Contenu du sommaire : Déplacer les frontières du travail
Revue | Tracés |
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Numéro | no 32, 2017/1 |
Titre du numéro | Déplacer les frontières du travail |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Déplacer les frontières du travail - Anaïs Albert, Clyde Plumauzille, Sylvain Ville p. 7-24
Articles
- Les travailleurs de la mer : désertions et débarquements des marins provençaux au xviiie siècle - Claire Boer p. 27-48 Les navigants embarqués sur les navires marchands provençaux au xviiie siècle quittent fréquemment leurs navires au cours de leurs voyages, avec ou sans le consentement de leurs capitaines. Les abandons de navire sont liés au statut juridique des marins et aux conditions d'exercice du travail maritime sous l'Ancien Régime. Les marins n'ont en effet pas la liberté de quitter leur travail. Placés dans une relation de subordination, ils voient leur mobilité restreinte par le pouvoir royal. L'abandon du navire entraîne une rupture dans l'engagement de travail et est criminalisé. Les débarquements et désertions des navigants traduisent cependant des rapports de force qui s'expriment à bord des navires. Stratégie économique, forme de résistance ou moyen de négocier ses conditions de travail, ils témoignent de la capacité des travailleurs de la mer à saisir les multiples opportunités qui s'offrent à eux au cours des navigations. Ils expriment les façons dont ces hommes perçoivent leur travail et les conditions de son exercice au quotidien. Par leurs départs des navires et les discours mobilisés pour justifier le débarquement, les marins placent enfin leurs revendications à un droit à la mobilité sur le terrain d'une lutte morale. Ce faisant, ils redéfinissent collectivement les frontières du travail de la mer au xviiie siècle.18th century merchant seafarers frequently leave their ships during their navigations, with or without the consent of their captains. Merchant ship's desertions and disembarkations are linked to the sailor's juridical status and work conditions. Indeed, seafarers are not allowed to leave their work. Placed in a subordinate relationship, their mobility is restrained by the royal power. Desertion and disembarkation from the ship thus introduce a rupture in the work contract of engagement, which is criminalized. Sailor's disembarkations however express the complex power relations that structure their workplace and the maritime labour. Running away from a ship can be a way for these men to elaborate economic strategies, to resist to their commanders or to negotiate their work conditions. Hence it expresses the ways they perceive their own work and their daily working conditions. Leaving the ship eventually allow them, through the discourses they use to justify their disembarkation, to place their claim to a right to mobility in the field of a moral struggle. Thus, they collectively redefine the boundaries of maritime labour during the 18th century.
- Un travail sous tension. Les agents immobiliers américains entre affranchissement des contraintes salariales et marchandisation - Eliza Benites-Gambirazio p. 49-68 En prenant le cas des agents immobiliers d'une ville moyenne de l'ouest des États-Unis, l'article propose une définition du travail par les représentations et les pratiques des travailleurs. Ce travail s'appuie sur une enquête qualitative par observations et par entretiens. Proposant d'abord un aperçu historique sur la construction de la légitimation des agents dans la société américaine, la recherche montre en quoi l'agent moderne travaille et se perçoit en opposition avec une forme classique du travail, le travail salarié, caractérisé par une rémunération fixe et des temps au travail définis ainsi que par une séparation des sphères entre temps libre et travail. Les pratiques de travail permanent des agents immobiliers brouillent les frontières entre travail et temps personnel et s'apparentent à une forme d'engagement total qui amène le travailleur à développer plus qu'un capital social, un certain ethos en symbiose avec les biens immobiliers vendus.Based on the case of real estate agents in a medium city of the Western United States, this paper considers a definition of work by the representations and practices of the workers. Drawing on ethnographic observations and interviews, it first brings an historical overview of the legitimation and professionalization of agents in American society, to then show how agents work and perceive themselves in opposition to a classical form of work – employee with a fixed compensation, time defined, separation of spheres between free time and work. The permanent work practices blur the boundaries between work and personal time and resemble a form of total commitment which brings the workers to develop more than social capital, a certain ethos in symbiosis with the goods they sell.
- L'agriculture biologique : un travail pas comme les autres ? - Frédéric Nicolas p. 69-90 L'agriculture biologique naît du refus d'utiliser des intrants de synthèse, mais aussi plus généralement de la contestation des frontières du travail agricole établies à l'après-guerre (agriculture professionnelle). À partir d'une enquête par entretiens et observations, cet article analyse la diversité et l'inégal succès des projets de redéfinition du travail à l'œuvre en agriculture biologique. Nous montrons que certaines pratiques relevant du travail et de l'économie domestique ne vont pas de soi au sein d'un groupe professionnel durablement marqué par le modèle salarial et l'idéal de parité avec les autres groupes professionnels. Nous montrons par ailleurs que la redéfinition des frontières du travail par les agriculteurs biologiques a d'autant plus de chance d'être reconnue par les pairs et donc de s'inscrire dans la durée que les déplacements sociaux qu'elle implique sont nuls ou minimes, ou que leurs effets sont euphémisés par des ressources valorisées au sein du groupe professionnel agricole (capital symbolique et ressources organisationnelles).Organic farming is not only a way to produce food (dismissive of chemical inputs) but also a means to contest the way work was defined by “Modernisers” after the Second World War (professional agriculture). This redefinition of work revolves around the place of household work and economy in the day-to-day activities of organic farmers. Resorting to unemployment benefits, unpaid and undeclared work, to barter economy and to short distribution channels – as some organic farmers do – is considered a deviance since wage parity has become an ideal to reach for professional organisations. Relying on interviews and observations, we show that being from a farmer's background, having symbolic capital or organisational resources help some organic farmers gain recognition by peers, though it lessens the critical dimension of their activity.
- Des « inactives » très productives. Le travail de subsistance des femmes de classes populaires - Collectif Rosa Bonheur p. 91-110 Dans un contexte de chômage structurel, ouvriers et employés se trouvent cantonnés aux marges précaires du salariat et de l'activité indépendante, centrales pour ces catégories, en particulier dans les territoires marqués par la désindustrialisation. Ces fractions des classes populaires se voient symboliquement et médiatiquement déqualifiées et reléguées au statut d'assistés et d'inactifs. À l'image des quartiers et villes populaires où elles résident, leurs activités quotidiennes sont fréquemment reléguées du côté de l'oisiveté ou de l'illégalité. À partir d'une description fine des pratiques de femmes suivies dans le cadre d'une enquête ethnographique menée à Roubaix depuis 2011, nous proposons, en suivant les perspectives féministes et matérialistes, de qualifier de travail des pratiques quotidiennes habituellement assimilées et assignées à l'espace du hors travail. Ce travail relève du « travail de subsistance » (Mies, 1988), entendu comme l'ensemble des tâches et activités nécessaires à la satisfaction des besoins, à l'accès aux ressources et à la protection, qui orientent le quotidien. Il est mis en œuvre par les classes populaires dans ce contexte historique de déstabilisation du salariat mais tend à être invisibilisé par un système de rapports sociaux de classe, de sexe et de race. La participation à des ateliers organisés dans des centres sociaux nous a ainsi permis d'accéder au quotidien de femmes qui déploient des activités dont la contribution est essentielle à l'économie familiale. Nous montrons dans un premier temps la richesse et la consistance de ce travail de subsistance, ainsi que la qualification collective dont il fait l'objet. Dans un second temps nous soulignons les limites et les ambivalences de ce travail de subsistance, qui alimente un brouillage ambigu des frontières entre espace public et espace privé, ce qui contribue à son inscription dans des rapports sociaux de classe (vis-à-vis des travailleuses sociales) ou de sexe (vis-à-vis des maris) défavorables à ces femmes et à la reconnaissance de leur travail comme tel. Étroitement lié à l'exclusion de ces femmes du salariat, le travail de subsistance fait cependant système avec lui.In a structural unemployment context, blue collar workers and white collar employees are restricted to the precarious margins of both the wage system and independent labor, that used to be central for these groups, especially in deindustrialized areas. These parts of the working class – and the areas they live in – are therefore symbolically deskilled and marginalized, and often described as welfare-dependent and economically inactive – or as delinquents. Based on an ethnographic investigation led in Roubaix since 2011 and on a feminist and materialist perspective, we analyze women's daily practices as labor, while they are usually not considered likewise. This “subsistence labor” (Mies, 1988) – defined as all tasks and activities that direct daily life as they are necessary to meet needs, to access resources and protection. Subsistence labor is performed by the working class in a context of wage system destabilization, but it is widely made invisible by class, gender and racial social relations. Our participation in community centers workshops enabled us to access women's daily life and activities – that appeared to be absolutely necessary to families livelihoods. In this article, we first highlight the depth and extent of this subsistence labor, and its collective qualification. We then underline its limits and ambivalences, as it blurs the line between public and private spaces, leading to class (related to social workers) and gender (related to husbands) domination, and to its own invisibility as actual labor. Finally, although subsistence labor is closely related to these women's exclusion from the wage system, it is totally interdependent with the latter.
- Le travail re-productif des femmes : le cas de l'assistance médicale à la procréation (AMP) en France - Irène-Lucile Hertzog p. 111-132 À partir d'une enquête qualitative menée auprès de femmes professionnellement actives engagées dans des parcours de fécondation in vitro, cet article montre comment l'assistance médicale à la procréation (AMP), en arraisonnant le corps des femmes à un contrôle biomédical auquel tout le reste doit être suspendu, fait surgir chez elles l'idée d'un travail reproductif. La charge corporelle et mentale propre au suivi de protocoles d'AMP bouscule en effet les représentations des femmes au sujet des tâches procréatives. Faire un enfant ne va plus de soi et implique, tant physiquement que symboliquement et émotionnellement, un travail de santé chronophage et coûteux qui interroge la division genrée entre sphères productive et reproductive.Based on a sociological survey about professionally active women undergoing an in vitro fertilization (IVF) cycle, this paper investigates how Assisted Reproductive Technology (ART), by subjecting women's bodies to a biomedical control that takes precedence over everything else, triggers the idea of a reproductive work. The physical and mental load specific to an IVF treatment indeed disrupts the social representation of procreative tasks. Conceiving a child is no longer an obvious matter but it entails, not only physically but also symbolically and emotionally, time-consuming and costly treatments which call into question the gendered division between the productive and reproductive spheres.
- Le digital labour, extension infinie ou fin du travail ? - Sébastien Broca p. 133-144 Cet article considère le champ d'études constitué autour de la notion de digital labour comme révélateur de deux tendances actuelles : la caractérisation comme travail d'un nombre croissant de temps sociaux, le rôle économique grandissant des processus d'automatisation algorithmique. L'hypothèse défendue est que l'extension de la notion de travail à des activités quotidiennes – comme utiliser un moteur de recherche ou porter un bracelet connecté – est dialectiquement liée au fait que, dans certains secteurs de l'économie numérique, l'activité humaine consciente n'est plus la seule source de la valeur. Autrement dit, les théoriciens du digital labour présentent comme du travail des activités que le sens commun ne considère pas comme telles, parce que ces activités servent d'inputs à des processus économiques où l'automatisation tient une large place. Il s'agit ainsi en quelque sorte de retrouver le travail dans les secteurs où sa centralité paraît remise en cause. Ce geste théorique, pour intéressant qu'il soit, peut susciter quelques réserves. D'une part, il rompt avec la définition philosophique moderne du travail en tant qu'activité consciente et volontaire. D'autre part, il semble réduire l'ensemble de nos temps sociaux au vaste processus d'accumulation capitaliste. La fin de l'article tente d'élaborer quelque peu ces deux critiques.This article considers that the emergence of digital labour studies is revealing of two current trends: the framing of a growing number of social activities as labour, the growing economic importance of algorithmic automation. My hypothesis is that the tendency to consider as labour many everyday life activities – such as using a search engine or wearing a tracking device – has to do with the fact that, in some parts of the digital economy, conscious human activity is not the only source of value any more. In other words, digital labour theorists expand the notion of labour to activities that common sense knowledge does not consider as such, because these activities serve as inputs in a process of value generation that heavily relies on algorithmic automation. They thus seek to highlight new forms of labour in parts of the economy where human labour seems to have lost its prominence. Although this theoretical move is an important contribution to the current debate about the mutations of work and labour, it can be criticised. First, digital labour theorists seem to easily give up on the modern philosophical definition of labour as a conscious and intentional activity. Secondly, they seem prone to considering that the only signification of our online activities is to fuel the process of capitalist accumulation. The end of the article elaborates on these two aspects.
- Critique démocratique du travail - Alexis Cukier p. 145-164 Les évolutions des activités productives ces trois dernières décennies, en déplaçant les frontières de l'extension et de la compréhension du concept de travail, ont remis en question le rapport entre les domaines du travail et de la démocratie. Une critique démocratique du travail, pour analyser ce rapport, peut s'appuyer sur l'examen psychosociologique de la manière dont les normes démocratiques se construisent aujourd'hui au sein de l'activité et au moyen de la contestation de l'organisation néomanagériale du travail dans l'entreprise. Elle conduit également à réactualiser la thèse de la centralité politique du travail, selon laquelle le contrôle du travail est l'enjeu central de l'activité politique de transformation des rapports sociaux. Cette critique démocratique du travail permet d'éclairer l'une des principales conditions d'un projet contemporain de démocratisation du travail : une redéfinition du statut institutionnel du travailleur qui rendrait ses droits politiques coextensifs aux droits démocratiques des citoyens.The evolutions of the productive activities during the past three decades have not only shifted the borders of the extension and intension of the concept of labour, but also moved the boundaries between the domains of work and democracy. In order to grasp this relation, a democratic criticism of work can rely on the psycho-sociological analysis of the way democratic norms are being elaborated in the firm, within the activity and by means of the contestation of the neomanagerial organization of work. This analysis leads to reactualize the thesis of the political centrality of work, according to which the control of work is the central stake of the political activity of transforming social relations. Such a democratic criticism of work can finally shed some light on one of the main conditions in order to democratize work : the extension of the institutional status of the worker that would make his political rights coextensive with the democratic rights of citizens.
- Les travailleurs de la mer : désertions et débarquements des marins provençaux au xviiie siècle - Claire Boer p. 27-48
Dossier traduction
- Présentation du dossier - Anaïs Albert, Clyde Plumauzille p. 167-172
- Les femmes et le monde des Annales - Natalie Zemon Davis p. 173-192 Cet essai analyse le rôle marginalisé des femmes dans les études historiennes des Annales de la première génération, en commençant par le travail de l'ethnographe et historienne juive autrichienne Lucie Varga et l'aide non rémunérée de Suzanne Dognon-Febvre et de Simone Vidal-Bloch. Il explore ensuite la formation supérieure et les carrières des femmes qui avaient un lien avec les Annales depuis leur fondation en 1929 jusqu'à la fin de la Seconde Guerre mondiale : les deux autrices qui y ont publié des articles – Varga et Thérèse Sclafert, historienne économique –, les autrices des ouvrages recensés ou des recensions – Yvonne Bézard, historienne économique, Marie-Louise Sjœstedt, linguiste, Germaine Rouillard, égyptologue – sans oublier Eugénie Droz, spécialiste de la Renaissance, éditrice d'un livre de Febvre. L'École pratique des hautes études se révèle pour ces femmes un cadre accueillant pour l'acquisition de formation supérieure, sans conduire à un poste universitaire. Elles suivent des trajectoires professionnelles de bibliothécaire, d'archiviste, d'éditrice ou d'enseignante pour les élèves de Sèvres. Le texte se conclut sur une réflexion sur le tribut intellectuel payé dans leur travail respectivement par Lucien Febvre et Franck Borkenau à leurs épouses, Varga et Dognon.The essay analyses the hitherto unexamined role of women in the historical scholarship of the first generation of the Annales, starting with Lucie Varga's work and the unpaid assistance given to the publication by Simone Vidal Bloch and Suzanne Dognon Febvre. It then explores the education and careers of women somehow connected to the Annales from its founding in 1929 through World War II: the two who contributed articles (the historian-ethnographer Lucie Varga and the economic-historian Thérèse Sclafert); those whose books were reviewed or served as reviewers (the economic historian Yvonne Bézard, the linguist-mythographer Marie-Louise Sjœstedt; the Egyptologist Germaine Rouillard); and the Renaissance scholar Eugénie Droz, who published one of Febvre's books. The École pratique des hautes études turns out to be a welcoming setting for women's higher education. Yet, rather than university posts, they established careers as a librarian, archivist, publisher, or professor to women at Sèvres. The essay concludes with a consideration about the intellectual tributes paid in their works by Lucien Febvre and Frank Borkenau to their spouses, Lucie Varga and Suzanne Dognon.
- Genre, publication scientifique et travail éditorial. L'exemple de la revue Annales. Histoire, Sciences sociales - Étienne Anheim p. 193-212 Cet article propose une réflexion historiographique et sociologique sur la place des femmes dans la revue Annales, des années 1930 à nos jours. Il développe son analyse dans trois directions : la publication de travaux écrits par des femmes dans la revue ; le rapport entre hommes et femmes au sein du travail éditorial au sein même de la revue ; la place donnée par les Annales aux thématiques liées à l'histoire des femmes et du genre. Il cherche finalement à montrer l'intérêt de la notion de genre pour écrire une histoire intellectuelle et sociale de la production historique, et à s'interroger de manière réflexive sur les enjeux scientifiques et politiques sous-jacents à cette démarche pour le travail de la revue aujourd'hui.This article presents a historiographical and sociological reflection on the place of women in the journal Annales from the 1930s to the present. The analysis focuses on three aspects: the publication of articles written by women in the journal; the relations between men and women in the context of editorial work carried out at the journal itself; and the place accorded by the Annales to themes relating to the history of women and gender. Ultimately, the article seeks to demonstrate the importance of the notion of gender when it comes to writing the intellectual and social history of historical research itself. It also proposes a reflexive interrogation of the underlying scientific and political implications of this approach for the work of the journal today.
Entretiens
- Le travail du sexe : entretien croisé avec Morgane Merteuil et Thierry Schaffauser - Morgane Merteuil, Thierry Schaffauser p. 215-236 Stigmate et métier, la prostitution est généralement exclue du monde de l'effort laborieux. « Travail que l'on ne saurait voir », la prostitution, si elle peut être une forme d'oppression et d'exploitation, peut également constituer le lieu de stratégies et d'options, voire de libertés, individuelles. Les combats actuels menés par les prostitué-e-s, qu'ils et elles se définissent ou non comme travailleurs et travailleuses du sexe, placent ainsi au cœur de leur savoir-faire militant la lutte pour la défense des droits, la capacité d'agir et de négocier ses conditions de travail « pour une économie sexuelle la plus égalitaire possible ». Dans cet entretien croisé, Morgane Merteuil et Thierry Schaffauser, travailleuse et travailleur du sexe activistes, explicitent les enjeux de cette lutte pour « appeler travail ce qui est travail ». Dans le sillage de leur expérience militante et professionnelle, ils proposent une définition du travail du sexe à partir des façons de dire et des façons de faire des travailleurSEs. Ce faisant, ils déploient une réflexion plus globale sur les frontières troubles du travail selon une perspective féministe, anticapitaliste et syndicaliste.A stigma and a labor, prostitution is usually excluded from the world of work. « Work which one cannot endure to look on », prostitution can be both a form of oppression and exploitation and a site for personal strategies and options, even individual freedom. The present fights carried out by prostitutes, whether they call themselves sex workers or not, put at the center of their militant know-how the defense of rights, agency and the ability to negotiate their working conditions in order to promote a sexual economy as egalitarian as possible. In this joint interview, Morgane Merteuil and Thierry Schaffauser, sex worker activists, elucidate the stakes of this fight to call prostitution « sex work ». Based on their activist and professional experience, they offer a definition of sex work from the workers' ways of saying and ways of doing. That way, they offer a more global reflexion on the blurred borders of work from a feminist, anticapitalist and activist perspective.
- Berenson, « l'anti robot-travail » - Ludovic Garattini, Camille Paloque-Berges p. 237-258 Le travail est souvent envisagé comme une activité professionnelle que nous accomplirions en échange de gratifications économiques ou sociales. Dans la continuité de cette vision du travail, la robotique est devenue, par les processus automatisés qu'elle présuppose, installe ou « remplace » au sein d'activités professionnelles de plus en plus variées, cela même que l'on identifie comme dépossédant des millions d'entre nous de leurs métiers et savoir-faire. Cet entretien est une enquête sur un robot scientifique auprès de l'équipe interdisciplinaire qui l'a conçu : Berenson l'« amateur d'art », ayant été expérimenté non plus seulement en laboratoire mais aussi dans les couloirs du musée du quai Branly-Jacques Chirac à Paris entre 2012 et 2016. Objet de recherche très particulier à la croisée de la robotique développementale et bio-inspirée et de l'anthropologie sociale des interactions, il permet de revenir sur certains préjugés concernant les robots au travail, en associant des problématiques de création et de découverte aux espaces du travail scientifique et de médiation culturelle dans lesquelles il est mis en œuvre.A widespread understanding of « work » would be the one of a professional endeavor, undergone for the purpose of some financial or social compensations. Nowadays Robotics is the contemporary heir of this rather dry understanding of work. For the automatism it requires, creates or implements wherever possible in a growing number of professional activities, Robotics is thought to be what is or will take millions of employments across all industries, depriving humans of their work and expertise. This interview investigates a scientific robot with the interdisciplinary team that participated in its conception: Berenson, the “art amateur”, which was experimented not only in the laboratory but also within the museum quai Branly-Jacques Chirac in Paris between 2012 and 2016. A peculiar research object at the crossroad between developmental and bio-inspired Robotics and Social Anthropology of interactions, Berenson deters all anticipations regarding robots at work, by combining issues of creation and discovery with the workspaces of science and culture.
- Le travail du sexe : entretien croisé avec Morgane Merteuil et Thierry Schaffauser - Morgane Merteuil, Thierry Schaffauser p. 215-236