Contenu du sommaire : Mémoire, histoire et politique
Revue | Socio |
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Numéro | no 19, 2024 |
Titre du numéro | Mémoire, histoire et politique |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Éditorial - Michel Wieviorka p. 5-6
- La traite et l'esclavage colonial français dans notre mémoire nationale - Jean-Marc Ayrault p. 7-16 Cet article interroge la nécessité du travail de mémoire.This article explores the need for memory work.
- Les trois mémoires de l'Amérique latine - Alain Rouquié p. 17-23 La Conquête et l'esclavage des Africains sont des traumatismes originels qui forment le substrat des cultures et des mémoires des pays de l'Amérique latine. La violence d'État à la période contemporaine reflète les inégalités structurelles et les dominations sociales qui en procèdent.The Conquest and the enslavement of Africans are the original traumas that form the substratum of the cultures and memories of the countries of Latin America; State violence in the contemporary period reflects the structural inequalities and social dominations that result from them.
- Pourquoi l'extrême droite allemande a-t-elle fait sienne la lutte contre l'antisémitisme ? - Sonia Combe p. 25-34 Dans un but électoraliste, le parti d'extrême droite en Allemagne (AfD) masque sa xénophobie et sa politique anti-migratoire en se présentant comme gardien de la mémoire de l'holocauste et le défenseur de l'État d'Israël. Siègeant désormais au Bundestag, il contraint les autres partis à rejoindre ses positions en les anticipant.For electoral purposes, Germany's far-right AfD party masks its xenophobia and anti-migration policies by portraying itself as a guardian of Holocaust remembrance and defender of the State of Israel. Now with a seat in the Bundestag, it is forcing the other parties to join its positions by anticipating them.
- Les Indo-Européens, des ancêtres encombrants ? - Jean-Paul Demoule p. 35-50 La reconnaissance d'une parenté entre les langues de la plupart des régions de l'Europe et d'une partie de l'Asie occidentale s'est peu à peu imposée et a donc défini la famille des langues dites indo-européennes, plus proches les unes des autres qu'elles ne le sont d'autres familles de langues, sémitiques, sino-tibétaines ou autres. L'interprétation de cette parenté indiscutable s'est inspirée du cas des langues romanes, toutes plus ou moins descendantes du latin à la suite de la conquête romaine d'une partie de l'Europe. On a donc cherché d'où aurait pu partir ce peuple préhistorique conquérant, dont la langue originelle reconstruite aurait donné naissance à toutes celles d'aujourd'hui. Parmi d'innombrables hypothèses, trois surnagent. La première est le pourtour de la Baltique ; sans aucun argument archéologique, elle a été soutenue en son temps par le nazisme et reprise par certaines extrêmes droites actuelles. La deuxième est le Proche-Orient et s'identifierait avec la diffusion de l'agriculture sédentaire (le néolithique) à partir de cette région. La troisième, actuellement majoritaire, verrait des guerriers cavaliers issus des steppes de la mer Noire se répandre ensuite dans toute l'Europe et aux alentours. Malgré le secours récent, popularisé à grand bruit, de la génétique, cette dernière ne saurait se réduire aux formes simplistes qu'on lui a données. C'est pourquoi ce sont des modèles beaucoup plus complexes, aussi bien sur le plan linguistique (au-delà d'un simple arbre généalogique) que sur le plan historique et anthropologique (au-delà d'un modèle invasionniste et colonial), quant à la formation et à la diffusion de ces langues, qui mériteraient d'être désormais développés.The languages of most regions of Europe and part of western Asia have gradually come to be recognised as related, and so the family of languages known as Indo-European has been defined. These languages are closer to each other than they are to other language families, such as Semitic, Sino-Tibetan or others. The interpretation of this indisputable kinship was inspired by the case of the Romance languages, all more or less descended from Latin following the Roman conquest of part of Europe. And so we looked for the origin of this prehistoric conquering people, whose reconstructed original language would have given rise to all the languages we speak today. Among countless hypotheses, three stand out. The first is the area around the Baltic Sea; without any archaeological argument, it was supported in its time by the Nazis and taken up by certain far right-wingers today. The second is the Near East, identified with the spread of sedentary agriculture (the Neolithic) from this region. The third, currently in the majority, would see cavalry warriors from the Black Sea steppes spread throughout Europe and the surrounding area. Despite the recent and much-publicised help of genetics, the latter cannot be reduced to the simplistic forms it has been given. That's why we need to develop much more complex models, both linguistically (beyond a simple family tree) and historically and anthropologically (beyond an invasive and colonial model), for the formation and spread of these languages.
- Rwanda, Kibeho 1995, un massacre impensable - Jean-Hervé Bradol p. 51-62 En avril 1995, un an après le génocide tutsi, le nouveau régime rwandais veut fermer les camps de personnes déplacées à l'intérieur du pays. Ces camps, notamment celui de Kibeho, regroupent dans le sud-ouest des centaines de milliers de Hutus encadrés par les auteurs du génocide. L'existence de ces camps constitue une menace pour la sécurité du pays selon le gouvernement. Après des mois de tergiversations, c'est par un massacre de plusieurs milliers de déplacés que l‘Armée patriotique rwandaise ferme le camp de Kibeho qui abrite alors 100 000 personnes. Au cours de cet événement périssent aussi plusieurs centaines de patients et plusieurs dizaines de Rwandais travaillant avec Médecins sans frontières. Les tueries se déroulent devant des centaines de témoins rwandais et étrangers : diplomates, militaires, journalistes, promoteurs des droits humains, humanitaires, habitants de la région… Les nouvelles autorités rwandaises parlent de 300 morts présentés comme les membres d'un hypothétique « noyau dur » de génocidaires. Les membres de la commission d'enquête internationale mise en place acquiescent. Ainsi, la mémoire d'un fait majeur permettant de saisir la place que le régime entend réserver à l'usage de la violence est effacée de la mémoire collective.In April 1995, a year after the Tutsi genocide, the new Rwandan regime wanted to close the camps for internally displaced people. These camps, particularly Kibeho, in the South-West of the country, were home to hundreds of thousands of Hutus who had been framed by the perpetrators of the genocide. The existence of these camps constitutes a threat to the country's security, according to the government. After months of prevarication, the Rwandan Patriotic Army closed the Kibeho camp, home to 100,000 people, with a massacre of several thousand displaced persons. Hundreds of patients and dozens of Rwandans working with Médecins Sans Frontières were also killed. The killings took place in front of hundreds of Rwandan and foreign witnesses: diplomats, soldiers, journalists, human rights activists, humanitarian workers, local residents, etc. The new Rwandan authorities spoke of 300 dead, presented as members of a hypothetical “hard core” of genocidaires. The members of the international commission of enquiry set up agreed. In this way, the memory of a major event that helped to understand the place the regime intended to reserve for the use of violence was erased from the collective memory.
- Justice pénale internationale au Rwanda - André Guichaoua p. 63-70 Trente ans après l'épisode final de la guerre civile et du génocide des Rwandais tutsis, le Mécanisme international appelé depuis 2010 à exercer les fonctions résiduelles des tribunaux pénaux pour le Rwanda et l'ex-Yougoslavie a clôturé pour l'essentiel les procédures relatives aux ultimes dossiers d'accusés poursuivis par le Tribunal pénal international pour le Rwanda. Cet article propose un bilan succinct de son activité et des débats que suscite le transfert de ses archives aux autorités nationales lors de sa fermeture prochaine.Thirty years after the final episode of the civil war and the genocide of the Rwandan Tutsis, the International Mechanism set up in 2010 to carry out the residual functions of the Criminal Tribunals for Rwanda and the former Yugoslavia has essentially concluded proceedings relating to the final cases of defendants prosecuted by the International Criminal Tribunal for Rwanda. This article offers a brief overview of the Tribunal's activities, and of the debates surrounding the transfer of its archives to the national authorities when it closes in the near future.
- Sur la France et le génocide des Tutsis - Marc Le Pape p. 71-79 Des fonds d'archives françaises portant sur le rôle militaire et politique de la France au Rwanda durant les années 1990-1996 ont été rendus accessibles à un collectif de chercheurs travaillant sous la direction de Vincent Duclert. Nous rendons compte de leurs usages des archives et des choix de thèmes privilégiés par les rédacteurs. Nous critiquons certaines limites du rapport, notamment l'affirmation du caractère inexorable du génocide des Tutsis dès l'année 1990 ; également nous remarquons le choix de ne pas engager une enquête dans les archives sur la connaissance qu'avaient les militaires français de l'appareil guerrier du Front patriotique rwandais. Nous mettons en cause l'affirmation selon laquelle le rapport renouvèlerait notre connaissance du génocide.A group of researchers working under the direction of Vincent Duclert have been given access to French archives on France's military and political role in Rwanda between 1990 and 1996. We report on the uses made of the archives and the choice of themes favoured by the editors. We criticise some of the report's limitations, in particular the assertion that the genocide of the Tutsis was inexorable from 1990 onwards; we also highlight the decision not to conduct an investigation into the French military's knowledge of the RPF's war machine. We question the assertion that the report would renew our knowledge of the genocide.
- Guerre des histoires, guerre des mémoires - Cécile Alduy p. 81-98 L'histoire de France est au cœur du projet politique de l'extrême droite française : le passé y est pensé comme origine identitaire d'un peuple, comme valeur en soi où puiser des principes moraux et une intelligibilité du présent, comme rituel de socialisation politique pour les militants, comme récit mobilisateur, et enfin comme horizon politique d'un retour espéré à une grandeur mythique. Dans ce schéma idéologique, le passé (les origines, le sang) détermine l'identité des peuples et des individus. L'instrumentalisation de l'histoire à des fins de glorification et de cohésion nationale va de pair avec l'oubli de pans entiers de l'histoire française et mondiale, voire le négationnisme, et l'effacement paradoxal des origines du Front national lui-même.The history of France is consubstantial to the political project of the French far right: the past is understood as the origin of a nation's identity, as a value in and of itself from which to draw moral principles and understand the present, as a ritual of political socialization for activists, as a mobilizing story and finally as the political horizon of a desired return to France's mythical grandeur. In this ideological vision, the past (birth, blood) determines the identity of peoples and individuals. The weaponization of history for the purposes of glorification and national cohesion goes hand in hand with the obliteration of entire sections of French and world history, veering into negationism, and the paradoxical erasure of the origins of the National Front itself.
- Petite histoire de notre bonne conscience coloniale (1962-2023) - Fabrice Riceputi p. 99-108 Cet article propose une histoire de l'incapacité chronique de la République française à reconnaître et à condamner des crimes coloniaux commis par elle et en son nom, bien qu'ils soient fort bien connus et éminemment condamnables, de la fin de la guerre d'Algérie à nos jours.This article offers a history of the French Republic's chronic inability to recognize and condemn colonial crimes committed by it and in its name, despite the fact that they are well known and eminently reprehensible, from the end of the Algerian War to the present day.
- Mémoires coloniales conflictuelles - Nicolas Bancel, Pascal Blanchard p. 109-131 Alors que l'histoire coloniale a été largement éclairée par les travaux des historiens depuis les décolonisations, la socialisation de sa mémoire fait l'objet d'investissements concurrentiels depuis les années 1980. Cette contribution propose tout d'abord de comprendre le changement du régime des commémorations et l'inflexion de la mémoire collective portant sur la Seconde Guerre mondiale, depuis la reconnaissance de la responsabilité de la France dans la déportation des Juifs. Ensuite, nous explorons les projets de patrimonialisation de l'histoire coloniale – tous orientés vers une « valorisation » de l'histoire coloniale – depuis un premier projet lancé par François Mitterrand au début des années 1980 jusqu'au projet de mémorial porté par la droite et incluse dans la loi de 2005. Nous analysons également les différents projets muséographiques sur ce sujet dans plusieurs villes de France.While colonial history has been largely illuminated by the work of historians since decolonization, the socialization of its memory has been the subject of competitive investments since the 1980s. This contribution firstly proposes to understand the change of the regime of the commemorations and its effects on collective memory relating to the Second World War, since the recognition of France's responsibility in the deportation of the Jews. Then, we explore the projects of patrimonialization of the colonial history—all oriented towards a “valorization” of colonial history—from a first project initiated by François Mitterrand in the early 1980s to the memorial project supported by the right and included in the 2005 law. We also analyze the various museographic projects on this subject in several cities in France.
- De quelques mémoires coloniales africaines toujours incontestées : territoires, lieux, figures - Jean-Pierre Dozon p. 133-143 À partir de l'exposé de plusieurs situations exemplaires, au Sénégal, en Côte d'Ivoire et au Congo-Brazzaville, mais aussi à partir du constat plus général que la plupart des frontières des actuels États africains sont toujours issues des découpages opérés par les conquérants européens, l'article vise à montrer que des lieux, des dénominations et des figures emblématiques de l'époque coloniale, voire de celle des traites négrières, résistent toujours assez bien aux entreprises de décolonisation qui sont pourtant de plus en plus à l'ordre du jour.Based on the presentation of several exemplary situations, in Senegal, in Ivory Coast and in Congo-Brazzaville, but also based on the more general observation that the most boundaries of the current African States are the result of the divisions made by European conquerors, the article aims to show that some places, designations and emblematics figures of the colonial time, even of time of the slave trade, resist rather well to the works of decolonization witch are increasingly an important topical issue.
- Hétérochronie et décolonisation - Seloua Luste Boulbina p. 145-156 On fait souvent de la décolonisation une solution dont la simplicité théorique se heurte aux difficultés pratiques. Je souhaite ici montrer, au contraire, combien la décolonisation est une idée complexe dont l'accomplissement, dans l'expérience, doit tenir compte de facteurs décisifs tels que l'espace et le temps. D'un côté ou de l'autre de l'ancienne frontière impériale-coloniale, dont les murs ne sont pas totalement tombés, décoloniser ne possède ni le même sens ni la même portée ni des enjeux identiques.Decolonization is often seen as a solution whose theoretical simplicity runs up against practical difficulties. My aim here is to show, on the contrary, how decolonization is a complex idea whose realization in practice must take account of decisive factors such as space and time. On either side of the old imperial-colonial frontier, whose walls have not yet completely come down, decolonization has neither the same meaning nor the same scope, nor the same stakes.
- La colonisation et la guerre d'Algérie : un passé encore présent - Gilles Manceron p. 157-167 Épisodes majeurs dans les quatre siècles d'histoire coloniale française, les cent trente-deux ans de la colonisation de l'Algérie et tout particulièrement la « gangrène » qu'a représentée la guerre d'Algérie – pour reprendre le terme employé par Benjamin Stora en 1991 – continuent à peser sur notre présent. Ces épisodes de notre histoire sont à la fois invisibles et omniprésents. Ils sont « l'éléphant au milieu de la pièce » que personne ne voit. Or, dans nos analyses de la France d'aujourd'hui, la réflexion sur leurs traces actuelles doit occuper une place importante.Major episodes in the four centuries of French colonial history, the 132 years of Algerian colonization and, in particular, the “gangrene” represented by the Algerian War—to use the term coined by Benjamin Stora in 1991—continue to weigh on our present. These episodes in our history are both invisible and omnipresent. They are the “elephant in the room” that nobody sees. And yet, in our analyses of today's France, reflection on their present-day traces must occupy an important place.
- La reconnaissance du génocide des Arméniens : un itinéraire politique inachevé - Michel Marian p. 169-175 La mise en mémoire du génocide des Arméniens a connu, globalement et en France, un cheminement générationnel et psychologique commun à celui des grands traumatismes collectifs. La reconstruction des personnes et la réception du récit collectif ont pourtant suivi une voie particulière. Le combat mené par le régime républicain de la Turquie contre la résurgence de cette mémoire a produit une scène mémorielle à trois acteurs ( plaignant, accusé et juge), distincte du modèle du travail intérieur sur la Shoah ou de l'interpellation postcoloniale. Mais, du fait du refus et de l'éloignement, il ne pouvait se construire un droit positif de ce crime. Le besoin d'une solution a fait apparaître un « droit à la mémoire », où la vérité est due aux victimes, à défaut d'une justice. C'est cette logique, formulée en France dès les années 1980, qui s'est développée jusqu'à 2019 et la décision française d'une journée annuelle de commémoration du génocide des Arméniens ou 2021 et la reconnaissance du génocide par Joe Biden. Elle a aussi facilité pour les Arméniens de France la construction d'une communauté loyale à la République et fidèle à son histoire. Elle est pourtant insuffisante devant une négation qui persiste, bloque le devenir démocratique de la Turquie, se propage de celle-ci à l'Azerbaïdjan et tend les relations entre ces pays et ceux qui ont accueilli la diaspora arménienne.The remembrance of the Armenian genocide, both globally and in France, has followed a generational and psychological path common to that of major collective traumas. However, the reconstruction of individuals and the reception of the collective narrative have followed a particular path. The struggle waged by Turkey's republican regime against the resurgence of this memory produced a memorial scene with three actors (plaintiff, accused and judge), distinct from the model of internal work on the Shoah or postcolonial interpellation. But because of refusal and remoteness, it was impossible to construct a positive law for this crime. The need for a solution led to the emergence of a “right to memory”, in which the truth is owed to the victims, in the absence of justice. It is this logic, formulated in France as early as the 80s, that has developed until 2019 and the French decision for a National Day of Commemoration of the Armenian Genocide, or 2021 and Joe Biden's recognition of the genocide. It has also helped French Armenians build a community loyal to the Republic and faithful to its history. Yet it is insufficient in the face of persistent denial, which is blocking Turkey's democratic development, spreading from Turkey to Azerbaijan, and straining relations between these countries and those that welcomed the Armenian diaspora.
- Quand la mémoire est une arme de guerre identitaire - Régis Meyran p. 177-182 La mémoire est aujourd'hui instrumentalisée par l'extrême droite, y compris quand il s'agit de la mémoire de la Shoah, ce qui est nouveau et paradoxal, en même temps que par des groupes identitaires se revendiquant d'extrême gauche mais dérivant vers l'extrême droite. Au même moment, l'État défend une mémoire patrimoniale qui flirte avec le nationalisme. Parallèlement, il néglige les mémoires de l'esclavage et de la colonisation, mais aussi les mémoires ouvrières et populaires, ce qui engendre de nombreuses tensions dans la société civile. Cette situation favorise la guerre des mémoires et la montée d'identités fermées, qui menacent potentiellement la démocratie.Memory is today exploited by the far right, including when it comes to the memory of the Shoah which is new and paradoxical, at the same time as by identity groups claiming to be far left but drifting towards the far right. Meanwhile, the State defends a heritage memory that flirts with nationalism. And it neglects the memories of slavery and colonization, but also working and popular memories, which generates numerous tensions in civil society. This situation favors the war of memories and the rise of closed identities, which potentially threaten democracy.
- Chantier
- De la spécificité de l'antisémitisme à l'unicité de la Shoah : des structures universelles de la haine ? - Alain Policar p. 183-196 Y aurait-il une incommensurabilité de l'antisémitisme de nature à expliquer que soient réactivés, dans des temps et des espaces divers, les mécanismes du rejet des Juifs ? Et cette éventuelle incommensurabilité permet-elle de penser la Shoah et de justifier la revendication de l'unicité de ce génocide ? Sans gommer les spécificités de chaque occurrence de la haine raciale, l'auteur considère que racisme colonial et racisme génocidaire obéissent à une même logique. Il fait des statuts de pureté du sang le processus matriciel de racialisation. De la même manière, bien que la Shoah ne soit pas une simple poursuite en Europe des entreprises coloniales, on peut l'analyser comme la matrice de compréhension de la souffrance des autres. Ce qui suppose le refus de l'incommensurabilité comme de l'uniformité. C'est pourquoi l'hypothèse d'une structure élémentaire du racisme, fondée sur la hantise du métissage, sans nier les caractères singuliers de chaque racisme, est à forte valeur heuristique. Elle donne en outre du crédit à l'idée d'un combat antiraciste fait de causes communes plutôt que de révoltes singulières.Is there an incommensurability of antisemitism that could explain the reactivation, in different times and places, of the mechanisms of rejection of the Jews? And does this possible incommensurability make it possible to think about the Shoah and justify the claim that this genocide is unique? Without erasing the specific features of each instance of racial hatred, the author considers that colonial racism and genocidal racism obey the same logic. He makes blood purity statutes the matrix process of racialisation. In the same way, although the Shoah was not simply a continuation in Europe of colonial undertakings, it can be analysed as the matrix for understanding the suffering of others. This presupposes a rejection of both incommensurability and uniformity. This is why the hypothesis of an elementary structure of racism, based on the fear of miscegenation, without denying the singular characteristics of each racism, is of great heuristic value. It also lends credence to the idea of an anti-racist struggle based on common causes rather than singular revolts.
- Varia
- Les mouvements sociaux et l'historicité aujourd'hui - Michel Wieviorka p. 197-212 Cet article est un hommage à Alain Touraine. Il s'agit d'examiner la société d'aujourd'hui en ébauchant des analyses qui doivent beaucoup à ses questionnements et à ses enseignements, ainsi qu'au compagnonnage d'un demi-siècle que j'ai eu la chance d'avoir avec lui.This article is a tribute to Alain Touraine. It examines our society today and sketches out analyses that owe much to his questioning and teachings, as well as to the half-century-long companionship I was lucky enough to have with him.