Contenu du sommaire : Les temps des travailleurs
Revue | L'Homme et la société |
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Numéro | no 163-164, 1er et 2e trimestre 2007 |
Titre du numéro | Les temps des travailleurs |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Éditorial : En hommage à André Gorz - Michel Kail, Richard Sobel p. 5-9
- Maturité des sciences du travail et approche plurielle - Jean-Pierre Durand, Pierre Rolle p. 11-14
- La dévalorisation des services « relationnels » dans les pratiques et les conventions dominantes - Florence Jany-Catrice p. 15-34 Projeter les modifications du capitalisme contemporain dans la sphère de l'économie cognitive ou dans celle de l'économie relationnelle n'a pas les mêmes vertus heuristiques. Poser la focale sur l'économie des services relationnels, ce que nous souhaitons faire ici, invite à la fois à s'intéresser à la question de qui porte les emplois de cette économie ? Comment l'emploi et le travail y sont organisés ? Mais ils interrogent aussi la valeur donnée à ces emplois et à leur produit. Dans cet article, nous souhaitons montrer que la plupart des créations d'emplois des deux dernières décennies l'ont été dans les métiers du tertiaire féminin, aux caractéristiques bien particulières. Toutes les conditions sont alors réunies pour renforcer les discriminations, et donner ainsi aux transformations sectorielles qui se poursuivent, un caractère de servitude sexuée.AbstractProjecting the change in contemporary capitalism onto the sphere of cognitive economy or onto that of relational economy has very different effects. Focusing on the economy of relational services allows a consideration of who brings work to this economy, how employment and work are organized, and how value is attributed to this work and its production. Investigation shows that most new jobs over the past two decades have been in the tertiary sector employing mainly women where there are very particular conditions. These conditions combine to reinforce discriminations, especially sexual, and to lend to changes in this sector a character of sexual servitude.
- Régulation des relations de travail et culture sportive : L'exemple des entreprises de la distribution d'articles de sport - William Gasparini, Lilian Pichot p. 35-57 S'appuyant sur l'examen des formes d'organisation du travail et des modes de coopération entre les salariés dans la distribution sportive, notre étude met en évidence la variation des normes d'entreprise et des formes de travail selon plusieurs facteurs : la taille du magasin, son degré d'autonomie et les caractéristiques du gérant, notamment sa proximité avec la culture sportive. Les politiques de gestion des vendeurs d'articles de sport résultent ainsi non seulement des normes imposées « par le haut » (maisons-mères) mais aussi des règles produites dans l'espace propre de l'entreprise. Elles nous révèlent que les instruments de gestion peuvent servir à personnifier les collectifs dans une logique sous-jacente de domination au travail. Des arrangements entre salariés, clients et responsables, fondés sur leur familiarité avec le milieu sportif, dévoilent cependant l'existence de marges de liberté.« The Regulation of Work Relations and Sport Culture : The Example of Retail Sport Stores »The variation of company norms and forms of work can be elucidated by examining the organization of work and the modes of cooperation between employees in terms of several factors : the size of the store, its degree of autonomy and the characteristics of its manager, and its relation to sport culture. The management policies of retail sales in this area are conditioned not only by norms imposed from « above », that is by the highest store in the chain, but also by the rules produced within the store itself. This means that managerial tools can structure the collectivity in a logic parallel to power relationships at work. Arrangements between employees, customers and managers, founded upon familiarity with sport culture, also unveil, however, the existence of limits on freedom of action. Introduction
- La définition du travail dans le secteur public à l'épreuve de nouveaux principes managériaux - Elvire Bornand p. 59-73 L'introduction de nouveaux principes managériaux dans le secteur public a contribué à redéfinir le travail des agents. Les nouvelles modalités de gestion ont une action concrète sur la définition non seulement des contenus des tâches à accomplir mais aussi des référentiels identifiant les ressources légitimes à l'exercice du métier. En prenant appui sur le cas des Groupements d'établissements scolaires (GRETA) et des Locaux pour l'insertion et l'emploi (PLIE), cet article présente une analyse des effets de la naturalisation et de la réification de la réforme managériale sur l'organisation du travail dans le secteur public. Ces transformations sont étudiées au niveau des pratiques des agents et du mode de régulation des organisations. Les nouveaux principes managériaux concourent à la mise en place de règles qui concernent non seulement les tâches que les acteurs ont à accomplir mais aussi leurs comportements. Cela conduit à faire reposer le sort de l'action collective sur les employés situés en bout de chaîne hiérarchique. Dans le domaine des politiques de l'emploi et de la formation professionnelle, il s'agit des acteurs en charge de la réalisation pratique, de la mise en œuvre des objectifs définis aux niveaux plus élevés de décision de l'organisation.AbstractThe implementation of New Principles of Management in the public sector leads to a major change in the definition of work. The agents face a transformation of the way their tasks and roles are thanked. Due to the specific adaptation of the NPM in the public sector, the new rules of management have an effect not only on the tasks but also on the behaviours of the agents. This article deals with the new responsibility imputes to public sector agents in the success or failure of the goals of French employment and training policies.
- « C'est personnel ! » : L'usage des TIC par les cadres dans l'articulation des temps sociaux : vers une évolution de la rationalisation au travail ? - Laurence Le Douarin p. 75-94 Dans l'entreprise, on peut consulter ses e-mails personnels, se connecter sur un site pour des motifs privés et téléphoner à son entourage. De chez soi, on peut également rédiger des e-mails professionnels et recevoir des appels du bureau. L'article observe les usages du net et de la téléphonie que font les cadres pour maintenir leurs engagements variés, dans un contexte où le travail semble perdre son monopole d'épanouissement personnel. Il propose une typologie de leurs comportements face aux « usages clandestins » des TIC pendant les heures contractuelles de travail. En effet, ces pratiques ne sont pas uniformes et varient notamment en fonction de la position dans l'entreprise, de l'équipement des personnes et de leur mode de vie conjugale. L'article s'interroge alors sur les nouvelles formes d'« agilité temporelle ». Les TIC contribuent-elles à développer de nouvelles formes de rationalisation de l'existence ?« “ Its Personal ! ” The Use of TIC by Managers in the Articulation of Social Time : Towards an Evolution of Work Rationalization ? »At the work place it is possible to consult personal e-mails, to connect with an internet site for purely personal reasons or to make telephone calls. When we are at home, we can communicate for professional reasons. Study of such practices reveals that they are not uniform, varying relative to one's position in the company, to the equipment available and to family life. The essential question is whether new forms of « temporal agility » existent. Do the communications and information technologies (CITs) contribute to new forms of existential rationalization ?
- De la restructuration de l'entreprise à la restructuration des relations professionnelles : le cas de Canal Plus - Claude Didry p. 95 Les licenciements collectifs de 2001 et 2003 au sein de Canal Plus correspondent à l'influence que l'actionnaire, Vivendi Universal, entend établir sur le groupe audiovisuel qu'il contrôle financièrement. Dans le contexte de la déconfiture de Vivendi Universal, les licenciements collectifs révèlent alors l'importance du collectif des salariés dans la définition même de Canal Plus. L'affirmation d'une Unité Économique et Sociale, comme collectif institutionnel, contre la normalisation que tentent ses dirigeants, traduit le dépassement du « registre transactionnel » des débuts de la chaîne. Face à un employeur tenté par le démantèlement et la vente de l'entreprise, la détermination de représentants du personnel issus d'un nouveau syndicat fait apparaître sous un jour nouveau l'« intérêt de l'entreprise » et la rentabilité que l'actionnaire peut en attendre. Ce rôle du comité d'entreprise et des organisations syndicales montre les effets déterminants du droit du travail dans la défense de l'intérêt d'une entreprise soumise à la pression des marchés financiers, selon un registre d'action propre à une activité faisant appel à une main-d'œuvre aux qualifications très spécifiques.« From Company Restructuring to the Restructuring of Personell Relations : The Case of Canal Plus »The collective layoffs of 2001 and 2003 at Canal Plus correspond to the influence that the stockholder, Vivendi Universal, desired to establish over the audiovisual company that it financially controls. In the context of the difficulties of Vivendi Universal, the firings reveal the importance of collective organization and action by the employees as defined in the very charter of Canal Plus. The affirmation of Economic and Social Unity, as an institutional collective, against the restructuring attempted by the company directors, went beyond the « transactional limits » established at the company's inception. Confronted with an employer tempted by the prospect of dismantling and selling the company, the determination of representatives of a new labor union was presented as being « in the interest of the company » and in that of the stockholders. This role of the representative organizations shows the determining effects of labor law in the defense of a company beset by market forces.
- Subjectivité au travail : Une analyse de la résistance ouvrière dans l'Usine Intégrée de la Fiat en Italie - Giuliana Commisso p. 125-154 Dans la première partie de ce travail, on va énucléer les éléments controversés produits par le débat entre Marxistes et Foucaldiens dans la formulation de la Labour Process Theory, et élaborer des instruments conceptuels relatifs au procès de subjectivation dans le diagramme disciplinaire de la fabrique post-fordiste. La deuxième partie se focalise sur l'analyse des résistances. Les histoires des travailleurs, leur façon de se représenter eux-mêmes et leur vie quotidienne dans l'usine comme au dehors — dans le cas spécifique de l'usine Fiat à Melfi, en Italie — seront le cœur de l'analyse, dont les hypothèses théoriques sont dérivées de la réflexion critique précédente. Les processus de subjectivation présentent une tendance univoque donnée par le fait que les résistances poussent les gens à réélaborer le sens de leur propre existence. Dans cette pratique réflexive chaque singularité produit un autre sens de son propre rapport avec les autres, avec le monde et avec l'histoire, en modifiant son propre soi.« Subjectivity at Work : An Analysis of Worker Resistance in the Integrated Fiat Factory in Italy »The debates between Marxists and those influenced more by Foucault over the formulation of Labour Process Theory are relevant in analyzing the process of subjectivization in the post-Fordist factory. The stories of workers in the Fiat factory in Melfi, Italy, and their way of representing themselves and their daily lives in the factory and out, reveal that the processes of subjectifization inspired by resistance push people to rearticulate the meaning of their own existence. In this reflexive practice, each singularity produces a sense of its own relations with the others, with the world and with history, while modifying its own being.
- « En haut, il n'y a plus de ciel, en bas, plus de terre ! » : La logique de l'action collective ouvrière dans la Chine contemporaine - Tang Jun p. 155-180 Les entreprises d'État sont engagées dans une phase de transformation du régime de propriété depuis la deuxième partie des années 1990. Ce mouvement a entraîné des pertes tant matérielles que symboliques pour les ouvriers, et ceux-ci ont multiplié leurs actions de résistance. Cet article est basé sur une enquête menée dans la province du Henan à l'occasion de la fusion de deux entreprises. Elle montre que la rigueur des mesures de réforme et la dépréciation du capital symbolique des ouvriers, maintenant licenciés et réduits au chômage, les a engagés à agir collectivement. Cette action a pour fondement théorique une réflexion sur l'économie morale de subsistance et sur l'équité dans la redistribution des ressources, et elle débouche dans la pratique sur un appel à la résistance. Nous y avons trouvé une logique cachée qui est celle des mouvements de subsistance, et la résistance s'est développée en usant à la fois des moyens traditionnels d'organisation au sein de la gestion de l'entreprise et en mobilisant la notion de la propriété collective. Ce cas met en avant la nécessité de reprendre la réflexion sociologique sur la reformulation des rapports entre la société et l'État. Il est aussi une illustration de l'aggravation de la fracture sociale et de la nécessité de mettre en œuvre des mesures systématiques de protection des parties les plus fragilisées de la population et de garantir les droits du travail.« “ Above Us there is No Sky, Below there is No Earth! ” The Logic of Working-Class Collective Action in Contemporary China »Since the middle of the 1990s, state companies are engaged in a phase of transformation of property relations. This movement has led to both material and symbolic losses for workers, and especially for those who have resisted. Investigations carried out in Hunan province during the fusion of two companies show that the severity of reforms and the depreciation of the workers' symbolic capital, now fired and unemployed, pushed them to act collectively. This action is based theoretically on a perception of the moral economy of subsistence and the redistribution of resources, and it leads to resistance using both traditional means proper to the company management and a reformulation of the relations between the society and the state. It is also an illustration of growing social conflict and the need to protect living and working conditions.
- Misère de l'État-Providence aux États-Unis : l'exemple de la politique américaine du logement - Paul Jorion p. 181-204 Il est montré que si la notion d'État-Providence semble à première vue absente aujourd'hui aux États-Unis, d'une part il n'en a pas toujours été ainsi, celui-ci ayant été dominant dans la période dite du New Deal (1933–1941), d'autre part l'État-Providence règne en maître dans le secteur du logement.La délégation de la politique gouvernementale américaine du logement aux organismes mixtes, mi-publics, mi-privés, que sont les Government Sponsored Entities a fait faillite au cours des années récentes, les préoccupations de leurs deux maîtres, le gouvernement d'une part, ses actionnaires et ses dirigeants, de l'autre, s'étant révélées contradictoires : le gouvernement porte en effet prioritairement son attention aux populations défavorisées alors que la logique de profit encourage au contraire l'accent mis sur les services offerts aux propriétaires les plus fortunés.AbstractThe article shows that if the notion of the Welfare State seems at first sight absent nowadays in the United States, firstly, such has not always been the case, as the New Deal (1933-1941) represented a typical version of the Welfare State ; secondly, the Welfare State still dominates in housing. In recent years delegation by the Federal Government of its housing policy to the so-called Government-Sponsored Entities has largely ended in failure. The cause lies in the contradictory aims of their two masters : the government on the one side and the shareholders and managers, on the other. The government emphasizes support given to under-privileged segments of the population while the logic of profit encourages the GSEs to concentrate on the contrary their efforts on the most affluent homeowners.
- Débats et controverses : Ethniciser la question sociale ? - Jean-Pierre Garnier p. 205-215
- Pluralisme et citoyenneté - Pierre Lantz p. 217-222