Contenu du sommaire : Vingt-cinq ans de proximité

Après 25 années de recherche, la question se pose de la pérennité de l'approche de la proximité, mais aussi de sa banalisation et de sa capacité à se renouveler dans le monde des sciences régionales, compte tenu de son impact dans différentes disciplines des sciences sociales. Cet article a pour objet de faire un retour sur ces 25 années d'analyses, afin d'éclairer les raisons de la réussite de ce programme de recherche, de faire le bilan de ses acquis mais aussi de ses échecs et de revenir sur le chemin parcouru, ses avenues et ses bifurcations. Nous commençons par expliciter les enjeux théoriques, sociétaux et académiques à la base de la naissance de l'École de la Proximité (I), avant de présenter les principaux résultats d'ordre analytique, avec leurs limites et leurs surprises (II), puis les acquis en termes académiques et sociétaux (III), pour aborder enfin les angles morts du programme de recherche et le travail restant encore à réaliser (IV). Nous concluons par quelques interrogations sur l'avenir de ce courant de pensée et sa capacité à se renouveler dans un environnement soumis à de profondes mutations dans le monde réel comme dans le monde des idées.

L'objectif de cet article est de revenir sur l'évolution du groupe « Dynamiques de Proximité », analysé ici comme une communauté de connaissance. Si la notion de proximité s'est affirmée comme outil original d'analyse de la dimension spatiale des phénomènes économiques et sociaux, elle a été développée et popularisée par un groupe de chercheurs, pour connaître un engouement international. À partir de la constitution d'une base de données recensant les productions de ce groupe entre 1990 et 2014, nous mobilisons des outils d'analyse réseaux afin d'en caractériser la dynamique. Trois étapes marquant l'évolution de cette Communauté de Connaissance sont identifiées. Le papier montre que le travail de conceptualisation et d'opérationnalisation mené par le groupe a permis d'en faire un concept largement utilisé par les chercheurs mais aussi les praticiens. Paradoxalement, ce succès aboutit à un certain dessaisissement par la communauté de connaissance initiale dont les frontières tendent à se fondre dans d'autres collectifs scientifiques.

L'« École française de la proximité » (EP) s'est constituée parallèlement à l'affirmation en France de deux courants économiques hétérodoxes un temps confondus : la Théorie de la Régulation et l'Économie des Conventions (respectivement TR et EC). Ainsi certains membres de l'EP ont affirmé leur parenté avec l'un et/ou l'autre de ces courants, et une confrontation a persisté au sein de l'EP au sujet de la proximité non géographique, déclinée en proximité organisée (approche interactionniste), ou selon une double notion de proximité institutionnelle et organisationnelle (approche institutionnaliste). Il se dégage chez certains auteurs proximistes une tendance pour évacuer la notion d'institution tout en se revendiquant institutionnaliste. Après une présentation des différentes approches de la proximité, nous examinons ensuite les relations entre la TR et l'EC. En conclusion, nous considérons que le primat de la proximité institutionnelle devrait conduire l'École de la Proximité à se situer plutôt du côté de l'institutionnalisme, porté notamment par la TR.

Le texte se propose d'actualiser des publications plus anciennes à propos des facteurs de la concurrence spatiale (Colletis et Pecqueur, 1993, 2005). Nous montrons comment les notions de ressource territoriale et de patrimoine territorial permettent de comprendre le processus de construction du territoire et d'analyser la pertinence des politiques publiques locales qui s'y rattachent. La ressource territoriale trouve sa place dans une relecture de la mondialisation et de son corollaire, la proximité géographique.

L'article étudie les contributions de vingt-cinq années de recherche sur les dynamiques de proximité au regard de leurs apports sur les fondements et l'analyse du changement régional. Il considère que, malgré des avancées importantes, il demeure des zones d'ombre sur l'articulation entre les déterminants microéconomiques de la formation des liens de proximité et les dynamiques macro-régionales. L'article montre que l'analyse des propriétés structurelles des réseaux permet d'éclairer cette articulation et de réduire le gap observé entre les recherches micro et macro-fondées des dynamiques de proximité. En associant les dynamiques de changement structurel des régions à l'évolution de l'architecture de leurs réseaux, il suggère de rechercher les micro-fondements de ces dynamiques dans l'articulation de trois registres distincts de proximité. Les perspectives ouvertes dans cet article sont discutées dans le cadre de trois programmes de recherche et de politiques publiques apparus ces dernières années (résilience régionale, smart specialization, politiques de cluster).

Cet article a pour objet d'analyser et d'établir le lien entre processus de développement des territoires et relations de proximité, en dépassant l'étude des seules modalités de production et des systèmes localisés par une approche élargie de l'innovation et une prise en compte des processus de gouvernance. Dans un premier temps nous donnons une définition argumentée du développement territorial, ainsi que des relations de proximité. Puis nous analysons et présentons les deux moteurs du développement territorial - relations de production et modes de gouvernance - en explorant leurs postérités théoriques et en les reliant aux travaux en termes de proximité portant sur ces questions. Nous terminons par une analyse détaillée du lien entre relations de proximités et processus de développement territorial, d'abord en statique, avec une extension du tripode hirschmanien aux situations territoriales, qu'elles soient productives ou en termes de gouvernance, puis en dynamique par une étude des chemins de développement des territoires et de leurs liens aux situations de proximité.

Pendant longtemps, les travaux des deux écoles de la proximité, ont porté sur des analyses en statique de l'articulation des proximités. Mais, depuis les années 2000, elles ont proposé chacune un modèle d'analyse des dynamiques. L'école hollandaise (Balland et al., 2015) analyse l'évolution jointe des réseaux d'innovation et des cinq types de proximités définis par Boschma (2005). Torre (2010) a proposé un modèle centré sur la dynamique d'articulation des proximités au cours des projets d'innovation en coopération. Toutefois, ces deux modèles ne proposent qu'un type de dynamique. L'article vise à enrichir le modèle de Torre (2010), qui décrit la trajectoire de coopération allant jusqu'au bout du projet, en incluant les trajectoires interrompues et les trajectoires de reconduction des coopérations. L'approvisionnement des selfs des lycées illustre ces dynamiques.

Selon la littérature, si les proximités favorisent les interactions entre les acteurs, c'est parce qu'elles permettent l'échange généralement équilibré de connaissances, le partage apaisé de valeurs, de représentations et de règles. Nous soutenons que si les proximités favorisent les interactions, c'est aussi parce qu'elles en permettent le contrôle. Nous proposons un cadre théorique qui analyse les effets de contrôle des proximités. À partir des diverses dimensions de la proximité, deux effets de contrôles, formel et informel, sont mis à jour.

L'article propose un renouvellement des travaux sur les proximités par la prise en compte de leur dimension subjective. Parmi l'ensemble des démarches possibles pour introduire la perception des proximités, nous avons privilégié une entrée par la représentation des lieux, l'analyse de ces derniers étant assez peu prise en compte dans les travaux sur la proximité. Cette approche est ensuite appliquée aux lieux d'intermédiation culturelle d'une zone géographique (l'Île-de-France avec en son cœur le département 93 et le nord parisien). L'analyse empirique permet, grâce à des cartes mentales, de quantifier des phénomènes subjectifs au travers de différentes mesures des proximités perçues des artistes aux lieux, des artistes entre eux et des lieux entre eux. Le principal résultat est de décaler le regard qu'on peut avoir sur les proximités des artistes et des lieux et des lieux entre eux.

Cet article analyse l'impact des externalités spatiales et de la proximité géographique sur la capacité à résister aux chocs exogènes à partir d'une étude empirique de la survie d'entreprises individuelles dans la région du Bas-Saint-Laurent (Canada) entre 2006 et 2011. Bien que les externalités traditionnelles offrent de faibles preuves, nos résultats montrent que la proximité d'une variété d'industries apparentées de même que la densité locale des liens entre fournisseurs et clients favorisent la survie des entreprises au cours de la période. Ces effets ne sont toutefois pas uniformes dans l'espace – la proximité géographique modulant la capacité de résistance aux chocs. Nos résultats montrent que répartition spatiale des entreprises, même dans des régions périphériques et à faible densité, structure une variété de liens localisés et de relations de proximité, qui jouent un rôle significatif sur la capacité de résistance des entreprises aux chocs économiques.

Cet article fait la synthèse d'un ensemble de travaux empiriques réalisés auprès des petites et moyennes entreprises (Pme) sur la question du lien entre proximité, coopération, innovation et localisation. Sur la période 2006-2015, quatre enquêtes ont été menées auprès de cette population, complétées par des données de localisation de l'Insee et par la réalisation d'une dizaine d'entretiens semi-directifs auprès de dirigeants de Pme. Nos résultats montrent que la capacité d'innovation des Pme n'est pas plus importante dans les grands centres urbains que dans les espaces ruraux. Ils contribuent, de plus, à expliciter ce résultat. D'une part, en révélant que la coopération n'est pas une condition nécessaire à l'innovation. D'autre part, en relativisant le rôle de la proximité géographique et des formes de proximité non géographique dans les relations interentreprises : premièrement, la proximité géographique n'appelle pas systématiquement l'interaction, et deuxièmement, elle ne contribue pas toujours à la faciliter. Enfin, en mettant en évidence la pluralité des échelles géographiques de coopération des Pme, et ce, quelle que soit leur localisation.

De nombreux travaux proposent l'idée d'une production de connaissances effectuée dans des réseaux de connaissances. Dans une approche centrée sur les dispositifs de partage des savoirs au sein de ces réseaux, nous examinons les ressorts Ressources Humaines de ces dispositifs. Parmi eux, la mobilité des chercheurs et leurs coopérations externes sont considérées comme devant être articulées, selon des logiques d'acteurs diverses dont la résultante est la production de nouvelles normes sociales. Une tendance se dessine alors, celle de l'affirmation de la mobilité temporaire des chercheurs, associée à des coopérations externes. Cette évolution, qui demande à être mesurée avec des données solides, peut conduire à faire l'hypothèse d'une déconcentration géographique de la production des connaissances, à rebours du consensus sur l'importance de la proximité géographique dans les processus cognitifs collectifs.

La planification spatiale et la coopération territoriale de type intercommunale constituent un ensemble de pratiques-clés de l'action territoriale d'aujourd'hui, faites de relations d'acteurs publics contraints de travailler ensemble sur un périmètre géographique déterminé et sur des objectifs stratégiques de développement à moyen-long terme. La grille de lecture offerte par les travaux de « l'école de la proximité » s'avère intéressante à mobiliser pour analyser les comportements de coordination et de gouvernance entre acteurs territoriaux. Ceux-ci sont à la fois instigateurs des schémas d'aménagement à portée stratégique et de régulation, et porteurs de démarches de coopération intercommunale. Au moment où la réforme territoriale fait évoluer ces coopérations, nous pouvons pointer des formes de proximités géographique et organisée, voire territoriales, diversifiées selon les territoires.

Le bassin de vie ainsi que d'autres catégories spatiales, sociologiques ou statistiques, sont à la discussion chaque fois qu'il est question de repenser la gouvernance territoriale et de mettre en œuvre des politiques publiques pour répondre à des problématiques sociétales. La notion de bassin de vie, sujette à critiques pour son caractère circonscrit dans un monde d'échanges, est cependant mobilisée par des élus et des institutions répondant à la fois à la reconnaissance d'une demande habitante de proximité, visible dans les mobilités quotidiennes, et à la nécessité de mettre en œuvre des politiques locales. L'article montre que le bassin de vie, loin d'être un périmètre d'enfermement puisqu'incapable de contenir tous les déplacements des habitants du périurbain, a le mérite de rendre compte d'une réalité périurbaine et de proximités diverses s'organisant autour de polarités secondaires, véritables vecteurs d'ancrage local, face à un cœur d'agglomération dont les accès sont de plus en plus congestionnés.

Cet article vise à transposer méthodologiquement l'analyse des proximités qui structurent un territoire à celle de la force de travail d'une firme. Cela permet, d'une part, de préciser les différentes composantes de la force de travail comme système, d'autre part de repérer l'importance respective de ces composantes. Et ce, que ce soit dans une période de stabilité relative (prépondérance des proximités organisationnelles) ou dans la période actuelle de « révolution numérique » (prépondérance des proximités technologiques et institutionnelles, futur ouvert pour les proximités territoriales). Cela permet aussi de mieux appréhender les enjeux de ces évolutions concernant tant l'emploi et le travail que le développement territorial.

Un nombre restreint de travaux examinent l'émergence et la dynamique des arrangements locaux d'emploi et de travail. Nous proposons un cadre d'analyse, à l'interface d'une approche institutionnaliste de la relation d'emploi et de celle proposée par l'économie de la proximité, pour comprendre la nature des interactions des acteurs de la relation d'emploi et l'influence des différents échelles spatiales de leurs interactions dans l'émergence et la dynamique de tels arrangements locaux. Cette grille de lecture théorique est appliquée à l'étude des interactions des acteurs de la relation d'emploi dans six bassins d'emploi automobile français, de façon à en tester l'opérationnalité.

Les proximités géographiques et organisées constituent des grilles d'analyse utiles pour la lecture des conflits environnementaux locaux, notamment ceux d'usage et de voisinage, comme ceux provoqués par les « Locally Undesirable Land Use » (Lulu) de la littérature nord-américaine des années 1980. Nous en proposons une application aux installations de stockage de déchets non dangereux de la France métropolitaine, à partir d'une connaissance géographique exhaustive de ces installations (avec des données originales en termes de proximité géographique) et d'une enquête de terrain sur neuf sites représentatifs. Au-delà de résultats classiques en termes de proximités géographiques et organisées, cette enquête montre comment les acteurs appréhendent et exploitent la notion de proximité, elle-même encadrée par une législation environnementale dont les aspects territoriaux et planificateurs sont en pleine évolution, mettant en tension scalaire différents intérêts généraux locaux.

La proximité est devenue un sujet d'actualité dans le commerce depuis quelques années. Plusieurs études ont notamment porté sur la proximité dans les achats alimentaires, appliquées aux circuits courts ou aux libres-services de proximité. Différentes dimensions ont été identifiées mais avec des définitions ou des opérationnalisations parfois différentes.L'objectif de cet article est tout d'abord de revenir sur les dimensions de la proximité à travers une analyse transdisciplinaire, puis de recenser les dimensions utilisées en matière d'achats alimentaires pour proposer une segmentation plus synthétique opposant proximité temporelle et proximité atemporelle. La proximité temporelle est déclinée en proximité d'accès et fonctionnelle et la proximité atemporelle en proximité relationnelle et de similitude.