Contenu du sommaire : L'officier de l'état civil et le droit étranger
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Numéro | no 1, janvier-mars 2024 |
Titre du numéro | L'officier de l'état civil et le droit étranger |
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Éditorial
- Partir … revenir ? Entre le droit et le fait. - Horatia Muir Watt, Dominique Bureau, Sabine Corneloup p. 1-4
- Partir … revenir ? Entre le droit et le fait. - Horatia Muir Watt, Dominique Bureau, Sabine Corneloup p. 1-4
Doctrine
- L'officier de l'état civil et le droit étranger. Analyse critique et prospective d'une défaillance française - Nicolas Nord p. 5-22 Dans des situations à caractère international, l'officier de l'état civil français peut être fréquemment confronté à l'application d'une loi étrangère. Pourtant, en vertu de l'Instruction générale relative à l'état civil et d'autres textes administratifs, il n'a aucune obligation d'établir la teneur du droit étranger et peut se contenter des seuls éléments rapportés par les particuliers qui le sollicitent. Une telle solution a certes pour avantage de simplifier la tâche de l'officier de l'état civil qui n'est pas un professionnel du droit. Elle entraîne toutefois des incohérences au sein de l'ordre juridique français. L'article préconise donc d'inverser le principe et de créer un devoir pour l'autorité française en la matière. Il convient toutefois d'alléger sa charge en facilitant l'accès à la teneur du droit étranger. Des propositions concrètes sont formulées en ce sens, tant au niveau interne que par la mise en œuvre de la coopération internationale.In international situations, French civil registrars may frequently be confronted with the application of foreign law. However, by virtue of the General Instruction on Civil Status and other administrative texts, they are under no obligation to establish the content of foreign law and can be satisfied with the sole elements reported by requesting private individuals. This solution certainly has the advantage of simplifying the task of civil registrars, who are not legal professionals. However, it leads to inconsistencies within the French legal system. The article therefore recommends reversing the principle and creating a duty for the French authority in this area. However, the burden should be lightened by facilitating access to the content of foreign law. Concrete proposals are put forward to this end, both internally and through international cooperation.
- Le « destinataire réel » des marchandises peut-il se voir opposer la clause attributive de compétence convenue entre le chargeur et le transporteur maritime ? - David Sindres p. 23-37 La Cour de cassation s'est, par deux arrêts remarqués, prononcée en faveur d'un strict cantonnement de la jurisprudence de la Cour de justice Tilly Russ/Coreck Maritime au tiers porteur d'un connaissement ou d'une lettre de transport maritime, excluant qu'elle puisse être appliquée au « destinataire réel » des marchandises. Ainsi, contrairement au tiers porteur, le « destinataire réel » ne peut se voir opposer la clause convenue entre le chargeur et le transporteur et insérée dans un connaissement ou dans une lettre de transport maritime, quand bien même il aurait succédé aux droits et obligations du chargeur selon le droit national applicable ou aurait donné son consentement à la clause dans les conditions édictées par l'article 25 du règlement Bruxelles I bis. D'un maniement délicat, la distinction ainsi opérée par la Cour de cassation entre tiers porteur et destinataire réel sous l'angle de l'opposabilité des clauses attributives de compétence convenues entre chargeurs et transporteurs maritimes s'avère, de surcroît, fort difficile à justifier. Elle n'est, en effet, nullement imposée par les arrêts Tilly Russ et Coreck Maritime et paraît même difficilement conciliable avec eux. En outre, dans la mesure où elle peut conduire à écarter l'application d'une clause attributive de juridiction à un destinataire réel qui y aurait pourtant consenti dans les conditions de l'article 25 du règlement Bruxelles I bis, elle méconnaît les exigences de ce texte.In two notable decisions, the French Cour de cassation has ruled that the case law of the Court of Justice Tilly Russ/Coreck Maritime is strictly confined to the third-party bearer of a bill of lading or sea waybill, and cannot be applied to the “actual addressee” of the goods. Thus, unlike the third party bearer, the “actual addressee” cannot be submitted to the clause agreed between the shipper and the maritime carrier and inserted in a bill of lading or a sea waybill, even if he has succeeded to the rights and obligations of the shipper under the applicable national law, or has given his consent to the clause under the conditions laid down in article 25 of the Brussels I bis regulation. The distinction thus made by the Cour de cassation with regard to the enforceability against third parties of jurisdiction clauses agreed between shippers and carriers cannot be easily justified. Indeed, it is in no way required by the Tilly Russ and Coreck Maritime rulings and is even difficult to reconcile with them. Furthermore, insofar as it may lead to the non-application of a jurisdiction clause to an actual addressee who has nevertheless consented to it under the conditions of article 25 of the Brussels I bis regulation, it fails to meet the requirements of this text.
- L'officier de l'état civil et le droit étranger. Analyse critique et prospective d'une défaillance française - Nicolas Nord p. 5-22
Jurisprudence
- Cyberdélits : quel est le juge compétent pour ordonner une mesure géolocalisée ? : (Civ. 1re, 1er févr. 2023, n° 20-15.703, inédit) - Yves El Hage p. 39-53 L'action en cessation partielle et non intégrale du demandeur, visant une géorectification limitée au territoire français à l'exception de tous les autres, est divisible d'un point de vue géographique et non pas une et indivisible. Le demandeur peut donc saisir les juridictions françaises de cette demande, quand bien même celles-ci n'auraient pas compétence pour statuer sur l'ensemble du dommage subi à travers le monde.
- La saisie de créances fiscales situées en France en cas de renonciation expresse par l'État étranger à son immunité d'exécution : (Civ. 1re, 13 avr. 2023, nos 18-20.915, 18-24.859 et 19-14.391, JCP 2023. 567, concl. R. Salomon ; ibid. 568, note L. d'Avout ; Gaz. Pal. 11 juill. 2023, n° 451, obs. C. Brenner) - Lyna Maaziz p. 54-62 Dès lors qu'il n'était pas soutenu que les biens saisis aient été spécifiquement utilisés ou destinés à être utilisés dans l'exercice des missions diplomatiques ou consulaires de la République du Congo, la cour d'appel en a exactement déduit que, selon les principes du droit international coutumier reflétés par la Convention des Nations unies du 2 décembre 2004 sur les immunités des États et de leurs biens, la renonciation expresse à l'immunité d'exécution, consentie par cet État dans le litige l'opposant à la société Commisimpex, suffisait pour que les actifs en cause puissent faire l'objet d'une mesure d'exécution, peu important qu'ils aient consisté en des créances fiscales, sans que soit en outre requise une renonciation spéciale. Le principe de territorialité de recouvrement de l'impôt ne s'appliquait pas dès lors que le litige ne concernait pas l'exercice, en France, de mesures de recouvrement de créances fiscales par la République du Congo, et qu'en vertu du principe d'unicité du patrimoine, les créances de la République du Congo sur la société EDF Africa Services pouvaient être appréhendées au siège de celle-ci.
- Les difficultés d'interprétation engendrées par les articles 9 et 15 du règlement Bruxelles II bis : (CJUE 27 avr. 2023, aff. C-372/22, AJ fam. 2023. 115, obs. A. Boiché ; Dr. fam. 2023. Comm. 115, note A. Devers ; D. actu. 1er juin 2023, obs. F. Mélin ; Europe 2023. Comm. 237, note L. Idot ; Procédures 2023. Comm. 211, note C. Nourissat ; Gaz. Pal. 18 juill. 2023, p. 53, note I. Rein-Lescastéreyres) - Georgette Salamé, Guillaume Kessler p. 63-84 Il ressort du libellé clair de l'article 9, paragraphe 1er, du règlement Bruxelles II bis que le législateur de l'Union a entendu limiter la compétence des juridictions de l'ancienne résidence habituelle de l'enfant, sur le fondement dudit article, à une période de trois mois suivant le déplacement physique de cet enfant d'un État membre vers un autre État membre, en vue d'y établir sa nouvelle résidence habituelle. Le règlement doit par ailleurs être interprété en ce sens que la juridiction de l'État membre de l'ancienne résidence habituelle de l'enfant, compétente pour statuer sur le fond au titre de l'article 9, peut exercer la faculté de renvoi prévue à l'article 15 dudit règlement au profit de la juridiction de l'État membre de la nouvelle résidence habituelle de cet enfant, pour autant que les conditions prévues à cet article 15 sont satisfaites.
- Inconciliabilité entre une sentence étrangère et un jugement étranger, fraude à l'arbitrage et contrôle incident de la sentence : (Civ. 1re, 17 mai 2023, Albania BEG c/ Enel S.p.a. e.a., n° 21-18.406, D. 2023. Pan. 1812 et 1827, obs. L. d'Avout ; JCP E 30 nov. 2023. Actu. 1345, obs. Ph. Casson ; D. actu. 11 sept. 2023, obs. J. Jourdan-Marques ; Gaz. Pal. 31 oct. 2023, p. 17, obs. L. Larribère) - François-Xavier Train p. 85-97 Ayant relevé que la demanderesse à l'exequatur avait agi devant la juridiction étrangère en interposant artificiellement sa filiale locale, dont l'actionnariat avait fait l'objet dans les trois mois précédant l'introduction de l'action de modifications apparentes destinées à induire en erreur sur l'autonomie de cette société qui restait, en réalité, sous l'entier contrôle de la demanderesse, et ayant retenu qu'au regard de la chronologie des procédures, de la similarité des faits et des moyens invoqués, des fautes alléguées et des préjudices dont la réparation avait été sollicitée dans les deux instances, l'action engagée devant la juridiction étrangère avait en réalité le même objet que celle initiée précédemment devant le tribunal arbitral, à savoir faire constater que sa cocontractante avait violé l'accord de coopération et qu'elle tendait à obtenir indirectement ce que la demanderesse avait échoué à obtenir directement du tribunal arbitral. En l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a pu retenir que le jugement avait été obtenu par fraude et en a exactement déduit que l'exequatur devait être refusé. Une sentence arbitrale rendue à l'étranger et non revêtue de l'exequatur en France peut être reconnue à titre incident par le juge de l'exequatur et faire échec à l'accueil d'un jugement étranger postérieur et inconciliable, sous réserve d'un contrôle de sa régularité.
- L'articulation des articles 10 et 15 du règlement Bruxelles II bis : l'illicéité de la résidence habituelle acquise par l'enfant dans l'État membre de refuge n'empêche pas le transfert de compétence vers une juridiction « mieux placée » de cet État : (CJUE 13 juill. 2023, TT c/ AK, aff. C-87/22) - Christelle Chalas p. 98-116 L'article 15 du règlement (CE) no 2201/2003 doit être interprété en ce sens que la juridiction d'un État membre compétente pour statuer sur le fond d'une affaire en matière de responsabilité parentale au titre de l'article 10 dudit règlement peut exceptionnellement demander le renvoi de cette affaire à une juridiction de l'État membre dans lequel cet enfant a été déplacé illicitement par l'un de ses parents. Les seules conditions auxquelles est subordonnée la possibilité du renvoi de l'affaire sont celles expressément énoncées à cette disposition. Lors de l'examen des conditions relatives à l'existence d'une juridiction mieux placée et à l'intérêt de l'enfant, la juridiction compétente au fond doit prendre en considération l'existence d'une procédure de retour engagée dans l'État membre où l'enfant a été illicitement déplacé par l'un de ses parents et qui n'a encore fait l'objet d'aucune décision définitive.
- Le retour de l'affaire Alexandros T et la « quasi-injonction » anti-suit : (CJUE 7 sept. 2023, aff. C-590/21) - Horatia Muir Watt p. 117-128 Une juridiction d'un État membre peut refuser de reconnaître et d'exécuter une décision d'une juridiction d'un autre État membre pour cause de contrariété avec l'ordre public, dès lors que cette décision entrave la poursuite d'une procédure pendante devant une autre juridiction de ce premier État membre, en ce qu'elle accorde à l'une des parties une indemnité pécuniaire provisoire au titre des dépens que celle-ci supporte en raison de l'engagement de cette procédure, au motif, d'une part, que l'objet de ladite procédure est couvert par un accord transactionnel, conclu licitement et validé par la juridiction de l'État membre qui a prononcé ladite décision, et, d'autre part, que la juridiction du premier État membre, devant laquelle a été intentée la procédure litigieuse, n'est pas compétente en raison d'une clause attributive de juridiction exclusive.
- La loi applicable à la prescription de l'action subrogatoire dans le règlement Rome II : (CJUE 17 mai 2023, Fonds de Garantie des Victimes des Actes de Terrorisme et d'Autres Infractions (FGTI) c/ Victoria Seguros SA, aff. C-264/22, Europe 2023. Comm. 270, obs. L. Idot ; G. Cuniberti, Règles de la CJUE sur le champ d'application de la lex loci délicti et de la lex subrogationis, disponible sur le blog de l'EAPIL : https://eapil.org/2023/05/30/cjeu-rules-on-scopes-of-lex-loci-delicti-and-lex-subrogationis/) - Maud Minois p. 129-141 La loi qui régit l'action du tiers subrogé dans les droits d'une personne lésée contre l'auteur d'un dommage et détermine, en particulier, les règles de prescription de cette action est, en principe, celle du pays où ce dommage survient.
- Actualité de l'office du juge en matière conflictuelle : (Civ. 1re, 28 juin 2023, Pourvoi no 22-18.281 ; Civ. 1re, 27 sept. 2023, Pourvoi no 22-15.146) - Dominique Bureau p. 142-146 Il incombe au juge français, saisi d'une demande d'application d'un droit étranger, de rechercher la loi compétente, selon la règle de conflit, puis de déterminer son contenu, au besoin avec l'aide des parties, et de l'appliquer (1re espèce). Si le juge n'a pas, sauf règles particulières, l'obligation de changer le fondement juridique des demandes, il est tenu, lorsque les faits dont il est saisi le justifient, de faire application des règles d'ordre public issues du droit de l'Union européenne, telle une règle de conflit de lois lorsqu'il est interdit d'y déroger, même si les parties ne les ont pas invoquées (2e espèce).
- Le domicile commun n'est qu'une présomption simple pour déterminer le régime matrimonial d'un couple marié avant le 1er septembre 1992 : (Civ. 1re, 20 sept. 2023, n° 21-23.661) - Jean Gasté p. 147-154 Le régime matrimonial des époux mariés sans contrat, avant l'entrée en vigueur en France, le 1er septembre 1992, de la Convention de La Haye du 14 mars 1978 sur la loi applicable aux régimes matrimoniaux, est déterminé selon la volonté qu'ils ont eue, lors du mariage, de localiser leurs intérêts pécuniaires, cette volonté devant être recherchée d'après les circonstances concomitantes ou postérieures à leur union. La règle selon laquelle cette détermination doit être faite en considération, principalement, de la fixation de leur premier domicile conjugal ne constitue qu'une présomption simple qui peut être détruite par tout autre élément de preuve pertinent. Lorsque les époux n'ont pas fixé leur premier domicile commun dans le même État, des éléments postérieurs de plus de douze ans ne peuvent être pris en compte.
- Les possibilités de recours à une professio juris restreintes en présence de conventions internationales préexistantes au règlement : (CJUE 12 oct. 2023, aff. C-21/22 ; F. Mélin, Loi applicable aux successions internationales et jeu de l'autonomie de la volonté, D. actu. 23 oct. 2023 ; D. Boulanger, La professio juris successorale limitée par un accord bilatéral, JCP N 10 nov. 2023, n° 45 ; A. Devers, Choix de la loi applicable en matière de successions, Dr. fam. janv. 2024, n° 1. Comm. 12) - Xaviera Favrie p. 155-163 L'article 22 du règlement no 650/2012 permet à un ressortissant d'un État tiers de choisir la loi de cet État tiers comme loi régissant l'ensemble de sa succession. Toutefois, en présence d'un accord bilatéral conclu avant l'adoption de ce règlement entre un État membre et un État tiers désignant la loi applicable en matière de succession et ne prévoyant pas expressément la possibilité d'en choisir une autre, le ressortissant d'un État tiers, résidant dans l'État membre lié par cet accord bilatéral, ne dispose pas de la faculté de choisir la loi applicable à sa succession.
- Cyberdélits : quel est le juge compétent pour ordonner une mesure géolocalisée ? : (Civ. 1re, 1er févr. 2023, n° 20-15.703, inédit) - Yves El Hage p. 39-53
Éclairages
- Le Royaume-Uni signe la Convention de La Haye du 2 juillet 2019 - Antoine d'Ornano p. 165-167
- Sur un rapport relatif à la révision de la directive sur les services de paiement - Antoine d'Ornano p. 168-175
- Le Royaume-Uni signe la Convention de La Haye du 2 juillet 2019 - Antoine d'Ornano p. 165-167
Bibliographie
- The Ultimate Frontier: Towards an Ecological Jurisprudence – A Global Horizon in Private International Law, by Horatia Muir Watt, Hart Publishing, 2023, 368 pages - Jorge L. Esquirol p. 177-180
- La théorie générale des conflits de lois à l'épreuve de l'individualisme, par E. Lenglart, LGDJ, 2023, préf. D. Bureau, 628 pages - Sylvain Bollée p. 180-184
- Un système de droit international privé de l'Union européenne ? Bilan et perspectives de 20 ans de coopération judiciaire en matière civile, par L. Pailler et C. Nourissat (dir.), Bruylant, 2023, 624 pages - Marc Fallon p. 184-192
- Derecho internacional privado y dogmática jurídica, par J. Carrascosa Gonzáles, Comares, 2021, 280 pages - Luz Monge p. 192-196
- The Protection of Small and Medium-Sized Enterprises in Private International Law, par K. Thorn, Rec. cours La Haye 2023, vol. 433, p. 99-205 - Louis d'Avout p. 196-198
- Citizenship and Residence Sales. Rethinking the Boundaries of Belonging, par D. Kochenov et K. Surak (dir.), CUP, 2023, 560 pages - Étienne Pataut p. 198-201
- Methods and Legal Comparison : Challenges for Methodological Pluralism, par R. Scarciglia, Edward Elgar, 2023, 223 pages - Geoffrey Samuel p. 201-205
- Signalements - p. 206
- The Ultimate Frontier: Towards an Ecological Jurisprudence – A Global Horizon in Private International Law, by Horatia Muir Watt, Hart Publishing, 2023, 368 pages - Jorge L. Esquirol p. 177-180