Contenu du sommaire : La pacification des violences

Revue Politix Mir@bel
Numéro vol. 20, no 80, décembre 2007
Titre du numéro La pacification des violences
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • La pacification des violences

    - Coordonné par Annie Collovald et Sandrine Lefranc
    • Convertir le grand nombre à la paix… Une ingénierie internationale de pacification - Sandrine Lefranc p. 5 accès libre
    • Humanity's Histories. Evaluating the Historical Accounts of International Tribunals and Truth Commissions - Richard Ashby Wilson p. 31 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article se propose d'interroger l'idée répandue selon laquelle les tribunaux ordinaires se révèlent généralement incapables de produire des comptes-rendus historiques satisfaisants d'épisodes de violence politique, au motif soit que leurs méthodes et leurs objectifs propres sont par nature trop étroits, soit qu'ils se centrent prioritairement sur d'autres impératifs pratiques – en particulier la recherche de la culpabilité ou de l'innocence individuelles. Ces arguments ont notamment été produits à l'appui de nouvelles institutions à caractère non-judiciaire: les commissions de vérité, qui sont censées être le lieu de production d'une vision plus compréhensive du passé. L'article se propose de tester la véracité de ces arguments en examinant les rapports des commissions de vérité du Guatemala, d'Afrique du Sud et du Pérou, ainsi que les minutes des jugements des tribunaux pénaux internationaux pour l'ex-Yougoslavie et le Rwanda. L'une de ses conclusions est que les commissions de vérité et les tribunaux à caractère international sont tendanciellement plus aptes à produire des récits du passé moins spécieux et plus compréhensifs – d'une part parce qu'ils sont moins tributaires des impératifs des États-nations, et de l'autre parce qu'ils recourent à des concepts de droit international (tel que celui de « génocide ») qui obligent à scruter de façon plus détaillée les dimensions collectives et institutionnelles d'un conflit. En conséquence, les facteurs déterminants, lorsqu'il s'agit de faire le récit historique adéquat d'un conflit politique, sont moins le caractère légal/judiciaire d'une institution que la relation de type organisationnel qu'elle entretient avec l'État-nation et l'ensemble des concepts de droit humanitaire international qui guident son fonctionnement pratique.
      This article evaluates the longstanding view that courts cannot generally provide satisfactory historical narratives of political violence, on the grounds that their methods and aims are too narrow, or because they are too focused upon other objectives, such as judging the guilt or innocence of individuals. These arguments have been used in support of new, non-legal institutions such as Truth commissions, which are held to produce more comprehensive view of the past. The article assesses these arguments by examining the reports of Truth commissions in Guatemala, South Africa, and Peru and the judgments of international criminal tribunals for the former Yugoslavia and Rwanda. It notes that international Truth commissions and tribunals tend to produce more comprehensive and undistorted accounts of the past because they are less constrained by nation-building imperatives and since they employ international law concepts such as “genocide” which require examining the more systematic and collective dimensions of a conflict. It concludes that the important factor in writing an adequate historical account of political conflict may lie less in whether an institution is legal or non-legal and more in its organizational relationship to the nation-state and in the concepts of international humanitarian law that guide it.
    • «Tradition africaine» et résolution des conflits. Un exemple sénégalais - Vincent Foucher p. 59 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Ces dernières années, des associations rituelles féminines jouent un rôle de plus en visible dans le processus de paix en Casamance, lançant des appels à la paix et organisant des cérémonies rituelles. Si ce mouvement affirme tirer sa force de son enracinement dans la tradition locale, il doit en réalité beaucoup à d'autres facteurs, internationaux, nationaux et locaux : les paradigmes et les financements des bailleurs de fonds, l'équilibre entre l'armée sénégalaise et les combattants séparatistes, les instrumentalisations multiples que la référence à des groupes rituels autorise. Cette étude de cas incite donc à prendre avec prudence les grands espoirs placés dans la « diplomatie alternative ».
      “African Tradition” and Conflict Resolution. A Senegalese Case Study Female shrines have been playing a growingly visible role in the peace process in Casamance over the last few years, calling for peace and organising ritual ceremonies. Though this movement claims to derive its strength from the local cultural tradition, its emergence is better explained in reference to other elements, international, national and local: the paradigms and money of the donor community; the stand-off between the Senegalese army and the separatist fighters; the multiple instrumentalisations which the reference to the shrines can allow. This case calls into question the hopes frequently placed into “track-two diplomacy”.
    • Les contradictions d'une reconstruction démocratique « par le bas ». Le Guatemala dans l'après-conflit civil armé - Karine Vanthuyne p. 81 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Depuis la fin du conflit civil armé au Guatemala (1960-1996), plusieurs organisations non gouvernementales (ONG) se sont inscrites dans la continuité du travail des deux « commissions de vérité » qu'a connues ce pays, en se donnant pour objectif de contribuer à la reconstruction de la démocratie « par le bas ». Internationales ou d'origine guatémaltèque, situées dans la capitale ou dans les villages où des massacres eurent lieu, elles travaillent à convaincre les populations locales de témoigner des violences qu'elles ont subies et d'endosser le statut de victimes qui, à ce titre, ont des droits à faire valoir auprès de leur gouvernement. À leurs yeux, amener ces populations à faire entendre leurs droits de victimes vise tout autant à leur donner une dignité (qu'elles n'ont selon ces ONG presque jamais connue) que, en rétablissant ainsi des relations de confiance entre elles et les autorités publiques, à les poser en citoyens à part entière du Guatemala. Rien n'est moins évident cependant tant cette double identité de victime et de citoyen, pensée comme cohérente et naturelle par les représentants de ces ONG, pose des dilemmes pratiques difficilement surmontables aux populations locales. C'est ce que je voudrais montrer dans cet article en focalisant l'attention sur la rencontre concrète qui s'opère entre une ONG particulière (le CALDH) et les survivants d'un massacre (Tut) réfugiés dans un village voisin, Wa'il.
      The Contradictions of “Bottom-Up” Democratic Reconstruction in Post-Armed Civil Conflict in Guatemala Several non-governmental organizations (NGOs) operating in Guatemala in the post-civil conflict (1960-1996) era are dedicated to following up on the work of the country's two “Truth Commissions”; their objective is to contribute to a bottom up reconstruction of the democracy in Guatemala. Both of international and Guatemalan origin, they operate in the capital or in the villages where massacres took place. They work to convince local populations to testify to the atrocities that they endured and to endorse the status of victims bearing rights that must be upheld by their government. From these NGOs' point of view, this process will help these people to achieve two goals. Firstly, asserting their rights as victims will allow them to recover a certain dignity (which according to these NGOs, has never been recognized), and secondly, the reestablishment of a relationship of trust between them and the public authorities will allow them to become fully-fledged Guatemalan citizens. However, these objectives will remain elusive as long as this double identity of victim and citizen, conceived as coherent and natural by NGO workers, poses difficult-to-overcome dilemmas for local people. In this article, I address this problematic by focusing on the concrete interactions between one NGO in particular (the CALDH) and the survivors of the massacre of Tut, who found refuge in the neighbouring village of Wa'il.
    • La transitologie, langage du pouvoir au Maroc - Frédéric Vairel p. 109 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Pendant les années 1990 au Maroc, des acteurs issus d'horizons sociopolitiques divers recourent au thème de la transition démocratique pour décrire les changements que connaît le régime politique. À partir de fondations politiques et de la presse, cette nébuleuse d'acteurs utilise la transition dans ses luttes pour réfléchir et infléchir la réforme du pouvoir d'État. Cependant, loin de l'ambition démocratisante de ses premiers promoteurs savants, la transition se mue au Maroc en langage du pouvoir. Dans son retour au monde social, elle se transforme en instrument d'évaluation et de classement des conduites politiques dirigé contre divers mouvements sociaux qui menaceraient son « avancement ».
      Transitology as a Discourse of Power in Morocco During the 1990's, people with various political stances rely on transitology theory in order to describe changes in the Moroccan political regime. In the press and in political foundations, these actors use the transition paradigm in their struggles for the reform of state power. But far from the early transitologists objective, to promote democracy, the transition theme has turned into a discourse of power. In its vulgar form, transitology has become a tool to evaluate and to classify political behaviors and activities. It is used against social movements on the pretext that the later would threaten the pace and advancement of transition.
    • La restauration d'une autorité politique. L'itinéraire « extraordinaire » du président Nestor Kirchner - Vanessa Bernadou p. 129 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      18 mai 2003 : le péroniste Nestor Kirchner est devenu, de manière inattendue, le premier président argentin à être légitimé par les urnes depuis la très grave crise politique, économique et sociale qui avait touché le pays deux ans auparavant. Ce texte a pour but de revenir sur la victoire exceptionnelle de cet outsider, et sur la manière dont il a ensuite réussi à reproduire de la crédibilité politique dans un temps très court. Pour ce faire, vingt ans après la restauration de la démocratie, il a engagé une réforme des institutions militaires marquées par l'histoire de la dictature. Dans cette prise de position paradoxale, Nestor Kirchner a réussi à créer autour de lui un réseau d'alliés politiques et de soutiens sociaux essentiels à la consolidation de son autorité.
      The Restoration of a Political Authority. The “Extraordinary” Path of President Nestor Kirchner May 18th, 2003: the Peronist Nestor Kirchner unexpectedly became the first Argentinian President to be legitimized by general elections since the very serious political, economic and social crisis that the country had experienced two years before. This paper aims at looking back on the exceptional victory of this outsider, as well as on the way he then succeeded in reproducing some political credibility within a very short period of time. To do so, he carried out a reform of the military institutions inherited from the dictatorship, twenty years after the restoration of democracy. By taking this paradoxical stand, Nestor Kirchner managed to build up a network of political allies and social supports around him, which proved essential to the consolidation of his authority.
  • Varia

    • Histoire d'une conversion aux sondages. Sociogenèse de l'usage politique des sondages en Argentine - Gabriel Vommaro p. 157 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article porte sur la genèse de l'expertise en sondages d'opinion en Argentine dans les années 1980 et analyse les conditions sociales et politiques du succès de l'instrument à partir de 1983. Son institutionnalisation est liée aux transformations des formes de perception et d'action politiques ainsi qu'au succès des démarches des futurs sondeurs, qui ont proposé les sondages comme outil cognitif et symbolique aux différents acteurs des espaces politique et journalistique lorsque débute le processus de « transition démocratique ». Il s'agira premièrement de montrer en quoi les changements politiques qui affectent l'Argentine à partir de 1983 (fin de la dictature militaire, défaite du péronisme) font partie des conditions de possibilité de l'institutionnalisation des sondages comme outil politique ; deuxièmement, comment les experts-sondeurs ont contribué à la « modernisation » du champ politique et, enfin, comment ils ont constitué un espace spécifique à la frontière des mondes politique, médiatique et universitaire pour imposer la légitimité de leur instrument.
      History of a Conversion to the Polls. Socio-Genesis of the Political Use of the Polls in Argentina This article analyses the genesis of the expertise in public opinion polls in Argentina in the 1980's and the social and political conditions of the success of the instrument. The institutionalization of the means is seen as being related to the transformations of the political perception and action forms and to the success of the future pollsters, which have proposed the polls as a cognitive and symbolic tool to the agents of the political and journalistic fields when the process of the so-called democratic transition began. The objective is to show, firstly, in what way political changes affecting Argentina since 1983 (end of a military dictatorship, defeat at the elections of Peronism) are conditions of possibility for the institutionalization of the polls as political tool. Secondly, how the expert-pollsters contributed to the “modernization” of the political field. Finally, how – in order to impose the legitimacy of their instrument – they have constituted a specific space in the border of the political, media and university fields.
    • Islamophobie et malaise dans l'anthropologie. Être ou ne pas être voilée en Iran - Fariba Adelkhah p. 179 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Résumé - La société civile semble depuis quelques années être au centre des préoccupations des chercheurs travaillant sur l'évolution sociopolitique en Iran. En fait cette question ne fait que reprendre un autre schéma plus classique de l'iranologie : l'antagonisme entre État et société. Selon cette thèse, le penchant à l'autoritarisme ou l'obstacle à une société démocratique résiderait dans un conflit ancestral opposant le peuple à son gouvernement. Ce travail souhaiterait d'une part montrer que, réifié à l'extrême, l'antagonisme entre l'État et la société, ou encore la glorification de la société civile, se nourrit de l'islamophobie ambiante via sa traduction abrégée, la pratique du voile ; d'autre part, il invite à revenir à l'anthropologie afin d'assumer un changement d'optique et mettre un terme à un aveuglement idéologique qui polarise depuis une trentaine d'années le résultat de certaines recherches.
      Islamophobia and Malaise in Anthropology. To Be or Not to Be Veiled in Iran Fariba ADELKHAH Civil Society has become a key issue while analysing the social and political developments in Iran throughout the last decade. In fact the stress on the Civil Society issue looks like the reassertion of an old thesis that stated the strategic antagonism between State and society. This latter approach provides an explanation of the despotism or the lack of democracy as a dominant feature of the Iranian society. I would like in this paper first to point out the extent by which the Islamophobia trend is fuelling this very approach of the Iranian society, and second, I would like to draw attention to what anthropology needs to remain, a science of context, in order to get rid of a few clichés and very polarised approaches which characterize certain studies.
  • Notes de lectures

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