Contenu du sommaire : Guerres justes
Revue | Raisons Politiques |
---|---|
Numéro | no 45, février 2012 |
Titre du numéro | Guerres justes |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Éditorial
- La guerre juste au prisme de la théorie politique - Daniel R. Brunstetter, Jean-Vincent Holeindre p. 5-18
Dossier
- Entre droit et politique : Des origines romaines de la guerre juste au système international des États - Philippe Raynaud p. 19-34 L'objet de cet article est de présenter les transformations qu'a subies la problématique de la guerre juste dans l'histoire de la pensée politique, afin de tenter une évaluation de sa pertinence dans la période contemporaine. Nous rappelons d'abord les origines romaines et chrétiennes du problème de la guerre juste pour mettre en lumière les difficultés que présente sa transposition dans le cadre moderne, marqué par les guerres de religion et l'émergence de la figure de l'État souverain. Après avoir présenté la doctrine de Grotius, considérée comme une tentative de synthèse entre une doctrine classique de la guerre juste et une théorie moderne de l'État, nous tâchons de montrer comment, durant la « première modernité », on a substitué à la doctrine de la guerre juste celle de l'équilibre des puissances, qui émerge à partir de la réflexion philosophique sur les traités de Westphalie. Cette doctrine, qui trouvera sa formulation classique dans la philosophie du droit de Hegel, ne renonce pas nécessairement à tout discours sur la justice, mais elle substitue au paradigme de la guerre juste celui de la reconnaissance mutuelle des États comme moyen de limitation des enjeux de la guerre. Au 20e siècle, à l'épreuve des guerres, la conception classique de la puissance et de l'ordre juridique moderne a été ébranlée, ainsi que l'a bien mis en évidence Carl Schmitt. Cependant, la rhétorique de la guerre juste survit à la fois dans les guerres menées contre l'« Occident » et dans celles que font les démocraties au nom de la « communauté internationale ».Between law and politics. From the Roman origins of the just war to the international state order
This article shows how the issue of the just war has evolved in the history of political thought, and he assesses its relevance today. The first part is devoted to the Roman and Christian roots of the just war, an issue which cannot be easily transposed from the ancient times into the modern ones because of the emergence of religious wars and the rise of sovereign states. Grotius's doctrine – which is regarded as an attempt to reach a synthesis between the classic theory of the just war and a modern theory of state – is explained. Then, the writer shows how the doctrine of the just war was, during the first modern times, superseded by the theory of the balance of powers, which appeared in the wake of the philosophical reflexion on the Westphalia treaties. This doctrine, the classic formulation of which is to be found in Hegel's philosophy of law, has not necessarily discarded the discourse on justice, but it has substituted the paradigm of the just war for that of mutual recognition between states as a means to limit the consequences of war. In the twentieth century, the classic views of power and law-order were seriously unsettled by the various wars, as was clearly shown by Carl Schmitt. The rhetoric of the just war has endured, however, both for the wars that are waged against the Western states and for the wars that democracies wage on behalf of the international community. - L'impérialisme défensif existe-t-il ? Sur la théorie romaine de la guerre juste et sa postérité - Hugo Castignani p. 35-57 Une majorité d'historiens modernes tend à expliquer la formation de l'Empire romain à partir de la notion d'impérialisme défensif. Cette thèse reste incontestée jusqu'au dernier quart du 20e siècle, et elle était déjà avancée par les Romains eux-mêmes pour justifier leur conquête militaire. Le concept d'impérialisme défensif est ensuite repris par tous les auteurs qui, depuis saint Augustin, se sont consacrés à la question de la guerre juste. On le retrouve également dans le discours des acteurs politiques justifiant la guerre préventive. Cet article entend montrer que ce concept éclaire sous un jour nouveau les conditions d'apparition du discours de la guerre juste. C'est une pièce centrale du dispositif justificateur de la guerre, dans son sens double de structuration du discours et de régulation des pratiques étatiques. Par conséquent, l'impérialisme défensif va bien au-delà de sa signification historique initiale, opérant à deux niveaux du discours sur la guerre : à un niveau descriptif ou historique, comme figure de la formation de l'État par expansion territoriale ; à un niveau prescriptif, comme horizon dans lequel se justifie la guerre préventive. Il s'agit enfin de répertorier les usages qui en ont été faits, afin d'intégrer la thèse de l'impérialisme défensif dans l'histoire et la théorie de la guerre juste.Can one speak of defensive imperialism ? On the Roman theory of the just war and its posterity
Most modern historians have tended to explain the formation of the Roman Empire with the notion of “defensive imperialism”, a thesis that has remained unchallenged until the last quarter of the twentieth century but was also used by the Romans themselves to justify the formation of their empire. Moreover, the concept of defensive imperialism returns periodically in all the authors who have devoted themselves to the question of just war, most notably in the speeches of politicians and scholars justifying preemptive war. This article thus explores the ways in which this concept can cast a new light on the rules of formation of the discourse of just war – the central element in the mechanism of justification of war – in its double meaning of discourse structuration and of regulation of state practices, transcending its original function as an explanatory cause of the Roman Empire. Therefore, our purpose is first to show how this concept operates on two different levels of discourse, one descriptive or historical (as a figure of state formation through territorial expansion) and the other prescriptive (as the horizon in which preventive war is justified), and finally to identify its uses by several theoretical discourses taken from different historical periods, to see how we can integrate the concept of defensive imperialism into the history and theory of just war. - Yes, we can ? La théorie de la guerre juste dans les campagnes présidentielles américaines (2000-2008) - Daniel R. Brunstetter, Jean-Claude Héberlé p. 59-80 La tradition de la guerre juste offre un ensemble de lignes de conduite pour mener une guerre, qui sont toutefois sujettes à hiérarchisation et à interprétation. Aux États-Unis, la séparation entre Républicains et Démocrates implique des visions différentes de la guerre juste, qui influencent la conduite de l'action extérieure et la politique militaire. Pour examiner la manière dont les responsables politiques américains s'approprient la théorie de la guerre juste, nous examinerons les débats présidentiels de 2000 (Bush-Gore), de 2004 (Bush-Kerry) et de 2008 (McCain-Obama). Ces débats offrent un très bon aperçu des principales questions relatives à la guerre durant la première décennie du nouveau millénaire, dans la perspective des États-Unis. Ils mettent également en évidence des différences significatives quant à la façon d'interpréter et d'appliquer les notions de dernier recours, de juste cause et d'autorité légitime, qui fondent la conception du jus ad bellum. Ils montrent enfin que l'interprétation de la théorie de la guerre juste change non seulement en fonction des évolutions de la sécurité internationale et de la perception des menaces (notamment terroristes), mais aussi, dans le contexte américain, en fonction des échecs imputés à l'administration précédente.Yes, we can ? The just war theory in the American presidential campaigns (2000-2008)The just war tradition provides an ensemble of principles for when and how to wage war, but these principles are subject to hierarchy and interpretation. In the United States, the division between Republicans and Democrats delineates different approaches to interpreting the just war tradition that influence the way its principles are applied. To explore the ways in which the just war tradition has been appropriated, I examine the presidential debates of 2000 (Bush-Gore), 2004 (Bush-Kerry) and 2008 (McCain-Obama). These debates provide a lens through which to interpret the salient questions regarding war in the first decade of the third millennium from the perspective of the United States. They demonstrate important differences in the interpretation and application of the principles of last resort, just cause, and legitimate authority. They also suggest that the just war tradition changes not only in relation to external factors (such as terrorism), but also, at least in the US context, according to the perceived failure of the previous administration.
- Les deux guerres justes. L'éthique de la guerre face aux évolutions récentes de la conflictualité internationale - Jean-Vincent Holeindre p. 81-101 Cet article vise à mesurer l'impact des transformations de la conflictualité internationale sur l'éthique de la guerre. Il s'agit tout d'abord de montrer que l'effacement de la guerre interétatique au profit de guerres « irrégulières » représente un défi à la fois moral et politique pour les démocraties occidentales qui y sont confrontées. Nous examinons ensuite les effets de l'évolution du droit international sur l'éthique de la guerre. Le droit de la guerre « grotien », fondé sur les théories de la guerre juste héritées de l'Antiquité, avait initialement pour but de limiter le recours à la force et les effets meurtriers de la guerre. Le droit des conflits armés, en tant que domaine spécifique du droit international humanitaire, considère la guerre comme une pathologie qui justifie le recours à l'« intervention » militaire motivée par des raisons humanitaires. Deux logiques différentes se dégagent, qui correspondent à deux définitions distinctes de la guerre juste : dans l'approche classique initiée par Grotius, celle-ci répond à certains critères normatifs et constitue un conflit « dans les formes » entre États qui se reconnaissent mutuellement comme entités légitimes. Dans l'approche nouvelle, est dite juste une guerre qui consiste à intervenir là où les droits de l'homme et la démocratie sont bafoués. Face à cette évolution, les armées des États démocratiques tentent de s'adapter : la morale traditionnelle du soldat, fondée sur l'idéal chevaleresque et la théorie des vertus, est concurrencée par une déontologie appliquée au métier des armes, qui vise à régler les questions morales par un discours fondé sur la compétence professionnelle.The two just wars. The ethics of war within the context of the current changes in international conflicts. This paper assesses the impact of the current changes in international conflicts on the ethics of war. It shows how the fact that interstate wars tend to be superseded by irregular wars is both a moral and political challenge that democracies now have to face. The effects of the changes in international law on the ethics of war will also be analysed. The "Grotian" law of war, based on the theory of the just war inherited from ancient times, initially put limits to resorting to strength while considering the war death toll. The armed conflicts law, which is a specific part of the international humanitarian law, regards war as a pathology which may justify military intervention if it is motivated by humanitarian reasons. Two logics are here confronted : they correspond to two different definitions of the just war. According to the classic approach which was developed by Grotius, the war is just when it complies to a number of normative criteria, and implies a conflict waged according to set rules between states which recognise one another as lawful entities. In the new approach, the war is just if it means an intervention where human rights and democracy are under threat. The armies of democratic states gradually have to adjust to this new state of affairs. The traditional soldier's ethics, which used to be grounded in the chivalry ideal and the virtue-theory now competes with a deontology applied to the war-waging profession, according to which moral dilemmas are solved by a discourse on professional competence.
- Quand intervenir ? Le critère du dernier recours dans la théorie de l'intervention humanitaire armée - Jean-Baptiste Jeangène Vilmer p. 103-127 Il est communément admis que toute intervention militaire, même justifiée par des raisons humanitaires, doit être menée « en dernier recours ». Mais qu'est-ce que le dernier recours ? Cet article met en évidence quelques problèmes épistémologiques posés par ce critère classique de la doctrine de la guerre juste, qui est également contre-intuitif face à une urgence humanitaire : épuiser tous les recours, n'est-ce pas perdre du temps ? Ce critère est également problématique en ce qu'il présuppose que l'usage de la force armée est toujours la pire des options, alors que ce n'est pas forcément le cas. Cet article corrige et reformule le principe du dernier recours dans le cadre d'une éthique réaliste du moindre mal.When is intervention necessary ? The last recourse criterion in the theory of armed humanitarian intervention. There is a widespread agreement that any military intervention, even when justified on humanitarian grounds, should be conducted “as a last resort”. But what is last resort ? This article highlights the epistemological problems in this classic criterion of the just war doctrine, which is also counter-intuitive when facing a humanitarian emergency : exhausting all other measures, isn't that losing precious time ? This criterion is also problematic in that it implies that the use of military force is always the worst option, which is not necessarily the case. This article corrects and reformulates the principle of last resort into one of the least bad option, within the framework of a realist ethics of the lesser evil.
- De la fumée et des miroirs. Justice d'après-guerre, dramaturgie et dissensus politique - Julie Saada p. 129-161 Cet article examine, à partir des modèles éthiques qu'elles sollicitent, les normes promues par les théories du jus post bellum et de la justice transitionnelle. La vocation transitionnelle assignée aux procès pour crimes de masse oscille entre un désir d'éveiller des affects communs de rejet des crimes par une éducation sentimentale, et une mise en scène de la rationalité délibérative. Elle oscille ainsi entre une vision consensuelle du politique et une vision qui tente d'articuler pluralisme libéral et conception post-moderne du dissensus. Enfin, elle oscille de manière ambivalente entre le désir de juger individuellement les responsables des crimes en vertu de la lutte contre l'impunité et d'une vision rétributiviste de la peine, et le désir de fonder ou de refonder la nation au moyen d'un procès de l'histoire en vertu d'une vision conséquentialiste. Les objectifs donnés à ces procès résultent ainsi d'une projection dans le domaine pénal de certaines attentes issues d'une moralisation du droit.Smoke and Mirrors : Post-war justice, dramaturgy, and political dissensus
This article examines the norms promoted by theories of jus post bellum and transitional justice in light of the ethical models that they invoke. The transitional vocation assigned to trials concerning mass atrocities ambivalently oscillates between a desire to provide a sentimental education that would affectively awaken a rejection of the crimes, and a staging of deliberative rationality. They oscillate between a consensual vision of the political, and a vision that tries to articulate the liberal pluralism and a post-modern conception of the dissensus. Finally, these trials ambivalently oscilate between a retributivist vision of punishment that seeks to individually judge those responsible for the crimes in the name of a struggle against impunity, and the desire to establish, or re-establish, a nation by means of a historical trial, in the name of a consequentialist vision of punishment. The objectives assumed by those trials thus result from a projection of expectations issuing from a moralization of law into the criminal domain. - La justice après la guerre. Pour une nouvelle Convention de Genève appliquée au jus post bellum - Brian Orend, Jean-Claude Héberlé p. 163-186 Cet article défend l'idée d'une nouvelle Convention de Genève qui serait exclusivement centrée sur les problèmes posés lors des sorties de guerre. Il existe de nombreuses lois internationales qui encadrent aussi bien le début que le déroulement de la guerre, plusieurs de ces lois revêtant une signification stratégique et morale. Pour compléter l'analyse des effets de la guerre sur la vie internationale, il faut désormais envisager aussi la phase finale des guerres. Dans cette perspective, cet article vise à forger un éventail de principes pouvant guider les communautés politiques qui cherchent à résoudre leurs conflits armés et à négocier une paix durable. Pour penser cette justice après la guerre, on peut se tourner vers deux exemples : celui de la revanche et celui de la reconstruction. Nous critiquons dans un premier temps le modèle de la revanche, qui a présidé aux accords qui ont suivi la Première Guerre mondiale, puis plus tard ceux de la guerre du Golfe persique. Enfin, l'article suggère que l'objectif de la justice d'après-guerre doit être la construction d'un « régime de justice minimale » chez l'agresseur vaincu. Fondée sur les enseignements de l'histoire, cette réflexion sur la justice d'après-guerre est organisée en dix points qui sont autant d'étapes du processus de sortie de conflit.Justice after war : Towards a new Geneva Convention applied to Jus post bellum
In this article, I argue in favor of an entirely new Geneva Convention that will be exclusively centered on the vital problems that follow the end of wars. There are numerous international laws that frame the beginning of war and the way wars are fought. In addition, several of these laws assume a strategic significance and a moral sense. In order to complete our analysis of the numerous impacts of war on international life, we therefore need to consider the end phase of war. The objective of this article is to construct a general theory of the plausible principles that could guide communities that seek to justly and decently resolve their armed conflicts. We can turn to two important and contrasting models of justice after war : revenge and reconstruction. I criticize the model of revenge by examining the peace accords that followed World War I, and later the first Persian Gulf War. Then I suggest that the objective of justice after war should be the construction of what one could call “a regime of minimal justice” in the state of the defeated aggressor. Based on what we learn from history, I delineate what I call a recipe of ten steps to lead the process from beginning to end.
- Entre droit et politique : Des origines romaines de la guerre juste au système international des États - Philippe Raynaud p. 19-34
Varia
- Les états de la définition wébérienne de l'État - Marian Eabrasu p. 187-209 Cet article étudie la définition wébérienne de l'État (le monopole de la violence légitime) et s'attache à comprendre l'usage que la théorie politique pourrait en faire. L'article formule d'abord deux critères pour évaluer la pertinence d'une définition de l'État : l'exclusivité (la définition de l'État circonscrit-elle des agencements étatiques ?), et l'exhaustivité (la définition de l'État couvre-t-elle la diversité des agencements étatiques ?). Afin de mieux évaluer la pertinence de la définition wébérienne de l'État, ses parties constituantes sont ensuite décomposées : le « monopole de la violence » et la « violence légitime ». En fin de compte, l'article explique les difficultés de cette définition à satisfaire simultanément les deux critères susmentionnés.The states of the Weberian definition of the State
This article analyzes the Weberian definition of the state (monopoly of legitimate violence) and aims to determine its usefulness for political theory. At the outset, the article formulates two criteria for assessing the pertinence of this definition : exclusivity (can this definition distinguish the State from other organizations ?) and exhaustivity (can this definition cover all types of States ?). Next, the article divides the Weberian formula in its constituent parties (“monopoy of violence” and “legitimate violence”) in order to understand whether it meets the aforementioned criteria. The conclusion emphasizes the difficulties of this definition in simultaneously being exclusive and exhaustive. - La traversée du politique : Derrida et Ric?ur entre pureté de la philosophie et tragique de l'action - Benjamin Boudou p. 211-233 Cet article propose un examen comparé et critique de la pensée politique de Paul Ric ur et de Jacques Derrida. Il s'agit d'analyser deux manières singulières d'agencer philosophie, éthique et théorie politique. Leur étonnante proximité thématique et leur méfiance commune vis-à-vis d'une politique purement procédurale et libérale ne doivent pas masquer des différends profonds quant à l'interprétation du sens de la justice et de la souveraineté. Le débordement éthique par l'inconditionnalité de l'« événement » chez Derrida s'oppose radicalement au souci de Ric ur pour l'« institution » et le lien social. Illustré par le concept d'hospitalité développée tardivement par l'un et par l'autre, cette différence d'approche implique de refuser à la fois l'ignorance de la théorie politique pour la pensée de Derrida, mais aussi une mobilisation trop hâtive de ses concepts avant tout philosophiques.Accross politics : Derrida et Ricoeur between the purity of philosophy and the tragic dimension of action
In this paper I compare and examine critically the political thought of Paul Ricoeur and Jacques Derrida. I analyze their specific ways of combining philosophy, ethics, and political theory. Despite the fact that they share specific concepts and criticize purely procedural and liberal definitions of the political, they profoundly disagree on the meaning of justice and sovereignty. Derrida's overflowing ethical and unconditional "event" has to be radically opposed to Ricoeur's attention for the "institution" and social cohesion. The concept of hospitality tackled lately by both authors illustrates this main opposition. Finally, I argue for a political theory approach to Derrida while calling for a cautious use of his first and foremost philosophical concepts. - Sous le regard de Kracauer. Socio-anthropologie politique du temps présent - Patrick Vassort p. 235-249 Depuis quelques années, la France (re)découvre les travaux de Siegfried Kracauer dans une oeuvre qui résiste aux classements et aux catégories. Sa vie, comme celle de nombreux intellectuels juifs de la première partie du 20e siècle, est marquée par la situation sociale et politique allemande dont il se saisit. Profondément réceptif aux évolutions urbaines, il observe des images qui lui donnent l'occasion de proposer des « aperçus de l'Allemagne nouvelle ». Sa relation aux réalités sociétales se manifeste au travers de « regards » qui concernent tant l'urbanisation dans sa globalité que l'organisation des loisirs et des divertissements, l'organisation du travail ou la production culturelle au sein de la société capitaliste. Ce texte propose donc deux hypothèses. La première concerne la méthode d'observation et d'énonciation du Kracauer d'avant l'exil. Il est possible que celui-ci vise, contrairement à ce qui est énoncé le plus fréquemment, à la construction d'une totalité, à la compréhension d'une société totale. La seconde hypothèse est que le travail de Kracauer donne des éléments épistémologiques, socio-anthropologiques et politiques permettant l'analyse des sociétés contemporaines.Under the eye of Kracauer. Social anthropology of the present time
For a few years, France has rediscovered Siegfried Kracauer's research studies in a work which resists classification and categorization. His life, like that of many Jewish intellectuals in the first part of the twentieth century, was marked by Germany's political and social situation that he focuses on. As he was deeply receptive to urban evolutions, he considered pictures which gave him the opportunity to suggest "glimpses of the new Germany". His relation to societal realities was made obvious through "views" concerning urbanization as a whole as much as the organization of leisure and entertainment, the organization of work or the cultural production within the capitalistic society. The following text thus suggests two hypotheses. The first one is related to Kracauer's method of observing and stating before his exile, when he might, contrary to what is usually asserted, have considered building a whole, understanding a whole society. The second hypothesis is that Kracauer's work may provide epistemological, socio-anthropological and political elements which allow the analysis of contemporary societies.
- Les états de la définition wébérienne de l'État - Marian Eabrasu p. 187-209