Contenu du sommaire : La Russie dans la mondialisation
Revue | Le Courrier des Pays de l'Est |
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Numéro | no 1061, mai-juin 2007 |
Titre du numéro | La Russie dans la mondialisation |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Entendu et lu - p. 93-100
- Les mutations du capitalisme russe. Des perceptions extérieures à la réalité. - Clément-Pitiot p. 4-13
- Le commerce extérieur de la Russie. Comment sortir du piège d'une économie de rente ? - Walter G. p. 14-31
- Les stratégies d'internationalisation de Gazprom - Locatelli Catherine p. 32-46 Avec en perspective l'insertion du pays dans l'économie mondiale, la plus grande entreprise russe, toujours majoritairement publique, Gazprom, met en œuvre une stratégie d'internationalisation selon trois grands axes, V. Poutine affirmant sa volonté d'utiliser l'«arme du gaz», et plus généralement des hydrocarbures, pour permettre à la Russie de retrouver son statut de grande puissance. En premier lieu, Gazprom cherche à diversifier ses marchés d'exportation en prenant pied aux Etats-Unis et en Asie, tout en consolidant ses positions dans l'Union européenne, qui reste le premier de ses débouchés, notamment avec l'ouverture de nouvelles voies d'acheminement. Ensuite, le monopole gazier s'emploie, depuis une dizaine d'années, à prendre des participations dans un certain nombre d'entreprises importantes de transport et de distribution du gaz, voire dans des centrales électriques, des pays de l'UE, de l'ex-URSS et de l'ex-CAEM ; il a ainsi pour objectifs, non seulement de conforter et sécuriser son implantation, mais aussi, en ayant un accès direct aux consommateurs finaux, de récupérer une partie de la rente gazière. Enfin, il est impératif pour Gazprom d'élargir la base de ses réserves, situées aujourd'hui pour l'essentiel en Russie ; d'où de nombreux accords de partage de production conclus avec les Etats d'Asie centrale possédant du gaz. Toutefois, divers facteurs, tant extérieurs qu'intérieurs, risquent d'entraver les visées de Gazprom. Ainsi, la libéralisation du marché européen de l'énergie, en ouvrant la porte à la concurrence, peut mettre à mal la compétitivité de son offre, alors même que ses coûts de production ont de fortes chances d'augmenter en raison de l'épuisement de ses réserves les plus accessibles. A cet égard, la compagnie ne semble pas prête à effectuer des investissements très lourds dans le développement de nouveaux gisements, tous situés dans des régions de plus en plus lointaines et inhospitalières et pourrait envisager une croissance plus lente de sa production de façon à «économiser» ses réserves. Mais reste l'inconnue de l'arbitrage entre l'approvisionnement du marché intérieur et l'exportation, qui dépend des prix domestiques, et donc d'une décision éminemment politique.Gazprom's Globalization Policies With prospects of its integration into the global economy, Russia's largest, still mainly publicly-owned company, Gazprom is implementing a three-tiered internationalization policy, as V. Putin affirms his desire to employ the “gas weapon” including more generally oil, to enable Russia to regain its great power status. First of all, Gazprom is seeking to diversify its export markets by gaining footholds in the United States and Asia and by consolidating its position in the European Union, which remains its first market, in particular through the opening of new transport routes. Over the last ten years, the gas monopoly has been acquiring shares in some large gas transport and distribution companies as well as in power plants in the EU, the former USSR and the ex-COMECON countries; it is thus aiming not only to strengthen and secure its own infrastructure but to regain a share of gas revenues through direct access to end consumers. Lastly, Gazprom must broaden its reserves base for the most part located in Russia, which is the reason for numerous production agreements with Central Asian gas producers. Many external as well as domestic factors are, however, likely to block Gazprom's projects. The liberalization of the European energy market which provides an open door for competitors could compromise its sales competitiveness, while, concurrently, production costs are likely to increase with the exhaustion of its most accessible reserves. In this respect, the company does not seem prepared to invest heavily in developing new fields, all located in increasingly remote and inhospitable areas, and could slow down production in order to “save” its reserves. The unknown factor remains the balance between internal market supply and exports, on which domestic prices depend, which will, thus, be a political decision.
- Le secteur spatial russe. Entre ouverture à l'international et souveraineté nationale - Facon Isabelle, Sourbès-Verger Isabelle p. 47-58 Après la glorieuse époque soviétique, la Russie a montré un net désintérêt politique pour le secteur spatial civil et militaire, tendance qui s'est inversée avec l'arrivée au pouvoir de V. Poutine. Il s'agit désormais d'en faire la locomotive du développement du territoire et de la modernisation de l'économie nationale. Mais on est encore loin du compte, malgré cette prise de conscience du rôle des technologies spatiales dans l'écologie, les transports, l'agriculture ou le développement urbain. Les financements publics du spatial restent très modestes, montrant que malgré les discours officiels, ce secteur ne fait pas encore partie des priorités : ils sont quinze fois inférieurs à ceux des Etats-Unis (pour le seul secteur civil), et proches de ceux de l'Inde et de la Chine. Malgré cela, sa prédominance sur la scène internationale est certaine en matière de vols habités et de lancements de satellites, au travers des coopérations bilatérales avec l'Europe et les Etats-Unis, ce qui paradoxalement a permis au secteur de survivre, malgré des ressources nationales exsangues. Ces coopérations seront à l'avenir sans doute revues car, établies pour satisfaire des besoins à court terme, elles ne participent pas, aux dires des autorités, d'une stratégie de valorisation des compétences russes. Faute d'investissements dans la recherche et développement, la Russie s'est démarquée jusqu'à présent de ses concurrents en améliorant au fil du temps ses lanceurs, par ailleurs les plus fiables de tous, mais sans chercher à complètement innover et à concevoir de nouveaux modèles. Ses potentialités techniques sont pourtant grandes et pourraient lui permettre par exemple d'avoir des constellations en orbite plus complètes, qu'il s'agisse de télécommunications, de navigation ou d'observation de la Terre. Le moment est donc venu pour la Russie de se «réapproprier» son secteur spatial, pour mieux faire valoir ses compétences à l'extérieur.The Russian Space Sector Between an International Perspective and National Sovereignty After the glorious Soviet era, Russia was clearly politically disinterested in the civil and military space sector, a trend which was reversed with the coming to power of V. Putin. It has now become a driving force for domestic development and for modernizing the nation's economy. This is still a long way off, despite an increasing awareness of the role of space technologies in ecology, transport, agriculture and urban development. Public space funding remains very modest, indicating that despite the official line this sector is still not a priority : it is fifteen times lower (in the civil sector only) than that of the United States and close to that of India and China. The country is, however, predominant on the international scene with manned flights and satellites launches, in particular within the context of bilateral cooperation with Europe and the United States, which paradoxically ensured the sector's survival despite depleted national resources. This cooperation will undoubtedly come under scrutiny in the future as, set up to meet short-term needs, the government doesn't feel it contributes to promoting the importance of Russian expertise. Lacking investments in research and development, Russia has distinguished itself from its competitors by improving its launchers, now the most reliable, over time without endeavouring to fully innovate or design new models. It does have, however, enormous technical potential and could put more complex satellite constellations into orbit, whether for telecommunication, navigation or earth surveillance. The moment has thus come for Russia to “re-appropriate” the space sector to better demonstrate its capabilities to the outside.
- Le dépeuplement de l'Albanie - Chalard Laurent p. 60-68 Pendant la période communiste, l'Albanie connut la plus forte croissance démographique en Europe, conséquence d'une fécondité très élevée, semblable à celle des pays en voie de développement. On comptait ainsi 1,25 million d'habitants en 1950 et 3,15 en 1990. Mais depuis, la tendance s'est inversée pour deux raisons : la fécondité a baissé au point que le remplacement des générations n'est plus assuré, mais surtout, une émigration massive a eu lieu : environ 900 000 personnes, principalement des hommes jeunes, sont partis tenter leur chance, essentiellement en Grèce et en Italie, suite à l'effondrement de l'industrie et à l'échec de la privatisation des terres. Un tiers des Albanais vit aujourd'hui à l'étranger, phénomène exceptionnel pour un pays en temps de paix. Le processus se poursuit aujourd'hui, même si les statistiques officielles semblent vouloir le minimiser. Cette émigration a engendré un dépeuplement inquiétant des régions méridionales. L'Albanie est également en proie à de profonds mouvements migratoires internes : alors que les régions montagneuses du Nord où sévit une grande pauvreté connaissent un phénomène constant de dépeuplement, les villes du centre, à commencer par la capitale, ont vu, en une dizaine d'années, leur population augmenter de façon vertigineuse avec, dans le cas de Tirana, un quasi-doublement. Les projections démographiques pour 2025 qui tablent sur 3,5 millions d'habitants confirmeraient ainsi à moyen terme l'hypothèse d'une véritable dépopulation.The Depopulation of Albania With a very high fertility rate, similar to that of the developing countries, Albania experienced the greatest demographic growth in Europe during the communist era. There were 1.25 million inhabitants in 1950 and 3.15 million in 1990. This trend has sub-sequently reversed for two reasons : the fertility rate has declined to the extent that generation replacement is no longer assured, but, more particularly, by the massive emigration of approximately 900,000 people, the majority young men, who left to try their luck primarily in Greece and Italy following the collapse of industry and the failure in privatizing farmlands. A third of Albanians now live abroad, an exceptional phenomenon for a country in peacetime. This continues today, even if seemingly minimized by the official statistics. Emigration has led to a serious depopulation of the southern regions. Albania has also fallen prey to profound domestic migratory movements : while extremely poor mountainous regions in the north have experienced consistent depopulation, the cities of the center, beginning with the capital, have registered a vertiginous population increase over the last ten years with a near doubling of the population of Tirana. Demographic forecasts for 2025 indicate 3.5 million inhabitants, which would confirm the hypothesis of real mean-term depopulation.
- La Transnistrie. Politique de légitimité d'un Etat de facto - Parmentier Florent p. 69-75 Ce territoire, jusque-là sans existence réelle sinon géographique, d'environ 4 000 km2, peuplé de 555 000 habitants (Moldaves, Russes et Ukrainiens), situé à l'est de la Moldavie, avec le Dniestr comme «frontière» naturelle et accolé à l'Ukraine, ne manque pas de singularités au sein du continent européen : dès septembre 1990, il proclamait son indépendance et son attachement à l'URSS, qui éclata ensuite. S'ensuivit un conflit armé qui fit 1 000 victimes, entre l'armée moldave et les milices sécessionnistes russophones, épaulées par la 14e armée russe, stationnée en Transnistrie, où elle est d'ailleurs toujours. Ces dernières eurent le dessus et depuis, les négociations sur son statut continuent, son indépendance n'ayant été reconnue par aucun pays, pas même la Russie. Cette entité, avec à sa tête un Président plusieurs fois réélu, Igor Smirnov, souvent accusé de népotisme, s'est dotée de tous les attributs d'un Etat et tente de forger une identité nationale pour justifier son existence, au-delà de sa réputation de carrefour de la contrebande et des trafics en tous genres (armes ou êtres humains). Dans cette quête, tous les moyens sont bons, y compris la manipulation par les médias ou l'émergence, décidée en réalité d'en haut, d'une société civile. La dernière tentative d'auto-légitimation fut le référendum, illégal, de septembre 2006, qui approuva à plus de 90 % l'indépendance, la non-appartenance à la Moldavie et le projet de rattachement à la Russie. Mieux dotée du temps de l'URSS que le reste de la Moldavie, la Transnistrie possède quelques entreprises industrielles, un bon réseau de transports et des ressources hydrauliques, tout en menant des activités commerciales, pas toujours légales, mais fructueuses. Quant à la vie politique, elle est concentrée entre les mêmes mains que la vie économique, malgré un certain pluralisme, en fait de façade. Dans ces conditions, on peut se demander si les élites transnistriennes n'ont pas plutôt intérêt au maintien du statu quo, qui leur permet de ne rendre de comptes à personne.Transnistria Policy of Legitimacy in a de facto State This land, whose only real existence has up to now been geographic, of approximately 4.000 km², with a population of 555.000 (Moldavians, Russians and Ukrainians), located in the east of Moldova with the Dniestr as its natural “border” and adjacent to the Ukraine, is in many ways unique on the European continent. In September 1990, it proclaimed independence and its loyalty to the USSR, which sub-sequently collapsed. This was followed by an armed conflict which caused 1,000 casualties between the Moldavian army and militias of Russian-speaking secessionists, shouldered by the Soviet, then Russian, 14th Army stationed in Transnistria, where it remains to this day. Since then, the latter have taken control and statute negotiations continue as no nation, not even Russia, has recognized it independence. The territory, governed by President Igor Smirnov, re-elected several times and often accused of nepotism, now has all the earmarks of a nation and is endeavouring to forge a national identity to justify its existence, beyond its reputation as a crossroad for contraband and trafficking of all kinds (weapons or human beings). To this end, all means are acceptable, including media manipulation or the emergence, in reality decided at the top, of a civil society. The last attempt at legitimacy was the September 2006 illegal referendum with over 90 % in favour of independence, secession from Moldova and a project for joining the Russian Federation. Better developed than the rest of Soviet-era Moldova, Transnistria has some industrial companies, a good transport network and hydraulic resources, with profitable, if not always legal, business. Political power is in the same hands as economic power, despite a façade of pluralism. Under these conditions, it may be asked whether the Transnistrian élites do not have an interest in maintaining the status quo which ensures that they are accountable to none.
- Les Juifs de Lettonie. De l'oubli à la mémoire - Lévy Luc p. 76-84 Représentant 5 % de la population durant la première période d'indépendance de l'entre-deux-guerres, la communauté juive lettone a indéniablement contribué au XXe siècle à la construction d'un Etat européen moderne. Elle a, en particulier, fortement participé à son développement artistique et intellectuel. La Shoah a porté un coup d'arrêt à cette symbiose, en anéantissant quasiment la totalité de cette population. Celle-ci s'est progressivement reconstituée durant les années d'après-guerre, une «vie» juive plus ouverte qu'ailleurs en URSS s'étant développée en Lettonie soviétique après la déstalinisation. Depuis le recouvrement de l'indépendance, en 1991, cette communauté a retrouvé un certain poids au sein de la société civile, alors que le pays était confronté, sans y être vraiment préparé, à de nouveaux défis et enjeux, liés en particulier à sa réinsertion en Europe : ceux relatifs à des mémoires historiques discordantes à l'Est et à l'Ouest, traitant avec des approches différentes le martyrologe du communisme et les crimes du nazisme. A cet égard, l'ex-Présidente, V. Vike-Freiberga, a joué un rôle essentiel pour amener les Lettons à comprendre que leur mémoire de la Shoah est partie intégrante de leur identité nationale et non concurrente de leur mémoire du communisme.Jews in the History of the Building of Latvia From Forgetting to Remembering 5 % of the population during the first era of independence between the wars, there is no doubt that Latvia's Jewish community contributed to the building the modern twentieth-century European Latvian nation. It was heavily involved in the country's artistic and intellectual development. The Shoah was a crushing blow to this symbiosis, as nearly the entire population was wiped out. It was progressively recreated during the post-war years when, after de-Stalinization, Jewish “life” in Soviet Latvia was freer than elsewhere in the USSR. With the return to independence in 1991, the community regained a certain influence in civil society, as the relatively unprepared country was confronted with new challenges and issues linked, in particular, to its reintegration in Europe : those relating to differing historical experiences in the East and the West, differing ways of dealing with martyrology of the communist era and Nazi crimes. In this respect, the former president, V. Vike-Freiberga, played a crucial role in helping Latvians to understand that the Shoah experience is an integral part of their national identity and does not exclude their experience of Communism.
Interview
Repères
- L'Est et l'Union européenne. Mars-Avril 2007 - Lhomel Édith p. 89-92