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Revue | Revue critique de droit international privé |
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Numéro | no 2, avril-juin 2023 |
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Éditorial
- Sciences et techniques - Horatia Muir Watt, Dominique Bureau, Sabine Corneloup p. 295-296
Doctrine
- Pour une approche décoloniale du droit international privé - Sandrine Brachotte p. 297-316 Le présent article présente l'approche décoloniale du droit international privé qui a fait récemment son entrée dans la liste des sujets pressants pour la discipline, non seulement dans les pays colonisés mais aussi en Europe. En France, le sujet n'est peut-être pas encore abordé comme tel, mais est au moins apparu dans une thèse défendue à l'école de droit de Sciences Po Paris en mai 2022, intitulée « The Conflict of Laws and Non-secular Worldviews: A Proposal for Inclusion » (Le droit international privé et les visions du monde non laïques : une proposition d'inclusion). Cette thèse préconise notamment de revisiter le principe de l'autonomie de la volonté, la reconnaissance, et la compétence internationale pour les rendre plus perméables des visions du monde non occidentales. Après avoir proposé une description de la pensée décoloniale et du courant de décolonisation du droit international privé, cette contribution résume les points essentiels de la thèse à cet égard, et identifie les questions plus larges qu'elles posent au droit international privé, spécialement quant aux notions de « droit », d'« étranger », et de « conflit ».This article presents the decolonial approach to private international law, which has recently entered the list of pressing topics for the discipline, not only in colonised countries but also in Europe. In France, the subject may not yet be addressed as such, but it at least appeared in a Ph. D. thesis defended at the Sciences Po Paris Law School in May 2022, entitled “The Conflict of Laws and Non-secular Worldviews: A Proposal for Inclusion”. This thesis argues for an alternative theorisation of the notions of party autonomy, recognition, and international jurisdiction to make them more inclusive of non-Western worldviews. After having offered a description of the decolonial approach and the current international decolonisation of private international law, this contribution summarises the essential points of the Ph. D. thesis in this respect and identifies the broader questions that it raises for private international law, especially as regards the notions of “law”, “foreign” and “conflict”.
- Les conflits de juridictions à l'épreuve de l'individualisme - Elie Lenglart p. 317-334 Le constat est généralement partagé qui fait de l'individualisme l'un des traits spécifiques de notre modernité juridique. Reposant sur une conception du monde particulière conférant à l'individu une primauté irréductible dans la description et de l'évaluation du réel, la doctrine individualiste emporte d'importantes conséquences dans l'ensemble des branches du droit, et le droit international privé n'y fait évidemment pas exception. Si son influence en matière de conflit de lois semble aisément perceptible, l'incidence de cette tendance dans le domaine des conflits de juridictions ne doit pas être sous-estimer. Celle-ci se laisse en effet déjà percevoir sur le terrain de la détermination de la compétence internationale des juridictions françaises, cela par la mise à disposition de l'individu des divers fors disponibles ainsi que par la tendance à l'extension du choix volontaire de for donnant aux intérêts individuels. Elle se fait également ressentir au stade de la circulation des décisions étrangères en imposant de garantir la reconnaissance des statuts individuels aux conditions les plus libérales qui soient, traduisant ainsi la réorganisation de l'ensemble du système autour de l'individu.Individualism is one the characteristic features of modern legal theories. The emergence of the individualistic approach is profoundly linked to a special perception and evaluation of the reality based of the superiority of the individual. This conception has had decisive consequences in private international law. The impact of this tendency should not be underestimated. Its influence is noticeable in the first place on the determination of international competency of French jurisdictions, both via the provision of available jurisdictions to individuals and via the individuals' propensity to extend their choices of jurisdictions based on their personal interests. It also influences the recognition and enforcement of foreign judgments by imposing the legal recognition of individual statuses under extremely liberal conditions, reorganizing in turn the whole system around the individual.
- Nouvelles réflexions sur les clauses attributives de compétence optionnelles - David Sindres p. 335-350
- Pour une approche décoloniale du droit international privé - Sandrine Brachotte p. 297-316
Variétés
- Frontière de l'âge, frontières de l'État : retours choisis sur la jurisprudence 2022 en matière de migrations - Thibaut Fleury Graff, Inès Giauffret p. 351-365
Jurisprudence
- Rien ne sert de posséder la nationalité française, il faut la réclamer à point : (Civ. 1re, 23 nov. 2022, n° 21-20.754, n° 21-20.759, n° 21-20.760, inédits, D. 2023. 200, obs. O. Boskovic) - Elise Ralser p. 367-383 Il résulte de l'article 21-13 du code civil que peut réclamer la nationalité française par déclaration la personne qui a joui, d'une façon constante, de la possession d'état de Français pendant les dix années précédant sa déclaration, à condition d'agir dans un délai raisonnable à compter de la connaissance de son extranéité (1er, 2e et 3e arrêts). A légalement justifié sa décision la cour d'appel qui a pu déduire que le délai de dix-huit mois écoulé entre la signification de son extranéité à l'intéressé et la souscription de la déclaration de nationalité n'était pas raisonnable.
- Mineurs non accompagnés : l'affirmation d'une présomption de minorité : (CEDH 21 juill. 2022, n° 5797/17) - Fabienne Jault-Seseke p. 385-393 Il résulte de différents textes européens et internationaux que l'importance primordiale de l'intérêt supérieur de l'enfant conduit à établir une présomption de minorité applicable aux mineurs non accompagnés, et à leur attribuer un tuteur afin qu'ils soient assistés dans le cadre de la procédure de demande d'asile. Il s'agit d'éléments inhérents à la protection du droit au respect de la vie privée d'un étranger non accompagné se déclarant mineur. Si l'appréciation par les autorités nationales de l'âge d'un individu peut constituer une étape nécessaire en cas de doute sur sa minorité, le jeu même de la présomption conduit à assortir cette appréciation de garanties procédurales.
- Compétence internationale des juridictions françaises en matière d'action en contrefaçon d'un brevet européen : (Civ. 1re, 29 juin 2022, n° 21-11.085, D. 2022. 1773, E. Farnoux ; RTD com. 2022. 513, obs. J.-Ch. Galloux ; Prop. indus. 2022. Étude 19, chron. A.-C. Chiariny ; JCP E 2023, 1013, obs. N. Binctin ; Prop. indus. 2023. Chron. 1, obs. J. Raynard et L. Teyssèdre) - Laurence Usunier p. 395-407 Viole l'article 8, point 1, du règlement (UE) n° 1215/2012 du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale la cour d'appel qui déclare les juridictions françaises incompétentes pour connaître des actes de contrefaçon commis par une société britannique en dehors du territoire français faute d'identité de situation de droit et de fait dans les demandes formées à l'encontre de cette société et de deux sociétés françaises codéfenderesses, alors que le demandeur invoquait les atteintes portées par les sociétés françaises et par la société britannique, en France, en Allemagne et en Grande Bretagne, aux mêmes parties nationales de son brevet européen, concernant le même produit. Il résulte de l'article 14 du code civil que le demandeur français, dès lors qu'aucun critère ordinaire de compétence n'est réalisé en France, peut valablement saisir le tribunal français qu'il choisit en raison d'un lien de rattachement de l'instance au territoire français, ou, à défaut, selon les exigences d'une bonne administration de la justice. Viole cette disposition la cour d'appel qui, pour dire incompétent le juge français pour connaître des actes de contrefaçon commis en dehors du territoire français par une société domiciliée en Afrique du Sud, retient que le demandeur ne démontre pas la pertinence du rattachement avec la présente instance, dès lors que le juge français n'est pas compétent pour les faits prétendument commis à l'étranger par la société britannique dont la société sud-africaine était le fournisseur et que les juridictions anglaise et allemande sont compétentes pour juger des prétendus actes de contrefaçon de la partie nationale du brevet litigieux commis sur leurs territoires respectifs.
- La circulation européenne du divorce sans juge : nouvel arrêt et toujours des incertitudes : (CJUE, gde ch., 15 nov. 2022, aff. C-646/20, D. actu. 30 nov. 2022, obs. F. Mélin ; D. 2022. 2044 ; ibid. 2023. 925, obs. S. Clavel et F. Jault-Seseke ; AJ fam. 2023. 53, obs. A. Boiché ; Gaz. Pal. 10 janv. 2023, GPL444e7, note F. Cassoudesalle ; Dr. fam. 2023, comm. 16, obs. A. Devers ; Europe 2023, comm. 46, obs. L. Idot ; Procédures 2023, comm. 42, obs. C. Nourissat, P. Callé ; Defrénois, n° 9, mars 2023, p. 25) - Sabine Corneloup p. 409-426 Un acte de divorce établi par un officier de l'état civil italien, comportant un accord de divorce conclu par les époux et confirmé par ceux-ci devant cet officier en conformité avec les conditions prévues par la réglementation de cet État membre, constitue une « décision », au sens de l'article 2, point 4 du règlement n° 2201/2003, qui est reconnue dans les autres États membres selon l'article 21, point 1.
- Retour sur la résidence habituelle des époux au sens du règlement Bruxelles II bis : (Civ. 1re, 30 nov. 2022, n° 21-15.988, D. 2022. 2168 ; AJ fam. 2023. 115, obs. D. D'Ambra AJ fam. 2023. 115, obs. D. D'Ambra ; Gaz. Pal. 1er janv. 2023, p. 58-59, obs. I. Rein-Lescastéreyres et M. Pfister ; Dr. fam. 2023, comm. 33, obs. M. Farge ; LPA févr. 2023, p. 51, note V. Legrand) - Samuel Fulli-Lemaire p. 427-433 Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE, 25 nov. 2021, IB/FA, aff. C-289/20) que la notion de résidence habituelle au sens de l'article 3, § 1, sous a), du règlement Bruxelles II bis est caractérisée, en principe, par deux éléments, à savoir, d'une part, la volonté de l'intéressé de fixer le centre habituel de ses intérêts dans un lieu déterminé et, d'autre part, une présence revêtant un degré suffisant de stabilité sur le territoire de l'État membre concerné, l'environnement d'un adulte étant de nature variée, composé d'un vaste spectre d'activités et d'intérêts, notamment professionnels, socioculturels, patrimoniaux ainsi que d'ordre privé et familial, diversifiés. La détermination de la résidence habituelle des époux, au sens de l'article 3, § 1, sous a), du règlement Bruxelles II bis, relève de l'appréciation souveraine des juges du fond.
- Précisions autour du règlement Bruxelles I bis : domaine de la compétence exclusive en matière de validité des inscriptions sur les registres publics (article 24, § 3) et modalités de la signification du certificat prévu par le texte (article 53) : (Civ. 1re, 11 janv. 2023, n° 21-17.092, D. 2023. 925, obs. S. Clavel et F. Jault-Seseke ; Rev. prat. rec. 2023. 3, obs. G. Cuniberti) - Gilles Cuniberti p. 435-441 La compétence exclusive en matière de validité des inscriptions sur les registres publics des juridictions de l'État membre sur le territoire duquel ces registres sont tenus ne concerne que le contentieux de la validité formelle des inscriptions, liée au droit de l'État détenteur du registre. La signification du certificat prévu par l'article 53 du Règlement Bruxelles I bis cinq minutes avant une saisie de droits d'associés n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation d'un arrêt rejetant la contestation de la saisie.
- Le minimalisme des exigences formelles en matière de convention attributive de juridiction : (CJUE 24 nov. 2022, n° C-358/21, Tilman SA c/ Unilever Supply Chain Company AG, D. actu. 3 janv. 2023, obs. F. Mélin ; D. 2022. 2167 ; ibid. 2023. 925, obs. S. Clavel et F. Jault-Seseke ; RTD com. 2023. 497, obs. A. Marmisse – d'Abbadie d'Arrast) - Lilian Larribère p. 443-458 Une clause attributive de juridiction contenue dans des conditions générales auxquelles il est renvoyé dans le contrat par un hyperlien est valable en la forme même si la partie à laquelle cette clause est opposée n'a pas été invitée à accepter ces conditions générales en cochant une case. Ces conditions générales doivent cependant être téléchargeables et imprimables sur le site Internet.
- Qualification européenne autonome des notions de « contrat portant sur un droit réel immobilier » et de « bail d'immeuble » : (CJUE 10 févr. 2022, aff. C-595/20, D. 2022. 280 ; ibid. 915, obs. S. Clavel et F. Jault-Seseke ; RTD civ. 2022. 931, obs. W. Dross ; RTD com. 2022. 690, obs. A. Marmisse-d'Abbadie d'Arrast) - Louis Perreau-Saussine p. 459-474 L'article 6, paragraphe 4, sous c), du règlement (CE) n° 593/2008 du Parlement européen et du Conseil, du 17 juin 2008, sur la loi applicable aux obligations contractuelles (Rome I), doit être interprété en ce sens qu'un contrat de vente, incluant un contrat de bail et un contrat de fourniture de services, portant sur des arbres plantés sur un terrain loué dans le seul but de leur récolte à des fins lucratives, ne constitue pas un « contrat ayant pour objet un droit réel immobilier ou un bail d'immeuble », au sens de cette disposition.
- Un contrat de coopération commerciale ne peut être régi par les Principes Unidroit choisis par les parties : (Com. 16 nov. 2022, n° 21-17.338, D. 2022. 2040 ; ibid. 2023. 925, obs. S. Clavel et F. Jault-Seseke ; C. Kessedjian, French Supreme Court Rules on the Application of Anational Norms under the 1980 Rome Convention, EAPIL, 19 janv. 2023 ; JCP 2023. 143, obs. C. Nourissat) - Dominique Bureau, Horatia Muir Watt p. 475-482 Il résulte de l'article 3, paragraphe 1, de la Convention de Rome du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles, que les principes généraux applicables aux contrats internationaux, tels que ceux qui ont été élaborés par l'Institut international pour l'unification du droit privé (Unidroit), ne constituent pas une loi pouvant être choisie par les parties au sens de cette disposition. S'agissant de contrats de coopération commerciale distincts des contrats « fournisseur », il résulte notamment de leur objet, qui porte sur la promotion commerciale, par le biais de publicités ou de catalogues mis à la disposition des clients ou sur internet, et la visibilité des produits en magasin, qu'ils avaient les liens les plus étroits avec la France. Dès lors que la prestation caractéristique devait être fournie par le distributeur, ayant son siège en France, et que le contrat ne présentait pas de liens plus étroits avec un pays autre, le droit français s'applique aux contrats de coopération commerciale litigieux.
- Rien ne sert de posséder la nationalité française, il faut la réclamer à point : (Civ. 1re, 23 nov. 2022, n° 21-20.754, n° 21-20.759, n° 21-20.760, inédits, D. 2023. 200, obs. O. Boskovic) - Elise Ralser p. 367-383
Éclairages sur…
- La publication d'un guide pratique sur les accords familiaux impliquant des enfants - Antoine d'Ornano p. 483-485
- L'incidence de la réforme des sûretés sur les conflits de lois en matière d'hypothèques légales - Vincent Bonnet p. 487-493
- À propos de la proposition de Règlement européen en matière de filiation - Rebecca Legendre p. 495-497
Bibliographie
- Dicey, Morris and Collins on the Conflict of Laws, edited by Lord Collins and Jonathan Harris, Sweet & Maxwell, 16th ed., 2022 - Louise Merrett p. 499-502
- Laïcité et droit privé, par Suzel Ramaciotti, préf. Léna Gannagé, Dalloz, Nouvelle Bibliothèque de thèses, vol. 220, 2022, 492 pages - Georgette Salamé p. 502-507
- Studies of Private International Law, Vol. 2: Indonesian Private International Law, Vol. 3: Chinese Private International Law, Vol. 5: Japanese Private International Law, Vol. 6: Indian Private International Law, by Afifah Kusumadara, Vol. 2, Hart Publishing, 2021, 288 pages ; by Xiaohong Liu and Zhengyi Zhang (eds.), Vol. 3, Hart Publishing, 2021, 352 pages ; by Kazuaki Nishioka and Yuko Nishitani, Vol. 5, Hart Publishing, 2021, 320 pages ; by Stellina Jolly and Saloni Khanderia, Vol. 6, Hart Publishing, 2021, 392 pages - Marie Goré p. 507-510
- Essays in international litigation for Lord Collins, Jonathan Harris et Campbell McLachlan (ed.), Oxford University Press, 2022, 409 pages - Antoine d'Ornano p. 510-513
- Passing Orders: Demonology and Sovereignty in American Spiritual Warfare, by S. Jonathon O'Donnell, Fordham University Press, 2021, 224 pages - Pier Giuseppe Monateri p. 514-518
- Liability for Transboundary Pollution at the Intersection of Public and Private International Law, by Guillaume Laganière, Hart Publishing, 2022, 312 pages - Eduardo Álvarez-Armas p. 519-521
- The Cambridge Companion on International Arbitration, édité par Chin Leng Lim, Cambridge University Press, 2021, 552 pages - Pierre Nosewicz p. 521-526
- Signalements - p. 526