Contenu du sommaire : Migrations et transformations des paysages religieux
Revue | Autrepart |
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Numéro | no 56, 2010 |
Titre du numéro | Migrations et transformations des paysages religieux |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Religions transnationales et migrations : regards croisés sur un champ en mouvement - Bava Sophie, Capone Stefania p. 3-15
- L'ancrage de l'hindouisme dans le paysage mauricien : transfert et appropriation - Claveyrolas Mathieu p. 17-37 L'île Maurice est une jeune nation née de la société de plantation et de nombreux flux migratoires. La nation mauricienne s'est construite sur un rapport de force démographique qui a fait des engagés une majorité défendant sa légitimité à représenter et diriger la nation tout en revendiquant sa spécificité par rapport aux autres communautés mauriciennes. Ce ne sont plus alors les références à l'esclavage, à la rupture avec les racines, qui sont pensées comme fondatrices, mais bien l'héritage indien censément apporté et préservé par les engagés. Entre hindouisme créole (né du contact entre cultures dans le contexte de la société de plantation) et crispation autour des identités indiennes, la communauté hindoue à Maurice a su ancrer localement ses pratiques religieuses, ce que j'étudie ici à travers l'invention de Maurice comme paysage hindou et, à un autre niveau, l'appropriation de l'espace public via la démultiplication des lieux de culte.Hinduism in the Mauritian Landscape : transfer and appropriation Mauritius is a young nation born from a plantation society and many migratory movements. The Mauritian nation was built on the demographic majority of the descendants of Hindu indentured labourers. This Indo-Mauritian community defends its legitimity to represent and govern the nation, but also its specificity comparing with other Mauritian communities. Slavery and the rupture with roots as crucial to a Creole identity are replaced by the Indian heritage supposedly brought and preserved by Indian labourers. Between a Creole Hinduism (born from contact between cultures in a plantation society context) and temptations to trace its roots back to India, the Hindu community in Mauritius managed to locally anchor its religious practices, which I study through the invention of Mauritius as a Hindu territory and the appropriation of public space through the ever-growing number of religious sites.
- Esprits sans patrie : une analyse de la « religion du voyage » dans les îles du Cap-Vert - Laurent Pierre-Joseph, Plaideau Charlotte p. 39-55 À la découverte des îles au XVe siècle, la spiritualité capverdienne se construit sur un double mouvement où la conversion forcée des esclaves africains au catholicisme va de pair avec une familiarisation des Européens aux systèmes de pensées de l'Afrique. Au fil des siècles, ce métissage fait naître un imaginaire catholique populaire où l'esprit du défunt (finado) s'établit comme l'un des ciments de la société ; par sa mainmise symbolique sur le sort de ces familles de migrants tourmentées entre ici et là-bas, l'esprit « apatride » devient le commun dénominateur entre le natif et le migrant, le jeune et le vieux, le populaire et l'érudit, le catholique et le protestant, le continental et l'insulaire, l'Africain et l'Européen. Qu'il soit « errant » – inférieur – ou « de lumière » – supérieur –, l'esprit du défunt est également l'entité convoquée par le rationalisme chrétien pour (re)créer du lien. Ce n'est pas un hasard puisque cette doctrine spiritualiste née au Brésil en 1910 s'est répandue à l'étranger en accompagnant la diaspora capverdienne. Ses « irradiations » et séances de « dédoublement et nettoyage psychique » dirigées vers le monde entier, en font une spiritualité délocalisée, permettant de relier les destins humains par-delà les frontières géopolitiques.Spirits without homeland ; an analysis of the “religion of travel” in the Cape-verdian islands From the discovery of the islands in the 15th century, the Cape Verdean spirituality builds itself on a double movement where the forced conversion of the African slaves to Catholicism goes together with the Europeans' familiarization to the African systems of thoughts. In the course of the centuries, this crossbreeding creates a popular catholic imaginary where the “finado” – the spirit of the deceased – settles as one of the society's cements. By its symbolic control on the fate of these migrants' families stuck between here and there, the spirit of the deceased becomes the common denominator between the native and the migrant, the young and the elderly, the popular and the intellectual, the Catholic and the Protestant, the continental and the islander, the African and the European. Whether he's “wandering” – inferior – or “luminous” – superior –, the spirit of the deceased is also the entity convoked in the Christian rationalism in order to re-create link. It is not surprising as this spiritualistic doctrine born in Brazil in 1910 has spread abroad mainly through the Cape Verdean Diaspora. Its "irradiations" and sessions of psychic “cleansing” and “duplication” directed to the whole world, make it a delocalized spirituality, able to connect the human fates beyond the geopolitical borders.
- « Axé Ilê Portugal » : parcours migratoires et religions afro-brésiliennes au Portugal - Guillot Maïa p. 57-74 La relation entre migration et religion dans la transnationalisation des religions afro-brésiliennes au Portugal est principalement due au retour de Portugais qui avaient émigré vers le Brésil et à l'immigration de Brésiliens au Portugal. J'analyserai dans cet article les parcours migratoires d'initiés ainsi que les formes de leur influence au sein du candomblé et de l'umbanda en terre portugaise. Les réinterprétations de ces parcours se sont construites en puisant dans les imaginaires nationaux brésiliens et portugais, mais aussi dans les logiques propres aux religions afro-brésiliennes. La migration provoque également, au sein de la pratique au Portugal, des négociations et créations rituelles trouvant légitimité et sens à la lumière de logiques religieuses afro-brésiliennes et de représentations portugaises. Nous verrons alors comment la relation migration/adaptations participe à la recomposition d'un imaginaire transnational des religions afro-brésiliennes, qui est propre et spécifique au contexte portugais dans lequel il s'opère.“Axé Ilê Portugal” : Migratory routes and Afro-Brazilian religions in Portugal The relation between migration and religion in the transnationalization of Afro-Brazilian religions in Portugal is mainly due on the return of Portuguese who had emigrated towards Brazil and on Brazilians' immigration in Portugal. In this paper, I shall analyze the migratory routes of the initiates as well as the forms of their influence within Candomblé and Umbanda in Portugal. The re-interpretations of these routes are built by drawing from Brazilian and Portuguese national imaginaries, but also from the own logics of Afro-Brazilian religions. Within the practice in Portugal, the migration also provokes ritual negotiations and creations finding legitimacy and meaning in the light of Afro-Brazilian religious logics and Portuguese representations. We shall then see how the relation migration/adaptations participates in the reorganization of a transnational imaginary of Afro-Brazilian religions, which is appropriate and specific in the Portuguese context in which it takes place.
- Le culte de Maximón. Entre monde maya et migrations internationales - Pédron Colombani Sylvie p. 75-92 Au Guatemala, Maximón est un personnage aux multiples facettes issu de la rencontre entre deux univers de sens – maya et catholique. Son culte, identifié il y a seulement quelques décennies à un territoire, une culture, voire un groupe ethnique, est aujourd'hui pris dans un processus de translocalisation. Il s'est répandu sous diverses formes dans l'ensemble du pays – y compris parmi les couches métisses urbaines –, mais également au Mexique et aux Etats-Unis, au gré des flux migratoires des guatémaltèques. Cet article propose une réflexion conjointe sur les dynamiques nationales et internationales du culte, sur les transformations et re-significations du culte, ainsi que sur les revendications identitaires sous-jacentes. À partir d'un travail de terrain mené dans la ville de Los Angeles, nous verrons notamment comment le culte a pris une dimension individuelle et syncrétique, s'éloigne du monde maya et devient porteur d'un ensemble de significations collectives propres au monde des migrants latino-américains.From Guatemala to the United States : the cult of Maximon. Between Mayan world and international migrations In Guatemala, Maximon is a figure with several faces who was born in the encounter between mayan and catholic worlds. His worship, limited at an area, a culture and an ethnic group until the 80's, is now taken in a process of trans-localization. It spread out under various ways in the whole country – even among the urban halfcaste population – but also in Mexico and the United States of America, following the guatemalan immigration. This paper propounds a reflection about the national and international dynamics of this worship, about its changes and its new meanings, and also about the identity claiming. After a fieldwork in the city of Los Angeles, we will see how this worship has taken a new individual and syncretic dimension, how he moved off the mayan world and takes a new signification for latino-american immigrants.
- Entre l'« Occidental » et l'« Indien ». . Ethnographie des routes du chamanisme ayahuasquero entre Europe et Amériques - Losonczy Anne-Marie, Mesturini Cappo Silvia p. 93-110 Le texte explore une dimension particulière des pratiques religieuses en migration. Le phénomène chamanique constitue aujourd'hui un paysage multi-site, dessiné par des déplacements réguliers de spécialistes rituels et de pratiquants et par le constant essaimage et reconfiguration des pratiques. Ces passages et installations transcontinentaux marquent les communautés locales dans le sens d'une reformulation de leurs propres pratiques à usage interne ou régional. Le chamanisme dans sa version transcontinentale se structure selon un continuum organisationnel qui encadre, permet et reproduit des itinéraires, reliant les territoires du chamanisme dit « ethnique » et les recompositions urbaines tant à l'échelle nationale qu'internationale. Ce continuum s'appuie effectivement sur le croisement de « chamanismes urbains » nationaux et internationaux qui se construisent en regardant vers « l'indigène » comme lieu-ressource à revaloriser. Dès lors, il s'agira d'interroger le rôle moteur de la compétence chamanique désormais classée comme « savoir », dans la remise en question de hiérarchies sociales à portée nationale et internationale issues de la colonisation.Between the “Occidental” and the “Indian”. An ethnography of the ayahuasca shamanism itineraries binding Europe and America The following text explores a particular aspect of religious practice and migration. Shamanism presents itself today as a multi-sited landscape, painted by regular movements of ritual experts and practitioners and by the continuous diffusion and reconfiguration of practice. These transcontinental travels and settlements influence the local communities and lead them to rethink and adapt their own practices of internal and regional use. The transcontinental version of shamanism presents an organizational continuum that withholds, allows and reproduces a set of itineraries that binds, on a national and international scale, the territories of the socalled “ethnical” shamanism and its urban adaptations. In fact, this continuum rests on the encounter of national and international “urban shamanisms” that structure themselves by looking at the “indigenous” as a revalued and ultimate resource-location. By addressing the shamanic expertise classified as “knowledge” in this particular context, we shall question its influence on the national and international social hierarchies that originated from colonization.
- Mondialisation de la Virgen de Urkupiña ? Religiosité, fêtes populaires et territoires urbains des migrants boliviens, de Buenos Aires à Madrid - Baby-Collin Virginie, Sassone Susana p. 111-132 L'article met en relation la manière dont les processus de reproduction, de circulation, d'adaptation et de territorialisation du religieux en migration se donnent à voir au sein des espaces urbains. La dévotion à la Vierge d'Urkupiña, originaire de Cochabamba, est l'une des expressions de la religiosité populaire bolivienne qui s'est diffusée dans le monde, à la faveur de la migration bolivienne. Nous analysons les célébrations religieuses et les fêtes qui y sont associées, au sein des communautés boliviennes de Buenos Aires (Argentine) et de Madrid (Espagne), deux villes clés de cette migration, à partir de méthodes qualitatives (observations de terrain, entretiens, média ethniques et nationaux, sources Internet). Cette confrontation permet d'interroger, à la fois, les pratiques religieuses dans leur circulation entre origine et destination, entre Sud et Sud, entre Sud et Nord, mais aussi les modes de construction des territorialités migrantes dans les métropoles, ainsi que les enjeux pluriels qu'elles révèlent.Globalization of Virgin of Urkupiña ? Religiosity, popular festivities and urban territories of the Bolivian migrants, from Buenos Aires to Madrid The aim of this article is to analyze the processes of reproduction, circulation, adjustment, and territorialization of the religious devotions in the urban spaces. The devotion to the Virgin of Urkupiña, born in Cochabamba (Bolivia), is one of more important expressions of popular Bolivian piety that has spread in several cities of the world where there are Bolivian migrants. In this article, we compare the religious practices of the Bolivians in Buenos Aires and Madrid ; it has been applied qualitative methods (observation, field notes, interview, newspaper and internet) with an important fieldwork. This confrontation will allow us to interrogate, simultaneously, the religious practices in the circulation between origin and destination, between the South and the South, the South and the North, but also the ways by which the migrants constructed their territorialities in the metropolis.
- Les traces des absences et des retours : les empreintes de la migration sur le paysage religieux mexicain - Odgers-Ortiz Olga p. 133-152 La relation entre religion et migration a été principalement abordée à partir de la perspective des sociétés « d'accueil ». Que ce soit en s'attachant aux religions transnationales observables dans les grandes métropoles multiculturelles, ou bien en analysant la capacité des immigrants à adapter leur pratique religieuse dans un nouveau cadre de vie, l'accent est mis sur les lieux d'arrivée, laissant en deuxième terme l'examen des conséquences des réseaux migratoires transnationaux dans les pays d'origine. À partir des sources statistiques disponibles et du travail ethnographique réalisé dans le champ migratoire Mexique/États-Unis, cet article s'interroge sur les conséquences de l'intensification des flux migratoires dans le paysage religieux mexicain. Nous faisons l'hypothèse que l'empreinte de la migration peut être observée au moins sur trois registres : la relation entre les réseaux migratoires et l'accélération du processus de pluralisation religieuse, l'importance de la pratique religieuse dans la réorganisation de l'espace de vie des migrants – lieux d'accueil, d'arrivée et de circulation –, et finalement la transformation dans la perception de la diversité religieuse et des attitudes de tolérance ou d'intolérance religieuse.The trace of absences and returns : Prints of migration on mexican religious landscape The relationship between religion and migration has been mainly analyzed from the receiving communities' point of view. Whether focusing on transnational religions from main multicultural metropolises or analyzing mig rants' ability for adapting religious practice in their new life space, emphasis is usually placed on arrival contexts. Using statistic and ethnographic evidence from the Mexico-United States migratory field, in this paper we analyze the consequences of migration intensification through a Mexican religious landscape. We argue that migration traces can be observed on at least three different levels : the relationship between migratory networks and the acceleration of religious diversification , the relevance of religious practice in the reorganization of migrant life space, and finally the transformation of religious diversity perception as well as attitudes of religious tolerance or intolerance.
- Les nouvelles figures religieuses de la migration africaine au Caire - Bava Sophie, Picard Julie p. 153-170 Depuis la fin des années 1980, la capitale égyptienne est devenue le lieu de passage de nombreux migrants subsahariens. Provenant initialement du Soudan et des pays de la Corne de l'Afrique, aujourd'hui leurs origines se diversifient. Ces migrants présentent des profils socio-économiques, culturels et religieux de plus en plus variés. Qu'ils soient chrétiens ou musulmans, il n'est pas rare que les croyances et expériences religieuses, durant leur période de transit prolongé au Caire, deviennent une véritable ressource spirituelle, matérielle, voire une vocation. Dans ce contexte, nous pouvons postuler que les migrants subsahariens sont à l'origine de l'activation d'un marché religieux original en Égypte. L'observation de récurrences au sein des parcours religieux nous permet aujourd'hui d'identifier une nouvelle figure de la migration africaine : le migrant religieux. Cette figure pose aujourd'hui les questions essentielles de la relation religion–migration comme celle de la place du migrant dans la société d'accueil, celle des religions transnationales, des réseaux religieux dans les processus migratoires, de la manière dont les pratiques religieuses des migrants se reconfigurent tout au long des parcours migratoires et bien entendu, du rôle des parcours religieux dans le retour au pays.The new religious figures of african migration in Cairo Since the late 1980s, the Egyptian capital became a stopping-off for a lot of sub-Saharan migrants. Initially from Sudan and the Horn of Africa's countries, their origins are currently diversified. Their socioeconomic, cultural and religious profiles are more varied. Whether they are Christians or Muslims, it's not rare that beliefs and religious experiences become a real spiritual and material resource, sometimes a vocation, during their prolonged transit time. In this context, we can suggest that sub-Saharan migrants instigate an original religious market in Egypt. With recurrences observed in their religious journey, we can now identify a new figure in the African migration : the religious migrant. This figure raises fundamental questions on religion-migration relation like the position of migrant in the host society, of transnational religions and religious networks in migratory processes, the way that migrants' religious practices reconfigure themselves during the migratory journey, as well as the role of religious journeys in the homecoming.
- Altérités religieuses, migrations et constructions identitaires à la frontière entre l'Argentine, le Paraguay et le Brésil - Mallimaci Fortunato, Giménez Béliveau Verónica p. 171-191 Les courants migratoires sont depuis longtemps liés à l'émergence, à la mobilité et au développement des confessions religieuses. Dans la « province » de Misiones, située au nord-est de l'Argentine, à la limite avec le Paraguay et le Brésil, la présence de groupes de migrants qui traversent les frontières ont donné lieu historiquement à des échanges culturels, économiques et religieux. Le paysage social de chacun des trois pays limitrophes, l'Argentine, le Brésil et le Paraguay, profondément marqué par la matrice culturalo-religieuse d'origine nationale, trouve dans cette « Triple Frontière » les textures caractéristiques des territoires de frontières : mélange de langues et traditions, influences culturelles diverses, pratiques religieuses métissées. Reposant sur un travail ethnographique entamé en 2004, cet article se propose de travailler les récits sur l'autre (confessionnel, ethnique, national), et les transformations de ces discours à partir de l'arrivée de nouveaux migrants d'origine islamique dans la région. Les dynamiques de construction de l'identité religieuse et nationale, longtemps soutenues par le jeu des différences et d'identifications entre un catholicisme hégémonique et des christianismes protestants d'origine européenne, font actuellement face à la présence d'une confession vécue comme radicalement autre, qui requestionne les repères identitaires et politiques des groupes religieux dans la région de la « Triple Frontière ».Religious alterities, migrations and identity constructions in Argentinean, Paraguayan and Brazilian border The article analyzes the migration in the area of Misiones, from an specific perspective : the study of religious groups. This place is located northeast of Argentina, bordering Paraguay and Brazil in an area called “Triple Frontera”. Historically, the presence of migrant groups that cross that border has led to different cultural, economic, political and religious exchanges. The social landscape of each bordering area has been and is strongly influenced by cultural and religious national identities but it is also marked by the exchange of languages and traditions, cultural influences and religiously hybrid practices. Derived from the analysis of an extensive fieldwork – since 2004 to the present- the article focuses on the stories and images about the “other” (religious, ethnic, national). The processes of construction of socio-religious identity were largely sustained by the play of differences and identities between hegemonic Catholicism and European Protestant Christianity. Today they are challenged by the presence of Pentecostal Evangelism and, especially, by the emergence in the region of a confession experienced as “radically different” : Islam.
- Les cultes de la kola dans l'Afrique coloniale : trajectoires et appropriations d'un phénomène religieux - Manière Laurent p. 193-211 Au cours de la première moitié du XXe siècle, les cultes de la kola connurent un important succès dans l'Afrique coloniale, se propageant du nord de la Gold Coast jusqu'au Nigéria, en passant par les territoires du Togo et du Dahomey. Les populations littorales intégrèrent la noix de kola et d'autres éléments rituels venus du Nord dans leurs systèmes religieux avec des développements assez différents selon les régions. La noix de kola étant un élément essentiel de ces rites, on les regroupe souvent sous le nom générique de Goro (kola en hausa) ou Gorovodu mais on les connaît également sous les appellations de Atike (médicament), Kunde, Tron. Derrière ces dénominations se cachent en réalité plusieurs divinités dont les mouvements (tant au point de vue géographique que symbolique) se révèlent difficiles à appréhender tant leurs rituels semblent s'être constitués par agrégation d'influences diverses (chrétiennes, vodu, musulmanes), évoluant selon les territoires qu'elles traversaient. Le succès de ces cultes déplut aux missionnaires chrétiens qui décrivirent le phénomène dans une série de monographies. Les analyses consacrées aux cultes de la kola ont souvent commenté leur aspect symbolique mais ne se sont pas réellement intéressées à leur trajectoire historique et spatiale. Si dans les années 1920, la capacité d'emprunter et d'innover en matière religieuse n'était absolument pas un phénomène nouveau, la nature et l'intensité des réseaux humains et matériels, les nouvelles frontières mises en place, l'action évangélisatrice de certaines sociétés missionnaires, la désorganisation sociale et les rivalités politiques nées avec la colonisation ont eu en effet une influence déterminante dans le parcours de ces cultes. En quelques années seulement, ils ont pu traverser les lignes et les frontières du monde colonial et trouvé leur place dans un nouvel espace intermédiaire trans-culturel et trans-social.Kola cults in colonial Africa : trajectory and appropriation of a religious phenomenon Amongst the healing rituals which had a considerable success in colonial Africa, kola cults spread from the Gold Coast to Togo and Dahomey, where they integrated vodu universe. The kola nut is an essential element in these healing rituals, so they are often grouped together under the generic name Goro, Gorovodou (Goro means kola in hausa) but are also referred to as Atikevodou (medicine) or Tron. Their success did not please the Christian missionaries, who described the phenomenon in a series of monographs. In 1926, Monseigneur Auguste Hermann, vicar apostolic of the Lower-Volta, was the first to denounce the arrival of Kunde, “still known as Atike or Goro” in British Togo. Monseigneur Cessou, vicar apostolic of Togo, took an active interest in its diffusion throughout the French part of Togo between 1928 and 1934. The colonial administration was equally concerned by the spreading of the cult, and closely observed its followers before the Second World War. Behind what colonial authors unanimously name Goro lies a much varied reality and several divinities as Kunde. Current analyses, essentially the work of anthropologists, are rare. Our objective is to describe the trajectory of kola cults and their incorporation into vodu order, insisting on the ritual dedicated to Kunde. The movements of this cult (both geographically as well as symbolically) are difficult to comprehend given that its ritual seems to have been constituted by an aggregation of various influences (Christian, Vodu, Muslim). It is precisely this trajectory and this appropriation which we will concentrate on. If the capacity to borrow and innovate is not a phenomenon which came into being during the colonisation, then this case of religious recomposing poses a problem within the colonial context. Both the nature and intensity of human and material networks, new borders, the Evangelical action of certain missionary groups, the social disorganisation and the political rivalries which came with colonialism, all had an influence on the constitution of these kola cults and their success.
- Protestantisme en migration : entre les îles Cook et la Nouvelle-Zélande - Malogne-Fer Gwendoline p. 213-233 Les îles Cook, État associé à la Nouvelle-Zélande, connaissent depuis les années 1950 une intensification des migrations internes – des îles éloignées vers Rarotonga, l'île principale – et internationales : en 2006 les Cook Islanders étaient 20000 aux îles Cook et 58000 en Nouvelle-Zélande. Cet article analyse les répercussions de ces migrations en termes de croyances et de pratiques religieuses, d'organisations ecclésiales et de redéfinition des identités culturelles. Ces migrations s'inscrivent, en Nouvelle-Zélande comme aux îles Cook, dans un paysage religieux marqué par une forte diversification, notamment au sein du protestantisme. Cette diversification de l'offre religieuse soulève d'une part la question de l'« authenticité » des pratiques religieuses et culturelles et d'autre part celle de la gestion institutionnelle de ce pluralisme religieux.Protestantism in migration : between Cook Islands and New Zealand Since the 1950s, the Cook Islands – a Polynesian State in association with New Zealand – have experienced a dramatic growth of internal migration – from the remote islands to the main island Rarotonga – and international migration : in 2006, 20,000 Cook Islanders lived in the Cook Islands and 58,000 in New Zealand. This article examines the impact of these migrations in terms of religious beliefs and practices, church organisation and cultural identities. In New Zealand and in the Cook Islands, migration takes place in a religious context characterised by a strong diversity, especially within Protestantism. This diversification of the religious offer raises the issue of “authenticity” of religious and cultural practices. It also implies new questions about the institutional management of religious pluralism.
Panorama bibliographique
- Religions « en migration » : De l'étude des migrations internationales à l'approche transnationale - Capone Stefania p. 235-259