurzheim proposed the following diagnosis: the scant of knowledge of the cerebral substratum responsible for mental faculties must be attributed to the excessive subservience of anatomy to metaphysics. In this article, we examine this historic judgement with reference to Niels Steensen's Discourse on the Anatomy of the Brain. By presenting the cerebral localisation “systems” of which Steensen is critical (those proposed by the “ancients”, by Thomas Willis and Descartes), we will firstly provide an overview of the different conceptions of the “seat of the soul” in the seventeenth century. We will then show how, in these three cases, the correlation between a lacunar brain mapping and a spatial representation of mental faculties leads to the postulation that a particular part of the brain is the seat of memory, imagination or common sense. Finally, we will show that it was in the name of anatomical science, limited to what can be evidenced by eyewitnesses, that Steensen rejected the very principle of cerebral localisation.
- L'eugénisme solidariste de la puériculture d'Adolphe Pinard - François Secco Cette publication examine les rapports entre la puériculture d'Adolphe Pinard et le solidarisme théorisé par Léon Bourgeois. Dans une tentative de constitution d'une forme d'eugénisme pensée comme progressiste et humaniste, Pinard noue l'eugénisme qu'il développe avec les impératifs de justice sociale promus par ce dernier. En découle, d'une part, la subordination de la puériculture à des principes d'égalité et à des droits fondamentaux pour tous les individus et, d'autre part, l'idée d'une nécessaire amélioration biologique de la population comme condition de l'extension de la liberté et de la solidarité. La première partie de l'article établit un rapprochement entre les deux auteurs, sur la base du paradigme néo-lamarckien sur lequel ils s'appuient, et détaille les modalités et la finalité du solidarisme. Une deuxième partie examine la nature de l'assimilation de la « religion de l'humanité » à la solidarité, qui entraîne à la fois la défense d'un amour à l'échelle collective, mais également la sacralité de la vie des « anormaux ». Une dernière partie décrit les leviers d'inspiration solidariste envisagés par Pinard pour prévenir la dégénérescence de l'humanité. Ils reposent sur une redéfinition des critères d'évaluation de la valeur de la fonction sociale de l'individu et s'exercent sur, d'une part, la famille et, d'autre part, les femmes eugéniques.This paper examines the relationship between the puericulture of Adolphe Pinard and Léon Bourgeois' solidarism. In an attempt to create a progressive and humanistic form of eugenics, Pinard links the science he was developing with the imperatives of social justice advocated by Bourgeois. This results in, on the one hand, the subordination of puericulture to principles of equality and fundamental rights for all individuals and, on the other, the idea of the need for a biological enhancement of the population as a condition for the extension of liberty and solidarity. The first part of the article establishes a connection between the two authors through the neo-Lamarckian paradigm which they spoused, and details the how and the why of solidarism. A second part examines the nature of the assimilation of the “religion of humanity” into solidarity, which entails both the defence of love at a collective level and the sanctity of those deemed “abnormal”. A final part describes the solidarist-inspired levers envisaged by Pinard for preventing the degeneration of humanity. They are based on a redefinition of the criteria used to determine the value of the social function of the individual and have an impact on the family, on the one hand, and eugenic women on the other.
- Les théories de l'ordre social spontané à l'épreuve d'un retour du dessein : Mandeville et Hayek - Laurent Francatel Bernard Mandeville est souvent présenté comme l'un des penseurs les plus importants des théories de l'ordre social spontané. Selon Friedrich August Hayek, B. Mandeville, dans son ouvrage La fable des abeilles (1714), rend possible une conception radicalement renouvelée de l'ordre social. L'ordre social est-il le produit d'un dessein humain ou, au contraire, faut-il voir en lui le résultat d'une formation spontanée ? Loin d'être le produit d'une quelconque intention humaine, l'ordre observé dans la société est le résultat d'un processus autorégulé et autoperpétuant. L'approche de Mandeville a pour but d'invalider toute forme de constructivisme social. La société est alors perçue comme un « édifice sans architecte » (Gilles Dostaler, Le libéralisme de Hayek). À l'instar des penseurs des Lumières écossaises, Mandeville soutient que l'ordre social est le produit de l'action des hommes mais non celui de leur intention.Cependant, ni Mandeville ni Hayek ne parviennent à éliminer radicalement la notion de dessein de leur approche de l'ordre social. Cet article a pour objectif de démontrer la permanence d'un dessein y compris dans les théories de l'ordre social spontané.Bernard Mandeville is often cited as one of the most influential thinkers on the theories of spontaneous social order. According to Friedrich August Hayek, B. Mandeville, in his The fable of the Bees (1714), enables a completely transformed understanding of social order. Is the order we observe in society the product of human design or does it, conversely, come about spontaneously? Far from being the product of some kind of human intention, the order observed in society is the result of a self-regulating and self-perpetuating process.Mandeville's approach aims to invalidate any form of social constructivism. Society is therefore seen as an “edifice without an architect” (Gilles Dostaler, Le libéralisme de Hayek). Mandeville, like the thinkers of the Scottish Enlightenment, considers social order to be the outcome of human action rather than human intention.However, neither Mandeville nor Hayek succeeds in eliminating human design in their approach of social order. This paper seeks to establish that human design is even at work in the theory of spontaneous social order.
- Le siège cérébral des facultés mentales au XVIIe siècle - Raphaële Andrault