Contenu du sommaire : I. Travaux
Revue | Travaux de linguistique |
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Numéro | no 60, 2010 |
Titre du numéro | I. Travaux |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Les limites de la rection verbale - Antoine Gautier, Laura Pino Serrano, Dan Van Raemdonck p. 7-10
- Limites fonctionnelles et transitivité - Laura Pino Serrano p. 11-27 Le but principal de cet article est de proposer un examen critique des différentes acceptions de la notion de transitivité que la grammaire du français a connues tout le long de son histoire. L'auteure restreint son champ d'analyse à la transitivité dite verbale, qu'elle conçoit, en tant que notion syntactico-sémantique, comme un type de schème « rectionnel » précis déterminé par la valence du lexème verbal impliqué (transitivité syntaxique), mais aussi comme une notion scalaire que l'on peut appliquer, à des degrés variables, à toute construction verbale (transitivité sémantique). À partir de cette idée de base, elle essaie de mettre en rapport la transitivité avec la diathèse, la complémentation, la valence et l'objet, concepts très proches et, parfois aussi, confondus avec l'idée de transitivité et/ou de construction transitive.This paper deals with the notion of transitivity, which has been studied from various perspectives throughout the history of French grammar. It concentrates on the specific problems of verbal transitivity, a notion which is defined on a syntactic-semantic level as a type of “rectional” scheme determined by the valency of the verbal lexeme involved (syntactic transitivity). It is also defined as a gradual notion that can be applied, to a greater or lesser extent, to any verbal construction which meets both certain previously established conditions and parameters (semantic transitivity). Starting from this basic idea, the author tries to associate transitivity with diathesis, complementation, valency and object. These concepts are closely related to – and therefore frequently confused with – the notion of transitivity and/or transitive construction.
- Rattachement et rection en ancien français : le cas des constructions type « ço crei » ‘je crois' - Julie Glikman p. 29-44 Cet article traite des problèmes liés à l'analyse syntaxique de verbes comme croire ou penser. Ceux-ci peuvent être recteurs de complétive, « je crois que tu viens », ou apparaître en construction incise, « tu viens, je crois », et ce dès l'ancien français. Avec l'existence, en ancien français, de subordonnées asyndétiques, des occurrences telles que « je crois tu viens » peuvent ainsi constituer des cas d'ambiguïté syntaxique, du fait de la double analyse possible, comme construction incise ou comme verbe recteur. L'auteur montre que, pour l'ancien français, la prosodie peut aider à l'analyse de ces constructions, ce qui l'amène à réinterroger les rapports prosodie – syntaxe en ancien français. Son analyse montre qu'il est possible d'observer des correspondances régulières entre position prosodique et analyse syntaxique, et que ces correspondances, si elles ne constituent pas des règles obligatoires et systématiques, se font toutefois l'écho de tendances, et permettent de fonder l'hypothèse selon laquelle il n'existe pas, ou peu, d'incises antéposées en ancien français.This paper addresses issues caused by the syntactic ambiguity of verbs such as croire ‘to believe' and penser ‘to think'. These verbs can govern a subordinate clause “je crois que tu viens” ‘I think that you come' or can be inserted as a parenthetical clause “tu viens, je crois” ‘You come, I think', even in Old French. Since asyndetic subordinated clauses existed in old French, constructions like “je crois tu viens” ‘I think you come' are syntactically ambiguous. As is shown in this paper, this ambiguity can be resolved, in Old French, through supra-segmental marking.To that effect, the author presents a study of the syntax / prosody interface in Old French, which brings her to the hypothesis that initial parenthetical clauses are avoided in Old French.
- La rection verbale à l'aune de l'incidence : l'incidence autour et alentour du verbe - Dan Van Raemdonck p. 45-64 Dans le cadre de la syntaxe génétique d'inspiration guillaumienne, les fonctions des syntagmes qui gravitent autour du verbe doivent tous trouver une caractérisation cohérente, reposant sur l'exploitation d'un seul et même critère : l'incidence en tant qu'elle est la relation entre un apport et un support de signification, l'apport se faisant soit par détermination, soit par prédication. L'auteur se propose de décrire l'ensemble des fonctions envisageables autour et alentour du verbe (compléments du verbe, compléments circonstanciels, prédications secondes…) à l'aide de ce critère, dédoublé en incidence d'attente et incidence effective. Un tel traitement permet d'intégrer des exemples apparemment difficilement ancrables comme Dors-tu content, Voltaire ?, de faire le départ syntaxiquement entre Il m'a rendu ma voiture cabossée et Il a rendu sa femme malheureuse. De même, il permet de faire un sort au traditionnel complément d'objet indirect.As a part of the genetic syntax inspired by Gustave Guillaume, syntactic functions of phrases that revolve around the verb must find a consistent characterization, based on the operation of a single criterion: the incidence considered as the relation between input and support of signification, with the input being a determiner or a predicate. The author proposes a description of all the functions governed by the verb (the complements of the verb, the ‘circumstantial' adjuncts, the secondary predicates …), based on this criterion, subdivided in standing incidence and effective incidence. Such treatment enables him to integrate seemingly difficult examples as Dors-tu content, Voltaire?, to make a syntactic distinction between Il m'a rendu ma voiture cabossée and Il a rendu sa femme malheureuse. Furthermore, it allows to get rid of the traditional indirect object.
- Morphologie constructionnelle et arguments sémantiques du verbe : un traitement HPSG des composés VN du français - Marianne Desmets, Florence Villoing p. 65-89 La structure argumentale est une propriété des verbes qui n'est pas uniquement accessible à la syntaxe mais aussi à la morphologie lexicale. De récents travaux sur les adjectifs et noms déverbaux ont montré que les règles de formation de lexèmes sont sensibles à la structure argumentale des verbes de base des dérivés ; la construction du sens peut notamment mettre en valeur un argument particulier de la base (l'argument agent des déverbaux en –eur, par exemple). Généralement, les données étudiées sont des lexèmes suffixés. Cet article porte sur les mots composés du français construits à partir d'un verbe et d'un nom, du type tire-bouchon ou gardebarrière, envisagés ici comme des formations morphologiques. Ces compositions VN présentent ceci d'intéressant que ce que dénote le composé et le N dont il est formé appartiennent au schéma argumental du verbe de base de manière strictement réglée. Les auteurs en proposent une représentation dans le cadre théorique lexicaliste qu'est HPSG, en montrant en quoi ce cadre est non seulement approprié pour rendre compte des constructions morphologiques, mais aussi particulièrement intéressant dans le sens où il offre une vision holistique de l'exploitation des ressources sémantiques des lexèmes par la morphologie et la syntaxe.The semantic argument structure of verbs is a piece of linguistic information that both syntax and morphology must deal with. Recent work on de-verbal adjectives and nouns has shown that lexeme formation rules are sensitive to the semantic argument structure of the verb base. This paper shows that, in the same way, verb-noun compound lexemes formations such as tire-bouchon or garde-barrière fall under a morphological rule which constructs the resulting semantics from the semantic argument structure of the verb base and the semantics of the noun base argument. The authors choose to develop their analysis in the lexicalist framework of HPSG because it provides a holistic view on linguistic entities. HPSG enables them to distinguish morphological constructs from syntactic constructions, and, at the same time, it allows to capture explicitly the fact that the same semantic resource is used at both levels.
- Syntaxe et ponctuation en conflit. Le point est-il une limite de la rection ? - Antoine Gautier p. 91-107 Résumé« Le point final d'une phrase est-il une limite de la rection verbale ? » Telle est la question centrale de cette contribution, qui examine le poids des frontières graphiques de la phrase dans la prise en compte des relations syntaxiques existant notamment entre le verbe et les éléments qui en dépendent. L'auteur s'attache à décrire et analyser en particulier les constituants qui, situés à droite de la clôture graphique d'une phrase syntaxiquement complète, entretiennent avec un constituant de celle-ci une relation syntaxique susceptible d'apparaître en phrase. Il montre que les ajouts de constituants essentiels à une construction verbale (compléments valenciels) sont peu acceptables et que, pour cette raison, le point constitue bien une limite de la rection verbale.This paper deals with the way the right graphic boundary of sentences influences its syntactic structure. In utterances such as Paul est entré. Par la sortie, the chunk Par la sortie might be considered a kind of graphical adjunct of the preceding sentence. First, the author proposes an account for the general syntactic properties of these adjuncts. He then sketches a typology based on the kind of relation that binds them to the left sentence, creating the ‘adjunct effect'. It is shown that some verbs do not accept to be separated from their complements by a period. Consequently, this sentence boundary is a limit of verbal complementation.
- Quelle(s) unité(s) syntaxique(s) maximale(s) en français parlé ? Discussions autour de quelques problèmes rencontrés - Christophe Benzitoun p. 109-126 Cet article présente une réflexion autour de la possibilité de définir une unité syntaxique maximale en français parlé dans le but de procéder à une segmentation systématique de transcriptions. L'auteur passe notamment en revue quelques problèmes rencontrés dans des corpus de français parlé. Il conclut par une évocation de la difficulté de définir une unité maximale à partir de critères proprement syntaxiques et souligne le fait que la « phrase » a éventuellement encore de beaux jours devant elle en l'absence d'une unité de substitution définie sur des bases solides et reproductibles.This paper aims to define a maximal syntactic unit in spoken French in order to propose a systematic segmentation procedure. To reach this goal, the author discusses some difficulties encountered in corpora of spoken French. His provisional conclusion is that defining a maximal unit only with syntactic criteria is impossible. Therefore, the notion of “sentence” remains a credible solution in the absence of a substitutive unit defined on a strong basis and on reproducible criteria.
- Une description des constructions introduites par un si dit austinien - Gilles Corminboeuf p. 127-144 Cette contribution porte sur une série d'énoncés en si P, Q parfois estampillés « si austiniens », depuis Austin (1961). Ce sont des constructions bien connues comme Si tu as soif, il y a de la bière dans le frigo. Un certain nombre de solutions ont été proposées en sémantique pour rendre compte du fait que la notion de condition suffisante s'applique très imparfaitement. On dit que P est une condition suffisante pour l'acte de langage Q et non pour son contenu… Du point de vue syntaxique, les tests habituels de rection démontrent que la si-P ne se comporte pas comme un complément régi. L'auteur propose de donner une explication (macro-)syntaxique à ce phénomène. A son sens, ce sont des constructions elliptiques du régissant de l'élément si P. Dans si tu as soif : il y a de la bière dans le frigo, l'élément entre parenthèses angulaires – qui est le régissant de si tu as soif – est ellipsé. Ces constructions sont d'ailleurs souvent paraphrasées au moyen de verba dicendi. L'argument principal en faveur de cette analyse en termes d'ellipse est le fait que parfois le verbe de parole est réalisé : si vous êtes en vacances / ce qui va suivre devrait vous intéresser c'est la météo des plages (oral télévisuel).This study deals with French conditional constructions (si P, Q) sometimes called “austinian si” (because they have been studied by Austin, 1961), such as There are biscuits on the sideboard if you want them. At the semantic level, several solutions have been proposed to explain why the notion of ‘sufficient condition' applies imperfectly. It is said that P is a sufficient condition with respect to the speech act Q, rather than to the contents of Q. At the syntactic level, the usual rection tests show that si P is not a dependent adverbial complement. The author provides a macro-syntactic explanation of this phenomenon, showing that these utterances are elliptical, the governed source of si P being absent. In si tu as soif : il y a de la bière dans le frigo, the sequence (= the governed source of si tu as soif) is implied. Moreover, these utterances are often paraphrased with verba dicendi. The main argument in favour of this analysis is that the verbum dicendi is sometimes realized : si vous êtes en vacances / ce qui va suivre devrait vous intéresser c'est la météo des plages .
- Rattachement et fragmentation de la syntaxe par la prosodie - Mathieu Avanzi p. 145-166 Dans le cadre d'un recueil d'études sur la rection verbale et ses rapports avec la micro- et la macro-syntaxe, il est intéressant de discuter de l'implication de la prosodie dans la structuration grammaticale du discours, et de montrer sur la base de quelques exemples, comment celle-ci contribue à signaler des regroupements micro-syntaxiques non marqués morphologiquement (des « greffes » selon un terme initié par Deulofeu, 1999) ; ou, inversement, comment elle concourt à délimiter des unités macro-syntaxiques ayant pourtant l'apparence de régimes verbaux (ce qu'on appelle, depuis Bally (1944 : §75), des « épexégèses »).The role of prosody in the delimitation of micro- and macro-syntactic units is not well known. In order to formulate some hypotheses on this matter, the author presents a methodology which aims at parsing discourse in syntactic units and prosodic units. A comparison of the two segmentation procedures reveals that sometimes there is a mapping between these two levels of analysis, sometimes there is not. A study of these cases of mismatch shows how prosody can point out micro-syntactic relationships that are not morphologically marked (what is called “grafted constructions” since Deulofeu 1999); or, on the contrary, how prosody can delimitate macro-syntactic units that seem to function as governed verbal phrases (« epexegesis » in Bally's framework (1944 : §75)).
- Les rections « orphelines » : une illusion verbo-centrique ? - Hugues Constantin de Chanay p. 167-182 À partir de l'examen d'exemples qui dérogent apparemment à la règle selon laquelle toute relation de dépendance syntaxique implique par définition deux éléments linguistiquement formulés (un « recteur » et un « régi »), l'auteur considère que de telles dérogations semblent produire en quelque façon des « rections orphelines ». Néanmoins, il suggère que ce qu'il appelle le « co-texte hétéro-sémiotique », et même, parfois, le contexte référentiel lui-même, fournit dans de tels cas le second élément nécessairement impliqué dans la relation syntaxique. Il propose de distinguer au moins trois niveaux pour l'analyse, à savoir syntaxique, notionnel, référentiel. Enfin, abordant la question de savoir quels sont les mécanismes à l'œuvre dans la sélection d'éléments non linguistiques, il montre comment la deixis peut aider à la sémiotisation du monde. La plupart du temps les rections orphelines ne sont rien de plus qu'une illusion résultant d'une perspective verbo-centrique trop restrictive.Starting from a set of examples that apparently do not follow the rule according to which a relation of syntactic dependence by definition implies two linguistically expressed elements, the author considers that in some way such derogations seem to produce instances of “orphan rection”. However, he suggests that what he calls the “hetero-semiotic co-text”, or even sometimes, the referential context itself, in these cases provides the second element necessarily implied in the syntactic relation. He proposes to distinguish at least three levels for the analysis, i.e. a syntactic, a notional and a referential layer. Finally, considering which mechanisms prevail in order to select a non-linguistic element, he shows how deixis can contribute to the semiotization of the world. In most cases, orphan rections are nothing more than an illusion resulting from an excessively restrictive “verbo-centric” perspective.