Contenu du sommaire : Les chantiers du syndicalisme en Afrique

Revue Revue Tiers-Monde Mir@bel
Numéro no 224, octobre-décembre 2015
Titre du numéro Les chantiers du syndicalisme en Afrique
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Les chantiers du syndicalisme en Afrique

    • Entre opposition et participation, les syndicats face aux réformes en Afrique : Introduction - Benjamin Rubbers, Alexis Roy p. 9-24 accès libre
    • Casualisation and Conflict in the Niger Delta: Nigerian Oil Workers' Unions Between Companies and Communities - Camilla Houeland p. 25-46 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Malgré les millions de Nigérians descendus dans les rues pour protester contre la suppression des subventions publiques en janvier 2012, le gouvernement ne chercha pas à négocier jusqu'à ce que les syndicats du pétrole menacent de couper la production. Or, la production de pétrole ne fut pas interrompue et les syndicats du secteur furent critiquer pour avoir professé des « menaces en l'air » et pour avoir tourné le dos à leur rôle historique dans la démocratie. Afin de bien comprendre les opportunités et les contraintes rencontrées par les ouvriers du pétrole nigérians, cet article explore comment la précarisation et le conflit s'entremêlent pour endommager le régime de travail local et les pouvoirs des syndicats d'ouvriers du pétrole dans le delta du Niger. La fragmentation du travail et l'érosion de la force de travail se sont amplifiées dans ce contexte de conflit et de relations sociales éclatées. Malgré la position stratégique des syndicats du pétrole au sein de l'industrie et malgré leur nombre d'encartés, ces tendances de fond ont remis en cause à la fois leur pouvoir structurel et leur pouvoir associationnel.
      Though millions of Nigerians were protesting in the streets against the repeal of subsidies in January 2012, the government did not call for negotiations until the oil unions threatened to shut down oil production. However, production was never shut down, and the oil unions were criticised for “empty threats” and for abandoning their historical democratic role. To better understand the opportunities and constraints of Nigerian oil workers, this study explores how casualisation processes and conflict interlink and affect the local labour regime and the oil unions' powers in the Niger Delta. The labour fragmentations and erosions of labour power from casualisation have been exacerbated when unfolding into this context of conflictual and fragmented social relations. Despite the oil unions' strategic position in the oil industry and their relatively high union density, these processes have challenged both their structural and associational powers.
    • The Social Crisis of Labour and the Crisis of Labour Politics in South Africa - Sam Ashman p. 47-66 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      La crise actuelle que traverse la Confédération des syndicats sud-africains (Cosatu), la fédération syndicale la plus importante d'Afrique, provient de l'exclusion de ses rangs de l'Union nationale des travailleurs de la métallurgie d'Afrique du Sud en novembre 2014. La fragmentation de la Cosatu reflète une fragmentation plus large, celle du travail, après vingt ans de néolibéralisme. La « nouvelle » Afrique du Sud n'est pas née pendant les Trentes Glorieuses mais dans un monde ayant déjà subi ce que l'on associe à la période néolibérale : la financialisation, les privatisations et la restructuration de la production. Si la crise économique et sociale que nous connaissons aujourd'hui peut être analysée sous plusieurs angles, elle s'est incontestablement intensifée ces vingt dernières années. Le travail organisé a été affaibli par le courtage et la sous-traitance. Outre la fragmentation et la précarisation, de graves crises internes touchent certains membres de la Cosatu, qu'ils soient classés à droite ou à gauche. La crise économique et sociale du travail n'a pas seulement entraîné une crise du syndicalisme et une crise au sein de l'Alliance, elle a engendré une remise en cause de l'idée de Révolution démocratique nationale, provoquant de profondes ruptures et tensions.
      The ongoing crisis in the Confederation of South African Trade Unions (COSATU), the largest union federation in Africa, resulted in the expulsion of the National Union of Metal Workers of South Africa in November 2014. The fragmentation of COSATU reflects the broader fragmentation of labour after twenty years of neoliberalism. The “new” South Africa was not born into the post-war boom, but into a world already having undergone the extensive change we associate with the neo-liberal period – financialisation, privatisation, and the restructuring of production. The present economic and social crisis of labour can be seen in many dimensions, but has intensified over the last twenty years. Organised labour has been weakened by labour broking and outsourcing. In addition to fragmentation and casualisation, serious internal crises afflict a number of COSATU affiliates, both left and right aligned. The socio-economic crisis of labour has produced not only a crisis of unionism and a crisis in the Alliance, it has produced a crisis in the guiding idea of the National Democratic Revolution as the first stage of South Africa's transition, producing deep splits and tensions.
    • Trade Unionism in Burkina Faso - Bettina Engels p. 67-82 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article analyse le syndicalisme au Burkina Faso, en se concentrant sur la période allant de la fin des années 1980 à aujourd'hui. On peut dégager quatre phases historiques : (1) les luttes démocratiques de la fin des années 1980 à la fin des années 1990 ; (2) les revendications de droits civiques et humains de la fin des années 1990 jusqu'au milieu des années 2000 ; (3) les protestations face à la hausse des prix des biens alimentaires et de l'essence à la fin des années 2000 ; et (4) les manifestations récentes qui ont provoqué le départ du pouvoir de Blaise Compaoré le 30 octobre 2014. Cet article tend à montrer que les revendications syndicales et leur cadrage ont été très sensibles aux structures politiques en place. En même temps, les manifestations ont toujours créé des opportunités d'actions collectives protestataires et, ainsi, ont permis de préparer le terrain pour la phase suivante. L'étude de cas se fonde sur des entretiens conduits en 2011, 2012 et 2015, ainsi que sur un corpus de documents liés à la période 2008-2015.
      This article analyses trade unionism in Burkina Faso, focusing on the period from the late 1980s until today. Four historical phases are identified: (1) democratisation struggles from the late 1980s until the late 1990s; (2) demands for human and civil rights from the late 1990s to the mid-2000s; (3) demands related to the food and fuel price crisis in the late 2000s; and (4) recent protests resulting in the removal of Blaise Compaoré from the presidency on 30 October 2014. This article shows that the trade unions' demands and the way they were framed have depended on the political structures in place. At the same time, the protests have always created new opportunities for contentious collective action, thus paving the way for the phase to follow. The case study is based on interviews conducted in 2011, 2012 and 2015, and on documents from the period 2008–2015.
    • La compétition syndicale à la loupe : Débats, affrontements et arbitrages autour de la question de la représentation dans les gares routières au Sénégal - Sidy Cissokho p. 83-102 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Au Sénégal, la Confédération nationale des travailleurs sénégalais (CNTS) est présente dans le secteur du transport de passagers à travers des organisations appelées « regroupement de chauffeurs » au sein des gares routières du pays. Lors des élections des représentants de ces organisations, les affrontements sont vifs et ils obligent quasi systématiquement les différents candidats à faire appel à des médiations extérieures. Dans ce contexte, l'autonomie laissée aux regroupements dans la désignation de leur représentant accroît leur dépendance aux échelons régionaux et nationaux du syndicat ainsi qu'à l'administration. Cet article revient sur les enchaînements causaux rendant possible ce phénomène pour le moins contre-intuitif.
      In Senegal, the National Confederation of Senegalese Workers (CNTS) is present in the sector of passenger transportation through organisations called “driver groups” in the country's bus stations. During the elections for the representatives of these organisations, the confrontation was open, leading almost all candidates to resort to outside arbitration. In this context, the autonomy granted to these groups in designating their representatives increases their dependence on the regional and national levels of the union, as well as on the administration. This article examines the causal sequence of events leading to such a counter-intuitive phenomenon.
    • Fonder sa légitimité par le plaidoyer ? : Synergie paysanne et la lutte contre les accaparements fonciers au Bénin - Philippe Lavigne Delville, Camille Saïah p. 103-122 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Jeune syndicat paysan béninois, Synergie paysanne (Synpa) s'est fortement mobilisé entre 2010 et 2013 contre le projet de code foncier en préparation au Bénin qu'il considérait comme un instrument au service de l'agrobusiness et de l'accaparement des terres. Cet article décrit l'histoire de cette mobilisation et les stratégies d'action employées, qui ont mené Synergie paysanne jusque dans les arènes de débat sur le texte. Centrée sur un plaidoyer technique couplé à des stratégies de médiatisation et de dénonciation, cette mobilisation a été un échec politique, même si elle a permis à Synpa de gagner une reconnaissance institutionnelle, au prix d'un investissement technique pointu et d'un affaiblissement de la dynamique collective de l'organisation, ce qui souligne les limites du plaidoyer comme mode d'action syndicale.
      Between 2010 and 2103, Synergie paysanne (Synpa), a young Beninese farmers' union, actively mobilised against the land code which was being developed in Benin and which the union considered as a tool for agribusiness and land monopolies. This article describes the history of this mobilisation and the action strategies which took Synergie paysanne all the way to the political arena where the bill was being debated. This mobilisation was centered on a technical plea, coupled with media and denunciation strategies. It ended in a political failure, even though it allowed Synpa to earn institutional recognition, at the cost of thorough technical investment and weakened collective dynamics, thus underlining the limits of pleas as a means of action for unions.
  • Document

    • Les entreprises françaises et le développement en Afrique - Pierre Jacquemot p. 123-142 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Soutien au développement local, implication en matière de commerce équitable, attention portée au « bas de la pyramide », etc., les pratiques des entreprises privées évoluent. L'élaboration des codes de conduite, la constitution de partenariats public-privé comme la multiplication des expériences concrètes en matière de responsabilité sociétale et environnementale (RSE) sont depuis une quinzaine d'années présentées comme des preuves d'un engagement des entreprises dans le développement durable. Celles-ci revendiquent leur rôle d'acteurs dans la lutte contre la pauvreté et pour la préservation de l'environnement, directement ou par le biais de fondations ad hoc, ce qui élargit grandement la gamme des partenaires financiers bien au-delà de l'aide publique classique. Mais est-il vraiment possible de concilier profit privé et bien commun ? S'agit-il d'une réponse ponctuelle aux pressions des sociétés civiles et aux avancées du droit international ou d'une véritable mutation du capitalisme mondialisé ? Le cas des entreprises françaises en Afrique subsaharienne éclaire la problématique.
      Whether it be through support for local development, an involvement in fair trade, or a focus on the “bottom of the pyramid”, the practices of private companies are evolving. For the past fifteen years, the elaboration of codes of conduct, the constitution of public-private partnerships, or the growing number of concrete experiments in terms of corporate social responsibility (CSR) have been presented as evidence of companies' commitment to sustainable development. Companies have actively been playing their part as actors in the fight against poverty and for environmental protection, directly or through ad hoc foundations, thus greatly increasing the range of financial partners beyond the usual public aid. Yet, can private profit and the common good truly be reconciled? Are companies merely responding to pressures from civil society and to the progress of international law, or does their behavior testify to a genuine mutation of globalised capitalism? The case of French companies in sub-Saharan Africa sheds light on the issue.
  • Varia

    • Capacités d'action des agriculteurs dans les projets locaux de développement agricole au Maroc - Nicolas Faysse, Sara El Mkadmi, Mostafa Errahj p. 143-162 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Au Maroc, de nouvelles politiques publiques prévoient une conception participative des projets de développement agricole et rural au niveau local. L'étude porte sur la participation des agriculteurs de deux villages à la conception et la mise en œuvre d'un projet oléicole, et sur l'amélioration de leurs capacités d'action que cette participation a permise. Les agriculteurs n'ont eu qu'une influence faible sur la conception et la mise en œuvre du projet. Dans un des deux villages, les agriculteurs ont cependant appris comment obtenir des financements publics et ont par la suite mené à bien plusieurs projets. Les nouvelles politiques publiques peuvent ainsi induire une forte différenciation entre collectifs d'agriculteurs, notamment dans leur capacité à prendre des initiatives vis-à-vis de l'administration.
      In Morocco, new public policies make provision for a participative approach to agricultural and rural development projects at the local level. This study deals with how the farmers from two villages took part in the conception and implementation of an olive-growing project and how their agency improved thanks to their participation. The farmers had but a limited influence on the conception and implementation of the project. Nonetheless, in one of the two villages, the farmers learned how to obtain public funding and have since been able to complete several projects successfully. The new public policies may thus induce a strong differentiation between farmers' groups in their ability to take initiatives vis-à-vis the administration.
    • Analyses bibliographiques - p. 163-182 accès libre