Contenu du sommaire : Légitimités culturelles. Classes sociales et modes de domination (2)

Revue Actes de la recherche en sciences sociales Mir@bel
Numéro no 191-192, mars 2012
Titre du numéro Légitimités culturelles. Classes sociales et modes de domination (2)
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Le capital culturel dans tous ses états - Delphine Serre p. 4-13 accès libre
  • Briller sous l'épaulette : Capital culturel et capital combattant dans le corps des officiers de l'armée de terre - Christel Coton p. 14-27 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    À l'armée comme ailleurs, les ressources scolaires et culturelles conditionnent l'accès aux plus hautes fonctions. Mais si l'institution militaire est de plus en plus engagée dans la mobilisation de critères et de dispositifs universitaires pour orchestrer la sélection de ses élites en interne, elle entretient également l'idée qu'en définitive, seules les qualités militaires peuvent motiver l'avancement de ses élites. L'enquête menée en milieu officier donne à voir combien capital scolaire et capital combattant ne sauraient être compris dans une stricte relation d'opposition. En effet, un certain nombre de dispositifs travaillent en réalité à convertir les dispositions scolaires des plus dotés de l'institution en capital combattant, c'est-à-dire en sources de reconnaissance toute personnelle, attestant du déploiement de qualités spécifiquement militaires. Cet article se propose d'étudier les processus institutionnels et sociaux qui autorisent, dans le corps des officiers, la conversion des titres scolaires et des ressources culturelles en capital symbolique, c'est-à-dire, dans le cas de l'armée de terre, en distinctions et qualités proprement militaires.
    Within the military as anywhere else, access to the higher ranks is dependent upon educational and cultural resources. But while the military is increasingly relying on academic criteria and mechanisms to organize the internal selection of its own elite, it also promotes the idea that ultimately only military skills matter in the professional promotion of this elite. This survey conducted among officers suggests that educational and military capital should not be understood in strict opposition to each other. A number of mechanisms actually contribute to converting the educational resources of the best and the brightest into military capital, i.e. individualized qualities that bear witness to the deployment of distinctively military skills. The paper analyzes the institutional and social processes that, within the officer corps, enable the conversion of educational entitlements and cultural resources into symbolic capital, which, in the case of the army, means specifically military distinctions and skills.
  • Les stratégies éducatives des classes supérieures néerlandaises : Professions intellectuelles supérieures, managers et entrepreneurs face au choix entre capital culturel « classique » et capital culturel cosmopolite - Don Weenink p. 28-39 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Une enquête menée aux Pays-Bas dans l'enseignement secondaire auprès des gymnasium (qui privilégient la culture classique) et des filières internationales (filières sélectives ouvertes sur la langue anglaise et les échanges avec l'étranger) permet d'étudier les stratégies éducatives des classes supérieures néerlandaises. Trois fractions sont distinguées, les professionals, les managers et les entrepreneurs, qui se caractérisent chacune par un capital prédominant : respectivement, un capital culturel « classique », un capital « organisationnel » et un capital économique. On pourrait penser que chaque fraction envoie ses enfants vers la filière la plus à même de reproduire le capital qui lui est propre. L'enquête fait apparaître que le capital culturel « classique » (gymnasium) est valorisé par toutes les fractions des classes supérieures, y compris la bourgeoisie économique qui cherche désormais à convertir son capital économique en capital culturel « classique ». Le capital cosmopolite, celui des écoles internationales, apparaît comme une sorte de « second choix », privilégié par des fractions des classes supérieures plus récentes, aux origines sociales plus diverses, qui misent sur les investissements cosmopolites pour accéder à la bourgeoisie.
    A survey conducted in Dutch high schools and covering both gymnasium (which privilege classical culture) and international curricula (selective tracks more open toward international exchanges where English is more prominent) makes it possible to observe the educational strategies of the Dutch upper class. The paper distinguishes between three fractions of the upper class, each characterized by the predominant role of a distinctive type of capital, namely: “classical” cultural capital, “organizational” capital and economic capital. One would expect each subgroup to enroll its children in the curriculum most likely to reproduce its distinctive type of capital. The survey shows that “classical” cultural capital (gymnasium) is valued by all the fractions of the upper class, including by the economic bourgeoisie that seeks to convert its economic capital into “classical” cultural capital. The cosmopolitan capital accumulated within international schools seems to be a sort of “second best” option, privileged by the most recent fractions of the upper class, whose members come from very diverse social backgrounds and invest in cosmopolitan strategies in order to join the ranks of the bourgeoisie.
  • Un cas d'école : L'entrée dans le métier de professeur d'une « enfant de la démocratisation scolaire » - Ludivine Balland p. 40-47 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Cet article analyse la trajectoire sociale et l'entrée dans le métier d'une jeune enseignante de français issue d'un milieu populaire. Il étudie les modalités de la rencontre – toujours singulière – entre un individu façonné par un parcours et une expérience de l'institution. L'article propose un suivi biographique qui permet de rendre compte des évolutions et des variations des manières d'être et de travailler de l'enseignante, des arrangements multiples pour faire face quotidiennement à des collégiens distants de la culture scolaire. Dans le cas analysé, l'entrée dans le métier permet par ailleurs d'aborder le paradoxe apparent de l'apprentissage, par une « enfant de la démocratisation », de la gestion des « enfants de la démocratisation ».
    This paper analyzes the social trajectory and the early professional experience of a young teacher of French coming from a lower middle class background. It looks at how the specific relationship between an individual trajectory and the experience of an institution is negotiated. It follows a biographical path that sheds light on the changing relationship of the teacher to her social and her professional identity, and on the multiple accommodations aiming at coping on a daily basis with students alienated from school culture. This specific case study also makes it possible to explore the apparent paradox of a “daughter of the democratization of schooling” having to teach the “children of the democratization of schooling.”
  • Une petite bourgeoisie au pouvoir : Sur le renouvellement des élus en milieu rural - Ivan Bruneau, Nicolas Renahy p. 48-67 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Qu'est devenue la « petite bourgeoisie rurale » ? Une enquête réalisée en Bourgogne révèle l'émergence, depuis les années 1970, d'un nouveau groupe disposant d'un capital culturel relativement important, qui a pris un poids prépondérant dans les compétitions politiques des bourgs ruraux. Pour ses membres, l'espace politique local, marqué par le retrait progressif de la bourgeoisie économique, offre une opportunité commune de distinction dans un monde rural avant tout caractérisé par la forte permanence des classes populaires et la moindre centralité de l'agriculture. Ascension sociale, détention d'un capital scolaire, positions d'encadrement et développement d'un entre-soi fondent l'appartenance à cette petite bourgeoisie. Pour autant, l'observation des élections municipales de 2008 indique que ce groupe est loin d'être homogène. La petite bourgeoisie culturelle se démarque de la petite bourgeoisie d'exécution, notamment par une plus grande distance pratique au populaire. Mais cette conflictualité interne ne fait elle-même qu'assurer les délimitations du groupe.
    Where is the “rural petty bourgeoisie”? A survey conducted in Bourgogne reveals that, since the 1970s, a new group endowed with a relatively substantial cultural capital has emerged and asserted itself through political elections in rural towns. With the gradual retreat of the economic bourgeoisie, local politics has offered the members of this group an opportunity for distinction in a rural world characterized by the resilience of the lower middle class and the diminishing importance of agriculture. Upward mobility, educational capital, managerial positions and social exclusiveness characterize this petty bourgeoisie. Yet, the 2008 municipal elections suggest that this group is far from being homogeneous. The cultural fraction of this petty bourgeoisie distinguishes itself from its more vocational fraction, in particular through a greater distance vis-à-vis the lower strata. This internal conflictuality, however, only reinforces the boundaries of the group.
  • Le capital culturel non certifié comme mode d'accès aux classes moyennes : L'entregent des agents immobiliers - Lise Bernard p. 68-85 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    À partir d'une enquête ethnographique sur les agents immobiliers, cet article met en évidence que l'accès aux classes moyennes, généralement associé à la détention de capital économique ou de capital scolaire, peut aussi reposer sur un capital culturel non certifié qui se traduit par une aisance dans le maniement du langage, des manières d'être et une familiarité avec les milieux sociaux intermédiaires et élevés. Dans cet article, la notion de capital culturel non certifié renvoie, dans un sens restreint, à des façons d'être socialement sélectives liées à un fond culturel familial et, dans un sens large, à des ressources culturelles acquises au cours d'expériences socialisatrices hétérogènes s'inscrivant souvent dans une trajectoire sociale peu commune et pouvant servir d'appui à la réussite économique. L'article montre que ces ressources culturelles non scolaires sont précieuses aux agents immobiliers : elles les aident à s'entretenir avec leurs clients, à saisir leur demande et à gagner leur confiance.
    Based on an ethnographic survey of real estate agents, this paper highlights the fact that access to the middle class, which is generally associated with economic or educational capital, can also rely on a non certified kind of cultural capital that takes the form of a certain fluency in the manipulation of linguistic and behavioral repertoires, and of a certain familiarity with the intermediate or upper social strata. The notion of non certified cultural capital is thus related, in a narrow sense, to selective forms of social behavior derived from a family-based cultural pool, and, in a broader sense, to cultural resources accumulated in the course of heterogeneous socialization experiences that often take place within an uncommon social trajectory and may contribute to economic success. The paper suggests that these non educational cultural resources are crucial in the case of real estate agents: they help them relate to their clients, understand their demands, and gain their trust.
  • Ressources et lignes de clivage parmi les aides à domicile : Spécifier une position sociale : quelles opérations de recherche ? - Christelle Avril p. 86-105 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    L'étude du travail des aides à domicile permet d'éclairer le paysage des classes populaires contemporaines et les formes d'autonomie des femmes situées au bas de la structure sociale. En mettant en œuvre un ensemble d'opérations de recherche – combinaison de plusieurs enquêtes statistiques, comparaison des données dans le temps et dans l'espace, articulation des données statistiques et ethnographiques, prise en compte des trajectoires sociales et de leur articulation avec les situations de travail et de hors-travail – l'article fait apparaître la diversité des ressources et capitaux du groupe professionnel et les lignes de clivage qui le traversent. Il invite notamment à prendre en compte les différences de diplômes et les différences de ressources économiques pour saisir les appartenances sociales de ces femmes de classes populaires. Par-delà les différences de « capital d'autochtonie », il propose également de s'intéresser au « capital de mobilité ».
    Studying the work of home-care personnel can shed light on the social landscape of the lower middle classes and help us understand the forms of autonomy that women occupying positions at the bottom of the social ladder may develop. Using a variety of research protocols – combination of several statistical surveys, comparison of longitudinal and spatial data, association of statistical and ethnographic data, analysis of social trajectories and their relationship to positions within and outside the labor market – the paper underscores the diversity of resources and types of capital characterizing the members of this professional group, as well as the fault lines running within it. In particular, it calls for taking into account the hierarchies in terms of diplomas and economic resources in order to understand the social positions of the women coming from the lower-income strata that comprise this group. Beyond differences expressed in terms of “indigenous capital,” it also suggests take into account “mobility capital.”
  • Le caring, un capital culturel populaire ? : À propos de Formations of Class & Gender de Beverley Skeggs - Par Marie Cartier p. 106-113 accès libre
  • Parler des classes dans une société présumée égalitaire : Les représentations des inégalités dans une ancienne ville ouvrière danoise - Stine Thidemann Faber, Annick Prieur p. 114-125 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Le Danemark illustre les discussions sur les significations contemporaines des classes sociales. Les différences de revenus y sont relativement modérées et la redistribution effectuée par l'État-providence, les services publics et les impôts y est importante, même si les formes anciennes d'inégalité (en matière de richesse économique, d'espérance de vie, d'accès à l'enseignement secondaire) perdurent. Les mécanismes par lesquels les inégalités et les divisions de classes sont retraduites dans d'autres modes de catégorisation sont ici étudiés dans le contexte de la ville danoise d'Aalborg, un ancien bastion de l'industrie et du syndicalisme qui s'est réorienté vers une économie post-industrielle. Cet article analyse d'un côté la représentation de la ville et de ses différenciations sociales telles qu'elles apparaissent dans la presse, et d'un autre les visions des divisions sociales qui ont été recueillies dans une série d'entretiens réalisés auprès d'habitantes d'Aalborg. Ces deux types de matériaux, par-delà leurs différences, permettent de mettre en évidence la persistance de discours de classes mais aussi la dissimulation dont celles-ci font l'objet : c'est de manière indirecte et floue que les inégalités de classes semblent perçues.
    Danemark provides a good example for testing the contemporary meaning of social class. Income differences are relatively contained while the redistributive policies of the Welfare State, public services and taxation play an important role, even though traditional inequalities (in terms of economic wealth, life expectancy or access to secondary education) still persist. The paper analyzes the mechanisms through which inequalities and class distinctions are translated into other types of categorization, in the case of the city of Aalborg, an old industrial town and a bastion of trade-unionism that has recently embraced a turn toward post-industrial economic development. The paper scrutinizes both the representations of the city and of its social subdivisions as they appear in the printed media, and the actual perception of social divisions as they are collected from a series of interviews with the inhabitants of Aalborg. Beyond their differences, these two different sets of data highlight the persistence of “class talk”, but also the tendency to dissimulate its assumptions: class-based inequalities are thus perceived indirectly and in a fuzzy way.
  • Note de recherche sur la fabrique de la nomenclature socio-économique européenne ESeC - Étienne Penissat, Jay Rowell p. 126-135 accès libre