Contenu du sommaire : Pour une histoire sémantique du politique
Revue | Astérion |
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Numéro | no 29, 2023 |
Titre du numéro | Pour une histoire sémantique du politique |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Dossier
- Res publica. Étude et réception d'une constellation - Virginie Hollard, Romain Meltz Comment, en se basant sur l'ouvrage de Claudia Moatti Res publica. Histoire romaine de la chose publique, dessiner les contours de ce que serait une science historique de l'antiquité qui isole, pour s'en prémunir, les représentations politiques qui nous lient à Rome ? On cherche ici à étudier les concepts politiques antiques en plaçant au premier plan les questions de la langue et l'anthropologie des pratiques qu'on essaie de deviner en toile de fond. Ce dossier cherche donc à prolonger l'ouvrage de Claudia Moatti en reprenant l'étude de la Res publica afin de suivre aussi la réception qu'en a fait la postérité.Based on Claudia Moatti's Res publica. Histoire romaine de la chose publique, we strive to draw the outlines of what would be a historical science of antiquity that would isolate, in order to protect itself, the political representations that link us to Rome? The aim here is to study the political concepts used in ancient Rome by placing, at the fore, language and anthropology of the practices that we are trying to identify, in the background. This feature therefore seeks to extend Claudia Moatti's work by resuming the study of Res publica to perceive how it has been received by posterity.
- Essai de logopolitique. Langue, politique, historicité - Claudia Moatti L'article offre une réflexion sur la place de la langue dans l'écriture de l'histoire. La première partie rappelle l'influence récente de la linguistique sur les historiens, et évoque de manière critique les principaux travaux qui s'en sont inspirés. La deuxième partie définit le projet singulier d'une logopolitique, qui propose trois approches conjuguées : formaliste, qui consiste à travailler sur le concept initial d'une notion ; discursive, qui, mettant au jour les conflictualités d'un moment, s'attache à analyser la construction d'un discours dominant ; praxéologique, qui étudie les relations entre les mots et les pratiques politiques des différents acteurs. Dans la troisième partie, l'auteure rappelle certaines conclusions obtenues, selon cette méthode, dans son livre sur la res publica : elle montre notamment que la définition de cette notion originellement indéterminée a constitué un enjeu essentiel dans les conflits politiques de la fin de la République romaine, puis, comment res publica a servi de principe de légitimation aux empereurs, notamment contre toute menace intérieure, avant d'être utilisée à partir du IIIe siècle de notre ère comme concept civilisationnel.This article reflects on the place of language in the writing of history. The first part recalls the recent influence of linguistics on historians, and critically evokes the main works inspired by it. The second part defines the specific project of “logopolitics”, which proposes three combined approaches: formalist, which consists in working on the initial concept of a notion; discursive, which, by bringing to light the conflicts of a “moment”, analyses the construction of a dominant discourse; praxeological, which studies the relationships between words and the political practices of the different players. In the third part, the author recalls some of the conclusions reached, using this method, in her book on res publica: in particular, she shows how the definition of this originally indeterminate notion was a key issue in the political conflicts of the late Roman Republic, and how res publica served as a principle of legitimacy for emperors, particularly against any internal threat, before being used as a civilizational concept from the 3rd century AD onwards.
- Des crises sémantiques comme crises politiques : à propos de Res publica de Claudia Moatti - Jean-Louis Fournel Le terme de République est un mot dont l'évidence et la présence dans notre culture politique contemporaine n'ont d'égales que ses indéterminations de longue durée. La première de ces indéterminations tient d'ailleurs à l'origine de « république » dans le syntagme latin res publica avec le sens immédiatement complexe et polysémique d'une notion que l'on retrouve abondamment utilisée sous la République romaine proprement dite mais aussi sous l'Empire. Questionner la res publica, c'est donc évidemment questionner un pan crucial de l'histoire politique romaine mais c'est aussi intervenir dans l'histoire politique tout court et dans la réflexion méthodologique sur la langue de cette politique. Pas de modélisation stabilisée donc et pas plus de recherche de « l'essence de la chose », pas non plus de prétention à une définition de l'objet d'étude puisqu'une suite d'effacements et de réapparitions des noyaux de sens est le propre de la res publica. L'enquête dynamique porte sur une question qui devient, selon un syntagme présent, de façon significative, dans la dernière page de l'ouvrage de Claudia Moatti, « référence mobilisatrice », politique donc. En effet, dans ce parcours, l'acceptation de l'incertitude et de l'indétermination devient en quelque sorte le prix à payer pour retrouver la vie des mots et leur charge historique, en tant qu'ils se lient à l'action des hommes, à leur engagement dans le monde, sans s'appuyer sur les certitudes sémantiques ni sur un programme à mettre en œuvre mais en partant de questions ouvertes justement parce qu'aucune des réponses proposées ne s'est avérée satisfaisante. La comparaison avec un autre moment de crise politique et sémantique, le moment machiavélien, permettra en conclusion d'illustrer la fécondité de la perspective adoptée.The term Republic is a word whose obviousness and presence in our contemporary political culture are matched only by its long-term indeterminacies. The first of these indeterminacies, moreover, has to do with the origin of “republic” in the Latin syntagm res publica with the immediately complex and polysemous meaning of a notion that we find frequently used under the Roman Republic itself but also under the Empire. Questioning res publica also obviously means questioning a crucial part of Roman political history, but also means thinking political history as such and methodologically reflecting on the language of these politics. As such, there is no stabilised model, no searching for “the essence of the thing”, or any claim to a stabilised definition of the object of study as a series of deletions and reappearances of core meanings is characteristic of res publica. The dynamic investigation concerns a question which, according to a syntagm present in the last page of Claudia Moatti's book in a significant way, becomes a “mobilising reference”, therefore political. In this journey, the acceptance of uncertainty and indeterminacy, in a way, becomes the price to pay to rediscover the life of words and their historical signifiance, insofar as they are linked to the action of individuals, to their commitment to the world, without relying on semantic certainties or on a programme to be implemented, but by starting precisely from open questions because none of the proposed answers has proven to be satisfactory. The comparison with another moment of political and semantic crisis, the Machiavellian moment, will in conclusion illustrate the fruitfulness of the perspective adopted.
- De la république : la méthode, le mot et le concept vus du XXIe siècle - Yves Sintomer L'article discute dans une perspective de science politique les leçons à tirer de l'ouvrage de Claudia Moatti Res publica. Une histoire romaine de la chose publique. La première partie est centrée sur la méthode conceptuelle. Contre les usages positivistes de la langue et les approches essentialistes des concepts, une histoire attentive aux contextes et aux variations sémantiques est cruciale. Cette multiplicité sémantique doit à son tour être comprise comme politique. Si les oscillations de l'expression res publica nécessitent des analyses sur la courte durée, la longue durée et l'optique comparative impliquent à l'inverse de dégager des idéaux-types. La seconde partie de l'article analyse les interprétations contemporaines de la république, et les utilisations du mot. Les termes hérités de la res publica ont perdu de leur centralité politique, avec deux exceptions importantes : d'une part, la théorie politique et l'histoire des idées qui se proclament républicaines ; d'autre part, l'espace politico-intellectuel français. Dans les deux cas, la république dont il s'agit se rapproche davantage du second idéal-type dégagé par Claudia Moatti, qui met l'accent sur l'unité et le consensus, et qui envisage la res publica comme puissance publique. Les partisans contemporains du premier idéal-type, qui valorise l'action collective, le « tumulte », la citoyenneté active et la diversité de la cité, se tournent vers des termes différents, et en particulier vers celui de démocratie.The article discusses the lessons to be learned from Claudia Moatti's Res publica. Histoire romaine de la chose publique from a political science perspective. The first part focuses on the conceptual method. Against positivist uses of language and perspectives that essentialise concepts, history which takes contexts and semantic variations seriously is crucial. This semantic multiplicity must, in turn, be understood as political. Although the oscillations of the expression res publica require analyses focusing on the short term, the long term and the comparative perspectives imply conversely to identify ideal-types. The second part of the article analyses the contemporary interpretations of the republic, and the uses of the word. The different terms inherited from res publica have lost their political centrality, with two important exceptions: on the one hand, political theory and the history of ideas that claim to be republican; on the other hand, the French political-intellectual sphere. In both cases, the “republic” at stake is closer to the second ideal-type identified by Moatti, which emphasises unity and consensus, and considers res publica firstly as a public power. Contemporary supporters of the first ideal-type, which promotes collective action, revolt, active citizenship and the diversity of the commonwealth, tend to abandon the term republic and turn to different ones, especially democracy.
- Le Sénat romain de la République : les mots du vote - Marianne Coudry L'analyse lexicographique des termes employés par les auteurs latins et grecs pour décrire le processus décisionnel qui aboutit au vote des sénatus-consultes, dans la Rome républicaine, est un moyen de dévoiler les éléments de la culture politique de l'élite chargée des affaires publiques. En mettant en lumière la centralité de la notion de sententia, elle permet une déconstruction des lieux communs de la description institutionnelle habituelle et une approche anthropologique de la fonction de sénateur.Through an analysis of the vocabulary used by Latin and Greek authors to describe the decision process at work in the Roman Senate, key notions of the political culture shared by the elite of the time can be investigated. Among them, the sententia reveals a central element, shedding light upon the function of the senator and the Senate itself from an anthropological point of view, instead of the usual institutional one.
- Les banquets publics sous la République romaine : des banquets pour le populus ? - Christophe Badel La catégorie du banquet public existait dans la société romaine qui opposait convivium privatum et convivium publicum. Contrairement à l'idée reçue, le terme latin epulum ne désignait pas toujours, et pas seulement, le banquet public, car les mots convivium et cena pouvaient aussi s'y appliquer. À l'origine, les banquets publics – banquets rituels ou banquets d'investiture des prêtres et magistrats (cena aditialis) – ne concernaient que les prêtres et les magistrats, parfois les sénateurs (Epulum Iovis). Ces participants disposaient du epulandi publice ius. En 217, le banquet des Saturnales fut ouvert au populus, mais ce cas resta isolé dans le cadre rituel. En revanche, à partir du début du IIe siècle, les nobles prirent l'habitude d'offrir des banquets au peuple lors de leurs funérailles familiales, puis au Ier siècle, les imperatores le firent d'abord lors de la Dîme d'Hercule puis lors de leurs triomphes. Dans ces circonstances, le convivium publicum devenait alors l'epulum populi romani et l'epulandi publice ius concernait les membres du populus, sans doute répertoriés sur une liste.Une telle évolution montre que la présence du populus n'était pas, sous la République, consubstantielle au banquet public. Elle montre aussi que le caractère public d'un banquet n'était pas déterminé par le statut du donateur ou l'origine des fonds mais par la qualité de représentants de la cité des bénéficiaires (magistrats, sénateurs ou citoyens), ainsi que par sa localisation dans un lieu public.The public banquet category, which opposed convivium privatum and convivium publicum, existed in Roman society. Contrary to popular belief, the Latin term epulum did not always and, not only, refer to the public banquet, because the words convivium and cena could also be used. Originally, public banquets – ritual banquets or investiture banquets for priests and magistrates (cena aditialis) – concerned only priests and magistrates, sometimes senators (Epulum Iovis). These participants had the epulandi publice ius. In 217, the Saturnales banquet was opened to the populus but this case remained isolated in the ritual setting. On the other hand, from the beginning of the 2nd century, nobles made it a habit to offer banquets to the people at their family funerals, then in the 1st century, the imperatores did so first during the Tithe of Hercules and then during their triumphs. In these circumstances, the convivium publicum then became the epulum populi romani and the epulandi publice ius concerned the members of the populus, probably listed. Such an evolution shows that the presence of the populus was not consubstantial, under the Republic, at the public banquet. It also shows that the public character of a banquet was not determined by the status of the donor or the origin of the funds but by the status of representatives of the city of the beneficiaries (magistrates, senators or citizens), as well as by its location in a public place.
- Peuple et république à l'aube de l'humanisme : sur l'inconscient politique de Leonardo Bruni - E. Igor Mineo À travers l'analyse de certains aspects du langage de Leonardo Bruni, et en particulier de son utilisation de « popolo » et de « res publica », nous essayons de comprendre dans quelle mesure la politique des premiers humanistes est restée ancrée dans le passé récent de la ville de Florence, malgré les nouveautés idéologiques évidentes (et sans tenir compte de celles d'ordre stylistique et littéraire). En effet, Bruni semble avoir hérité l'idée de la primauté et de l'unité du peuple florentin directement des discours des juristes du XIVe siècle. Par ailleurs, la « respublica » s'avère être, dans ses discours, à la fois une notion tout à fait traditionnelle et l'emblème du processus d'essentialisation d'un peuple reconstitué dans sa dimension universelle grâce à l'expulsion définitive du conflit de l'horizon des possibles. En même temps, en dialogue avec Claudia Moatti notamment, nous essayons de voir comment, avec quels outils, certaines recherches sur l'histoire romaine permettent de saisir les métamorphoses du « peuple » dans une période beaucoup plus tardive.Through the analysis of certain aspects of Leonardo Bruni's language, and in particular his use of “popolo” and “res publica”, we strive to understand the extent to which the politics of the early humanists remained rooted in the recent past of the City of Florence, despite the obvious ideological innovations (and without considering those of a stylistic and literary nature). Bruni seems to have inherited the primacy and unity of the Florentine people directly from the discourses of the 14th-century jurists. On the other hand, “respublica” turns out to be, in his texts, both an entirely traditional notion and the emblem of the process of essentialisation of a people reconstituted in its universal dimension thanks to the definitive expulsion of conflict from the horizon of possibilities. At the same time, in a dialogue with Claudia Moatti in particular, we try to ascertain how, with which tools, some research on Roman history helps us grasp the metamorphoses of the ‘people' in a much later period.
- « Des comices romains » : vote du peuple et chose publique dans Du contrat social - Flora Champy Pourquoi les lecteurs du Contrat social devraient-ils s'intéresser au chapitre consacré aux comices romains ? Dans ce texte encore souvent négligé, à tort, Rousseau s'appuie sur les sources historiques les plus fiables de son temps, notamment Carlo Sigonio, pour se confronter à un problème central de sa philosophie politique : la mise en pratique durable et effective de l'intérêt commun. En termes moins théoriques, il pose une question toujours d'actualité : comment le peuple peut-il participer à la vie publique ? Et comment cette intervention populaire dans la politique peut-elle s'effectuer de manière à garantir le maintien d'un gouvernement républicain, c'est-à-dire non assujetti à des intérêts particuliers ? Lire ce chapitre à la lumière du récent ouvrage Res publica permet d'en voir encore plus nettement les enjeux théoriques, du fait des convergences saisissantes que l'on peut remarquer entre l'analyse de Rousseau et celle de Claudia Moatti. L'article étudie notamment les occurrences de l'expression « chose publique » dans le Contrat social afin d'éclairer la coexistence de deux conceptions distinctes de la « république » chez Rousseau, l'une définie principalement par le droit de vote des citoyens, l'autre par l'impératif de défendre l'État. Or, ces deux visions correspondent à l'antagonisme que Claudia Moatti observe dans l'histoire romaine. Étudier aujourd'hui l'usage de l'histoire ancienne dans la pensée politique de Rousseau, c'est poser la question toujours actuelle de la compatibilité possible entre ces deux idées de la République.Why read the chapter of Rousseau's Social Contract devoted to the Roman assemblies? Because that text relies on the best available historical sources at the time, especially Carlo Sigonio's work, to examine a key issue in Rousseau's political philosophy: the implementation of common interest. In other words, the chapter on the comitia raises the following question: how can the people take part in public life? How can popular action maintain a republican government instead of threatening it? To understand this question, and why Roman history plays a crucial part in the argument of The Social Contract, it helps to remember that for Rousseau a Republic is a government that does not act on behalf of private interests. Res publica, the recent book by renowned historian Claudia Moatti, further highlights Rousseau's representation of the Roman Republic. The article examines in particular the meaning of the expression “public thing”, a literal translation of res publica, which appears twice in Rousseau's text, demonstrating an understanding of Roman history that seems quite close to Claudia Moatti's. Like her, Rousseau seems to identify two distinct visions of the Republic: one based on citizens' rights, the other focused on the defence of the state. Today, as these two definitions of the Republic both appear in public debate, Rousseau's vision of Rome is all the more striking and topical.
- Res publica. Étude et réception d'une constellation - Virginie Hollard, Romain Meltz
Varia
- Dans le labyrinthe - Gilles Moutot Cet article propose une analyse du livre sur Beethoven auquel, sans avoir eu le temps de l'achever, Adorno a travaillé durant plus de 30 ans. Longtemps attendue, la traduction française permet aujourd'hui de prendre pleinement la mesure de l'importance de ce volume, tour à tour atelier ou chambre d'écho de l'œuvre entière d'Adorno. Ligne de force de l'ouvrage, le rapprochement entre Beethoven et Hegel porte ainsi l'enjeu d'un rapport entre l'identité et la différence tel que l'altérité ne se laisse pas absorber dans l'économie de la pensée spéculative. À cet égard, on a d'abord été attentif au fait que, pour Adorno, c'est dans la mesure même où la forme beethovénienne vise la constitution d'une « totalité intensive », qu'elle conduit à mettre au jour – au sein de l'apparence esthétique et par elle – le caractère arbitraire d'un tel primat accordé au tout. Si telle est la « teneur de vérité » de cette musique, on peut alors considérer que le « style tardif » de Beethoven (motif présent du premier au dernier des textes qu'Adorno a consacrés au compositeur) en constitue le plein déploiement, en tant que critique, immanente au matériau musical, de l'illusion du réconcilié. S'il est connu que, notamment, les derniers quatuors ou les dernières sonates sont exemplaires d'un tel geste, on a voulu montrer que celui-ci se trouvait à la fois dédoublé et altéré dans la composition de la Missa solemnis, qu'Adorno dit ne pas parvenir à comprendre. On soutient alors l'hypothèse suivante : exprimant de façon éminente une intempestivité qui traverse l'ensemble de l'œuvre beethovénienne, cette tension entre deux formes de distanciation, ou d'« estrangement » (Verfremdung), cristallise du même coup les exigences théoriques fondamentales de cette réforme de la dialectique qu'Adorno appelle dialectique négative et, indissociablement, celles de la conception d'une temporalité historique non linéaire et non téléologique.This article analyses the book on Beethoven, which Adorno worked on for more than 30 years without having time to complete it. The long-awaited French translation now makes it possible to fully appreciate the importance of this volume, which is, at the same time, a workshop and an echo chamber for Adorno's entire work. The main thrust of the book is the connection between Beethoven and Hegel, which raises the issue of a relationship between identity and difference that ensures that otherness is not absorbed into the economy of speculative thought. In this respect, we should first bear in mind that, for Adorno, it is to the very extent that Beethovenian form aims at the constitution of an “intensive totality” that it leads to the exposure, within and through aesthetic appearance, of the arbitrary character of such primacy granted to the whole. If this is the “truth content” of this music, then we might consider that Beethoven's “late style” (a reasoning present from the first to the last of Adorno's texts on the composer) constitutes its full unfolding, as a critique, immanent in the musical material, of the illusion of the reconciled. While it is well known that the last quartets or sonatas are exemplary of such a gesture, we wished to show that it was both duplicated and altered in the composition of the Missa solemnis, which Adorno said he could not understand. We, therefore, put forward the following assumption: this tension between two forms of distancing, or “estrangement” (Verfremdung), expresses in an eminent way untimeliness that runs through the whole of Beethoven's work, and at the same time crystallises the fundamental theoretical requirements of this reform of dialectics that Adorno calls negative dialectics, and, inseparably, of the concept of a non-linear, non-teleological historical temporality.
- De la critique du Capital à la micropolitique. L'héritage de Marx dans la pensée de Michel Foucault - Dimitri M'Bama Dans cet article, je reviens sur l'héritage laissé par Karl Marx dans la pensée de Michel Foucault. Organisant l'analyse autour de quelques « oppositions » conceptuelles cruciales – accumulation et discipline, reproduction et biopouvoir, régime de vérité et idéologie, révolution et ascèse –, je tente de mettre au point quatre grands schèmes relationnels susceptibles d'éclairer leurs rapports : la complémentarité, la confrontation productive, le rejet, et la réconciliation. L'objectif de cette analyse est de proposer une alternative à un nombre croissant d'interprétations conservatrices de Foucault en montrant que d'autres grilles de compréhension de son œuvre sont possibles, tout en essayant de mettre en lumière ce que cette lecture « minoritaire » pourrait amener en termes de stratégie et de luttes politiques.In this article, I explore the legacy of Karl Marx in Michel Foucault's thinking. Focusing on such concepts as accumulation and discipline, reproduction and biopolitics, truth regime and ideology, askesis and revolution, I suggest four models allowing a deeper understanding of their controversial relationship: complementarity, confrontation, rejection, and reconciliation. As such, this study aims to offer “minority reading” against the neoliberal takes on Foucault, while showing how much his “alliance” with Marx would be an asset for contemporary left struggles.
- Dans le labyrinthe - Gilles Moutot