Contenu du sommaire : Hors-série 2016. Traduire et introduire
Revue | Tracés |
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Numéro | Hors-série no 16, 2016/2 |
Titre du numéro | Hors-série 2016. Traduire et introduire |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Avant-propos - Yaël Kreplak, Christelle Rabier p. 7-10
Autour de l'anthropologie linguistique de Charles Goodwin
- L'action en perspectives : Introduction - Yaël Kreplak p. 13-18
- L'organisation co-opérative et transformative de l'action et du savoir humains - Charles Goodwin p. 19-46
- L'écologie sémiotique de Charles Goodwin - Louis Quere p. 47-60 Cet article propose d'éclairer les apports des travaux de Charles Goodwin à l'analyse de l'action et de la cognition situées. Il revient tout d'abord sur les circonstances dans lesquelles ces travaux ont été importés en France dans les années 1980, dans un contexte proprement interdisciplinaire, associant linguistes, sociologues, ergonomes, ayant en partage un intérêt pour l'organisation située des activités ordinaires et professionnelles. Dans un deuxième temps, je retrace l'évolution des principaux concepts proposés par Goodwin (configuration contextuelle, champ sémiotique, ressource sémiotique…), en revenant sur quelques-unes de ses publications majeures, avant de me focaliser sur les travaux les plus récents et l'émergence d'un principe de « sérialité ». Enfin, j'esquisse les contours d'une discussion des limites d'une telle approche sémiotique, en dialogue avec d'autres approches comme celles d'Ingold ou du pragmatisme.This article sheds light on Charles Goodwin's contribution to the study of situated action and cognition. First, it explains under which circumstances his work was introduced in France in the 1980's, in an interdisciplinary field of research bringing together linguists, sociologists and ergonomists sharing an interest in the situated organisation of ordinary and professional activities. Second, I analyze how Goodwin's most important concepts (such as contextual configuration, semiotic field, semiotic resource…) have evolved through time, by commenting upon some of his major publications. Then I focus on his most recent works and the concept of laminated action. Last, I offer a critical reading of his semiotic approach, by discussing other approaches like Ingold's anthropology or pragmatism.
- Socialité et co-opération dans l'œuvre de Charles Goodwin. Ou comment penser les passerelles entre linguistique, anthropologie et sociologie - Chloé Mondémé p. 61-74 À partir d'une position d'anthropologue linguiste, Goodwin a bâti une véritable armature conceptuelle et méthodologique pour rendre compte de l'organisation des activités humaines. La notion de co-opération y tient une place centrale, et elle permet de prendre en compte ce qui se joue aussi bien dans les conversations ordinaires que dans les pratiques professionnelles, les transmissions culturelles, ou les modes d'expression des phénomènes cognitifs. Une riche pensée systémique se déploie. C'est à la fois sur son parcours (des préoccupations initiales pour le langage à un intérêt pour le corps et les pratiques incarnées dans l'agir collectif), sur les outils et concepts qu'il fait émerger, et sur l'intérêt de tels travaux pour les sciences humaines françaises que le présent article entend revenir.As a linguistic anthropologist, Goodwin elaborates a conceptual and methodological framework to describe the organization of human activities and conducts. The central notion of co-operation accounts for what is at stake in ordinary conversation as well as in professional practices, cultural transmissions, or expressions of cognitive phenomena ; and crosses bridges in a rich and systematic manner. The article will outline the different stages of Goodwin's work, from an initial interest in language to the consideration of the role of the body and embodied practices in collective action. It will focus on the tools and concepts that have progressively emerged, and will eventually evoke the potential payoffs of such a body of work for French social sciences.
- L'approche sémiotique de Charles Goodwin : langage visuel, énonciation et diagramme - Maria Giulia Dondero p. 75-88 Ce texte vise à explorer les relations entre les travaux de Charles Goodwin et la sémiotique contemporaine. Dans un premier temps, j'aborde la question des relations entre langages verbal, visuel et gestuel en sémiotique, en étudiant le système notationnel (transcription des échanges) proposé par Goodwin du point de vue de la question des unités constitutives. Un deuxième temps est consacré aux points de rencontre entre la conception du substrat chez Goodwin et la praxis énonciative de Fontanille, pour penser la relation dynamique entre sédimentation et transformation. Dans un troisième temps, j'examine le concept de raisonnement diagrammatique en revenant sur l'exemple des « premières inscriptions » des géologues étudié par Goodwin. Le raisonnement diagrammatique étudié ici fonctionne comme un dispositif de découverte qui permet d'exemplifier la dynamique entre sédimentation et nouveauté. Ce type de dispositif est remis en perspective avec les pratiques de transcription de Goodwin.This text investigates the connexion between the work of Charles Goodwin and contemporary semiotics. I initially address the relations between verbal, visual, and gestural languages in semiotic terms by exploring Goodwin's notational system (transcription of exchanges) from the point of view of its constituent units. Secondly, I consider the meeting points between Goodwin's concept of the substrate and Fontanille's enunciative praxis in order to examine the dynamic relationship between sedimentation and transformation. Finally, I analyse the concept of diagrammatic reasoning by elaborating on the example of the geologists' “first inscriptions” studied by Goodwin. The form of diagrammatic reasoning examined here functions as a discovery device that exemplifies the dynamics of sedimentation and novelty. Thus, it can be studied in the framework of Goodwin's transcription practices.
- Le travail de Charles Goodwin à l'épreuve de la performance - Luca Greco p. 89-100 Cet article vise à lire l'histoire de l'interactionnisme au prisme de celle de l'art contemporain, et en particulier, de la performance telle qu'elle a émergé dans les années 1950 et 1960 aux États-Unis. Nous analyserons les travaux de Charles Goodwin à l'aune d'un certain nombre d'œuvres d'artistes du xx e siècle dont les enjeux théoriques sont proches de ceux soulevés par Goodwin. L'objectif de ce texte est d'offrir un nouvel éclairage sur son travail par la mise en relief de cinq points centraux aussi bien pour l'analyse de l'interaction que pour l'étude des performances : une approche collective du phénomène de speakership, une vision multi-sémiotique de la parole, une perspective procédurale sur l'action, un point de vue holistique sur la multimodalité et une prise en compte de la créativité dans l'accomplissement des pratiques sociales. Une telle mise en parallèle entre ces deux champs disciplinaires relève de la traduction culturelle et vise à donner une vision inédite des phénomènes étudiés, qui encourage à repenser et à historiciser certaines de nos principales catégories d'analyse.This article considers the history of interactionism through the lens of contemporary art, and in particular, performance as it emerged in the 50s and 60s in the United States. In the specific context of this paper, I analyze Charles Goodwin's work through the work of some contemporary artists (Marcel Duchamp, John Cage, Yoko Ono) whose theoretical issues echoes those raised in Goodwin's work. The objective of this paper is to foster a closer dialogue between contemporary art and interactionism by highlighting five relevant, common key points : a collective approach to speakership, a multisemiotic vision of talk, a procedural perspective on action, a holistic view of multimodality and a focus on creativity in the accomplishment of social practices. The dialogue between the two fields requires an operation of cultural translation and sheds new light on the phenomena under study, which should lead rethinking and historicizing some of our most important analytical categories.
L'histoire économique est-elle morte ?
- Dans les limbes de l'histoire économique : Introduction - Christelle Rabier, Pierre Saint-Germier p. 103-114 The Poverty of Clio (2011) de Francesco Boldizzoni, instruit un procès à charge contre la cliométrie, sous-discipline de l'économie qui applique la théorie économique à l'étude des sociétés passées. Dans leur section introductive, Christelle Rabier et Pierre Saint-Germier reviennent sur les termes du débat anglophone que l'ouvrage a provoqué, portant sur la finalité et les méthodes de l'histoire économique, et l'absence de réception francophone de la controverse. La cliométrie est restée une curiosité en France, où les historiens et historien-nes économiques, à l'instar de celles et ceux que les éditeurs ont invité à commenter The Poverty of Clio, ont pris des voies scientifiques alternatives.In 2011, in The Poverty of Clio, Francesco Boldizzoni launched an open attack against cliometrics, a sub-discipline of economics which applies economic theory to past societies. In their introductive section, Christelle Rabier et Pierre Saint-Germier revisit the issues lying beneath the fierce controversy that erupted as a result, regarding the goals and methods of economic history, and the reasons of its non-reception in France. In the latter, as different methodological paths were trodden, cliometrics has remained a curiosity, as the contributors to this special issue suggest.
- La vérité en esclavage : science et idéologie - Francesco Boldizzoni p. 115-136 Dans son chapitre introductif, Francesco Boldizzoni s'intéresse aux origines et aux débuts de l'histoire économique comme champ de recherche et à la colonisation par l'économie néoclassique qui s'en est suivie. L'auteur contextualise la révolution cliométrique de 1960 au sein de l'histoire politique, culturelle et intellectuelle des États-Unis. Dès le début, soutient-il, la prétention à la scientificité de la nouvelle approche repose, de façon inavouée, sur de fortes composantes idéologiques.In his introductory chapter, Francesco Boldizzoni reflects on the origins and early development of economic history as a field of inquiry, as well as on its subsequent colonization by neoclassical economics. He offers a contextualization of the cliometric revolution of the 1960s within the political, cultural and intellectual history of the United States. He argues that, from the beginning, strong ideological elements lurked behind the pretended scientificity of the new approach.
- Les angles morts de The Poverty of Clio - Clément Dherbécourt, Eric Monnet p. 137-150 Tout en reconnaissant que l'histoire économique, sous sa forme cliométrique, n'est pas exempte de lacunes scientifiques, les auteurs estiment que l'argumentation de Francesco Boldizzoni dans The Poverty of Clio s'appuie trop souvent sur la discussion de cas extrêmes et peu représentatifs. Ils suggèrent au contraire que l'histoire économique peut utiliser avec profit certaines théories économiques, comme l'approche des incitations et des prix relatifs. Une voie médiane est possible entre l'histoire économique que Boldizzoni veut enterrer (la cliométrie) et celle qu'il veut ressusciter (celles des Annales).While they acknowledge that cliometrics is not without scientific flaws, the authors argue that Francesco Boldizzoni's argument in The Poverty of Clio too often takes in consideration extreme and unrepresentative cases. They suggest that economic history can make good use of some specific economic theories, such as the theory of incentives or the theory of relative prices. A middle way between the kind of economic history that Boldizzoni wants to bury (cliometrics) and the one he wants to resurrect (that of the Annales) is possible.
- L'histoire économique au futur - Claire Lemercier p. 151-164 Cet article contribue à une discussion des thèses présentées par Francesco Boldizzoni dans The Poverty of Clio, au regard notamment de récents travaux en histoire économique et en sociologie économique, francophones et anglophones. L'auteure discute tout d'abord du rôle causal que Boldizzoni attribue à la « culture ». Elle évoque les difficultés que présente l'observation des rationalités économiques passées et insiste sur l'idée d'une tension entre différents types de rationalité, à chaque période – plutôt que d'un mouvement historique qui irait d'objectifs principalement non économiques à une rationalité économique. Elle centre ensuite son propos sur la construction des marchés comme l'un des thèmes à privilégier pour le développement d'un dialogue plus serré entre histoire et sociologie. Elle souligne notamment que, pour les marchés contemporains, les études ont nuancé l'idée qu'ils seraient essentiellement impersonnels et équilibrés par des prix.This paper comments on Francesco Boldizzoni's The Poverty of Clio in the context of the recent French-speaking literature in economic history and economic sociology. Boldizzoni's argument about the concept of « culture », understood as a seemingly ultimate cause of economic phenomena, is discussed. Past rationalities, according to the literature, are difficult to analyse : the author insists on the permanent tension between different versions of economic rationality at each time period, as opposed to the conception of an evolution from the culturally embedded to the homo economicus. The author finally focuses on recent scholarship on the social construction of markets as one of the most promising bridges between economic history and economic sociology. For contemporary markets, the author argues, studies have substantially revised the idea that contemporary markets are impersonal and their equilibrium price-based.
- Accuser ou réunir ? Dépasser les conflits qui s'exportent de l'économie à l'histoire - Juliette Rouchier p. 165-176 Dans ce texte il est fait un lien entre les intentions affichées de l'auteur de The Poverty of Clio et un mouvement de contestation académique en France qui s'oppose à la domination, dans le champ de l'économie, de la pensée dite « orthodoxe ». La critique principale de Boldizzoni porte sur des arguments scientifiques mais elle semble ne pas identifier le fait que ce sont souvent des enjeux politiques (internes au monde académique, comme les gestions de carrière, ou externe, comme le choix des conseillers politiques) qui ont permis l'omniprésence de la pensée orthodoxe et son mésusage parfois observable. Les propositions purement méthodologiques de The Poverty of Clio, rejetant intégralement les méthodes orthodoxes, manquent leur cible, s'il s'agit de changer un état de fait scientifique. On peut, en revanche, mettre en lumière l'existence d'une troisième voie plus intégrative, faisant coexister différentes épistémologies.In her essay, Juliette Rouchier links the stated intentions of the author of The Poverty of Clio to a French movement of academic dissent contesting the dominance of neoclassical theory in economics. Boldizzoni grounds his criticism in scientific arguments, thereby missing the political dimensions of the discussion. One political dimension is internal to the academic environment, when career management is considered for instance; one is external, when the role of economists in political advising is considered. Both explain the dominance of neoclassical thought, and its occasional misuse. Accordingly, the arguments developed in The Poverty of Clio', which are purely methodological and forcefully reject the neoclassical approach in any context, seem to miss the point if they are to have any effect in terms of epistemological change. One may advocate for an already existing third way, which mixes several epistemologies in order to adapt them to the issues at stake.
- Pour une histoire interprétative - Francesco Boldizzoni p. 177-184 Dans ses remarques conclusives, Francesco Boldizzoni discute les trois problèmes soulevés par les commentateurs et commentatrices, à savoir : la rationalité et la nature humaine ; les fondements sociaux et culturels du comportement économique ; et le problème de l'historicisation, ou des relations entre histoire et théorie. Il en appelle à une approche interprétative comme seule façon de surmonter les limites des analyses néopositivistes.In his concluding remarks, Francesco Boldizzoni addresses three issues raised by the commentators – human nature and rationality; the social and cultural foundations of economic behaviour; and the problem of historicization, or the relationship between history and theory. He calls for an interpretive approach to economic history as the only way to overcome the limits of neopositivistic understandings.
- Dans les limbes de l'histoire économique : Introduction - Christelle Rabier, Pierre Saint-Germier p. 103-114
L'Italie des biens communs
- Biens communs, beni comuni : Introduction - Pierre Charbonnier, Daniela Festa p. 187-194
- La propriété reconstruite : conflits sociaux et catégories juridiques - Maria Rosaria Marella p. 195-210 Cet article est à la fois une introduction générale à la question des communs, comme mouvement sociopolitique qui anime l'Italie contemporaine, et une réflexion sur l'évolution des catégories juridiques que ces mouvements suscitent. Pour l'auteur, le commun est avant tout une invitation à penser au-delà des oppositions conceptuelles qui structurent le droit moderne, surtout dans sa formalisation sous forme de codes. Public et privé, État et personne, mais aussi nature et culture, forment en effet l'armature d'une pensée philosophique et juridique qui tend à être mise à distance par des expériences politiques nouvelles, qui reflètent l'épuisement de ces oppositions structurelles. L'imagination sociale et l'élaboration de concepts juridiques apparaissent donc comme les deux faces d'un mouvement historique au cours duquel la naturalisation du paradigme propriétaire s'effondre, laissant ouverte la mise en place d'un véritable droit des communs.This paper first introduces the question of the commons, as a social and political movement in contemporary Italy, and secondly reflects on the evolution of legal categories in reaction to these social movements. For the author, the commons are above all else an opportunity to think beyond the conceptual oppositions which order modern law, especially in its formalization in codes. The opposition between public and private, the state and the individual but also nature and culture are the bases of a philosophical and legal framework which is being increasingly rejected by new political experiments, which contribute to undermining these structural oppositions. Social imagination and the production of legal concepts appear as the two faces of a historical movement, in which the naturalization of the property paradigm collapses, opening the way for the development of a proper law of the commons.
- Vers les biens communs. Souveraineté et propriété au xxie siècle - Stefano Rodota p. 211-232 Les « biens communs » remettent en question deux catégories fondamentales de la modernité : la souveraineté et la propriété. Cette dyarchie, devenue paradigmatique depuis le Code Napoléon, caractérise la propriété comme fondement de la liberté et comme condition même de l'égalité, dans la mesure où seul le rapport à la possession permet de surmonter les disparités sociales. Cette interprétation tend à restreindre la citoyenneté à la figure du propriétaire. D'autre part, les constitutions élaborées après la Seconde Guerre mondiale ont emprunté une voie différente : elles ont institutionnalisé les droits fondamentaux et rendu possible le passage du sujet à la personne, notion qui met l'accent sur la vie matérielle et sur son immersion dans le système de relations sociales. Les biens communs s'insèrent dans cette deuxième tendance et vont de pair avec l'émergence d'une nouvelle subjectivité étroitement liée au processus de « constitutionnalisation » de la personne. Leur interdépendance avec les droits fondamentaux permet de dépasser l'idée de la propriété en tant que médiation unique pour le développement de la personne et de valoriser l'accès aux biens. Lorsqu'on parle de l'accès à ces biens comme d'un droit fondamental, on effectue une double opération : on confie la construction de la personne à des logiques différentes de celles de la propriété ; on conçoit ainsi l'accès comme un outil qui rend immédiatement utilisable le bien par les intéressés, sans médiation ultérieure. Le nœud propriété-souveraineté commence ainsi à être dénoué.The common goods challenge two fundamental categories of modernity : sovereignty and property. This diarchy, which has become paradigmatic since the Napoleonic Code, characterizes property as the basis of liberty and the condition of equality : only the relation to ownership can make it possible to overcome social inequalities. This interpretation limits citizenship to the owners. The constitutions developed after the Second World War took a different way : they institutionalized fundamental rights and opened a path from the subject to the person. The common goods are part of this second trend and go hand in hand with the emergence of a new subjectivity linked with the process of « constitutionalization » of the person. Their interdependency with fundamental rights contributes to a shift from the idea of property as a unique mediation for the development of the person and to highlight the importance of access to goods. The paper argues for a double shift : first, the construction of the person is delegated to other logics than property ; secondly, access is conceived as a device to make goods immediately available without any mediation. The knot between property and sovereignty starts therefore to be untied.
- Les communs urbains. L'invention du commun - Daniela Festa p. 233-256 Cet article explore, dans une perspective de law & geography, les pratiques de commoning qui, à partir de 2011, se sont développées et diffusées dans le contexte des politiques néolibérales des dernières décennies en Italie. À travers l'analyse des pratiques d'occupation de lieux culturels et de certains processus menés en réseau par plusieurs groupes militants, l'article se propose de mettre en évidence la nouveauté du mouvement des biens communs en Italie, et en particulier la relation entre l'usage de l'espace et la réappropriation de l'outil. Ces expériences des communs urbains, en produisant des relations aux lieux inclusifs et relationnels, ont contribué à alimenter une remise en cause du paradigme propriétaire. Ils ont stimulé, à plusieurs échelles, l'invention de dispositifs juridiques ou de formes d'institutions sociales capables de prendre en compte, parfois de façon contradictoire, la demande d'implication directe et de décision collective qui émerge en l'Italie à partir de l'accélération de la crise économique et politique.From a law & geography perspective, this article explores the communing practices which have developed and expanded in Italy since 2011, within a context of neoliberal policies which have marked the last two decades. I analyze the practices involved in the occupation of cultural venues as well as processes developed by several activists' networks in order to highlight the novelty of the Italian commons movement, in particular the relationship between the use of space and the reappropriation of the tool. As they generate connections to relational and inclusive places, these experiences of urban commons have contributed to challenging the property paradigm. On various scales, they have stimulated the invention of legal devices or forms of social institutions that are able – sometimes in contradictory ways – to take into account the demand for direct involvement and collective decision-making that appeared in Italy due to the acceleration of the economic and political crisis.
- Les limites du juridique - Pierre Dardot p. 257-270 Cet article est une lecture critique des trois contributions précédentes, et notamment du point de vue spécifiquement juridique adopté sur la question des communs par la pensée italienne. En revenant sur l'expérience politique des communs, et en la mesurant à d'autres formes de renaissances démocratiques actuelles en Europe, Pierre Dardot défend l'idée selon laquelle le potentiel critique de ce concept et de ces expériences est politique, plutôt que restreint au domaine du droit. En ce sens, c'est le renouveau de la démocratie radicale qui se joue dans ces mouvements, dont les élaborations juridiques ne sont au fond qu'une des expressions parmi d'autres.This paper is a critical reading of the three precedent articles, especially of the legal reasoning approach adopted on the issue of the commons in Italy. By examining the political experience of the commons and comparing it to other contemporary democratic movements in Europe, this paper argues that the critical potential of this concept and these experiences is political, rather than just legal. The main point of these movements is the renewal of radical democracy, the related legal developments being just one specific aspect of this renewal.