Contenu du sommaire : Politiques d'éducation et identités territoriales
Revue | Carrefours de l'éducation |
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Numéro | no 38, décembre 2014 |
Titre du numéro | Politiques d'éducation et identités territoriales |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Fusion-absorption Colin-Dunod - Christine Berzin p. 5-6
Dossier : Politiques d'éducationet identités territoriales
- Politiques d'éducation et identités territoriales - Bruno Garnier p. 7-14
Dossier : Politiques d'éducation et identités territoriales
- Des « petites patries » aux « patrimoines culturels » : un siècle de discours scolaires sur les identités régionales en France (1880-1980) - Youenn Michel p. 15-31 L'analyse des manuels primaires et des instructions officielles de la IIIe République a mis en évidence l'affection républicaine pour les petites patries. Si les républicains revendiquent la mission de francisation attribuée à l'école par la Révolution, l'éveil du patriotisme dans la France des années 1880-1930 s'est fondé sur le renforcement du sentiment d'identité locale. L'article rappelle les caractéristiques de ce discours scolaire, qui consacre la patrimonialisation des traditions populaires, tout en leur déniant toute forme d'autonomie politique ou sociale. La prégnance de ces représentations s'observe dans la reprise qu'en font le régime de Vichy et les mouvements régionalistes eux-mêmes. Cependant, à partir des années 1950, ce discours scolaire entre en obsolescence, du fait des transformations socioéconomiques qui affectent les régions françaises, mais aussi des réformes structurelles de l'enseignement. Néanmoins, à partir de 1977, le danger de captation des références aux identités culturelles par des mouvances régionalistes détermine le ministère de l'Éducation nationale à réactiver un discours intégratif sous forme d'une valorisation des patrimoines culturels régionaux.
- Question identitaire et curricula d'histoire et éducation civique depuis les années 1980 - Laurence De Cock p. 33-49 Nous ferons ici l'hypothèse d'une coexistence et d'une concurrence des deux finalités identitaires de l'enseignement de l'histoire depuis une trentaine d'années. D'un côté, l'histoire scolaire reste le vecteur d'une identité nationale relevant d'un récit commun et consensuel à partager ; de l'autre, elle fait l'objet d'une inflation de demandes de reconnaissance de la part d'identités plus singulières, soucieuses d'être circonscrites comme telles dans le récit scolaire du passé. La seconde finalité ne se substitue pas à la première, elles tiennent ensemble. Nous étudierons trois moments spécifiques où s'est négociée cette concurrence : la décennie des années 1980 au cours de laquelle la question migratoire se rend politiquement visible et oblige l'École et l'enseignement de l'histoire à se repositionner ; les années 1990 où fait religieux et laïcité deviennent une manière de reconnaître et d'aborder les identités multiples tandis que se développe le paradigme mémoriel, et enfin les années 2000 où les finalités s'émiettent mais tiennent encore ensemble le multiple, le commun, le singulier et le pluriel, non sans de véritables tensions politiques.
- La question de la « pédagogie régionaliste » à partir des années 1900 : le cas de la langue d'oc de Mistral aux Calandretas - Hervé Terral p. 51-64 L'expression « pédagogie régionaliste » ouvrant la voie à une réflexion d'ensemble sur l'enseignement de la langue d'oc et la culture occitane a été explicitement employée par Jean Aurouze (thèse en 1907) à propos de l'enseignement du provençal, posant la question du contenu (patois, dialecte, langue standard unifiée) et des méthodes appropriées. À ses côtés, Frère Savinien a été le principal promoteur d'une « méthode de la traduction » (à partir de versions provençales). Leurs interrogations ont été reprises à la même époque par d'autres auteurs (Perbosc, Estieu), plus ouverts sur une démarche ethnographique de collecte, puis par la mouvance occitaniste après la loi Deixonne de 1951 (groupe « Antonin Perbosc », secteur pédagogique de l'Institut d'études occitanes, approuvés par C. Freinet), dans les écoles autonomes (Calandretas) ou publiques bilingues de nos jours - tout ceci dans un contexte de faible tolérance de la pluralité linguistique par l'État. Cet article examine la contribution de quelques acteurs clés de ces différents courants.
- École et sentiment identitaire en Corse, sous la IIIe République - Pascal Ottavi p. 65-79 La Corse, sous la IIIe République et même avant, a pleinement joué le jeu de l'intégration à l'ensemble national. Pour autant, elle n'en a pas, dans le même temps, renoncé à y signifier sa singularité. Cela se manifeste particulièrement dans la façon dont, historiquement, question linguistique et question politiques sont indissolublement liées. Cet article examine les contradictions dont l'installation du paradigme républicain fait l'objet au sein du système éducatif, avant et après la première guerre mondiale en Corse. Sur un plan général, est posée la question des visions de l'école à travers la question de l'imposition du français vue par deux auteurs ayant vécu cette époque, Mathieu Ceccaldi et Antoniu Trojani. Sur un plan plus spécifique, est abordée la question de l'enseignement de l'histoire, à laquelle on peut annexer celui de la géographie. Il s'agit d'examiner comment les auteurs locaux, encouragés qu'ils sont à promouvoir l'enseignement des petites patries, concilient aspirations identitaires et exigences républicaines, parfois au prix de contorsions assez confondantes vis-à-vis de la réalité des faits.
- Construction d'une identité nationale biélorusse au prisme de la politique éducative - Anna Zadora p. 81-101 Le présent article est consacré à la construction d'une identité nationale biélorusse à travers la politique éducative et, plus particulièrement, de l'enseignement scolaire de l'histoire. Nous insistons sur l'emploi de l'article indéfini devant le terme d'identité, car la mise en place des liens d'identification qui lient l'individu à différents groupes est toujours dynamique et plurielle. La production du sentiment d'adhésion à un groupe est souvent tributaire du travail d'identification opéré par l'État national à travers la politique éducative. En étudiant l'évolution de la politique éducative se rapportant aux disciplines majeures pour la construction identitaire, comme l'histoire nationale, nous analyserons l'éducation à l'identité dans le contexte biélorusse. Cette évolution est analysée à travers trois périodes de la politique éducative biélorusse : la période soviétique, la perestroïka et la période actuelle. Les transformations de la politique éducative, reflétées par les manuels scolaires et notamment dans les manuels scolaires d'histoire feront l'objet d'une analyse particulière. L'examen des résultats de recherches sociologiques récentes portant sur l'identification des Biélorusses confirme l'hypothèse du rôle majeur de la politique éducative dans la construction des liens d'identification entre les membres d'une nation.
- L'impact social et culturel de la construction éducative européenne - Bernard Esmein p. 103-125 L'Union Européenne a peu de compétences juridiques dans le domaine éducatif, néanmoins la construction Européenne a un impact évident sur l'éducation, le processus de Bologne le montre. Mais a-t-elle un rôle constructif, comme dans les constructions nationales, ou bien déconstructif ? L'éducation prépare ici la communauté humaine sur un territoire en pleine expansion économique, et c'est quand le grand marché s'ouvre que l'UE en a besoin, et qu'elle devient une compétence communautaire. Mais le marché débordant du cadre national, qu'advient-il de la communication et de l'homogénéité culturelle dont l'État a fait un outil puissant au service de la croissance comme l'a montré E. Gellner ? L'article montre que la question centrale est celle de la mobilité et de l'exosocialisation comme l'appelle Gellner, et que les systèmes ne sont pas affectés de manière homogène. La nouvelle forme d'exosocialisation est cosmopolite, concerne peu le primaire, un peu plus le secondaire et touche par excellence le supérieur. Les États ménagent ainsi identité nationale et ouverture exosocialisante. On peut parler d'impact différencié de l'exosocialisation, et d'apparition d'un nouvel habitus menant tendanciellement à la diglossie, qui est d'abord le fait des élites.
- Territoires, identités et politiques d'éducation en France - Bruno Garnier
- Des « petites patries » aux « patrimoines culturels » : un siècle de discours scolaires sur les identités régionales en France (1880-1980) - Youenn Michel p. 15-31
Varia
- Genèse axiologique de l'école de la République - Daniel Janichon p. 159-173 Avant même que le dix-neuvième siècle ne place en tête des programmes l'éducation religieuse et morale, le catéchisme catholique avait durablement et massivement imprégné la culture axiologique des petits français. Celle des concepteurs de programmes de morale de la IIIe République est par ailleurs plus proche d'une sensibilité protestante. A partir de trois manuels de catéchisme (catholique, protestant et israélite) antérieurs aux programmes de 1882, il est possible de discerner certaines parentés entre plusieurs préceptes religieux et la morale pour le cours moyen. Ainsi, les devoirs envers la famille et envers soi-même reprennent les injonctions des commandements ou des péchés capitaux catholiques. Quant à la tolérance et aux devoirs envers Dieu, que réclame le texte de Jules Ferry c'est probablement davantage de la catéchèse protestante qu'ils découlent. Si l'avènement de la République en modifie les références, sa « morale » s'inspire pour une large part de contenus catéchistiques.
- Des effets du plan réussite en licence sur la sélection universitaire en première année de licence - Cathy Perret, Sophie Morlaix p. 175-191 Poursuivant l'examen du plan réussite en licence (PRL) sur la réussite étudiante, cet article montre ses effets différenciés selon le passé scolaire. Les années de PRL se conjuguent ainsi avec une stagnation voire une baisse de la réussite, exceptée pour les jeunes issus des filières scientifiques de l'enseignement secondaire avec mention qui ne semblent pas avoir été impactés par le PRL. Mais cette détérioration apparaît contrecarrée par certains types d'actions pédagogiques. La multiplication des actions semble en revanche préjudiciable à nombre d'étudiants, exception faite des bacheliers scientifiques. Ces résultats réinterrogent la problématique des inégalités de réussite avec un PRL déployé de manière hétérogène selon les filières et les universités.
- Curricula cachés et biais perceptifs en EPS - Julien Moniotte, Marie-Paule Poggi p. 193-210 Malgré leur meilleure réussite scolaire, les filles réussissent moins bien que les garçons en éducation physique et sportive (EPS). A partir de la sociologie des curricula, nous analysons les curricula réel et caché, ainsi que les représentations des enseignants d'EPS dans un lycée d'enseignement général fréquenté par une population favorisée. Notre étude est centrée sur une analyse thématique des appréciations portées par trois enseignants d'EPS sur les bulletins scolaires. Nos résultats montrent que le curriculum réel est plus proche de la culture des garçons. De plus, les bulletins scolaires véhiculent un curriculum caché affirmant la supériorité des garçons en EPS. Les représentations professorales sont affectées par des biais de perception selon le sexe des élèves. Ces dernières sont transmises au travers du curriculum caché.
- Satisfaction professionnelle, formation et santé au travail des enseignants - Jérôme Amathieu, Sébastien Chaliès p. 211-238 Après un recueil des principaux textes institutionnels du domaine, cet article propose une synthèse des résultats scientifiques relatifs aux liens pouvant être établis entre la satisfaction professionnelle des enseignants et leur santé au travail. En prenant appui sur le modèle de Duffy et Lent (2009) faisant consensus dans la littérature, il détaille plus précisément les cinq facteurs interdépendants influençant la satisfaction professionnelle des enseignants : leur type de personnalité ; leur sentiment d'efficacité personnelle ; la qualité et l'atteinte du but qu'ils poursuivent ; les conditions humaines et matérielles qui leur sont offertes dans leur établissement et les aides placées à leur disposition. L'article montre plus en détails que les préconisations des textes institutionnels en matière d'accroissement et d'adaptation de la formation pour accentuer la satisfaction professionnelle, et par-là même la santé au travail des enseignants, ne traduisent pas véritablement les résultats scientifiques. Après avoir détaillé les quelques études ayant à ce jour établi un lien de causalité entre la satisfaction professionnelle des enseignants au travail et la possibilité qui leur est offerte d'être formés, cet article ouvre finalement une nouvelle perspective de recherche.
- Notes de lecture - Bruno Poucet p. 239-265
- Notes de présentation - p. 267-276
- Genèse axiologique de l'école de la République - Daniel Janichon p. 159-173