Contenu du sommaire : Capital social en migration

Revue Actes de la recherche en sciences sociales Mir@bel
Numéro no 225, décembre 2018
Titre du numéro Capital social en migration
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Une voix s'est tue : Hommage à Pascale Casanova (1959-2018) - Joseph Jurt p. 4-7 accès libre
  • Les migrations internationales à l'épreuve du capital social - Hugo Bréant, Sébastien Chauvin, Ana Portilla p. 8-13 accès libre
  • Des enfants des élites post-soviétiques dans les pensions suisses - Caroline Bertron p. 14-27 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    En partant des transformations de pensionnats privés internationaux en Suisse et de leurs publics, cet article s'attache à montrer que la scolarité dans une école dite internationale et à l'étranger n'a pas toujours un effet de levier « international » dans les trajectoires ultérieures des élèves. Le cas des élèves issus de familles russes fortunées, envoyés en Suisse pour leur scolarité secondaire dans les années 1990 et 2000, permet de saisir la formation de trajectoires élitaires individuelles et collectives plus nuancées que l'alternative d'un retour dans le champ du pouvoir national ou d'une carrière professionnelle internationale. L'article montre les aspirations contradictoires qui accompagnent ces scolarités mais aussi la force des ancrages locaux et les voies d'installation en Suisse développés par les ancien·ne·s élèves dans les années qui suivent leur sortie du pensionnat.
    This article explores the transformation of international private boarding schools in Switzerland and of their clientele. It argues that an education in a so-called “international” school abroad does not always give international leverage to the students' subsequent careers. The case of students coming from wealthy Russian families and sent to high school in Switzerland in the 1990s and 2000s sheds light on the shaping of individual and collective elite trajectories that are more nuanced than an alternative between a return to the field of national power or an international professional career. The article shows on the contradictory aspirations that come with these educational experiences as well as the resilience of local socialization and the pathways towards residence in Switzerland for the alumni after they have left these boarding schools.
  • De bonnes fréquentations : Envoyer au « bercail » les enfants né·e·s aux États-Unis de parents sénégalais·e·s - Amélie Grysole p. 28-41 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    L'émigration de couples de parents sénégalais·e·s vers les États-Unis vise à assurer une reproduction des classes moyennes devenue difficile à Dakar. Comment, dans ces conditions, expliquer le paradoxe apparent de l'envoi des enfants dits de la seconde génération à Dakar, pour grandir auprès de leurs proches, mais aussi loin de leurs parents ? Au-delà des logiques économiques (frais d'éducation moins élevés à Dakar), en quoi « attacher » les enfants aux membres dakarois·e·s des maisonnées transnationales et au voisinage du quartier familial peut-il se révéler central pour la mobilité sociale entre deux espaces nationaux de classement social ? La mise à distance des « mauvaises fréquentations » aux États-Unis et la valorisation des relations au Sénégal participent d'une stratégie éducative de lutte contre les risques d'échec social en migration. La présence des enfants à Dakar ouvre la possibilité de lutter contre le déclassement, en socialisant les enfants à la position de classe moyenne, ainsi que d'actualiser la trajectoire ascendante des parents migrant·e·s sur la scène sociale de référence.
    The migration of Senegalese parents to the United States is meant to secure the reproduction of the middle classes at a time when this reproduction has become more difficult in Dakar. In such conditions, how can on explain the apparent paradox that consists in sending to Dakar second-generation children in order for them to grow up close to their family but also far from their parents? Beyond the economic reasons (lower costs of education), why is it important for the social mobility between these two national spaces of social stratification to “tie” the children to the Dakar members of these transnational households and to the family neighborhood? Putting some distance between the children and the “wrong crowd” in the United States while valorizing social relationships in Senegal are the two components of an education strategy that aims at limiting the risks of social failure in a situation of migration. The presence of the children in Dakar makes it possible to fight against social down ward social mobility by socializing them in a middle class context while validating the upward social mobility of the parents in the social context of reference.
  • Une famille dans l'église : Sociabilités des classes populaires immigrées aux États-Unis - Ana Portilla p. 42-53 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Cet article s'intéresse aux manières dont les immigrés de classes populaires et sans statut légal acquièrent et entretiennent des relations après la migration. L'enquête ethnographique, qui porte sur un groupe de fidèles d'une petite église évangélique en Californie, montre que la participation aux sociabilités de l'église est relativement coûteuse et demande un véritable travail d'entretien des relations. Différentes manières d'appartenir au groupe coexistent ensuite et n'ont pas les mêmes effets sur les trajectoires de ces hommes et femmes installés depuis plusieurs années aux États-Unis, pour qui le capital social aide à pallier les multiples obstacles liés à leur statut. Ainsi le franc succès des églises évangéliques auprès des immigrés de classes populaires ne saurait s'expliquer simplement par le rattachement à une « communauté » culturelle et religieuse. Une approche par le capital social permet d'appréhender le reclassement social post-migratoire que permet ce type d'instances d'encadrement.
    This article focuses on the social relationships that undocumented working class immigrants develop and maintain after migrating. Based on an ethnography of a congregation associated with a small evangelical church in California, it suggests that the participation in church activity is costly and requires an ongoing maintenance of social relationships. Different ways of belonging to the group coexist and have different effects on the trajectories of the men and women who have been residing in the United States for several years, and for whom social capital contributes to offsetting the many obstacles associated with their status. Thus, the success of evangelical churches among working class immigrants cannot be simply explained in terms of belonging to a cultural or religious “community.” An approach in terms of social capital makes it possible to understand the post-migration social requalification made possible by such instances of social supervision.
  • Retours sur capital(e) : Socialiser les émigré·e·s au retour - Hugo Bréant p. 54-66 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Les réinstallations des émigré·e·s dans leur pays d'origine semblent s'accélérer ces dernières années. La nécessité de préparer son retour, de s'appuyer sur des ressources à la fois économiques et scolaires, rendent ce processus particulièrement sélectif. Si cet article souligne les logiques inégalitaires de ces migrations, il démontre avant tout le rôle prégnant du capital social dans ce phénomène. La possession d'un capital social en migration, mais surtout dans le pays d'origine, renforce les propensions au retour et accélère les réinstallations des émigré·e·s. L'article plaide donc pour une approche du capital social en migration qui soit plus attentive à sa dimension socialisatrice. Les émigré·e·s reviennent d'autant plus qu'ils ont été socialisé·e·s, par l'exemple et par la pratique, à la migration de retour par leur entourage familial et amical.
    The return of emigrants to their home country seems to be a trend that has gained momentum over the last few years. The need to prepare return and to mobilize resources that are both economic and educational makes this process particularly selective. While this article emphasizes the inequalitarian dynamics of these migrations, it suggests that social capital plays a major role in this phenomenon. Possessing social capital as a migrant but also in one's home country reinforces the inclination to come back and accelerates the resettlement of emigrants. The articles advocate an analysis of social capital in migratory conditions that is more attuned to its socializing dimension. The more emigrants have been socialized to return home by their entourage of family and friends in both demonstrative and practical ways, the more they tend to come back to their home country.
  • Déplacements : Migrations et mobilités sociales en contexte transnational - Jennifer Bidet p. 67-82 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Dans quelle mesure la mobilité spatiale, le déplacement dans l'espace géographique, peut-elle être lue comme une matérialisation d'une mobilité sociale, d'un déplacement dans l'espace social ? Et dans quelle mesure ce déplacement géographique peut-il même être un facteur de mobilité sociale ? C'est en partant de ces questions classiques mais encore peu approfondies dans le cas des migrations internationales que cet article propose de réfléchir à l'appréhension de dynamiques sociales à une échelle dépassant les frontières de l'État-nation. À rebours d'analyses des parcours migratoires trop centrées sur l'adaptation culturelle, il s'agit de réfléchir aux outils permettant d'appréhender les trajectoires migratoires comme des trajectoires sociales se déployant sur plusieurs espaces sociaux définis par défaut comme nationaux. S'il convient d'une part de reconstituer des trajectoires complètes de migration, tenant ensemble l'objectivation de la position sociale de départ et celle d'arrivée, et les interrelations entre les deux, il apparaît nécessaire d'autre part de dépasser l'échelle des trajectoires individuelles ou collectives pour penser les relations et intersections entre les espaces sociaux dans lesquels se déploient ces trajectoires.
    To what extent can spatial mobility, movement within a physical geography, be interpreted as the materialization of social mobility, of movement within a social geography? And to what extent can this geographical movement be itself a factor of social mobility? Starting from these classical questions, which remain understudied in the case of international migrations, this article offers tentative reflections about the analysis of social dynamics that operate beyond the national scale. Against approaches to migrations that are overly focused on cultural adaptation, it seeks to understand migrant trajectories as social trajectories spanning several social geographies that are defined, by default, as national ones. While one must reconstruct complete migration trajectories in a way that objectivizes the initial social position and the social position of arrival as well as their interrelation, it also seems necessary to go beyond the scale of individual or collective trajectories in order to grasp the relations and intersections between the social spaces within which these trajectories are deployed.
  • « L'Algérie n'a pas faim ! » : Prise de position et engagements du sociologue Abdelmalek Sayad - Samir Hadj Belgacem p. 83-95 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Cet article introduit un texte peu connu du sociologue algérien Abdelmalek Sayad, publié dans le journal étudiant Sorbonne(s) Nouvelles en 1989, intitulé « Algérie : les causes profondes du soulèvement d'octobre ». Traitant des protestations populaires d'octobre 1988, qui ont conduit à la crise du régime algérien et à l'ouverture du régime au pluralisme partisan, cette publication est remarquable, car elle constitue une des rares prises de position publiques du sociologue sur des faits d'actualité en Algérie. En partant des archives de l'article (version publiée et version manuscrite transmise au comité de rédaction), L'enjeu est de resituer l'histoire de cette publication et de saisir les origines biographiques d'une prise de position fortement critique du nationalisme et du gouvernement FLN. L'étude de cet article permet de réfléchir aux logiques d'engagement politique du chercheur, encore peu étudiées, Sayad s'étant appliqué à distinguer tout au long de sa carrière les sphères savante et militante.
    This article presents a little-known text by Algerian sociologist Abdelmalek Sayad, published in the student journal Sorbonne(s) Nouvelles in 1989 and titled “Algeria: the root causes of the October insurgency.” Dealing with the grassroots protests of October 1988 that led to the crisis of the Algerian regime and to its opening toward political pluralism, this publication is remarkable to the extent that it is one of Sayad's few public pronouncements about Algerian events. Using the archive pertaining to this text (the published version as well as the manuscript submitted to the editorial board), this article seeks to situate the history of this publication and to grasp the biographical basis of a position highly critical of nationalism and of the FLN government. The analysis of Sayad's text sheds light on the logic behind the political activism of the scholar – an under-researched subject since throughout his career, Sayad has strived to distinguish between the sphere of learning and that of political activism.