Contenu du sommaire : Varia
Revue | Carrefours de l'éducation |
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Numéro | no 14, novembre 2002 |
Titre du numéro | Varia |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Le développement des notions de culture et d'identité : un itinéraire ambigu - Geneviève Vinsonneau p. 2-20 Pour traiter d'inter-culturel, il est nécessaire avant toute chose de s'in- terroger sur la notion de « culture » et sur l'usage qui en a été fait au cours de l'histoire; il est également nécessaire de réfléchir aux condi tions d'émergence de la notion d'« identité » dans le champ des sciences de l'homme et aux fonctions assumées par les anciennes théories dont celle-ci dérive. Le présent article brosse l'itinéraire de la notion de culture. Ancrée dans un passé lourdement entaché par un point de vue civilisationnel et hiérarchisant, la notion de culture s'est progressivement affranchie de l'héritage des Lumières pour connaître l'ouverture du relativisme, qu'autorisa le développement de l'anthropologie scientifique. Oscillant entre la tendance à rechercher la part de l'universel en l'homme et la reconnaissance des particularités qu'il doit au(x) milieu(x) culturel(s) dans le(s) quel(s) il évolue, les anthropologues sont successivement passés d'un modèle explicatif en terme de « nature » à un autre convoquant les « cultures », celles-ci étant envisagées comme causales, distinctes et discontinues. Le point de vue qui privilégie une conception dynamique des cultures et de leurs incessants échanges est récent; il bouleverse les anciennes représentations (statiques et substantialistes) et observe les phénomènes culturels en termes de productions, notamment identitaires. Dans une perspective interactionniste, on parle alors de « stratégies » et de « négociations », les cultures s'érigeant en foyers de ressources pour les constructions identitaires des acteurs sociaux.
- Différences culturelles, confrontations identitaires et universalisme : questions autour de l'éducation interculturelle - Françoise Lorcerie p. 22-39 L'éducation inter-culturelle a été introduite dans les années 1970, pour relever le défide la pluralité croissante de la population scolaire et de la société. Dans les premiers temps, elle couvrit des paradoxes redoutables. La réflexion ultérieure a permis de les identifier et de préciser des orientations éducatives fortes: l'éducation interculturelle doit viser à enrichir les savoirs, à développer les capacités relationnelles, à affirmer les valeurs démocratiques. L'article examine deux grandes questions théoriques auxquelles répond cet enrichissement souhaitable du programme de l'éducation scolaire. Tout d'abord, en quoi consiste la pluralité supposément culturelle de la société française? En réalité, sous couvert de culture, il s'agit surtout d'identités; et sous couvert de pluralité, il s'agit d'imputations ou de revendications d'altérité en relation avec l'origine supposée, c'est-à-dire d'ethnicité. L'approche pédagogique de la pluralité « culturelle » devrait donner aux élèves les moyens de repérer les processus identitaires, spécialement les processus ethniques. Deuxième question, comment penser l'universalisme démocratique dans un environnement ethnicisé? Cela implique de réexaminer la notion de « culture commune » de la société. Au plan normatif, ce qui fait le ciment de cette société, c'est principalement le droit et la solidarité qu'elle construit entre tous ses membres, indépendamment de leurs affiliations et des valeurs culturelles dont ils se réclament. Là est idéalement sa « culture commune »: les mœurs majoritaires n'en font partie que sous réserve d'examen.
- L'enseignement du fait religieux dans l'école publique ? - Fernand Ouellet p. 40-58 Au cours des der-nières années, de nombreux observateurs de la scène contemporaine ont déploré l'ignorance des générations montantes sur les traditions religieuses d'ici et d'ailleurs. Certains considèrent que cette ignorance présente des risques sérieux pour la démocratie et pour la compréhension entre les peuples. Après avoir fourni quelques indications sur la diversité des conceptions de la citoyenneté et sur les implications de cette situation pour l'éducation à la citoyenneté, l'article s'interrogera sur l'importance de l'étude des systèmes symboliques et des questions de sens dans l'éducation des futurs citoyens. Cette analyse s'appuiera sur un examen des débats récents sur la place de la religion à l'école suite à l'abolition de la protection constitutionnelle du caractère confessionnel du système scolaire québécois, en 1997. Elle s'appuiera également sur les recommandations du Rapport Debray en France. Ces débats ouvrent des pistes intéressantes sur les conditions à mettre en place pour que l'éducation à la citoyenneté accorde plus de place à l'exploration des systèmes symboliques et à la réflexion sur les questions de sens.
- Autonomie et dialogue interculturel - Gilles Verbunt p. 60-74 Les non-occidentaux ont souvent du mal à considérer l'au-tonomie de l'indi- vidu moderne comme une valeur positive pour la société et la personne. La tension entre moder nité et tradition fait partie aussi bien des relations internationales que des processus d'intégration des immigrés dans la société d'accueil. Les modernes n'acceptent pas de renoncer à des valeurs durement acquises; les traditionnels redoutent le désordre et la dissolution des liens sociaux. S'agit-il d'une frontière impossible à franchir par le projet interculturel? L'issue passe par la mise en question de l'individualisme, qui, selon l'auteur, est une déviation de l'autonomie. Une meilleure compréhension et un exercice cohérent de la valeur de l'autonomie chez les occidentaux contribueraient certainement à en diminuer l'opposition chez les non-occidentaux et à donner ses chances au dialogue interculturel.
- Les enjeux d'une formation à la pratique en interculturel : le cas des étudiants en psychologie en Afrique du Sud post-apartheid - Vijé Franchi p. 76-94 En Afrique du Sud, la racialisation de la réa-lité subjective, socio-économique et poli- tique des années d'apartheid, suscite des enjeux pour la formation interculturelle de psychologues dans des uni- versités désormais multiculturelles. Historiquement, les psychologues (à 90 % de la minorité blanche) servaient majoritairement les besoins de leur propre groupe. Les traumatismes psychiques et sociaux causés par la violence de l'apartheid et de ses agents étaient d'autant plus importants que réduits au silence. Depuis 1994, les priorités de réconciliation entre les groupes antérieurement maintenus séparés par la législation et l'idéologie racistes de l'apartheid nécessitent d'interroger les pratiques et les contenus d'enseignements dont la vocation consistait à former des professionnels au service d'une élite, en pratique libérale. Cet article propose un bilan des enjeux pédagogiques et politiques de l'éducation interculturelle des psychologues: il passe en revue les objectifs des approches développées ces dernières années en université. Celles-ci visent à sensibiliser les étudiants aux phénomènes psychosociaux du contact entre groupes maintenus ségrégués; à leur fournir les moyens d'analyser leurs propres réactions et stratégies défensives dans de telles situations; à contenir, élaborer et déracialiser les affects négatifs résultant de la racialisation simultanée de l'identité et des lectures du monde; à développer les compétences interculturelles qu'exige l'intervention dans des communautés ravagées par l'apartheid (compétences de communication dialogique, d'alternance des cadres de référence, de travail participatif et de tolérance aux ambiguïtés qui surgissent avec le choc et l'incompréhension interculturels).
- La formation des enseignants à l'interculturel : modèles et pratiques - Milena Santerini p. 96-105 L'é d u c a t i o n interculturelle dans l'école présente un lien étroit avec le modèle de nationalité qu'une société exprime. La formation des ensei gnants doit pourtant affronter les problématiques interculturelles de ce point de vue aussi, en mettant en relation les cultures et le projet civique d'une nation dans un contexte global. Comme caractéristique particulière du cas italien, on peut observer que dans le processus d'intégration des immigrés ce n'est pas un choix « fort » d'assimilation dans le système politique national qui a prévalu. Afin de proposer des innovations dans la formation initiale et continue des enseignants il faut ainsi éclairer la place attribuée actuellement, dans le cursus scolaire et dans la formation, aux thématiques interculturelles et à celles de la nationalité, pour bâtir des modalités formatives qui puissent intégrer la dimension interculturelle dans le plus vaste problème de l'éducation à la citoyenneté dans la société globale. Du point de vue de la place de l'interculturel dans le curriculum scolaire, l'Italie ne fait pas exception par rapport aux autres situations européennes, qui voient la pluralité linguistique et culturelle reléguée à une dimension marginale au lieu d'être considérée comme constitutive. On veut approfondir l'approche selon laquelle l'interculturel doit être relié au point de vue plus large de la citoyenneté, aussi bien dans le cursus scolaire que dans la formation des enseignants. En particulier, c'est la dimension interculturelle qui doit être développé et intégrée dans le cursus de l'éducation à la citoyenneté et dans la formation des enseignants.
- Race, classe et éducation : un exemple afro-américain - Thomas K. Fitzgerald p. 106-119 Le multiculturalisme comporte le respect de diversités de plus en plus caractéristiques des sociétés modernes. Pourtant le mot multiculturalisme reste polysémique et source de malentendus. Cet article examine des présupposés du mouvement multi culturel dans le contexte des débats sur les contenus d'enseignement et le public auquel ils s'adressent. Il est démontré ici que les tensions entre les groupes ne semblent pas se rapporter essentiellement à la culture mais proviennent d'inégalités relatives au pouvoir et à la place dans la société, i.e., provenant de différences de race, de sexe et de classe, barrières que les enseignants trouvent quelquefois moins faciles à exprimer. La diversité peut inclure la diversité culturelle mais il est inutile de s'y référer pour les questions de diversité de race et de classe, quand des éléments culturels ne sont pas en cause. La volonté d'accentuer les différences a mené à une confusion entre culture et identité entraînant une polarisation croissante dans l'éducation américaine. La tendance dans la société américaine est de trop expliquer les différences humaines. Les recherches innocentes sur les identités locales peuvent conduire à un usage incontrôlé de la notion de diversité. Dans la mesure où le mouvement multiculturel a changé « le multiculturalisme » en un euphémisme désignant les problèmes sociaux plus compliqués (de race, de classe, et de genre), il devient plus difficile d'accomplir de réelles réformes éducatives. L'éducation afroaméricaine offre un exemple (case study) de ce processus. Dans les débats sur le multiculturalisme, on ne doit pas oublier les conséquences pédagogiques imprévues du mouvement multiculturel.
- L'éducation interculturelle en France : un ensemble de pratiques évolutives au service d'enjeux complexes - Jennifer Kerzil p. 120-159 C'est un inven-taire des études sur « l'éducation intercultu- relle » en France, de 1970 à nos jours que propose cet article. L'interculturel y est abordé dans les sciences de l'éducation mais aussi dans les champs de la politique, de l'histoire, de la sociologie et de la psychologie. Que signifie la notion d'« éducation interculturelle »? Comment l'école française, laïque et républicaine, envisage t'elle la diversité culturelle dont les élèves qu'elle accueille sont porteurs? Quels sont les objectifs des projets à visée interculturelle? Sur quelles méthodes pédagogiques peuvent-ils s'appuyer? Quelles dérives risque de faire surgir la mise en place d'une action interculturelle? Un projet d'« éducation interculturelle » a-t-il encore lieu d'exister aujourd'hui? On envisage ici ces questions en cherchant à comprendre les modes de traitement de l'altérité dans l'école française.
- Notes de lecture - p. 160-178