Contenu du sommaire : Langue et autorité théologique à la fin du Moyen Âge
Revue | Revue de l'histoire des religions |
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Numéro | tome 231, n°2, 2014 |
Titre du numéro | Langue et autorité théologique à la fin du Moyen Âge |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Langue et autorité théologique à la fin du Moyen Âge - Isabel Iribarren p. 171-174
- Un maître « bien enlangagié en latin et en franchois » ? - Olivier Ribordy p. 175-222 La contribution se propose de dresser un panorama général des quelque 30 documents, actuellement recensés, composant l'œuvre en français du cardinal Pierre d'Ailly et d'en esquisser les principaux genres textuels concernés (sermons, poèmes, lettres ou minutes, documents diplomatiques), afin d'identifier certains des critères ayant pu motiver son recours à la langue vulgaire. En réservant assez largement le latin pour les traités scientifiques et les clercs, et a contrario le français pour les laïcs, le cardinal tend à observer les usages langagiers courants au Moyen Âge tardif, et à considérer les critères de destinataires et de matières.The article intends to draw a general panaroma of some 30 reported documents constituting the work in French of cardinal Pierre d'Ailly, in order to outline the main textual genres concerned (sermons, poems, letters, diplomatic documents) and identify the criteria that could have motivated his choice of the vernacular. While reserving Latin for scientific treatises adressed to a clerical reader, the cardinal employs French vernacular mainly for laypeople. He thus complies with the linguistic criteria current in the late Middle Ages, taking into account the destinataries and the subject matter.
- Le Paradis retrouvé : l'utopie linguistique de Jean Gerson - Isabel Iribarren p. 223-251 En focalisant sur l'usage que Jean Gerson fait de la langue vulgaire, cet article cherche à ramener la portée de la vision gersonienne des langues à l'histoire de la spiritualité à la fin du Moyen Âge, au-delà de son importance pour l'histoire de la philosophie, déjà signalée par Zénon Kaluza dans son importante contribution sur le célèbre statut parisien de 1340. Entendue dans une perspective rhétorique et casuistique, la question du langage pour Gerson s'inscrit dans une histoire du salut où l'enjeu est de réduire la discorde régnante dans les écoles et dans l'Église à la concorde d'une théologie de type affectif ancrée dans la simplicité du cœur. Dans cette optique, le français ressort comme un langage plutôt adapté à une aspiration aussi universelle que la contemplation mystique.By focusing on Jean Gerson's use of the vernacular, this article attempts to reassess the importance of Gerson's view on languages in the context of the history of spirituality in the late Middle Ages, beyond its importance for the history of philosophy, already established by Zénon Kaluza in his important contribution on the 1340 Parisian statute. Understood in a rhetorical and casuistic perspective, the linguistic question is embedded for Gerson in the history of salvation; the aim is to reduce sectarian disputes in the schools and the Church into the linguistic concord of an affective theology rooted in spiritual simplicity. From this viewpoint, the vernacular transpires as a language rather well adapted to the universal quest of mystic contemplation.
- Politics and Language in Early Renaissance Italy - Alexander Murray p. 253-274 Les particularités linguistiques de l'Italie de la Renaissance s'expliquent par le caractère unique de son héritage romain. L'Empire avait développé et diffusé le latin, qui fut ensuite hérité par l'Église, contribuant à son autorité. Après le millénaire, celle-ci fut partagée par les juristes et les idéologues des cités indépendantes. Mais la suprématie du latin fut mise en cause au XIIIe siècle par les communes, qui cherchaient à justifier leurs vernaculaires comme formes de latino. Cette conviction finit par stimuler la redécouverte du latin classique par les humanistes, mettant en cause l'autorité de l'Église. Quant au volgare, sa rivalité avec le latin humaniste comme langue du gouvernement et de la littérature finit par conférer au toscano de Florence un statut international qui relégua au second plan le latin d'Église.The linguistic peculiarities of Renaissance Italy can be traced to the uniqueness of its Roman inheritance. The Empire had developed and diffused Latin, which was inherited by the Church, contributing to its authority. The latter was shared after the millennium by the lawyers and ideologists of the independent cities. But this confederated supremacy of Latin was challenged during the thirteenth century by communal populations, who sought acceptance for their vernaculars as forms of latino. This belief stimulated the humanists' rediscovery of Augustan Latin, which challenged Church authority. As to volgare, its rivalry with humanist Latin, as the proper language for government and literature, ended by raising Florence's toscano to an international status upstaging the Church's Latin.
- Théorie politique dans les dialogues bilingues au XIVe siècle - Jürgen Miethke p. 275-292 Cet article entend examiner la fonction et l'influence des traités de théorie politique bilingues rédigés sous forme de dialogue à la fin du Moyen Âge. Entre autres exemples, l'auteur se concentre sur la compilation du juriste français Évrart de Trémaugon, le Somnium viridarii de 1364-1376, dont une traduction française, le Songe du Vergier, fut commandée par le roi et complétée par l'auteur lui-même entre 1376 et 1378. Ce texte fournit une idée claire du débat qui existait à l'époque sur le rapport entre le pouvoir temporel et le pouvoir spirituel.The article examines the function and influence of bilingual treatises on political theory developed in the form of dialogue in the late Middle Ages. Among other examples, the author focuses on the Somnium viridarii of the French jurist Évrart de Trémaugon (1364-1376), followed in 1376-1378 by a French translation, the Songe du Vergier, commissioned by the king and completed by the author himself. This text offers a clear idea of the topical debate on the relation between the temporal and the spiritual powers.
- Magisterial Authority, Heresy and Lay Questioning in Early Fifteenth-Century Oxford - Kantik Ghosh p. 293-311 Un groupe de sermons macaroniques latin-anglais du début du xve siècle réunis à la Bodleian Library d'Oxford, MS Bodley 649, fournit un bon éclairage des perceptions contemporaines de l'Université d'Oxford et de l'autorité de plus en plus compromise de son magistère théologique à la suite des controverses wyclifittes dans lesquelles l'Université était fondamentalement impliquée. Cet article maintient que les sermons, dans l'ambigüité et l'indécision épistémique qui leur est propre, sont caractéristiques des discours anglais « orthodoxes » de cette époque, dont le but était d'arbitrer les relations houleuses entre le questionnement laïque non régulé et l'entreprise théologique universitaire.A group of Latin-English macaronic sermons from the early fifteenth century collected together in Oxford, Bodleian Library, MS Bodley 649 offers suggestive insights into contemporary perceptions of Oxford University and of the compromised authority of its theological magisterium in the aftermath of the Wycliffite controversies in which the university had been fundamentally implicated. This essay argues that the sermons, in the epistemic ambiguity and indecision which lie at their heart, are characteristic of English “orthodox” discourses at this time which sought to negotiate the troubled relationship between unregulated lay questioning and academic theological enterprise.
- Popular Authority in Conciliar and Canonistic Thought: the Case of Elections - Alexander Russell p. 313-340 Cet article évalue la place des laïcs dans la pensée des conciliaristes du XVe siècle. Dans un premier temps, les dangers associés à l'hérésie ont mené les conciliaristes à adopter une conception restrictive de la participation laïque dans les débats doctrinaux et le gouvernement ecclésiastique. Or, les commentaires juridiques des canonistes comme Francesco Zabarella et Niccolò Tudeschi montrent que la participation populaire aux élections canoniques pouvait être tolérée sous certaines conditions. Selon cette étude, la méthode intellectuelle des canonistes, ainsi que certaines considérations pratiques, peuvent expliquer leur ouverture d'esprit vis-à-vis de la participation laïque dans les élections canoniques.This paper assesses the place of laypeople in the thought of 15th-century conciliarists. The dangers associated with heresy inclined the conciliarists towards a restrictive view of lay participation in doctrinal debates and ecclesiastical government. Yet, in legal commentaries regarding canonical elections, conciliarists like Francesco Zabarella and Niccolò Tudeschi admitted that popular participation in canonical elections was to be tolerated under certain conditions. This paper argues that the intellectual method of the canonists as well as certain practical considerations account for their open-mindedness about lay participation in canonical elections.