Contenu du sommaire : Contacts intellectuels, réseaux, relations internationales

Revue Cahiers du monde russe Mir@bel
Numéro volume 43, no 2-3, avril-septembre 2002
Titre du numéro Contacts intellectuels, réseaux, relations internationales
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Avant-propos - Wladimir Berelowitch, Françoise Daucé p. 249-250 accès libre
  • Articles

    • Science et politique : les réseaux du Dr António Ribeiro Sanches (1699-1783). - Georges DULAC p. 251-274 accès libre avec résumé
      Le médecin encyclopédiste Ribeiro Sanches est une personnalité remarquable dont le rôle dans l'Europe des Lumières n'a pas été suffisament reconnu : à la différence de ses écrits portugais, pour la plupart composés et publiés à la demande de Pombal, les travaux qu'il a adressés à Ivan Beckoj entre 1764 et 1771 restent en grande partie inédits : ils tendent, à partir des problèmes de l'éducation, à montrer la nécessité de changements fondamentaux dans l'organisation sociale de la Russie. L'activité intellectuelle de Sanches, dans ses deux domaines de prédilection, les sciences médicales et la politique, s'est nourrie de réseaux de relations diversifiés qu'il a développés dans toute l'Europe et jusqu'en Chine (avec les jésuites de Pékin) au long de sa vie : en témoignent, outre ses correspondances, d'importantes archives personnelles. On a tenté tout d'abord d'esquisser un historique de la constitution de ces réseaux, dès avant son départ définitif du Portugal (1726), puis pendant ses séjours en Angleterre, en Hollande, en Italie et finalement en Russie (1731-1747), où il a noué des relations durables tant à l'Académie des sciences qu'à la cour et jusqu'au sommet de l'État. On étudie ensuite la période d'apogée de ces réseaux, que Sanches développe depuis Paris, dans le monde savant, notamment comme correspondant de l'Académie de Pétersbourg, dans les milieux diplomatiques russes et portugais, enfin dans la haute aristocratie russe et l'entourage d'Elisabeth puis de Catherine II. À Paris même, il entretient des relations plus étroites qu'on ne l'a soupçonné avec le milieu encyclopédique et surtout avec Diderot et d'Holbach. On a enfin tenté d'évaluer les effets les plus importants de l'activité de ces réseaux : notamment l'excellente connaissance de la production intellectuelle d'Outre-Manche acquise par Sanches, qui contribue à sa diffusion, et sa capacité à développer une réflexion comparative sur les différentes sociétés européennes, principalement inspirée de la philosophie historique écossaise.
    • Pierre-Charles Levesque : Protégé de Diderot et historien de la Russie - Vladimir A. Somov p. 275-294 accès libre avec résumé
      Pierre-Charles Levesque (1736-1812) fut un des Français à venir à Saint-Pétersbourg sur la recommandation de Diderot. Il passa presque la moitié de son existence à étudier l'histoire de la Russie. Ses contemporains (August von Schlözer, le prince Dmitrij Golicyn et d'autres) considéraient son Histoire de Russie comme la meilleure parmi celles écrites par des étrangers. Ce livre de Levesque, qui exerça une influence sensible sur l'image de la Russie en Occident, mais aussi sur l'historiographie russe, fut un exemple concret d'application des plans de Diderot concernant la civilisation de la Russie. À la fin du xviiie et au début du xixe siècle, le nom de Pierre-Charles Levesque était connu en Russie de tous les amateurs de l'histoire nationale, après quoi il fut durablement oublié, même par les spécialistes. L'intérêt pour son ?uvre fut ravivé au début des années 1960 grâce à l'initiative d'André Mazon. Cependant, malgré les recherches entreprises alors, il faut constater qu'on manque presque totalement d'informations sur la vie de Levesque en Russie et, de façon générale, de documentation le concernant. Les archives de Levesque, qui étaient conservées par ses descendants, disparurent au début du xxe siècle. On publie dans cet article une série de documents provenant de fonds d'archives de Saint-Pétersbourg, Tartu, Berlin et Paris. Ils apportent des informations nouvelles sur le séjour de Levesque en Russie, sa vie en France durant la Révolution et l'Empire, son enseignement au Collège de France et sa vision historique.
    • Aleksej Jakovlevi? Polenov à l'université de Strasbourg (1762-1766) : L'identité naissante d'un intellectuel - Wladimir Berelowitch p. 295-320 accès libre avec résumé
      L'article est consacré à l'étude d'un cas, celui du juriste russe Aleksej Polenov, qui fit de 1762 à 1766 des études de droit à l'université de Strasbourg, où il fut envoyé par l'Académie des sciences de Russie. Grâce aux correspondances qu'il a laissées, partiellement publiées au xixe siècle, et qu'il avait entretenues avec ses autorités de tutelle, son protecteur Taubert, ses amis et connaissances, il est possible de retracer la façon dont ce jeune homme vécut ses années d'université et fut conforté dans son ambition. Dès ses années pétersbourgeoises, Polenov s'affirma en effet comme un intellectuel et avança des exigences de liberté et d'autonomie qu'il puisait aux sources mêmes de l'institution universitaire, en se réclamant surtout des arts libéraux dont il marquait sciemment les origines antiques. Cette nouvelle identité le conduisit même à affronter la direction de l'Académie des sciences, conflit dans lequel il s'affirma avant tout comme un individu, à la fois clerc, patriote et homme de vertu, non sans une visible influence de Rousseau qu'il avait aperçu à Strasbourg.
    • Jacob von Stählin, académicien et courtisan. - Francine-Dominique Liechtenhan p. 321-332 accès libre avec résumé
      Jacob von Stählin vécut cinquante ans en Russie ; professeur à l'Académie des sciences, secrétaire perpétuel de cette institution, rédacteur en chef de l'édition allemande de la Gazette de Saint-Pétersbourg, fondateur et directeur de l'Académie des beaux-arts de Saint-Pétersbourg, il fut un observateur privilégié de la vie scientifique et culturelle russe. Il observa avec malice ses collègues étrangers et russes, Lomonosov, Trediakovskij ou Sumarokov en tête, sur lesquels il resta sibyllin dans ses textes officiels, mais qu'il n'épargna pas dans ses lettres privées. Il les accusait de « ramper » devant la hiérarchie, et de malmener leurs subordonnés. Stählin ne fut guère plus indulgent envers ses supérieurs dont il avait à subir, sans le moindre droit à la riposte, les chicanes et les humiliations. Or, il aimait l'intrigue, se prit au jeu de la hiérarchie, et n'échappa pas à ce comportement courtisan qu'il méprisait tant.
    • Le point de vue des physiocrates suédois sur les établissements d'enseignement de Catherine II (1773-1775) - Sergueï Karp p. 333-342 accès libre avec résumé
      L'intérêt tout particulier que les physiocrates témoignaient à la politique de Catherine II (notamment lors de la visite que fit Diderot à Saint-Pétersbourg) a déjà été relevé. On sait que Catherine, de son côté, ne laissait rien paraître de sa suspicion à l'égard des physiocrates, lesquels prétendaient s'immiscer dans la conduite des affaires de l'État. Cet article est consacré à l'intérêt qu'avaient suscité auprès des physiocrates suédois les établissements éducatifs fondés par l'impératrice. L'auteur s'est appuyé sur les matériaux constitués par la correspondance privée entre le ministre de Suède à Saint-Pétersbourg, le baron Johan Fredrik von Nolcken (1737-1809), et le comte Karl Fredrik Scheffer (1715-1786).
    • Projet d'un Dictionnaire des Français en Russie au xviiie siècle. - Anne Mézin, Vladislav S. RÅEUCKIJ p. 343-354 accès libre avec résumé
      Ce projet qui vise à faire progresser l'étude de la communauté française en Russie, médiation essentielle entre les cultures russe et occidentale, repose sur une analyse historique de la constitution de cette communauté, en en soulignant les ruptures. Les sources pour l'histoire des Français en Russie sont vastes et la connaissance que nous avons des Français russes de cette époque (marchands, précepteurs, cuisiniers, etc.) reste encore fragmentaire et non synthétisée. Le principe sur lequel s'appuie la rédaction de ce dictionnaire - qui recense tous les émigrés français en ne se limitant pas à une sélection de leurs représentants les plus en vue - permet d'appréhender cette communauté, son évolution ainsi que le rôle qu'elle joua dans l'histoire politique et culturelle russe de l'époque notamment à travers ses principaux groupes professionnels, saisis à partir de documents précis et non à partir de légendes. L'ampleur du matériel présenté dans ce dictionnaire en fera, espère-t-on, un outil utile aux spécialistes de divers domaines (historiens de l'art, spécialistes de l'histoire du commerce, de l'éducation, du génie, de l'art militaire, des identités nationales et des liens interethniques, généalogistes, et bien entendu historiens de l'émigration).
    • Nicolas Ier et la politique intérieure de la France à l'époque de la Restauration : deux épisodes - Vera MIL´?INA p. 355-374 accès libre avec résumé
      L'article propose une vision insolite de l'empereur Nicolas Ier en montrant, à propos de sa position envers la France, qu'elle ne résulte pas tant d'un volontarisme despotique, conforme à sa légende posthume, que d'une aspiration à respecter minutieusement les lois et les règles établies. L'analyse des dépêches inédites de deux ambassadeurs de France à Saint-Pétersbourg, le comte de La Ferronnays et le duc de Mortemart, relatant leurs conversations avec l'empereur, permet de prouver que Nicolas Ier connaissait parfaitement la situation intérieure de la France sous Charles X et qu'il se prononçait contre les courants ultra-royalistes, ultra-conservateurs ou ultra-catholiques de la société française, parce qu'ils risquaient de briser l'équilibre politique existant en France. Mieux encore, l'empereur russe semblait suivre la situation intérieure de la France si attentivement qu'il analysait les événements non seulement dans leur aspect factuel, mais aussi à travers leur reflet « mythologique » dans la conscience collective des Français (telle l'image de la Congrégation). L'article permet aussi de nuancer l'attitude - négative - de l'empereur russe envers le coup d'État mené par Charles X en juillet 1830 - coup d'État que Nicolas Ier avait essayé de prévenir, en conseillant au roi de France de ne pas violer la Charte constitutionnelle.
    • L'École russe des hautes études sociales de Paris (1901-1906). - Dmitrij A. Gutnov p. 375-410 accès libre avec résumé
      L'article est consacré à un phénomène peu connu de l'histoire de l'enseignement supérieur en Russie, à savoir l'École russe des hautes études sociales, fondée en 1901 à Paris par un groupe de professeurs russes libéraux. Cette école, bien que fondée en France et exerçant ses activités sur le sol français, a été le premier établissement russe d'enseignement supérieur à enseigner la sociologie. Au cours de ses six années d'existence (1901-1906), des sociologues et des personnalités publiques de premier plan tels que M. M. Kovalevskij, N. I. Kareev, V. M. ?ernov, Marcel Mauss, Charles Seignobos, Émile Vandervelde et d'autres y ont donné cours et conférences devant des étudiants russes. Parmi les étudiants de l'École, on trouve de futurs dirigeants du parti communiste et des membres du gouvernement soviétique tels que L. D. Trockij, F. A. Sergeev (Artem), M. D. Bon?-Bruevi? et d'autres. L'École russe des hautes études sociales a joué non seulement un rôle pédagogique, mais également un rôle politique, préparant la société russe aux changements qui allaient intervenir dans le régime politique de la Russie après la Révolution de 1905. Les matériaux pour l'étude de l'histoire de l'École proviennent des archives et bibliothèques de Russie, de France, de Hollande et de Serbie. L'article analyse la fondation de l'établissement, l'organisation du travail, la composition du corps professoral et du public étudiant, les programmes d'études et les cycles de conférences, et enfin les circonstances de la fermeture de l'établissement.
    • « Scientifique » OU « intellectuel » ? Louis Réau et la création de l'Institut français de Saint-Pétersbourg. - Olga Medvedkova p. 411-422 accès libre avec résumé
      La création, en 1911, de l'Institut français de Saint-Pétersbourg suscite une réaction négative de la part de la Sorbonne. Un dossier inédit conservé aux Archives nationales permet de mieux comprendre les raisons de ce rejet. L'Université n'accepte pas que l'Institut devienne un centre de l'enseignement du français en Russie. Cette question cache en réalité un problème plus important : faut-il considérer l'Institut comme une école des hautes études pour les slavistes français ou comme un instrument de l'expansion de « l'intellectualité française », selon l'expression de l'un des créateurs de l'Institut, Paul Doumer ? Pour Doumer ainsi que pour les deux directeurs de l'Institut français, Louis Réau et Jules Patouillet, l'enseignement du français n'est en effet qu'un moyen de propager en Russie, traditionnellement « francophone », la culture française et de s'opposer à « l'expansion » grandissante de la culture allemande. L'?uvre de l'historien de l'art Louis Réau sert de fondement à ce projet. Dans ses nombreuses publications, Réau présente la Russie du xviiie siècle comme « une province de la culture française », en faisant totalement oublier aussi bien l'apport dans l'art russe occidentalisé des autres cultures européennes (italienne, anglaise, allemande), que les choix opérés par les commanditaires et les artistes russes entre les différents modèles que leur fournit l'Europe cosmopolite.
    • La décade scientifique franco-soviétique de 1934 - Rachel MAZUY p. 441-448 accès libre avec résumé
      Les relations scientifiques entre la France et la Russie sont bouleversées par la Révolution russe. Le tout jeune Institut français de Saint-Pétersbourg disparaît, et les échanges semblent quasiment interrompus. Cependant, à partir de 1925, en plus de l'Académie des sciences soviétiques, les chercheurs français disposent d'une structure chargée des relations culturelles avec l'étranger. Les liens peuvent donc plus officiellement se renouer. Il faut malgré tout attendre les années 1930 pour que la tradition d'échanges entre savants russes et français reprenne de manière réellement officielle. En 1934, est ainsi organisée la « décade scientifique française en URSS » à laquelle prend part une pléiade de savants français notoires. Ils sont invités à visiter l'URSS, à faire des conférences et à dialoguer avec « leurs homologues soviétiques ». Ce voyage important donne lieu à un accord entre les deux gouvernements. L'Ambassade promet que la manifestation servira le rayonnement culturel français ainsi que la collaboration technique entre les deux pays. La science française est alors fêtée en grandes pompes. Il est vrai que les diplomates français, prudents, ont veillé à ne pas « heurter le sentiment soviétique » en choisissant des personnalités trop marquées à droite. Le voyage, très encadré, est également médiatisé. Il s'insère bien dans une stratégie de rapprochement culturel entre les deux pays. Les voyageurs, quant à eux, plutôt liés à la mouvance socialiste ne reviennent pas en thuriféraires du régime. La décade ne va pourtant pas initier de dynamique véritable. Seuls ou presque les slavisants, les communistes et les compagnons de route vont continuer à rencontrer régulièrement leurs homologues soviétiques. Elle est cependant révélatrice de cette embellie de courte durée qui marque les relations culturelles franco-soviétiques dans les années 1930.
    • La Révolution française : de l'historiographie soviétique à l'historiographie russe, « changement de jalons » - Alexandre V. Tchoudinov p. 449-462 accès libre avec résumé
      On a toujours accordé en Russie une importance toute particulière à l'histoire de la Révolution française. Au xixe siècle, la société russe lui conférait un sens prophétique, s'attachant à y discerner l'avenir de la Russie ; à l'époque soviétique, l'interprétation de la Révolution française est devenue une composante de l'idéologie officielle. Et ce n'est qu'avec l'affaiblissement progressif, dû à la perestroïka, du contrôle idéologique du parti communiste sur les historiens, puis avec sa complète disparition, que la possibilité a été donnée à ces derniers d'étudier cette période en toute liberté dans un esprit purement académique, en intégrant les derniers acquis méthodologiques de la science historique étrangère. Il résulte des recherches menées par les historiens russes au cours de ces vingt dernières années une destruction totale des fondements de l'interprétation soviétique, marxiste-léniniste, de la Révolution française. Cependant, un tel « changement de jalons » a gardé un caractère exclusivement scientifique ; il ne s'est pas accompagné d'un « renversement des autorités », à l'inverse de ce qui s'est passé dans d'autres secteurs des sciences sociales. Cela a permis à une historiographie russe renouvelée de rester en continuité avec la part la plus positive de l'héritage de l'historiographie soviétique sur ce sujet.
    • Nina Berberova et la mythologie culturelle de l'émigration russe en France. - Leonid Livak p. 463-478 accès libre avec résumé
      Dans leurs efforts pour comprendre et décrire l'expérience de l'expatriation, les écrivains russes émigrés produisirent un certain nombre de modèles idéaux de leur activité littéraire en exil. L'effort de conceptualisation de l'exil à travers des modèles idéaux impliquait le recours à plusieurs mythes grâce auxquels pouvait s'opérer la traduction de l'expérience personnelle en « texte ». Nous nous proposons d'examiner quelques arguments développés dans l'ouvrage autobiographique de Nina Berberova (1901-1993) C'est moi qui souligne afin d'établir leur fonction dans la conceptualisation de l'expérience d'écrivains exilés. Il s'agira de l'insistance sur l'isolement par rapport à la vie culturelle française, de l'accent mis sur l'échec artistique de la jeune génération émigrée et, enfin, de l'importance accordée au martyre physique et moral pour cette génération d'écrivains. Nous voyons la clef de la mythologie culturelle de l'émigration russe dans le désir des mémorialistes émigrés de reconstruire leur vie selon un modèle idéal largement influencé par le modèle traditionnel de l'écrivain russe comme maître à penser dont l'abnégation héroïque et le refus des compromissions évoquent ceux des prophètes incompris et persécutés. Le piquant de la situation réside en ce que l'utilisation du mythologème traditionnel russe du poète-prophète par les émigrés s'inspirait des exemples français. La mythologie de Berberova et de ses contemporains s'est construite à partir de la coïncidence entre le modèle traditionnel de l'écrivain russe et celui de l'écrivain français formé dans l'immédiat après-guerre. Mais si, dans l'entre-deux-guerres, les modernistes russes exilés ne dissimulèrent pas leurs liens vitaux avec la vie littéraire française, leurs mémoires passent complètement sous silence ces relations entre Français et Russes.
    • Russian collaboration in Belgium during World War II : The case of Jurij L. Vojcehovskij - Wim COUDENYS p. 479-514 accès libre avec résumé
      Les Russes de Belgique et la collaboration durant la Seconde Guerre mondiale : le cas de Jurij L. Vojcehovskij. Les historiens de la collaboration russe avec l'Allemagne nazie se sont particulièrement concentrés sur l'engagement des Russes dans l'armée allemande pendant la Deuxième Guerre mondiale. Par contre, la situation de l'émigration russe sous l'occupation en Europe occidentale n'a guère été traitée, sans doute parce que le sujet cause encore beaucoup d'embarras dans plusieurs pays, dont la Belgique. Cet article, entièrement fondé sur des sources inédites, veut expliquer quelques aspects de l'histoire de l'émigration russe en Belgique en particulier et de celle de la collaboration russe pendant la guerre en général. Il traite de la vie de Jurij Vojcehovskij (1905-1944), Führer russe local et des circonstances, notamment le milieu social dans lequel il vivait, qui l'ont amené à la collaboration.
    • Le contexte européen (français et allemand) du formalisme russe - Aleksandr N. DMITRIEV p. 423-440 accès libre avec résumé
      Cette étude retrace l'évolution de l'attitude des principaux formalistes (Viktor ?klovskij, Boris Ejhenbaum, Jurij Tynjanov) à l'égard de la science française et allemande depuis la réception de la « philologie acoustique » de Sievers et de Saran en 1916-1919 jusqu'au sentiment d'indépendance et de supériorité devant le « retard » de la philologie occidentale au cours de la seconde moitié des années 1920. Outre l'innovation proprement scientifique, deux facteurs ont joué un rôle essentiel dans ce processus d'auto-isolement : 1) la réduction des contacts entre les scientifiques soviétiques et les Occidentaux sous la pression du pouvoir communiste, et 2) le délitement général de la « république des lettres » en Europe après la Première Guerre mondiale. À partir de l'exemple de la façon dont le structuralisme de Roman Jakobson et de Nikolaj Trubeckoj (encore très liés au formalisme) fut reçu en France et de leur polémique avec André Mazon, on essaie de montrer le parcours accidenté de leur reconnaissance dans la slavistique mondiale, ainsi que les particularités « nationales » et idéologiques de cette réception. La transformation de l'image du formalisme qui, d'une école à demi oubliée de la philologie russe, est devenue une des principales doctrines littéraires de notre époque est due à son positionnement comme ancêtre direct du structuralisme (chez Jakobson) et à l'importance du facteur politique dans l'évolution de la slavistique et des sciences humaines au xxe siècle.
  • Note documentaire

    • Na periferii franko-russkogo al jansa. Istorija odnogo banketa - Roman DOUBROVKINE p. 515-528 accès libre avec résumé
      En marge de l'Alliance franco-russe. Histoire d'un banquet. Les rares contacts personnels des écrivains français avec leurs collègues russes, au cours des années 1890, ne sont, bien évidemment, qu'un détail des relations culturelles entre la France et la Russie, relations liées à des considérations politiques et militaires qui devaient aboutir à l'Alliance franco-russe de 1894. L'un des épisodes majeurs du rapprochement entre les deux États fut, en octobre 1893, une semaine de festivités organisée en l'honneur de la visite à Toulon de l'escadre méditerranéenne russe. En signe de remerciement pour l'hospitalité qui leur avait été accordée, plusieurs délégués de la presse russe, réunis à Paris pour l'occasion, décidèrent d'offrir un dîner. On comptait parmi les invités, côté français, des membres de l'Académie française, des scientifiques, des écrivains, des musiciens, des peintres et des journalistes, côté russe, des membres de l'ambassade de Russie en France et des personnalités résidant à Paris. Les invitations au banquet ont suscité un grand nombre de réponses de la part des personnalités françaises qui représentaient tous les courants traditionnels et modernistes de la vie intellectuelle parisienne. En publiant une petite partie de cet ensemble conservé aujourd'hui à la Bibliothèque nationale russe de Saint-Pétersbourg et en les accompagnant de commentaires détaillés, l'auteur espère ajouter un nouveau paragraphe à ce chapitre peu connu de l'histoire littéraire.
  • Archives

    • Les archives du comité directeur du ZEMGOR - Catherine Gousseff, Olga Pichon-Bobrinskoy p. 529-544 accès libre avec résumé
      Consacrée au « Zemsko-gorodskoj Komitet » (plus connu sous le nom de Zemgor), cette note de recherche présente les archives, non encore inventoriées, du Comité directeur de cette organisation de l'émigration russe, fondée en 1921 à l'initiative d'anciens administrateurs locaux de la Russie pré-bolchevique, et consacrée autant à l'aide sociale aux réfugiés qu'au développement de la vie culturelle et éducative de l'émigration. La présentation du contenu de ces archives (conservées au centre des archives russes de l'université de Leeds) s'articule autour des principaux axes d'investigation d'un projet collectif en cours d'élaboration relatif à l'histoire du Zemgor dans ses différentes dimensions : en tant qu'institution à travers son mode de fonctionnement et les hommes qui l'ont animée ; dans son action au sein de l'histoire communautaire des Russes en exil ; dans sa portée comme organisation privée, témoin de l'émergence de la politique humanitaire moderne dans l'Europe de l'entre-deux-guerres.