Contenu du sommaire : I. Travaux
Revue | Travaux de linguistique |
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Numéro | no 59, 2009 |
Titre du numéro | I. Travaux |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Présentation - Rika Van Deyck p. 7-11
- Aspects de l'évolution de l'article défini en français et en roumain - Maria Iliescu p. 13-23 Ce que l'on sait : l'article, innovation romane, provient de l'adjectif démonstratif latin ille. Son extension a été différente dans les langues néolatines : de presque générale (en français) à réduite (en roumain et en romanche) dans les syntagmes prépositionnels.Ce qu'on voudrait savoir :Comment s'explique cette différence d'extension dans les langues romanes ?Pourquoi la présence d'un déterminant a-t-elle été dès le début un contexte favorable pour l'emploi de l'article dans la Romania ?Comment s'explique l'apparition de l'article ‘démonstratif' ou ‘adjectival' en roumain ?Y a-t-il un rapport causal entre les deux phénomènes ?L'article essaie de répondre à ces problèmes en soulignant l'importance de la recherche de l'expressivité, surtout dans la langue orale.What we know: the definite article is a Romance development which derives from the Latin demonstrative adjective ille. The extent to which it is used varies in the different Romance languages: it ranges from a virtually generalized use (in French) to a limited one (Romanian, Romontsch) in the prepositional phrases.What we want to know:How can we explain the different extent to which the article is being used in the various Romance languages?Why has the presence of a modifier from the start created a favourable context for the use of the article in Romance-speaking areas?How can we explain the appearance of the ‘demonstrative' or ‘adjectival' article in Romanian?Is there a causal link between b) and c)?This article is an attempt to answer these questions by emphasizing the importance of the search for expressivity, especially in spoken language.
- Continuités textuelles et discontinuités catégorielles : le cas de l'article roman - Rosanna Sornicola p. 25-46 Cette étude a pour objectif de reconsidérer certains aspects du débat autour de la nature du changement de catégories grammaticales et, en particulier, la question de savoir si ce changement est continu ou discontinu. L'argumentation démontre qu'à cet égard, les conclusions peuvent différer, voire s'opposer, selon l'approche théorique adoptée. Quoi qu'il en soit, alors que le changement catégoriel peut être discontinu, les traditions textuelles fournissent fréquemment des exemples clairs de continuité structurelle. L'évolution des démonstratifs latins IPSE et ILLE vers les articles romans a été retenue comme une étude de cas particulièrement intéressante pour le propos. Bien que ce phénomène ait attiré, depuis des décennies, l'attention tant de romanistes que de spécialistes en linguistique générale et qu'elle ait fait l'objet de recherches importantes, il semble encore toujours défier toute compréhension. Une tentative pour réexaminer les conséquences majeures de la prise de position en la matière est faite sur la base de textes latins de diverses périodes comme de documents romans précoces.The aim of this paper is to reconsider some aspects of the debate on the nature of grammatical category change, and in particular the problem whether this change is continuous or discontinuous. It is argued that - depending on which theoretical approach is being used - different (or even opposite) conclusions may be reached on this point. However, while categorical change may be discontinuous, textual traditions often provide clear examples of structural continuity. The transition from the Latin demonstratives IPSE and ILLE to the Romance articles has proven to be a case-study of special interest in this respect. Although this process has attracted the attention of both Romanists and general linguists since many decades and although it has been widely investigated, it still seems to defy our understanding. Through the analysis of both Latin texts of various periods and Early Romance documents, an attempt is being made at reconsidering the main issues of the problem.
- Syntaxe variationnelle du clitique sujet en francoprovençal valaisan contemporain : un modèle pour la diachronie du galloroman septentrional ? - Andres Kristol p. 47-76 Les données originales recueillies entre 1994 et 2003 en vue de la réalisation de l'Atlas linguistique audiovisuel du francoprovençal valaisan ALAVAL permettent de réexaminer les différentes théories qui ont été proposées pour expliquer l'apparition des clitiques sujets dans la plupart des langues romanes septentrionales. Cet article présente les méthodes de travail qui ont servi à l'obtention des données et discute les observations qui se dégagent de l'emploi des marques de la personne grammaticale (pronoms toniques, clitiques sujets et désinences verbales). Le francoprovençal valaisan et valdôtain y apparaît comme une langue romane moderne qui reflète encore en synchronie certaines virtualités de la syntaxe pronominale qui ont dû se développer en latin tardif, et qui se sont décantées dans les autres langues romanes, au cours de leur standardisation.The original data collected between 1994 and 2003 for the Atlas linguistique audiovisuel du francoprovençal valaisan ALAVAL allow us to re-examine the various theories accounting for the development of subject clitics in most northern Romance languages. This paper describes the research methods used to obtain the data and highlights the observations that arise from using person markers (tonic pronouns, subject clitics and verbal endings). The Francoprovençal dialects of the Valais and the Vallée d'Aosta regions appear as modern Romance languages which have maintained several options of the pronominal syntax that must have developed in Late Latin, but which have been abandoned in the other languages during their standardization.
- Les phonosymbolismes : continuité d'une motivation primaire ? - Michel Contini p. 77-103 La linguistique générale accorde peu de place aux phonosymbolismes. En remettant en cause cette marginalisation, nous montrons que la motivation phonosymbolique a pu jouer un rôle important dans la création lexicale, les productions sonores pouvant transmettre des informations sémantiques ou évoquer, symboliquement, des réalités extra-acoustiques et être associées à des notions de dimension ou de distance, à des impressions chromatiques, tactiles ou à des degrés d'une sensation. Notre exposé comporte trois parties. La première est une réflexion générale sur le sujet. La deuxième rassemble des études personnelles sur l'origine de certains zoonymes en analysant, successivement, l'emploi de plusieurs proto-lexèmes d'origine phonosymbolique pour un même référent (désignations du papillon dans l'ALE), puis l'emploi d'un même proto-lexème pour plusieurs référents (exemples du sarde en particulier). Dans une troisième partie nous analysons la fréquence des formations d'origine phonosymbolique dans les zoonymes des variétés romanes à partir des données de l'ALiR (voir carte annexe) ouvrant la voie à de futures recherches en vue d'une typologie motivationnelle.General linguistics give but little place to phonosymbolisms. By calling into question this marginalization, we show that phonosymbolic motivation could play a big part in lexical creation, the sound productions being able to transmit semantic information or to evoke, symbolically, extra-acoustic realities and to be associated with concepts of dimension or distance, with chromatic, tactile impressions or with degrees of a feeling. Our article consists of three parts. The first is a general reflection on the subject. The second gathers personal studies on the origin of some zoonymes while successively analyzing the use of several proto-lexemes of a phonosymbolic origin for the same referent (designations of the butterfly in ALE), and the use of the same proto-lexeme for several referents (more specifically, examples taken from Sardinian). In a third part we analyze the frequency of the formations of phonosymbolic origin in the zoonymes of the Romance varieties starting from the data collected in the ALiR (see map in appendix), paving the way to a motivational typology.
- Variétés linguistiques en concorde et en conflit : wallon et français en Wallonie - Marie-Guy Boutier p. 105-121 L'histoire des relations entre les variétés dialectales belgoromanes (ici, globalement, le wallon) et le français en Wallonie peut être envisagée sous différents angles que l'article entend présenter. L'histoire interne des variétés met au jour leur différenciation progressive, entre elles et par rapport au français. Du point de vue externe, une opposition se fait jour dès le Moyen Âge entre la langue usuelle orale, wallonne, et la langue écrite des textes littéraires et diplomatiques : la scripta wallonne est une variété d'ancien français et non l'ancêtre du wallon actuel. Les échanges lexicaux montrent la cohésion de l'espace où coexistent les deux langues. Cette coexistence, d'abord pacifique, se révèlera conflictuelle lorsque le français se répandra dans les usages même oraux ; au terme de ce développement, le wallon, langue minorisée quoique reconnue sur la scène littéraire, cessera progressivement de se transmettre comme langue maternelle et de s'employer comme langue orale usuelle. C'est en classant les différents types de sources qui nous informent de manière directe ou indirecte sur ces usages et sur leur évolution que l'histoire interne et externe pourra être mise au jour de façon nuancée. Quant à la survie du wallon, l'article évoque deux menaces pesant sur son avenir : le purisme, d'une part, et l'action de prétendus défenseurs qui, sous le nom de wallon refondu, créent une variété linguistique artificielle.This article presents several angles from which the history of the relationship between Belgoroman dialectal varieties and French in Wallonia can be analyzed. The internal history of the varieties highlights their progressive differentiation, internally as well as with regard to French. From an external point of view, an opposition emerges since the Middle Ages between the usual oral Walloon language and the written language of the literary and diplomatic documents. Scripta Wallonne is not Walloon's ancestor but a variety of Old French. Lexical borrowings show the cohesion of the area in which the two languages coexist. This coexistence, peaceful at first, will eventually become conflicting when French even spreads through the oral uses. At the end of this development, Walloon, as a minorized but recognized language on the literary scene, gradually ceases to be transmitted as native language and is no longer used as common oral language. The internal and external history can be better described by classifying the different types of sources which inform us directly or indirectly about the linguistic usages and their history. With regard to Walloon's survival the article deals with two threats for its future: purism on the one hand and, on the other hand, the action of so-called defenders who are creating an artificial linguistic variety called Walon r'fondou.
- Le relatif où et ses principaux concurrents : variation morpho-syntaxique et neutralisation entre synchronie et diachronie - Pascale Hadermann p. 123-146 L'ancien français dispose de deux paradigmes locatifs, celui de ont, aux emplois essentiellement interrogatifs (portant sur une localisation), et celui de où, fréquent dans les constructions relatives. Comme ces deux formes se ressemblent (phonétiquement et graphiquement), elles seront confondues et fusionneront en une seule forme où. En moyen français, où sera ressenti comme inadéquat dans les emplois relatifs ; un nouveau relatif, lequel précédé d'une préposition, le remplacera. Le français préclassique va utiliser à tort et à travers ce relatif, ce qui aura comme conséquence que le XVIIe siècle le condamnera et privilégiera où pour référer à des antécédents ± locatifs. Ce n'est qu'au XVIIIe siècle que l'usage des différents pronoms relatifs se stabilisera et que le système moderne s'esquissera petit à petit. Notre contribution vise à retracer cette évolution lente et progressive et à montrer que « à chaque époque l'archaïque et l'innové coexistent » (cf. Moignet, 1965 : 6).Old French has two locative paradigms: one derived from the locative ont, which is mainly used in interrogatives, the other based on où, which essentially appears in relative structures. As these two forms are similar (phonetically and graphically), they will merge and survive in the single form où. In Middle French, où will be perceived as inappropriate in relative clauses and a new relative pronoun will be created: lequel which can be preceded by a preposition. Pre-classical French will abuse this new form. Consequently, the distribution of the two relative forms will be reversed in the seventeenth century, with où again being preferred as a relative pronoun. Finally, in the eighteenth century the use of relative pronouns becomes more stable and the modern system gradually emerges. Our contribution aims to trace this slow and continuing evolution and to show that the archaic and the innovative co-exist in every period (cf. Moignet, 1965 : 6).
- La notion de diamésie est-elle nécessaire ? - Jakob Wüest p. 147-162 Alberto Mioni (1983) a proposé d'ajouter à l'architecture ??? de Coseriu un cinquième paramètre, la diamésie, définie comme l'opposition graduelle entre l'écrit et le parlé. Ce paramètre nous semble pourtant faire largement double emploi avec la diaphasie, c'est-à-dire la faculté d'adapter le langage à la situation d'énonciation. En effet, les différences entre la langue écrite et la langue parlée sont essentiellement dues aux conditions de production des messages. Le langage SMS nous servira d'exemple pour montrer comment ces conditions varient aussi à l'intérieur de la production écrite et influencent de la sorte les choix linguistiques. Enfin, nous devons également prendre en considération que la communication orale n'est pas seulement verbale, mais aussi prosodique et kinésique.Alberto Mioni (1983) suggested adding a fifth parameter to Coseriu's “architecture” of linguistic varieties, the diamesia, defined as a gradual opposition between spoken and written language. However, it seems to us that this parameter overlaps with diaphasia, i.e. the faculty to adapt the language to the speech situation. In fact, the differences between spoken and written language are essentially due to the communicative situations. The SMS language or chatspeak will serve us to demonstrate how these conditions also vary between different forms of written language and contribute therefore to linguistic variation. Finally, we have to take into consideration that oral communication is not just verbal but also prosodic and kinesic.