Contenu du sommaire : « Faire la paix » : approches pluridisciplinaires sur les processus de pacification et de réconciliation

Revue Revue d'Allemagne Mir@bel
Numéro Tome 56, no 2, juillet-décembre 2024
Titre du numéro « Faire la paix » : approches pluridisciplinaires sur les processus de pacification et de réconciliation
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • « Faire la paix » : approches pluridisciplinaires sur les processus de pacification et de réconciliation

    • Introduction - Guido Braun p. 271-278 accès libre
    • Rendre la paix possible ? - Thomas Nicklas p. 279-289 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Friedrich Wilhelm Foerster (1869-1966) fut un éthicien qui s'est investi dans un combat politique pour la paix en temps de guerre. Exerçant comme professeur de pédagogie et d'éthique à l'université de Munich, en 1916, il voulait lancer un débat sur les défauts de construction de l'État-nation allemand, créé par Bismarck au détriment de l'équilibre européen, afin de briser le carcan du nationalisme et disposer les esprits de ses compatriotes à la paix, par le biais de concessions et d'un compromis entre les belligérants. Cependant, tout en se réclamant d'une vision réaliste de la société et des relations internationales, l'éthicien Foerster misait sur la puissance des idées et il négligeait en même temps le pouvoir des partis politiques et des corps constitués. Son appel à l'autocritique nationale resta sans écho et ses publications de l'après-1918 sur les crimes de guerre allemands lui attirèrent la haine des nationalistes en Allemagne. Le cas de Foerster nous permet d'étudier l'aporie d'une quête idéaliste de la paix.
      Friedrich Wilhelm Foerster (1869-1966) considered himself as an ethicist who fell into political strife because he engaged for peace in a time of war. Professor of pedagogics and ethics at the University of Munich, in 1916, he tried to launch a broad debate on the defects of the construction of the German nation-state, created by Bismarck in contradiction to the principles of European balance of powers politics. By doing so, he wanted to question the nationalist views of his fellow countrymen, to make them prone to peace on the grounds of concessions and compromise with the other belligerent nations. Even if Foerster claimed for himself a realist view on society and on international politics, his action unilaterally rested on the force of ideas and neglected entirely the power of political parties and of interest groups. His call for national self-criticism was not heard in Germany, after 1918, and he became a bogeyman in the nationalists' eyes instead, due to his publications highlighting German war crimes. By this means, the Foerster case allows us to study the aporia of an idealistic search of peace in practice.
    • Les langues de la paix - Jérémie Dubois p. 291-304 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article envisage l'action et les idées d'un pacifiste allemand sous la République de Weimar, le professeur berlinois Ernst Schwarz. Principalement connu pour avoir siégé au Reichstag comme député communiste entre 1924 et 1928, Ernst Schwarz a aussi porté un projet éducatif en faveur de la paix entre les jeunes générations de France et d'Allemagne. Son projet repose sur l'apprentissage mutuel de la langue du pays voisin par des jeunes, garçons et filles, lors de longs séjours en commun dans l'un ou l'autre pays. Entre 1928 et 1933, plusieurs centaines d'élèves séjournent en été dans les « écoles de vacances » (Ferienschulen), conçues par Ernst Schwarz et le recteur de Lille Albert Châtelet. Schwarz est ainsi un acteur de la construction de réseaux éducatifs franco-allemands jusqu'au printemps 1933, où il est démis de ses fonctions et poussé à l'exil par l'arrivée des nazis au pouvoir.
      This article looks at the work and ideas of a German pacifist under the Weimar Republic, Berlin professor Ernst Schwarz. Best known for having sat in the Reichstag as a Communist deputy between 1924 and 1928, Ernst Schwarz also conceived an educational project to promote peace between the younger generations of France and Germany. His project was based on the mutual learning of the neighboring country's language by boys and girls during long stays together in one or the other country. Between 1928 and 1933, several hundred pupils spent summers in the “vacation schools” (Ferienschulen) designed by Ernst Schwarz and Lille rector Albert Châtelet. Schwarz played a key role in building Franco-German educational networks until the spring of 1933, when he was dismissed and forced into exile when the Nazis came to power.
    • Alfred Fabre-Luce (1899-1983) und die versuchte Ausgestaltung einer Friedensordnung zwischen Frankreich, Deutschland und Polen im 20. Jahrhundert - Max Behmer, Krzysztof Żarski p. 305-316 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article a pour thème la conception européenne de la paix de l'écrivain Alfred Fabre-Luce (1899-1983). En partant des premiers ouvrages de Fabre-Luce des années 1920, il s'agit de retracer l'évolution de sa pensée sur cette question, durant la Seconde Guerre mondiale et jusque dans les années 1950. Un intérêt particulier est accordé à la relation triangulaire entre la France, l'Allemagne et la Pologne. Des documents d'archives ont été utilisés ainsi qu'un ouvrage jusqu'ici non attribué à l'auteur.
      This article focuses on the European conception of peace by the writer Alfred Fabre-Luce (1899-1983). Starting with Fabre-Luce's first works from the 1920s, it traces the development of his thinking on this issue from the Second World War to the 1950s. Our particular interest is the triangular relationship between France, Germany and Poland. Both archive material and a work not previously attributed to the author were consulted.
    • Versöhnung und Freundschaft? - Regina Schleicher p. 317-331 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Les manuels scolaires pour l'enseignement des langues étrangères jouent un rôle important dans la formulation et la transmission de récits historiques. Cet article examine l'influence des manuels de français sur la construction d'une histoire séparée et commune en République démocratique allemande et en République fédérale d'Allemagne. L'étude s'étend des années après 1945 jusqu'à la fin des années 1960. En RDA, ce sont d'abord les thèmes de l'histoire de la Révolution et de la Résistance qui ont marqué le programme scolaire, tandis que les manuels ultérieurs ont présenté la France de manière négative comme un État national capitaliste et impérialiste. En République fédérale d'Allemagne, une phase d'évitement des thèmes de civilisation et de politisation de l'enseignement du français a été suivie peu à peu par une intégration des sujets politiques et historiques. L'article se concentre sur deux manuels scolaires.
      Foreign language textbooks play an important role in the formulation and transmission of historical narratives. This article examines the influence of French textbooks on the construction of a separate and common history in the German Democratic Republic and the Federal Republic of Germany. The study extends from the years after 1945 to the end of the 1960s. In the GDR, it was initially the themes of the history of the Revolution and the Resistance that marked the school curriculum, while later textbooks presented France in a negative light as a capitalist and imperialist national state. In the Federal Republic of Germany, a phase of avoiding civilisation themes and politicising the teaching of French was gradually followed by the integration of political and historical topics. The article focuses on two textbooks.
    • Die Rolle Kurmainzer Diplomaten beim Frieden von Rijswijk 1697 - Sven Dittmar p. 333-348 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      La guerre de la Ligue d'Augsbourg, qui s'est terminée par la paix de Ryswick, a durablement dévasté l'archevêché de Mayence, géographiquement exposé. Les destructions françaises, notamment dans le Palatinat voisin, ont marqué à long terme l'image de l'« ennemi héréditaire » français. L'article s'interroge sur les conséquences de ces destructions de guerre sur le processus de conclusion de la paix à travers l'exemple de la diplomatie de l'Électorat de Mayence lors du Congrès de la paix de Ryswick. Outre le rôle d'éventuels ressentiments contre l'adversaire et les propres alliés (protestants) liés à l'expérience vécue pendant la guerre, l'accent est mis en particulier sur l'importance de la situation stratégique exposée de l'archevêché, de la confession et du rapprochement par phases avec la France pour le positionnement de l'Électorat de Mayence. Pour imposer ses intérêts et ses idées, le prince électeur Lothar Franz von Schönborn, en plus de ses diplomates expérimentés Wolf Philipp von Schrottenberg, Melchior Friedrich von Schönborn et Ignaz Anton Otten, pouvait, en tant qu'archichancelier de l'Empire, user de son influence, notamment sur les diplomates des États de l'Empire à Ryswick, grâce à ses droits de directeur de la diète.
      The Nine Years' War, which ended with the Peace of Rijswijk, devastated the geographically exposed prince-archbishopric of Mainz. The French destruction, especially in the neighbouring Palatinate, shaped the image of Franco-German ‘hereditary enmity' in the long term. The article asks about the consequences of these wartime destructions for the process of peace-making, using the example of Kurmainz diplomacy at the Rijswijk Peace Congress. In addition to the role of possible experience-related resentment against the wartime opponent and the (Protestant) allies, the article focuses in particular on the significance of the exposed strategic position, the denomination and the intermittent approach to France for the Kurmainz positioning. In order to assert his interests and ideas, the Elector of Mainz Lothar Franz von Schönborn, in addition to his experienced diplomats Wolf Philipp von Schrottenberg, Melchior Friedrich von Schönborn and Ignaz Anton Otten, was able to exert his influence as Imperial Archchancellor by means of his directorial rights, especially on the imperial estates' diplomats in Rijswijk.
    • Vom Frieden ausgeschlossen? - Axel Dröber p. 349-364 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      L'homogénéisation nationale des États-nations issus de la guerre, voulue par la Conférence de paix de Paris, eut un impact fondamental sur la nationalité des régions concernées par les changements de frontières. En Alsace et en Lorraine, restituées à la France en 1919, le traité de paix entraîna une séparation entre les Alsaciens et les Lorrains d'un côté et les immigrés allemands de l'autre. Si seuls les premiers étaient admis dans la citoyenneté, les Allemands restaient exclus de la pleine intégration. L'étude se penche sur la naturalisation que le traité introduit dans les deux provinces. Si les personnes concernées cherchèrent à orienter les procédures en leur faveur, la mise en œuvre administrative fit apparaître des logiques divergentes et une perception ambiguë des échelles d'appartenance. Les Allemands étaient au centre de l'attention publique, tant dans le contexte de la guerre qui venait de s'achever que dans celui de la baisse de la démographie et de l'immigration étrangère en général. La réforme de la naturalisation initiée par le traité de paix a finalement eu des effets durables sur l'institution de la naturalisation.
      The national homogenisation of the nation-states emerging from the war, which was the aim of the Paris Peace Conference, had a fundamental impact on the nationality of the regions affected by border changes. In Alsace and Lorraine, which returned to France in 1919, the peace treaty led to a separation between long-established Alsatians and Lorrainers on the one hand, and the German immigrants on the other hand. While only the Alsatians and Lorrainers were admitted to citizenship, Germans were excluded from full integration. The present article examines the naturalisation process that the treaty initiated with regard to the German population. If those affected sought to adapt the bureaucratic procedures in their favour, divergent logics and contradictory patterns of perception with regard to belonging emerged in the administrative implementation. Against the backdrop of the war, which had just ended, as well as in the context of declining demographics and foreign immigration, Germans were generally the focus of public attention. The reform of naturalisation set in motion by the peace treaty ultimately had a lasting impact on the institution of naturalisation of the French Third Republic.
    • Quand les vaincus (re)construisaient la paix : les prisonniers de guerre allemands dans la sortie de guerre franco-allemande après 1945 - Fabien Théofilakis p. 365-381 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Plus d'un million d'Allemands ont été prisonniers de guerre en mains françaises, entre 1944 et 1948. Pourtant, leur rôle, après 1945, dans la construction de la paix entre des ennemis dits héréditaires n'a pas été justement étudié. Cette absence est d'autant plus surprenante que la captivité a constitué, à une échelle inédite, une expérience de rencontre avec l'autre. À partir de trois histoires considérant tour à tour le point de vue des prisonniers, des autorités françaises et des populations dans la Zone française d'occupation, l'article se propose d'interroger en quoi la captivité allemande en mains françaises a pu contribuer au processus de pacification post-1945 et, in fine, pourquoi le second après-guerre aurait réussi là où le premier a échoué, à savoir remplacer la guerre de trente ans par une paix de près de quatre-vingts ans.
      More than a million Germans were prisoners of war in French hands between 1944 and 1948. Yet their role, after 1945, in building peace between so-called hereditary enemies has not been properly studied. This absence is all the more surprising given that captivity constituted, on an unprecedented scale, an experience of encounter with the other. By examining three stories from the viewpoints of the prisoners, the French authorities and the local population in the French zone of occupation, this article sets out to examine how German captivity in French hands contributed to the post-1945 pacification process and, ultimately, why the second post-war period succeeded where the first failed, namely to replace the thirty-years' war with a peace lasting almost eighty years.
    • Administrateurs et diplomates de terrain ? - Valentin Bardet p. 383-398 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article s'intéresse à un groupe social central dans la sortie de guerre post-Seconde Guerre mondiale : le personnel du Gouvernement militaire de la Zone française. Plus précisément, nous mènerons, à partir de l'analyse de leurs dossiers personnels, une biographie de groupe de fonctionnaires de terrain, les délégués de cercle, en charge du contrôle de la plus petite unité administrative de la zone. Situés à l'interface entre population allemande et administration française, ils incarnent les ambiguïtés de la politique française d'occupation. Les marges de manœuvre dont ils disposent justifient qu'on prête attention à leur parcours, pour comprendre dans quelle mesure ils remobilisent en Allemagne des savoirs et des pratiques acquises pendant leur carrière, qu'il s'agisse de confrontations antérieures avec l'Allemagne, d'expériences métropolitaines ou coloniales. Ces délégués sont aux avant-postes du changement d'attitude à l'égard de l'Allemagne au tournant des années 1950 : leur rôle évolue alors le plus souvent du contrôle à une forme de diplomatie de proximité.
      This article deals with a social group central to the transition towards peace after the Second World War: the personnel of the Military Government in the French occupation zone. Based on the analysis of their personnel files, I develop a group biography of the délégués de cercle, namely the field administrators overseeing the smallest administrative entity in the French Zone. Situated at a unique position of daily contacts between the German population and the French administration, they embody the many ambiguities of the French occupation policies. Their previous careers are of particular interest considering the leeway they had in implementing policies, resorting to competences acquired during their earlier contacts with Germany, their professional experiences in France or in colonial postings. The délégués de cercle are therefore at the forefront of the shift in attitude towards Germany at the turn of the 1950s, with their role evolving from strict control towards local diplomacy.
    • Pacifier l'image de l'ennemi héréditaire allemand dans le cinéma documentaire français d'après-guerre - Matthias Steinle, Perrine Val p. 399-418 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Le cinéma de non-fiction reflète le rapprochement très rapide de la France et de l'Allemagne de l'Ouest dans la période de l'après-guerre et y participe. En l'espace d'une dizaine d'années, de 1945 à la seconde moitié des années 1950, la figure de l'ennemi héréditaire allemand disparaît au profit de celle du voisin et de l'allié dans la construction européenne. Cette transformation assez soudaine interroge : alors que le ressentiment et surtout la méfiance semblent prédominer chez les dirigeants français dans l'immédiat après-guerre, les premières poignées de main entre responsables français et ouest-allemands symbolisant la confiance et la paix apparaissent dès le début des années 1950. Quelles images ont préparé et accompagné ce basculement ? À partir de l'étude d'un corpus de films de non-fiction (reportages d'actualité et courts ou moyens métrages documentaires) produits en France entre 1944 et le milieu des années 1950, l'article retrace le chemin parcouru de ces « images d'ennemi » aux « images d'ami », à partir de plusieurs étapes. Des prisonniers de guerre allemands filmés comme des ennemis vaincus après la Libération aux Berlinois·es victimes du blocus mené par les Soviétiques, les reportages et les documentaires accompagnent chacune de ces évolutions. Si ces films français ne placent pas encore l'Allemagne de l'Ouest et les Allemand·e·s sur un pied d'égalité avec la France, ils n'en apparaissent pas moins comme des agents du processus de réconciliation à l'œuvre et permettent en tant que tels de rendre compréhensibles ses stratégies médiatiques.
      Non-fiction cinema reflected and contributed to the quick rapprochement of France and West Germany in the post-war period. Within a decade, from 1945 to the second half of the 1950s, the figure of the hereditary German enemy was replaced by that of the neighbour and ally in the construction of Europe. This rather sudden transformation raises questions: while resentment and above all mistrust seemed to predominate among French leaders in the immediate post-war period, the first handshakes between French and West German leaders symbolizing trust and peace appeared in the early 1950s. What images prepared and accompanied this changeover? Based on a study of a corpus of non-fiction films (newsreels and short or medium-length documentaries) produced in France between 1944 and the middle of the 1950s, the article traces the path taken from these “enemy images” to “friend images”, in several stages. From German prisoners of war filmed as vanquished enemies after the Liberation to Berliners victimized by the Soviet-led blockade, reportages and documentaries accompany each of these evolutions. While these French films do not yet place West Germany and Germans on an equal footing with France, they are nonetheless agents of the reconciliation process underway and make its media strategies comprehensible.
    • Des V2 à Ariane 6. La dimension spatiale de la réconciliation franco-allemande - Lise Dubois p. 419-432 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      L'histoire spatiale mondiale commence en 1942 dans l'Allemagne nazie, lorsqu'une fusée, le V2, franchit pour la première fois le seuil de l'espace extra-atmosphérique. Pourtant, les activités spatiales ont été un instrument politique de réconciliation entre la France et la République fédérale d'Allemagne (RFA). Préparée par les débuts de la construction européenne dans les années 1950, la réconciliation spatiale a été formalisée au début des années 1960, dans le contexte de l'affrontement stratégique entre les États-Unis et l'URSS. En dépit de leurs priorités nationales et internationales divergentes, les deux pays ont su cependant forger des compromis, dont témoigne le succès de la fusée Ariane, et porter une ambition commune, celle de construire l'Europe spatiale, dont ils demeurent le moteur jusqu'à nos jours.
      Although world space history began in 1942 in Nazi Germany, when the V2 rocket crossed the threshold of outer space for the first time, space activities, which have often been neglected, have nevertheless been a political instrument of reconciliation between France and the Federal Republic of Germany. Prepared by the beginnings of European integration in the 1950s, space reconciliation was formalised in the early 1960s, in the context of the strategic confrontation between the United States and the USSR. Despite differing national political priorities and diverging viewpoints on international relations, the two countries were nonetheless able to forge compromises, as demonstrated by the success of the Ariane rocket, and to pursue a common ambition, that of building Europe in space, of which they remain the driving forces to this day.
    • Verständigung ? Penser la réconciliation israélo-arabe à partir d'une position yekke (juive allemande) en Israël - Patrick Farges, Sonia Goldblum p. 433-446 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Tout comme le conflit franco-allemand, le partage de la Palestine est un processus s'inscrivant dans la longue durée, dense et controversé. Dans ce contexte difficile, l'art de faire la paix s'avère particulièrement complexe. Nous proposons de décaler le regard sur cette question en nous intéressant à la perspective juive allemande. En effet, les Juifs allemands (et plus généralement les Juifs d'Europe centrale) fuyant le nazisme et ayant trouvé refuge en Palestine mandataire dans les années 1930 portaient en eux l'expérience douloureuse du nationalisme exacerbé, de la discrimination antisémite, de la persécution et de la migration forcée. Si l'émigration juive allemande en Palestine mandataire a suscité un regain d'intérêt depuis plus de vingt ans, tous les aspects de celle-ci n'ont pas reçu la même attention et peu de recherches ont été menées afin d'inscrire cette migration dans son contexte proche-oriental. Or les Juifs allemands (ou yekkes) sont arrivés en Eretz Israël avec des représentations, des affiliations et des socialisations politiques héritées de la bourgeoisie juive libérale allemande. En Palestine mandataire et au sein de la jeune nation israélienne en état d'alerte et de conflit quasi-permanent, les yekkes ont été les porteurs d'une voix alternative dans la manière d'envisager les relations avec les populations arabes. On retrouve ainsi nombre de yekkes dans les organisations promouvant l'entente (Verständigung), la paix voire la réconciliation. Si les relations israélo-arabes au xxe siècle incarnent un conflit paraissant indépassable, nous souhaitons montrer que des acteurs ont, dans l'adversité, continûment essayé de cultiver un art (minoritaire) de faire la paix au Proche-Orient. Le présent article cherche à la fois à retracer les origines intellectuelles de ce discours sur la paix et l'entente et à donner un aperçu des configurations sociales ayant conduit à l'émergence d'un tel discours à partir de la toute fin des années 1920.
      Like the Franco-German conflict, the partition of Palestine is a protracted, dense and controversial process. In this difficult context, the art of peacemaking proves to be particularly complex. We propose to shift the focus on this question by looking at the German-Jewish perspective. Indeed, the Jews from Germany (and Central Europe in general) who fled National Socialism and found refuge in Mandate Palestine in the 1930s carried with them the painful experience of excessive nationalism, anti-Semitic discrimination, persecution and forced migration. While German-Jewish emigration to Mandatory Palestine has attracted renewed interest in the last twenty years, not all aspects of it have received the same attention, and few studies have been conducted that attempt to place this migration experience in its Middle Eastern context. The German-speaking Jews (or Yekkes) came to Eretz Israel with ideas, affiliations and political socialisations inherited from the liberal Jewish middle class in Germany. In Mandatory Palestine and in the young State of Israel, which was in an almost constant state of alarm and conflict, the Yekkes were thus the bearers of an alternative voice regarding relations with the Arab populations. Many Yekkes were indeed to be found in organisations working for understanding, peace and reconciliation. While Israeli-Arab relations in the 20th century embody a seemingly insurmountable conflict, the aim here is to show that some actors under adverse circumstances did repeatedly attempt to cultivate a (minoritarian) art of peacemaking in the Middle East. This paper attempts to trace the intellectual origins of this discourse on peace and understanding and to provide insight into the social configurations that led to the emergence of such a discourse from the late 1920s onwards.
  • Varia

    • Rudolf Schwander et le « système de Strasbourg » (1906-1918) - Catherine Maurer p. 449-458 accès libre avec résumé
      Dans le Strasbourg du début du xxe siècle, marqué par les expériences française et allemande, le futur maire de la ville, Rudolf Schwander (1868-1950), introduit une petite révolution dans le domaine de l'assistance à domicile et met en place à partir de 1906 ce qui sera appelé plus tard le « système de Strasbourg ». L'article présente l'origine de la réforme, ses modalités et sa remise en cause grâce à des sources de première main : les rapports rédigés par Schwander et disponibles à la Bibliothèque Nationale et Universitaire de Strasbourg ; les archives des services de l'assistance disponibles aux Archives de la Ville et de l'Eurométropole de Strasbourg.
    • D'un terme mal interprété. « Vernichtung » dans le discours de Hitler du 30 janvier 1939 - Guillaume Payen p. 459-472 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      La « prophétie » de Hitler du 30 janvier 1939, texte clef des historiens intentionnalistes, se comprend nécessairement aujourd'hui comme l'annonce de l'extermination des Juifs. Or une étude sémantique du mot « Vernichtung » à l'époque et dans le discours même de Hitler suggère plutôt le sens de « défaite » : déjà vaincus en Allemagne par le IIIe Reich, les Juifs seraient défaits en Europe en cas de nouvelle guerre mondiale.
      In his 30 January 1939 Reichstag speech, a key text for intentionalist historians, Hitler is supposed to announce his intent of exterminating the Jews due to the current meaning of the word ‘Vernichtung'. However a semantic study of this term in contemporary German and in Hitler's own address suggests instead the meaning of ‘defeat': the Jews had already been crushed in Germany by the Third Reich and they were to be defeated again in Europe in the event of a new world war.
    • Conjoncture de Mein Kampf un siècle plus tard, Historiciser le mal et Avant Mein Kampf - Sonia Goldblum p. 473-481 accès libre
    • La loi allemande portant modernisation du droit de la nationalité - Sandie Calme p. 483-486 accès libre
  • Italiques