Contenu du sommaire : L'État en voie de privatisation
Revue | Politique africaine |
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Numéro | no 73, mars 1999 |
Titre du numéro | L'État en voie de privatisation |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Le Dossier : L'État en voie de privatisation
- Introduction au thème : La "décharge", nouvel interventionnisme - Béatrice Hibou p. 6 “Discharge”: A New Form of Intervention?
The privatisation of the state is a seemingly paradoxical expression which captures the ambivalence of the contemporary situation in Africa : on the one hand, the emergence of private actors and private economic and financial logics and, on the other hand, the continuity of the state. Indeed, contrary to conclusions as to the demise of the state in Africa, the analysis developed herein underscores the redeployment of state power, most notably through processes of “discharge” (M. Weber). This entails transformations in relations between the public and the private, as well as the reconfiguration of ways of being and acting in the economic and political realms. - Privatisations des économies et des Etats africains : Commentaires d'un historien - Mamadou Diouf p. 16 Cet article vise à replacer dans la longue durée les trajectoires de la privatisation et de la criminalisation de l'État en Afrique. Sa thèse est que la « décharge » comme mode de gouvernement et d'extraction économique est repérable dans les séquences historiques, précoloniales et coloniales. Elle n'est donc ni une modalité nouvelle, ni une caractéristique de l'État postcolonial africain.The Privatization of African States and Economies An Historian's View
This article attempts to historically situate trajectories of the privatisation and the criminalisation of the African state in the very long term. The main point is that one can locate the practice of “discharge”, as a mode of government and economic extraction, in both the precolonial and colonial periods. It is thus neither a novel modality nor a specific characteristic of the postcolonial African state. - La fin des territoires nationaux ? : Etat et commerce frontalier en Afrique centrale - Karine Bennafla p. 24 Pour K. Bennafla, la privatisation des espaces frontaliers ne signe pas la fin de l'État. Si les réseaux commerciaux transnationaux érodent les prérogatives étatiques, ils consolident aussi les territoires nationaux : d'une part les axes de communication qui arriment les marchés frontaliers aux villes intérieures soudent les pièces du puzzle national, de l'autre l'État intervient comme acteur, promoteur et gestionnaire des zones frontalières.The End of National Territories ?
For K. Bennafla, the “privatisation” of national frontiers does not imply the demise of the state. While transnational commercial networks undermine state prerogatives, they also help to consolidate national territories : on one hand, communication axes linking border markets to towns in the interior bring together the pieces of the national puzzle ; on the other hand, the state intervenes as an autonomous actor in the promotion and management of border zones. - La dette publique est-elle privée ? : Traites, traitement, traite : modes de la dette africaine - Olivier Vallée p. 50 La communauté internationale encourage depuis plusieurs années un processus de traitement de la dette publique par le marché. L'Angola, qui n'a pas encore engagé d'ajustement structurel – passage obligé du traitement de la dette –, représente un cas limite de privatisation de la dette publique, qui met en évidence des distorsions historiques de l'État africain, perceptibles dans d'autres régions et à d'autres époques.Is Public Debt Private ?
For several years now, the international community has approached the problem of public debt reduction via the market. Angola, which has not yet embarked upon structural adjustment – the requisite path of debt reduction –, represents a limiting case of the “privatisation of public debt”. It thus highlights the historical distortions of the African state, which can be distinguished in other regions and during other time periods. - Des contresens possibles de la globalisation : Privatisation de l'Etat et bienfaisance au Soudan et au Somaliland - Roland Marchal p. 68 À partir des exemples de la bienfaisance en Afrique orientale, cet article vise à souligner la spécificité du phénomène global de « décharge » en fonction du contexte sociopolitique et historique local. Alors qu'au Soudan, ces pratiques de bienfaisance contribuent au renforcement de l'État, au Somaliland, même si elles permettent la survie du pouvoir étatique, elles minent la construction d'un appareil d'État.The Potential Misinterpretations of Globalization
Using examples of charity works in East Africa, this article demonstrates the specificity of the global phenomenon of “discharge” in terms of the socio-political and historical context. While charitable practices contribute to the consolidation of the state in the Sudan, they undermine the construction of state infrastructures – even though they allow for the continuity of state power – in Somaliland. - La fondation Eduardo dos Santos (Fesa) : A propos de "l'investissement" de la société civile par le pouvoir angolais - Christine Messiant p. 82 L'apparition, en 1996, de la Fondation Eduardo dos Santos est l'aboutisssement d'un processus de privatisation de l'État angolais. Mais la Fesa fait aussi partie d'une stratégie présidentielle qui tente de répondre à de multiples enjeux : la non-résolution du conflit armé, l'exacerbation des rivalités au sein du pouvoir et la gravité de la crise sociale, du fait de l'effort de guerre, de la prédation et de la corruption.The Eduardo dos Santos Foundation (FESA)The founding, in 1996, of the Eduardo Dos Santos Foundation (FESA) marks the onset of the long process of the privatisation of the Angolan state. But the FESA is also part of a presidential strategy devised in response to certain dilemmas : the non-resolution of the armed conflict ; the exacerbation of rivalries amongst the power elite ; and the gravity of the social crisis caused by the war effort, predation, and corruption.
- Du gouvernement privé indirect - Achille Mbembe p. 103 Un mode inédit de structuration sociale, le gouvernement privé indirect, caractérise désormais les États africains. Apparu dans un contexte de grande rareté matérielle, de désinstitutionnalisation, de violence diffuse et de reterritorialisation, ce mode de gouvernement est le résultat d'une renégociation brutale des rapports entre individu et communauté, régimes de la violence, régimes de la propriété et ordre de l'impôt.On Private Indirect Government
Indirect private government characterizes African states in the present context of material scarcity, disinstitutionalization, the generalization of violence, and reterritorialization. This reconfiguration involves the renegotiation of relations between the individual and the community, and the redefinition of the foudations of power, which ultimate raises the question of tax.
- Introduction au thème : La "décharge", nouvel interventionnisme - Béatrice Hibou p. 6
Conjoncture
- Kivu : l'enlisement dans la violence - William Barnes p. 123 Épicentre des recompositions de puissance en Afrique centrale, le Kivu suscite les convoitises du Rwanda et de l'Ouganda qui profitent de la guerre pour mettre en place une économie de pillage et de réexportation. Les mouvements de rébellion congolais étant incapables de contrôler les territoires conquis, la zone s'enlise ainsi dans une violence de longue durée qui se nourrit de l'enchevêtrement des conflits locaux.Kivu : stalement in violence
As the epicenter of the recomposition of politics in Africa, Kivu is now coveted by the Rwandan and Ugandan regimes, both of which are taking advantage of the war situation in order to establish an economy of plunder and reexportation under the guise of a security intervention. Since the various movements comprising the Congolese rebellion are not able to control conquered territories, the region is now immobilized in violence, which is propagated by the fact that the various conflicts have become entangled and social fragmentation continues to divide local communities (Banyamulenge, Banande, Bashi, et Maï-Maï warriors). - L'Afrique du Sud à la veille d'une consultation décisive - Jean-François Bayart, Stephen Ellis, Béatrice Hibou p. 137 En dépit de ses succès, le modèle démocratique sud-africain traverse une phase délicate. La succession de Mandela annonce une possible crispation du pouvoir, en raison notamment des tendances autoritaires de Thabo Mbeki. Incapable de s'affirmer sur la scène continentale comme une puissance modératrice, la RSA pourrait devenir un État « tricheur » (trickster) comme un autre, profitant des interstices criminels de la mondialisation.South Africa on the eve of a decisive election
In spite of its accomplishments, South African democracy is now entering into a fragile phase. The succession of Mandela might trigger political tension due, for the most part, to the authoritarian tendancies of Mandela's hier apparent, Thabo Mbecki. Incapable of asserting itself on the continent as a moderating power, bearing a new “Westphalian” order, the SAR might become a trickster state, joining others on the continent, profiting from the insterstices of criminality triggered by “globalization” and regional logics of war and peace. - La politique économique sud-africaine face à la mondialisation - Jean-Pierre Cling p. 146 L'Afrique du Sud s'est engagée depuis 1996 dans un vaste programme de réformes économiques d'inspiration libérale visant à restaurer la confiance des investisseurs, notamment par l'accélération des privatisations ou la réduction de la fiscalité. Si une stabilisation macroéconomique a pu être atteinte, le bilan s'avère mitigé et suscite toujours des interrogations quant aux modalités d'insertion de la RSA dans l'économie mondialisée.The South African political economy faces globalization
Since 1996, South Africa has undertaken an ambitious program of economic liberalization in an effort to restore investor confidence by moving forward with privatizations, reducing fiscal obligations and customs tariffs, and eliminating exchange controls. If macroeconomic stablization has been achieved, the balance sheet is nonetheless mitigated ; it raises questions as to the probability and the modalities of the insertion of the RSA in the new international economy.
- Kivu : l'enlisement dans la violence - William Barnes p. 123
Magazine
Débat
- Rwanda : Réflexions sur les rapports parlementaires de la Belgique et de la France - Jean-Pierre Chrétien, Jean-Claude Willame, Marc Le Pape p. 159 Pour la première fois en France, le Parlement s'est engagé dans le domaine réservé de la politique africaine en promettant de faire la lumière sur le génocide au Rwanda. Le rapport de la mission Quilès a toutefois soulevé des interrogations quant à la portée réelle de cette innovation. Si les incohérences de la politique de la France étaient mises en évidence, les véritables responsabilités politiques et militaires n'étaient-elles pas éludées ? La mission d'information française aurait-elle été plus frileuse que la commission d'enquête du Sénat belge ? J-P. Chrétien, J-C. Willame, M. Le Pape s'engagent dans le débat.Rwanda : A debate over the French and Belgian parliamentary eeports
For the first time in France, the Parliament has intervened in the guarded domain of African political policy by promising to shed light on the Rwandan genocide. Nonetheless, the publication of the Quiles Commission report has raised questions as to the real import of this new practice. If the contradictions of French policy have been highlighted, one might argue that the question of real political and military responsabilities has been evaded. Was the French mission for information more timid than the Belgian Senate's commission of inquiry ? By comparing the two reports, J.-P. Chrétien, J.-C. Willame, and M. Le Pape enter into the debate.
- Rwanda : Réflexions sur les rapports parlementaires de la Belgique et de la France - Jean-Pierre Chrétien, Jean-Claude Willame, Marc Le Pape p. 159
Terrain
- "Touche pas à mon khat !" : Rivalités Meru-Somali autour d'un commerce en pleine expansion - François Grignon p. 177 Le commerce international du khat a pris depuis cinq ans des proportions considérables. Drogue de guerre, le khat est aussi devenu une drogue de danse, vendue dans les boîtes de nuit européennes. Les affrontements violents de janvier 1999, qui eurent la tonalité de conflits ethniques, étaient en fait l'expression d'une rivalité commerçante pour le contrôle de sa distribution. Le commerce du khat, propice à une dérive violente, pourrait être interdit et, dès lors, de plus en plus associé aux autres trafics illégaux d'armes et de stupéfiants.“Hands off my khat !”Once confined to the markets of East Afica, the international commerce in khat has flourished considerably over the last five years. A drug of war, khat has also become a drug for dancing, now replacing chemical amphetamines sold in European night clubs. While the violent clashes of January 1999 took on ethnic tones, they were inspired by commercial rivalries for the control of khat distribution. Particularly enclaved and well controlled, this trade is conducive to a course of violence, which may lead to its illegalization and, consequently, its association with other illegal traffic, such as arms and narcotics.
- La popularisation de la violence politique au Congo - Rémy Bazenguissa-Ganga, Patrice Yengo p. 186 En décembre 1998, la guerre civile a repris au Congo, débordant Brazzaville pour affecter la province. Une nouvelle stratégie de guerre totale semble se mettre en place, avec la généralisation des ratissages et l'élimination systématique des jeunes en âge de porter les armes. R. Bazenguissa-Ganga et P. Yengo tentent de déceler la logique de ce regain de violence en avançant l'hypothèse d'une popularisation de la violence politique.The Popularization of Political Violence in the Congo
In December 1998, the civil war recommenced in the Congo, spreading past Brazzaville into the cities and towns of the provinces and rural areas. This seems to reflect a new strategy of all-out war, with the extension of the practice of pursuing and systematically eliminating all youth able to carry arms. This renewal of the war has met with an astonishing black out in the international press. R. Bazenguissa-Ganga and P. Yengo conjecture upon the reasons for this, putting forth the hypothesis of the popularization of political violence.
- "Touche pas à mon khat !" : Rivalités Meru-Somali autour d'un commerce en pleine expansion - François Grignon p. 177
Lectures
- "Citizen and subject. Contemporary Africa and the Legcacy of Late Colonialism", de Mahmood Mamdani - Ralph Austen, Frederik Cooper, Jean Copans, Mariane Ferme, Mahmood Mamdani p. 193