Contenu du sommaire : Géopolitique de l'espace extra-atmosphérique + Varia
Revue | L'Espace Politique |
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Numéro | no 51-52, 2023/2-2024/1 |
Titre du numéro | Géopolitique de l'espace extra-atmosphérique + Varia |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Géopolitique de l'espace extra-atmosphérique
- Géopolitique de l'espace extra-atmosphérique - Isabella Damiani, Philippe Keckhut
Géopolitiques de l'espace
- La puissance spatiale, permanences et changements - Isabelle Sourbès-Verger La qualification de puissance spatiale est de plus en plus utilisée dans les médias, à propos d'Etats réalisant des missions à fort pouvoir symbolique, même s'ils ne possèdent pas de moyens indépendants. Leur image profite ainsi d'un effet d'aubaine, très sensible dans le cas de l'exploration lunaire ou martienne. En fait, appliquée rigoureusement, l'expression est réservée aux seuls Etats disposant de capacités souveraines d'accès à l'espace et de maîtrise de leurs satellites qui composent le « club spatial ». L'usage élargi de la notion va de pair avec la médiatisation du « New Space », qui redéfinit aux Etats-Unis, depuis les années 2010, les rapports entre puissance publique et acteurs privés. D'où la diffusion d'un discours occidental sur une démocratisation des activités spatiales devenues plus accessibles. Cependant la rupture du lien fondamental avec les conditions de la souveraineté qui reste la base de la puissance spatiale réduit fortement les chances de développement d'un tel modèle. L'histoire de l'acquisition et des développements de la puissance spatiale reflète indéniablement les évolutions des équilibres géopolitiques dans lesquelles celle-ci s'inscrit et qu'elle contribue à entretenir. Ainsi la Guerre froide détermine les fondamentaux de la puissance spatiale, dans ses relations à la puissance nucléaire (partie 1). La diversification des usages de l'espace renforce la place des Etats-Unis dans un club spatial hétérogène (partie 2). L'évolution des rapports de pouvoir sur Terre et les caractéristiques particulières des acteurs jouent directement sur les déclinaisons de la puissance spatiale des années 1991-2015 marquée par des préoccupations de sécurité et l'ouverture au secteur privé (partie 3). Il faut cependant se méfier des affirmations devenues banales sur le caractère inéluctable de conflits armés dans l'espace, l'émancipation d'acteurs privés de la tutelle des États ou de prochaines disputes territoriales sur la Lune, car elles font fi des contraintes propres d'un milieu physique atypique.The term “space power” is increasingly used in the media to describe States that carry out missions with strong symbolic power, even if they do not possess independent resources. Their image thus benefits from a windfall effect, particularly noticeable in the case of Lunar or Martian exploration. In fact, applied strictly, the expression is reserved for those States with sovereign capabilities for access to space and control of their satellites, who make up the “space club”. The wider use of the term goes hand in hand with the media coverage of the “New Space” movement, which has been redefining the relationship between public power and private players in the United States since the 2010s. Hence the spread of a Western discourse on the democratization of space activities, which are now more accessible. However, the breaking of the fundamental link with the conditions of sovereignty that remains the basis of space power greatly reduces the chances of such a model developing. The history of the acquisition and development of space power undeniably reflects the changing geopolitical balances in which it is embedded and which it helps to maintain. The Cold War determined the fundamentals of space power, in its relationship with nuclear power (part 1). The diversification of space uses reinforces the United States' place in a heterogeneous space club (part 2). The evolution of power relationships on Earth and the specific characteristics of the players involved have a direct impact on the various forms of space power in the years 1991-2015, marked by security concerns and openness to the private sector (part 3). However, we must be wary of now commonplace assertions about the inevitability of armed conflict in space, the emancipation of private players from the tutelage of States or forthcoming territorial disputes on the Moon, as they ignore the specific constraints of an atypical physical environment.
- Nouveaux enjeux de sécurité spatiale - Florence Gaillard-Sborowsky Assurer la sécurité de l'espace extra-atmosphérique est devenu un enjeu crucial pour un écosystème spatial en transformation avec la multiplication des acteurs, le développement d'enjeux commerciaux et la dépendance croissante des sociétés et des Etats aux systèmes spatiaux. Une diplomatie spatiale existe, construite sur l'élaboration d'un droit international de l'espace. Cependant, pris en tension entre la défense de l'intérêt national et la nécessaire approche multilatérale, les processus diplomatiques sont ralentis par les oppositions entre grandes puissances spatiales, oscillant entre concurrence, compétition et rivalités. D'autres normativités montent en puissance bousculant le cadre traditionnel de réglementation. Le défi actuel est celui de la construction d'une sécurité spatiale, permettant un usage sûr et durable d'un milieu atypique, dans un contexte de tensions multiples.Ensuring the security of outer space has become a crucial issue for a transforming space ecosystem, characterized by the proliferation of actors, the development of commercial interests, and the growing dependence of societies and States on space systems. A space diplomacy has emerged, built upon the development of international space law. However, caught between the defense of national interests and the necessary multilateral approach, diplomatic processes are slowed down by oppositions between major space powers, oscillating between competition, rivalry, and antagonism. Alternative normative frameworks are gaining prominence, challenging the traditional regulatory paradigm. The current imperative is the construction of a comprehensive space security framework that facilitates the safe and sustainable utilization of this unique environment, amidst a context of multifaceted tensions.
- La nouvelle économie spatiale à la croisée de plusieurs enjeux sécuritaires : Une analyse des politiques d'innovation en Europe et aux États-Unis - Patrick Schembri Le développement récent de l'économie spatiale s'inscrit dans un contexte où les questions de sécurité ont beaucoup évolué durant les dernières décennies. Tenant compte de ce contexte, l'article a pour objet d'étudier la dynamique de l'innovation dans le secteur de l'aérospatial. Même si des tendances communes peuvent être relevées, l'analyse souligne des différences importantes entre les approches américaines et européennes en matière d'innovation. L'article est structuré en deux temps. Tout d'abord, les grandes tendances partagées de la nouvelle économie spatiale sont analysées par référence à un cadre d'analyse centré sur la notion de sécurité. Dans un second temps, une analyse de la politique d'innovation conduites par les Agences spatiales américaine et européenne souligne la diversité des approches.The recent development of the space economy takes place in a context where security issues have evolved significantly over the last decades. With respect to this context, the paper aims to study the dynamics of innovation in the aerospace sector. Although common trends can be noted, the analysis highlights important differences between American and European approaches to technological innovation. The article is structured in two parts. Firstly, the major shared trends of the new space economy are analyzed with reference to an analytical framework focusing on the notion of security. Secondly, a study of the innovation policy implemented by the American and European space agencies highlights the diversity of approaches.
- The Sovereignty of Sovereignties: On the Satellitization of Planet Earth - Brad Tabas Cet essai soutient que nous sommes maintenant à un moment cosmopolitique : à savoir un moment où le développement futur de l'espace orbital et l'avenir de la surveillance de la Terre depuis l'orbite se situent à un point d'inflexion, où l'inaction pourrait se terminer en tragédie, et l'engagement cosmopolitique collectif pourrait accomplir une victoire historique pour la liberté et la démocratie. Cependant, le succès n'est en aucun cas donné d'avance. Pour saisir ce moment, nous devrons repenser notre propre histoire, abandonner les idées sur le sens de l'ère spatiale sous-tendant les récits de la globalisation. Cet article tente donc de repenser la signification historique et politique de l'ère spatiale avec un accent particulier sur le lien entre les satellites dans l'espace orbital et l'aube de l'Anthropocène. Elle montre que la réflexion sur la relation entre la planète et l'occupation de l'espace orbital ne s'oppose en rien aux efforts visant à assurer l'habitabilité durable de notre planète. La conclusion qui émerge de ces observations est l'affirmation selon laquelle, dans l'Anthropocène, les horizons de l'histoire politique mondiale sont désormais orbitaux, et non globaux. De même, l'article suggère qu'une grande partie de la prétendue désorientation politique de notre époque, des prétentions qui justifient attaques contre la validité de la pensée historique moderne, découlent d'une imaginaire historique qui ne sépare pas la planète du globe, un refus de l'histoire qui n'est pas seulement paralysante politiquement, mais qui risque, en encourageant les tentatives idéologiquement motivées de limiter le champ politique de l'écologie à la surface et à l'atmosphère de la Terre, de rendre notre avenir sur la planète encore plus catastrophique.The essay explores the emergence of a new paradigm in biopolitical power which is proper to the Anthropocene. Characteristic of this new form of biopower is that it neither exercises direct control over life nor over territory, but rather derives power from knowledge relevant to sustaining the ‘life' of satellites in abiotic extraterrestrial dominions. By tracking the historical process of satellitization, in other words, the different forms of dependency of terrestrial political power on satellites since Sputnik, this article shows that these lifeless orbiting machines are deeply entangled with how capital has formed our unsustainable lives on this planet. But it also shows that saving orbital space can contribute to saving life on earth, even if such salvation implies a degree of complicity with the existing order of power. The primary objective of the paper is to show that this amounts to a paradigm shift within the spatiality of biopolitical analysis, and a broadening of the horizons of ecocritical concern. What it means is that we can no longer think about environmental politics in global terms, nor think about the planet as merely the inverse of the globe. In the Anthropocene, planet is a planet in a space that is not void but politicized, increasingly animated with inanimate bodies nevertheless connected to our terrestrial lives. To attend to the contemporary struggle for sovereignty over this politicized space, to bring the struggle for the sovereignty of sovereignties into Anthropocene imaginary, this paper proposes a new figure for imagining the planet. Rather than the Blue Marble, or Das Große Gehege, it offers up the earth ringed round with commercial and military constellations and space junk. Not because that is beautiful, but rather because that is where we are.
- Observation de la Terre et du Soleil depuis l'espace : vers un changement de paradigme - Philippe Keckhut, Mustapha Meftah, Laurence Croizé Les plateformes satellites positionnées autour de la Terre ont permis d'obtenir une vision globale de notre planète. Toutefois, quelles que soient leurs performances, les satellites « traditionnels » sont insuffisants pour fournir les informations nécessaires à la compréhension des mécanismes mis en jeu afin de suivre les aléas climatiques, d'améliorer la prévision météorologique et la sécurité civile et militaire. Depuis quelque deux décennies, permettant de répondre à ces nouvelles questions scientifiques et sociales, de nouveaux vecteurs techniques apparaissent, notamment les constellations de petits satellites et les plateformes stationnaires comme les drones, planeurs et ballons. Cette évolution, correspondant à une approche à la foi complémentaire et en rupture avec l'approche précédente, favorise, en combinaison avec les outils de l'intelligence artificielle en plein développement, des observations plus nombreuses et de plus grande qualité.Satellite platforms positioned around the Earth have made it possible to obtain a global vision of our planet. However, whatever their performance, “traditional” satellites are insufficient to provide the information necessary to understand the mechanisms involved in monitoring climatic hazards, improving weather forecasting and civil and military security. For some two decades, making it possible to answer these new scientific and social questions, new technical vectors have appeared, notably constellations of small satellites and stationary platforms such as drones, gliders and balloons. This development, corresponding to an approach that is both complementary and breaks with the previous approach, promotes, in combination with the tools of artificial intelligence in full development, more numerous and higher quality observations.
- La puissance spatiale, permanences et changements - Isabelle Sourbès-Verger
Espace(s) de la géopolitique
- La démocratisation de l'accès aux images satellite : un enjeu de citoyenneté ? - Gwenaël Régnier Ces dernières années, la diffusion massive d'images satellite pour documenter des catastrophes (incendies dévastateurs au Canada, tremblement de terre en Turquie) ou des conflits (guerre en Ukraine) sur les réseaux sociaux et dans les médias, montre un tournant dans l'utilisation d'une source d'information longtemps circonscrite au renseignement ou à un usage professionnel spécifique en raison de son intérêt stratégique ou de son coût. Depuis le milieu des années 2000, la « révolution numérique » et avec elle Google Earth puis l'open data ont changé la donne. Cet article cherche à montrer comment cette démocratisation de l'accès aux images satellite peut contribuer à une meilleure prise de conscience des enjeux environnementaux mais aussi à une forme d'empowerment citoyen, compris ici comme la capacité donnée aux individus de pouvoir mieux s'informer en faveur d'une plus grande transparence, dans un monde bousculé par l'urgence climatique et la désinformation croissante. Il défend l'idée que l'image satellite peut être identifiée à un « outil-citoyen » et il s'appuie sur une recherche-action pour proposer une méthode visant à favoriser une éducation à l'imagerie spatiale dans l'enseignement secondaire, préalable à une appropriation citoyenne de l'outil. Après avoir rappelé les grandes étapes qui ont mené à la démocratisation de l'accès aux images satellites, il s'agira d'expliquer en quoi l'image satellite est un outil-citoyen qui permet d'appréhender les grands enjeux sociétaux d'aujourd'hui puis de voir comment une « éducation à l'imagerie spatiale » peut être mise en œuvre de manière pratique dans la classe de géographie en France. Alors que les pistes pédagogiques proposées à la lumière d'une recherche-action tendent à montrer que l'image satellite permet d'engager favorablement les élèves à développer des compétences aussi bien géographiques que transversales, l'article appelle à réfléchir à la place de l'image satellite dans l'enseignement secondaire en France dans une perspective citoyenne qui prolonge le cadre disciplinaire sur lequel il s'appuie (ici la géographie).In recent years, the massive dissemination of satellite images to document disasters (such as devastating fires in Canada, earthquake in Turkey) or conflicts (like the war in Ukraine) through various medias, shows a turning point in the use of a source of information long restricted to intelligence or a specific professional use because of its strategic interest or its cost. Since the mid-2000s, the “digital revolution” and with it Google Earth and then open data have changed the situation. This article seeks to show how this democratization of access to satellite images can contribute to a better awareness of environmental issues but also to a form of citizen empowerment, understood here as the ability given to individuals to be able to better inform themselves in favour of greater transparency, in a world shaken by the climate emergency and growing spread of fake news. It defends the idea that the satellite image can be related to a "citizen-tool" and relies on action-research to propose a method aimed at promoting education in space imagery in secondary education, prior to an appropriation of the tool by the citizen. After recalling the main steps that led to the democratization of access to satellite images, it will focus on explaining how the satellite image is a citizen-tool that makes it possible to understand the today's major societal issues and then it will show how an “education in spatial imagery” can be implemented in a practical way in the teaching of geography. While the pedagogical paths proposed in the light of action research tend to show that the satellite image makes it possible to favourably engage students in developing both geographical and transversal skills, the article calls for questioning the place of the satellite image in secondary education in France from a citizen perspective that extends the disciplinary framework on which it relies (here geography).
- Enjeux socio-économiques et géopolitiques des observations depuis l'espace du sondeur atmosphérique IASI - Camille Viatte Les données spatiales, comme celle du sondeur infrarouge IASI, sont non seulement utilisées dans les études en sciences exactes mais peuvent aussi offrir des applications au-delà de la recherche fondamentale. Elles peuvent être exploitées pour suivre les panaches des volcans et fournir des informations en temps quasi réel pour l'aviation civile. Elles permettent également de surveiller les évènements extrêmes comme les vagues de froid accompagnées de dommages agricoles, ou les canicules et les feux associés. Les évènements extrêmes impactent la composition atmosphérique et ont une incidence sur la qualité de l'air à l'échelle locale, régionale et globale selon leur intensité. Les panaches de feux ou d'émissions volcaniques peuvent faire le tour du monde et bloquer le trafic aérien comme dans l'ensemble de l'Europe dans le cas du volcan Eyjafjallajökul en Islande en 2010, ou impacter la qualité de l'air, avec des risques sanitaires pour les populations dans le cas des feux notamment. Les mesures de IASI sont également utilisées pour vérifier et améliorer les inventaires d'émissions de polluants qui sont parfois très incomplets, notamment pour l'ammoniac. L'amélioration de ses inventaires d'émissions permettent de mettre en place des règlementations plus efficaces concernant la réduction des émissions de polluants. Cet article illustre les performances du sondeur IASI, embarqué sur les satellites de la série Metop depuis 2006, pour surveiller l'atmosphère terrestre en temps quasi réel afin d'apporter des informations utiles pour l'analyse de l'espace politique.Space-based data, such as the IASI infrared sounder, used in physical science studies have applications beyond fundamental research. They can be used to track volcano plumes and provide near-real-time information for civil aviation. They can also be used to monitor extreme events such as cold spells accompanied by agricultural damage, or heatwaves and associated fires. Extreme events impact atmospheric composition and affect air quality on a local, regional and global scales, depending on their intensity. Plumes from fires or volcanic emissions can travel around the world and block air traffic, as in the case of the Eyjafjallajökul volcano in Iceland in 2010, or impact air quality, with health risks for populations in the case of fires in particular.IASI measurements are also used to verify and improve pollutant emission inventories, which are sometimes very incomplete, particularly for ammonia. Improved emission inventories enable more effective regulations to be put in place to reduce pollutant emissions. This article illustrates the performance of the IASI sounder, which has been on board Metop satellites since 2006, in monitoring the Earth's atmosphere in near-real time, providing useful information for geopolitical analysis.
- Le faux miroir de l'objectif : enquête sur la fabrication des données spatiales - Marvin Freyne Cet article s'intéresse à la fabrication des données spatiales via l'utilisation de drones et de satellites en se focalisant particulièrement sur la sphère civile et humanitaire. Pour ce faire, une analyse de l'utilisation des drones et satellites principalement par l'aide humanitaire a été réalisée, avec une attention particulière au terrain syrien. Elle a été menée dans une perspective pluridisciplinaire en sciences sociales, en s'appuyant tout particulièrement sur les apports de la géographie et de l'anthropologie, et s'appuie tout autant sur la revue de la littérature que sur une série d'entretiens qualitatifs menés avec des personnes au profil varié dans le champ humanitaire, militaire, de l'ingénierie et des agences spatiales. Avec l'objectif de contribuer aux recherches sur les données spatiales grâce à une enquête anthropologique de la fabrique même de leurs outils, il s'agit 1) de montrer comment se fabriquent ces données dans la sphère civile et humanitaire, 2) d'en offrir un panorama d'usages pour l'analyse de l'espace politique, notamment en matière d'information, de surveillance, de prévention des risques et des crises, puis 3) de s'interroger d'un point de vue critique sur la nature même de ces données spatiales, faux miroirs du réel et vécus comme tels par leurs utilisateurs, mais devenus de redoutables outils de pouvoir et de contre-pouvoir, voire des armes de guerre.The following article deals with the production of spatial data by using drones and satellites with a particular emphasis on the civil and humanitarian sphere. Though different spaces are explored, the investigation mainly focuses on the Syrian territory which gathers a wide range of actors that experiment many technical means. This research falls within a multidisciplinary perspective related to social studies and particularly builds upon geographical and anthropological contribution works. The investigation was carried out between Summer 2019 and October 2021. In order to achieve successful research completion, the investigation relies on thorough study of literature works related to drones and satellites on military and humanitarian field. This is part of a Post-Tomnod context where participatory projects are flourishing. Two books were particularly inspiring to this end: La souffrance à distance (1993) by Luc Boltanski and Théorie du drone (2013) by Grégoire Chamayou. Moreover, a number of qualitative interviews were conducted with individuals whose diverse profiles are representative of the many different actors that belong to the space-based data field. Each of them intervenes in the humanitarian, military and engineering field as well as in spatial agencies. So as to contribute to the research on spatial data through an anthropological investigation on the development of the related tools, we shall explain the process of data fabrication with a look at the history, the use and the different representations of the world. Then, the idea is to present an overview of data use so as to analyze the political space especially in terms of information, surveillance, risks and crisis prevention. Thus, beyond its use as a power tool, space-based data can be seen as a tool for critical examination and to control power. Indeed, these tools can be used by humanitarian workers to monitor population shifts following an unexpected bombing.Nonetheless, these interests must be balanced due to certain backlashes. In this criticism of the criticism itself, we shall mention “God's eye” point of view which is allowed by these tools that necessarily provide a panoptic gaze upon the people who are to be observed. The issue that this panoptic gaze comes along with is that it reifies observed individuals. This implies other difficulties. One of which is linked to the reality effect provoked by these images. This effect can be misleading because it deals with subjective realities as a result of their environment and analysis. God's eye ends up being fooled by a sham. Finally, it is crucial to put the technological imperative back into its political context and into the standards it meets. Indeed, by dint of not questioning the challenges linked to the reasons why a crisis occurred but rather on the means that can be used to help the victims, the process can be alienating and can induce a latent depolitization of crises. Eventually, the use of spatial-based data brings a lot of benefits especially in terms of information, surveillance, prevention, and critical analysis of power. However, these assets must be questioned. Drones have become fearsome power tools as well as opposition tools. Both drones and satellites purpose constitute a false mirror of reality to the extent that, due to the manufacturing of spatial-based data, they reveal subjective realities.
- L'avènement des constellations de satellites dédiées au haut débit dans les territoires isolés : le cas de Starlink dans l'Arctique canadien - Célestine Rabouam L'évolution technologique des systèmes de télécommunications par satellite pour atteindre le haut débit soulève des enjeux géopolitiques à plusieurs échelles. En effet, le développement de ces systèmes repose aujourd'hui principalement sur des acteurs privés qui gagnent progressivement en influence dans le domaine du numérique et des activités extra-atmosphériques. Or, l'élaboration de ces systèmes répond avant tout à la nécessité de connecter les utilisateurs et les services, n'importe où sur Terre et dans les conditions les plus complexes. Leur implémentation dans les territoires où les infrastructures terrestres sont rares, comme l'Arctique canadien, était donc particulièrement attendue et ouvre aujourd'hui de nouvelles opportunités pour les utilisateurs situés dans ces territoires isolés. Alors que les constellations Starlink et Oneweb sont aujourd'hui disponibles et utilisées à des fins civiles dans l'Arctique, la compétition entre les opérateurs privés et l'évolution des rapports de force entre ces derniers et les gouvernements souligne la dimension géopolitique et multiscalaire de l'implémentation de ces objets techniques. Cet article vise ainsi à examiner l'évolution technologique des systèmes de télécommunications par satellite afin d'interroger les répercussions géopolitiques de l'arrivée en phase opérationnelle des constellations Starlink et Oneweb dans l'Arctique canadien.The technological evolution of satellite telecommunications systems to achieve high-speed Internet access raises geopolitical issues on several levels. The development of these systems is now largely driven by private players, who are gradually gaining influence in the fields of digital and space-based activities. However, the improvement of these systems is primarily motivated by the need to connect users in the most complex conditions anywhere on Earth. Their implementation in regions where terrestrial infrastructure is scarce, such as the Canadian Arctic, was eagerly anticipated and is now providing new opportunities for users in these isolated areas. While both the Starlink and Oneweb constellations are available and used for civilian purposes in the Arctic, competition between private operators and the evolving power dynamics between them and governments underlines the geopolitical and multiscalar dimensions of the deployment of these telecommunications systems. This paper therefore aims to examine the technological evolution of satellite communication systems and explore the geopolitical repercussions of the operational deployment of the Starlink and Oneweb constellations in the Canadian Arctic.
- La surveillance des émissions anthropiques de CO2 depuis l'espace : un enjeu géopolitique émergent - Grégoire Broquet, Frédéric Chevallier L'accord de Paris sur le climat en 2015, et plus généralement les politiques de lutte contre le changement climatique s'appuient sur une connaissance des émissions de gaz à effet de serre, en particulier de dioxyde de carbone (CO2), dues à l'activité humaine, établie par des inventaires combinant des données sur ces activités et des coefficients d'émissions correspondants. Cette approche présente aujourd'hui des limitations, avec des niveaux d'incertitudes variables en fonction des pays et des secteurs d'activité, et en termes de délais et de résolution spatiale et temporelle, qui pénalisent la transparence et la fiabilité recherchées par l'accord de Paris. Or l'acquisition et le traitement d'observations, notamment satellitaires, des concentrations atmosphériques de CO2 pourrait permettre des estimations rapides et fiables des émissions de CO2 à différentes échelles spatiales, et un contrôle voire une amélioration de la qualité des inventaires. Cet article montre ainsi que cette approche atmosphérique, longtemps limitée à la recherche scientifique, émerge aujourd'hui comme un moyen de répondre au besoin politique de nouvelles capacités de suivi des émissions de CO2. L'Europe affiche de grandes ambitions dans ce domaine, avec la mission spatiale Copernicus Anthropogenic Carbon Dioxide Monitoring (CO2M) et la préparation d'un service opérationnel de suivi atmosphérique des émissions anthropiques de CO2, qui alimenterait les déclarations officielles des émissions européennes. Cependant, la maturité actuelle des chaînes de traitement ne permet pas encore de qualifier un tel système. L'utilisation de ses estimations des émissions de CO2 dans un cadre international pose de nombreux défis techniques et politiques, que cet article discute, en leur donnant un contexte et des perspectives générales. Il s'appuie pour cela sur une revue d'articles scientifiques et de rapports pour les décideurs politiques, et sur une connaissance des échanges internationaux sur le sujet.The Paris climate agreement in 2015, and more generally policies to combat climate change, are based on knowledge of greenhouse gas emissions, in particular carbon dioxide (CO2) emissions, from human activity, established by inventories combining data on these activities and corresponding emission coefficients. This approach currently presents limitations, with varying levels of uncertainty depending on the countries and sectors of activity, and in terms of latency and spatial and temporal resolution, which penalize the transparency and reliability sought by the Paris agreement. However, the acquisition and processing of observations, particularly satellite observations, of atmospheric CO2 concentrations could enable rapid and reliable estimates of CO2 emissions at different spatial scales, and the evaluation or even the improvement of the quality of inventories. This article thus shows that this atmospheric approach, long limited to scientific research, is now emerging as a means of responding to the political need for new capacities for monitoring CO2 emissions. Europe has great ambitions in this area, with the Copernicus Anthropogenic Carbon Dioxide Monitoring (CO2M) space mission and the preparation of an operational service for atmospheric monitoring of anthropogenic CO2 emissions, which would feed into official declarations of European emissions. However, the current maturity of the processing chains does not yet make it possible to qualify such a system. Using its CO2 emissions estimates in an international framework poses many technical and policy challenges, which this article discusses, giving them general context and perspective. To do this, it relies on a review of scientific articles and of reports for political decision-makers, and on knowledge of international exchanges on the subject.
- La frontière vue du satellite : étude du territoire transfrontalier de Khorgos à l'aide des ondes infrarouges - Isabella Damiani Cette étude sur l'espace frontalier de Khorgos entre le Kazakhstan et la République populaire de Chine aura comme objectif de montrer une nouvelle image des mutations territoriales de cette région, en évolution permanente depuis la progressive ouverture de la Chine vers ses voisins post-soviétiques et notamment depuis l'officialisation des Nouvelles routes de la soie, en 2013. Cette analyse territoriale sera portée notamment par le traitement d'images satellite infrarouge. Des proches infrarouges jusqu'aux infrarouges thermiques, l'utilisation de cette partie du spectre électromagnétique permettra de comprendre de nouveaux éléments sur ce territoire et d'améliorer l'analyse géopolitique, avec des informations normalement non accessibles à œil nu.This study on the Khorgos border area between Kazakhstan and the People's Republic of China will aim to show a new image of territorial developments of this region, in constant evolution since the gradual opening of China towards its post-Soviet neighbors and in particular since the formalization of the Belt and Road Initiative, in 2013. This territorial analysis will be carried out by infrared satellite image processing. From near-infrared spectroscopy to thermal infrared, the use of this part of the electromagnetic spectrum will understand new elements and improve the geopolitical analysis, with information normally not reachable to the naked eye.
- La démocratisation de l'accès aux images satellite : un enjeu de citoyenneté ? - Gwenaël Régnier
Varia
- Vues depuis Pékin, les actuelles évolutions du système portuaire de la RPC - Benjamin Claverie Confrontés à une organisation portuaire planétaire de plus en plus polycentrique et ayant dû faire face à une désindustrialisation parfois éprouvante, les ports occidentaux ont connu un déclassement dans la hiérarchie portuaire mondiale, désormais largement dominée par l'Asie orientale et la République populaire de Chine en particulier. Au moyen de la lecture d'articles spécialisés dans les questions logistiques publiés par des auteurs asiatiques, d'un traitement de statistiques émises par l'État chinois et les institutions internationales, et d'une visite de terrain dans un port sec chinois, l'auteur analyse les modalités de la politique chinoise ayant permis le développement, le rattrapage puis la supériorité du système portuaire chinois à l'échelle globale. L'article étudie tout d'abord les évolutions de la planification portuaire, lesquelles se sont traduites par une décentralisation de la gestion portuaire aux échelons provincial et municipal, ainsi que par l'intégration des ports dans les problématiques plus larges d'aménagement de l'ensemble du territoire national. La seconde partie est consacrée aux avantages comparatifs des différents acteurs du système portuaire chinois qui leur permettent de se projeter mondialement dans le cadre de la Belt and Road Initiative.Faced with a global port organization increasingly polycentric and having to face a deindustrialization sometimes difficult, Western ports have experienced a downgrading in the world port hierarchy, now largely dominated by East Asia and the People's Republic of China in particular. By reading articles specializing in logistics issues published by Asian authors, processing statistics issued by the Chinese government and international institutions, and making a field visit to a Chinese dry port, the author analyzes the Chinese policy that has enabled the Chinese port system to develop, catch up and then become superior on a global scale. The article begins with an examination of developments in port planning, which have resulted in the decentralization of port management to the provincial and municipal levels, as well as the integration of ports into broader national planning issues. The second part is devoted to the comparative advantages of the various players in the Chinese port system, enabling them to project themselves globally within the framework of the Belt and Road Initiative.
- Vues depuis Pékin, les actuelles évolutions du système portuaire de la RPC - Benjamin Claverie