Contenu du sommaire : La libéralisation de l'avortement. Etudes réunies et présentées par Paul Ladrière
Revue | Revue Française de Sociologie |
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Numéro | 1982, 23-3 |
Titre du numéro | La libéralisation de l'avortement. Etudes réunies et présentées par Paul Ladrière |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Présentation - Paul Ladrière p. 351-357
- Une sociologie de l'avortement est-elle possible ? - François-André Isambert p. 359-381 François-André Isambert : Une sociologie de l'avortement est-elle possible ? Une sociologie de l'avortement suppose la constitution de celui-ci en objet social, opération rendue difficile parce que les désignations courantes de l'avortement font partie de la polémique même qu'il provoque. A s'en tenir aux travaux que les sciences sociales lui ont consacrés, l'avortement apparaît d'abord comme terme d'un débat où il prend autant de figures qu'il y a de positions différentes. Toutefois, à travers ce foisonnement, les contraintes de la législation amènent les jugements, donc les définitions, à se polariser. C'est seulement par le retour au sujet - la femme qui prend la décision d'avorter - dans les relations avec son entourage, les institutions et les systèmes sociaux de valeurs et de normes que l'on peut parler d'un sens de l'avortement.François-André Isambert : Is a sociology of abortion possible ? A sociology of abortion can be envisaged only if abortion can be considered as a social object. This in itself is an extremely difficult undertaking, since the terms which are commonly used to designate abortion are part of the controversy it arouses. In social science studies abortion appears as an element of a debate in which it assumes a multiplicity of forms corresponding to the diverse viewpoints present. However, within this profusion, the pressures of legislation lead to a polarizing of opinions and consequently of definitions. It is possible to talk of a meaning of abortion only by focussing on the subject - the woman who decides to abort - in her relationships with her social context and the institutions and social systems of values and norms.
- Médicalisation et contrôle social de l'avortement. Derrière la loi, les enjeux - Michèle Ferrand-Picard p. 383-396 Michèle Ferrand-Picard : Médicalisation et contrôle social de l'avortement. Derrière la loi, les enjeux. Le 17 janvier 1975, est promulguée la loi Veil, libéralisant l'avortement. L'analyse de l'élaboration du projet et des débats qui présidèrent à son vote permet la mise en évidence de la pluralité des attitudes face à l'avortement. Cette loi, expression d'un compromis entre des positions antagonistes, n'a pu être votée que grâce à l'unanimité qui s'est formée autour de sa dimension préventive. Elle obéit à deux sortes de préoccupations : sanitaires et sociales. Elle s'appuie sur un dispositif dont la gestion est confiée au corps médical. La médicalisation de l'avortement, objectif essentiel de la loi, apparaît alors à la fois comme la garantie d'une prévention sanitaire efficace et comme l'instrument d'un contrôle social de la procréation.Michèle Ferrand-Picard : Medicalization and social control ; the issues behind the law. The Veil law liberalizing abortion, was promulgated on January 17, 1975. An analysis of the elaboration of the project and the debates which surrounded the vote reveals the plurality of attitudes regarding abortion. Insofar as the law represented a compromise between opposed positions, it would not have been passed if its preventive aspect had not met with unanimous approval. The law answers to two types of concerns, sanitary and social. It depends on mechanisms whose management is entrusted to the medical community. The medicalization of abortion which is the essential objective of the law, appears both as a guarantee of effective sanitary prevention and as an instrument for the social control of procreation.
- Une mutation dans les dispositifs du contrôle social : le cas de l'avortement - Chantal Horellou-Lafarge p. 397-416 Chantai Horellou-Lafarge : Une mutation dans les dispositifs de contrôle social : le cas de l'avortement. L'avortement est un analyseur privilégié de l'évolution des phénomènes de déviance ainsi que des dispositifs mis en place pour les contrôler. Cette étude analyse les divers mouvements sociaux dont la convergence a abouti à la médicalisation d'un problème social. Elle montre le passage du contrôle de l'avortement du domaine judiciaire au domaine médical. Ce passage correspond à une évolution du contrôle social. Elle est due aux changements de la nature des déviances et, à l'inadéquation qui en résulte, du système judiciaire à leur contrôle. Elle est également liée à une évolution du poids social du corps médical dans la société actuelle puisque son autorité se fonde sur ce qui est la légitimation actuelle du pouvoir : le savoir. Si l'étude de l'avortement nous permet d'analyser cette évolution, elle nous permet aussi de cerner les limites de la médicalisation quand elle déborde trop largement de la notion de « maladie ».Chantai Horellou-Lafarge : A mutation in the mechanisms of social control : the case of abortion. Abortion is a significant indicator through which the evolution of phenomena of deviance and the mechanisms established for controlling them can be analysed. The present article studies the various social movements whose convergence led to the medicalization of a social problem, and shows the control of abortion passing from the judicial to the medical field. This passage corresponds to an evolution of social control, owing to changes in the nature of the deviant behaviour and the resulting inadequacy of judicial control. Such an evolution is linked to the evolution of the social importance of the medical community in contemporary society, since its authority is grounded on its knowledge which its power currently justifies. Beyond allowing the analysis of this evolution, the study also brings out the limits of medicalization when it is extended to social conducts far exceeding the notion of « illness ».
- Religion, morale et politique : le débat sur l'avortement - Paul Ladrière p. 417-454 Paul Ladrière : Religion, morale et politique : le débat sur l'avortement. La position de l'Église catholique. Principes moraux défendus par les autorités : respect de la vie, identification de l'embryon à l'enfant, condamnation de l'avortement. La mise en cause de ces principes moraux faite à l'intérieur du catholicisme consiste pour l'essentiel à critiquer la philosophie naturelle qui est à la base. Les autorités ecclésiastiques justifient leur intervention dans le domaine politique au nom de leur « sens de l'homme », jugent négativement le contexte culturel, et s'élèvent contre la dramatisation de l'avortement clandestin. Leur conception du droit repose sur la notion du « bien commun », la subordination du droit légal au droit naturel, de la loi à la morale et la nécessité impérative d'une loi pénale. Elles refusent tout projet de loi qui décriminaliserait l'avortement et insistent sur tous les risques qu'entraînerait une « libéralisation » de la loi. La position protestante. Dans le cadre non plus de principes mais d'exigences morales, les Églises de la Réforme plaident pour une morale de responsabilité : la vie est une bénédiction, la procréation un acte libre, l'avortement un ultime recours. Jugeant favorablement les modifications culturelles dues à la science et aux techniques nouvelles, elles estiment intenable la situation bloquée par une législation répressive. Elles suggèrent des dispositions qui rendent la nouvelle loi dissuasive et soumettent le rapport de la loi et de la morale au consensus éthique de la société. Elles proposent de substituer la notion de situation de détresse à celle d'indication, de prévoir un dispositif d'accueil et ne s'opposent pas à la clause de conscience pour les médecins. Les Églises de la Réforme sont plus aptes que les autorités catholiques à traduire leurs exigences religieuses en langage politique parce que ces exigences sont plus directement éthiques.Paul Ladrière : Religion, morality and politics : the debate over abortion. The Catholic church's position : The moral principles defended by the authorities : respect of life, identification of the embryo with the child, condemnation of abortion. The questioning of these moral principles which takes place within Catholicism consists mainly of a criticism of the underlying natural philosophy. The ecclesiastical authorities justify their intervention in the political field in the name of their « sense of man », they cast a negative judgment on the cultural context and protest against the dramatization of clandestine abortions. Their conception of law is based on the notion of "the common good", the subordination of judicial law to natural law, of law to morality, and on the imperative necessity of a penal law. They reject all the bills which would decriminalize abortion, and insist on all the risks which would follow an eventual "liberalization" of the law. The Protestant position : within a framework not of principles but of moral demands, the Reform churches plead in favour of a morality of responsibility : life is a blessing, procreation is a free act, abortion is a last resort. Their favourable opinion of cultural changes owing to science and new techniques leads them to consider that the situation created by repressive legislation is indefensible. They propose certain clauses that give the new law a dissuasive character, and they submit the relation between law and morality to the ethical consensus of society. They suggest the replacement of the notion of indication by that of distress, the organizing of reception facilities and do not oppose a conscience clause for doctors. The Reform churches are more likely than the Catholic authorities to express their religious demands in political terms because these demands are more directly ethical.
- De la dissuasion à la normalisation. Le rôle des conseillères dans l'entretien pré-IVG - Anne-Marie Devreux p. 455-471 Anne-Marie Devreux : De la dissuasion à la normalisation : le rôle des conseillères dans l'entretien PRE-IVG. La loi de 1974 relative à l'IVG (Interruption volontaire de grossesse) a mis en place un dispositif d'encadrement de la demande d'avortement, au sein duquel l'entretien psycho-social avec une conseillère tient une place centrale. Les différents acteurs sociaux concernés ont fait jouer, lors de l'instauration de cet entretien, les objectifs et les caractéristiques propres à leur corps d'appartenance : pouvoirs publics, médecins, travailleurs sociaux. La convergence s'est faite autour des principes d'individualisation et de psychologisation de la demande d'avortement. L'analyse du processus d'institutionnalisation de l'entretien révèle sa nature réelle : appareil de contrôle social des femmes, à la fois moyen de connaissance des causes de l'avortement, et occasion de normalisation des comportements à l'égard de l'avortement et, au-delà, de la procréation.Anne-Marie Devreux : From dissuasion to normalization : the counselor's role in the interview prior to a voluntary interruption of pregnancy. The 1974 law regarding the voluntary interruption of pregnancy situates the request for abortion within a framework in which the psycho-social interview with a counselor is of prime importance. When the principle of this interview was established, the different social actors concerned - administration, doctors and social workers - brought into play the objectives that characterized the group to which they belonged. Agreement was reached that the abortion request should fall in line with the principles of individualization and psychologization. An analysis of the institutionalizing process of the interview reveals its real nature : it is in fact a tool for the social control of women both as a means of knowing the causes of abortion and as an opportunity for normalizing behaviour with regard to abortion and, therefore, procreation.
- Les récidivistes - Simone B. Novaes p. 473-485 Simone Novaes : Les récidivistes. Le comportement de la récidiviste, et particulièrement sa résistance à l'utilisation d'un moyen contraceptif, est le plus souvent présenté comme irrationnel, désadapté, voire même pathologique. Cet article propose une autre perspective, où ces résistances recouvrent une incertitude sur les choix de sa vie sexuelle, et la décision de poursuivre ou non la grossesse, une prise de position par rapport à ces choix. Ainsi se dégage une problématique commune à toutes les femmes qui avortent - récidivistes ou non : une interrogation sur les normes et les valeurs qui régissent la procréation. Mais pour les récidivistes, la décision d'avorter n'apporte qu'une solution insatisfaisante et temporaire - même si nécessaire - à ce questionnement qui, de ce fait, sera relancé.Simone Novaes : Repeat abortions. The behaviour of the recidivists and in particular their opposition to the use of a contraceptive method is usually presented as being irrational, inappropriate and even pathological. This article suggests a different perspective in which the so-called opposition masks uncertainty over choices in their sexual life : the decision either to carry on a pregnancy or not represents a position adopted in relation to these choices. In this perspective a problematic emerges that is shared by all women who abort, whether they be recidivists or not : the norms and values governing procreation are called into question. However, in the case of the recidivists, the decision to abort can do no more than provide an unsatisfactory and temporary, albeit necessary solution to this inner debate, which will inevitably recur.
- Avortement et morale maternelle, 1968-1978 - Annik Houel, Brigitte Lhomond p. 487-502 Annik Houel et Brigitte Lhomond : Avortement et morale maternelle, 1968-1978. L'objet de cet article est de comparer les discours de femmes ayant avorté d'une part dans les conditions de clandestinité de la loi de 1920 (entretiens de 1968) et d'autre part dans le cadre de la loi sur l'interruption volontaire de grossesse (entretiens de 1978). Divers thèmes sont abordés (vécu de l'avortement, contraception, rapport aux médecins, au partenaire, à la loi...). On constate la prégnance d'une morale maternelle qui justifie l'acte abortif même si les termes employés varient dans le temps. La nécessité d'une « bonne » planification des naissances a remplacé les raisons matérielles et financières. La crainte des risques physiques, avec la stérilité comme punition possible, s'efface devant des craintes d'ordre psychologique. Et le non-désir d'enfant reste indicible face à une morale sociale de la maternité dans laquelle l'avortement trouve ainsi sa place.Annik Houel and Brigitte Lhomond : Abortion and maternal morality, 1968-1978. This article compares two sets of women's discourses regarding abortion : the first comprises interviews dating from 1968 with women who had an illicit abortion due to the 1920 legislation ; in the second set, the interviews were given under the 1978 law for the voluntary interruption of pregnancy. Various themes are dealt with (personal meaning of abortion, contraception, the woman's relationship with the doctors, with her partner, and her position regarding the law). Even if the terms used may vary from one period to the next, the strength of a maternal morality that justifies the act of abortion is noteworthy. Material and financial reasons have been replaced by the need of "good" birth planning. Fears of a psychological nature come to the fore in the place of the fear of physical risks with sterility as a possible punishment. And the refusal to have a child remains censured within this social morality of motherhod in which a place is thus made for abortion.
- La loi sur l'avortement. Chronologie des événements et des prises de position - Anne-Marie Devreux, Michèle Ferrand-Picard p. 503-518
- Avortement et contraception vus à travers Population, 1970-1981 - Marie-Laurence Lamy p. 519-526
- Bibliographie sur l'avortement - Françoise Fougeroux p. 527-535
- Résumés (français, anglais, allemand, espagnol) - p. 537-548