Contenu du sommaire : Tendances récentes à l'universalisation de la protection sociale : observations et enseignements
Revue | Revue française des Affaires sociales |
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Numéro | no 4, octobre-décembre 2018 |
Titre du numéro | Tendances récentes à l'universalisation de la protection sociale : observations et enseignements |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Avant-propos - Laurent Caussat, Isabelle Vacarie p. 5-16
Chemins et limites de l'universalisation
- La régularité du séjour des étrangers en France : frontière du projet d'universalisation de la protection sociale ? - Caroline Izambert p. 17-37 Cet article explore la façon dont, en France, la réalisation du projet d'universalisation, entendu ici comme l'accès à la protection sociale sur le seul critère de résidence sur le territoire, est limitée par les restrictions introduites depuis le xixe siècle pour les étrangers vivant sur le territoire. Cependant, ces restrictions, d'abord fondées sur la nationalité renvoient désormais à la régularité du séjour des personnes étrangères, condition généralisée par la loi de 1993, soumettant partiellement les objectifs des politiques de protection sociale à celles de contrôle des flux migratoires. Dans le cadre de la loi sur la couverture maladie universelle, la création en 1999 de l'aide médicale d'État, dispositif de couverture des besoins de soins exclusivement réservé aux personnes étrangères qui ne peuvent justifier d'un titre de séjour, est significative de l'exception que peut constituer la santé à cette logique d'exclusion mais aussi de l'impossible accès au droit commun pour les personnes étrangères résidentes en situation irrégulière.This article explores how the implementation of the universalization programme in France—understood here as access to social protection on the sole criterion of residence in the country—has been limited by restrictions introduced since the 19th century and placed on resident foreigners. However, these restrictions, which were initially based on nationality, now refer to the foreigners' residency permits, a condition generalized by the 1993 law which partially subjects the objectives of social protection policies to those of controlling migration flows. Within the framework of the Law on Universal Medical Coverage, the 1999 creation of State Medical Aid, a system to cover health care needs exclusively for undocumented foreigners, is not only an indication of the exception that health may constitute to this logic of exclusion but also of undocumented foreign residents' lack of access to common law.
- L'ambition « universaliste » du nouveau droit de la formation tout au long de la vie - Jean-Marie Luttringer, David Soldini p. 39-52 L'étude d'impact de la loi du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels qui a élargi le champ d'application du compte personnel de formation (CPF), témoignait déjà d'une vocation universelle : « En plus de couvrir les salariés, le compte personnel d'activité sera applicable aux indépendants et aux conjoints collaborateurs ainsi qu'aux volontaires du service civique. Ce faisant, la loi permet au principe d'universalité du CPF de prendre corps et de sécuriser les parcours professionnels tout au long de la vie […] ». Le projet de loi « pour la liberté de choisir son avenir professionnel » adopté définitivement par l'Assemblée nationale le 1er août 2018 inscrit « le CPF rénové » dans la même perspective. Il en va de même du conseil en évolution professionnelle (CEP) ainsi que de la réforme de l'assurance chômage dont l'étude d'impact souligne l'ambition « universaliste ». Celle-ci se heurte cependant à un obstacle juridique majeur, qui se manifeste lorsque le processus a un objectif professionnel. C'est le cas pour les travailleurs salariés, subordonnés à leurs employeurs et par conséquent soumis au pouvoir de ce dernier sur le choix et les modalités de la formation. La transformation de cet outil en un véritable droit universel à la formation dépend donc des conditions réelles de son utilisation et de l'effectivité du dispositif. Il convient alors de mesurer l'opposabilité des droits attachés aux individus et leur justiciabilité, ainsi que la capacité réelle du modèle à garantir un accès universel à la formation tout au long de la vie.The impact assessment study of the 8 August 2016 law on work, the modernisation of social dialogue, and the stability of professional careers, which extended the scope of the personal training account, demonstrates a universalist inclination : “In addition to covering employees, the Personal Activity Account (CPF) will be applicable to self-employed persons and collaborating spouses as well as to volunteers in civic service. In so doing, the law reinforces the universality principle of the CPF and stabilises professional careers throughout life…” The bill “for the freedom to choose one's professional future” definitively adopted by the National Assembly on 1 August 2018 includes “the renovated CPF” in the same perspective. This also applies to the career development council (CEP) and to the unemployment insurance reform, whose impact study underlines its “universalist” ambition. However, this has confronted a major legal obstacle which is apparent when the process has a professional objective. This is the case for salaried workers, who are subordinate to their employers and therefore subject to the latter's power over the choice and modalities of training. The transformation of this tool into a real universal right to training therefore depends on the real conditions of its use and the effectiveness of the system. It is then necessary to measure the effectiveness of the rights attached to individuals and their legal jurisdiction, as well as the real capacity of the model to guarantee universal access to lifelong learning.
- Du RSA au revenu universel : enjeux redistributifs et sociaux d'une réforme sociofiscale - Jean-Éric Hyafil p. 53-74 Cet article s'intéresse aux réformes fiscales intégrant un revenu universel pour remplacer le RSA, la prime d'activité et éventuellement les aides au logement. Présentant le revenu universel et la réforme fiscale qui le finance comme une réforme globale dont il faut analyser les effets redistributifs, il formule une proposition de revenu universel à 548 euros par mois, financé en intégralité par une réforme de l'impôt sur le revenu. Il rend compte des effets redistributifs d'une telle proposition à partir de cas-type, puis sur un échantillon de 821 815 individus représentatifs de la population française : hausse du revenu disponible pour les travailleurs pauvres et les couples modestes et baisse du revenu disponible à partir d'un seuil de revenu suivant le type de ménage. Il met aussi en évidence l'intérêt d'une telle mesure pour supprimer le non-recours au RSA et pour réduire l'incertitude des bénéficiaires. Il identifie aussi les perdants de cette réforme et pose certaines problématiques qui lui sont propres comme la question de l'avenir des dépenses fiscales.This article focuses on tax reforms that integrate a universal income in replacement for the RSA [Revenu de solidarité active], the activity allowance, and possibly the housing subsidies as well. Presenting universal income and the tax reform that finances it as a global reform whose redistributive effects must be analysed, the article puts forward a proposal for a universal income of €548 per month, fully financed by an income tax reform. It presents the redistributive effects of such a proposal first based on standard cases, then on a sample of 821,815 representative individuals of the French population : an increase in disposable income for the working poor and low-income couples and a decrease in disposable income above an income threshold based on the type of household. It also highlights the value of such a measure in eliminating the non-use of the RSA and in reducing uncertainty for beneficiaries. It also identifies the losers in this reform and raises some of the issues specific to these reforms, such as the question of the future of tax expenditures.
- La régularité du séjour des étrangers en France : frontière du projet d'universalisation de la protection sociale ? - Caroline Izambert p. 17-37
Quelques fausses évidences
- Le financement par cotisations freine-t-il la redistribution ? Une analyse en comparaison internationale - Victor Amoureux, Elvire Guillaud, Michaël Zemmour p. 75-101 L'universalité des droits est généralement présentée comme contradictoire avec un financement par cotisations sociales : celles-ci seraient par nature régressives, notamment en raison de plafonnements, et devraient financer exclusivement des droits contributifs ; à l'inverse, un financement par l'impôt sur le revenu (IR) serait davantage progressif et pourrait financer des droits universels. À partir d'une base de microdonnées comparatives à l'échelle des ménages (LIS, 22 pays de l'OCDE), nous remettons en perspective cette opposition a priori. D'une part, notre analyse montre que les cotisations sociales sont globalement redistributives : ainsi, des cotisations élevées n'entraînent pas une moindre redistributivité. D'autre part, les cotisations sont en réalité complémentaires à l'IR dans la réduction des inégalités tout au long de la distribution des revenus. En bas de la distribution des revenus, les cotisations compriment les inégalités par une progressivité marquée – en combinant effets de barème et d'assiette – et, lorsque les cotisations deviennent régressives (souvent tardivement dans l'échelle des revenus), l'IR prend le relais de la compression des inégalités.Universal benefit schemes are often considered to be contradictory to funding through social contributions : because of earnings ceilings the latter is supposedly regressive in nature, and for this reason should finance only contributory benefits. Conversely, it would be consistent to fund universal benefit through progressive income tax. Using a database of comparative micro-data at the household level (LIS, 22 OECD countries), we question the view that social contribution are regressive. On the one hand, our analysis shows that social security contributions are generally redistributive : thus, a higher contribution rate do not lead to a lower redistribution. On the other hand, contributions are actually complementary to the income tax in reducing inequalities throughout income distribution. At the bottom of the income distribution, contributions compress inequalities through a marked progressivity — combining scale and base effects — and, when contributions become regressive (often at the upper end of the income distribution), the income tax takes over the compression of inequalities.
- Le paritarisme à l'épreuve de l'universalisation de la protection sociale - Ylias Ferkane p. 103-118 L'institution d'une protection universelle maladie (PUMA) ou bien la volonté annoncée par l'actuel gouvernement de mettre en place une assurance chômage plus universelle et plus juste attestent de la vigueur de l'objectif d'universalisation de la protection sociale. Sa réalisation n'est toutefois pas sans soulever quelques interrogations tenant à la gestion et au financement du système. En particulier, on peut se demander si le paritarisme, érigé au cours du siècle dernier comme mode de gestion vertueux, est en mesure d'être accommodé à l'extension de la protection sociale à de nouvelles catégories d'assurés et à la fiscalisation de ses ressources. S'il est aujourd'hui avancé telle une évidence que la montée en puissance de l'universalité de la couverture de certains risques devrait nécessairement entraîner une remise en cause de la place du paritarisme, à plus ample examen cette liaison ne va pas de soi et tient moins d'une nécessité logique que d'un projet politique.The institution of universal health protection (PUMA) and the announced intention of the current government to introduce a more universal and fairer unemployment insurance scheme attest to the strength of the objective of universalizing social protection. However, its implementation raises some questions concerning the management and financing of the system. In particular, it is questionable whether parity, established as a virtuous management method over the last century, will be able to adapt to the extension of social protection to new categories of insured persons and the fiscalisation of its resources. While it is now treated as evident that the rise in the universality of coverage of certain risks should necessarily lead to a reassessment of the role of the parity system, on closer examination this link is not self-evident and is less of a logical necessity than it is a political project.
- Le financement par cotisations freine-t-il la redistribution ? Une analyse en comparaison internationale - Victor Amoureux, Elvire Guillaud, Michaël Zemmour p. 75-101
Retour sur les notions et catégories structurantes
- L'« universalisation » : une notion à interroger ? - Boris Bucharles p. 119-128 Cet article a pour objet d'analyser les différents sens de la notion polysémique d'universalisation, utilisée fréquemment dans le champ de la protection sociale ou du droit social.La spécificité de ce domaine rend délicate la simple transposition de l'universalité associée aux droits individuels.De même, l'emploi de ce terme pour désigner l'extension de l'objet ou du périmètre d'un droit social que l'on généralise n'est légitime qu'à certaines conditions, que l'on s'efforcera de préciser.Mais l'évolution récente la plus significative se mesure lorsqu'on observe la substitution, par exemple dans la problématique du revenu universel, d'un référent centré sur la personne à un référent lié traditionnellement au travail, à la condition sociale ou familiale.À travers la notion d'« universalisation » s'exprime alors l'exigence d'inconditionnalité que l'on revendique pour un droit social pris dans sa dimension symbolique.The purpose of this article is to analyse the different meanings of the polysemous notion of universalization, which is frequently used in the field of social protection or social rights.The specificity of this field makes it difficult to simply transpose the universality associated with individual rights.Similarly, the use of this term to designate the extension of the objective or scope of a generalized social right is legitimate only under certain conditions, which we will try to specify.But the most significant recent development, for example concerning the question of universal income, can be seen in the substitution of a referent centred on the person for a referent traditionally linked to work, or the social or family condition.Through the notion of “universalization”, the demand for unconditionality is expressed for a social right taken in its symbolic dimension.
- Universalisation de la protection sociale : vers la personnalisation des droits sociaux ? - Jean-Pierre Chauchard p. 129-148 En France, l'histoire de la protection sociale suggère que son universalisation n'a jamais cessé d'être présente de 1945 à nos jours sous la forme de politiques sociales sectorielles, sans parler des tentatives, législatives ou projetées, plus ou moins abouties. Mais rapprochée de la citoyenneté sociale et assise sur la solidarité nationale, l'universalisation pourrait devenir plus qu'une perspective pour peu que le besoin social correspondant s'exprime, le besoin n'étant pas inconnu du droit.À cet égard, le droit social, qui a été à la source de catégories juridiques nouvelles, pourrait trouver une occasion supplémentaire de se manifester au sein d'un État social reconsidéré dans ses fonctions, avec l'apparition d'une présomption de besoin résultant de la seule appartenance de la personne à la société.Le droit social, longtemps envisagé dans sa seule dimension de droit objectif, ne pourrait ainsi empêcher que les droits sociaux soient considérés comme des droits subjectifs à portée individuelle, prenant forme de garanties sociales d'un type nouveau, en raison de la montée en puissance de la personne dans le champ du droit social.The history of social protection in France suggests that its universalization in the form of sectoral social policies has been continuously present from 1945, not to mention other more or less successful plans and attempts at legislative action. Universalization—closer to social citizenship and based on national solidarity— could become more than just a future perspective if the corresponding social need is expressed, a need not unknown to the law.In this respect, social law, which has been at the root of new legal categories, could appear as part of a social state with renewed functions, with the emergence of a presumption of need resulting solely from the person's belonging to society.Social law, long viewed only as objective law, would therefore allow social rights to be viewed as subjective rights of individual scope taking the form of social guarantees of a new type, because of the rise of the person in the field of social law.
- L'individualisation/universalisation des droits à la protection sociale, un processus en marche dans l'Europe continentale - Chantal Euzéby p. 149-172 Les systèmes « bismarckiens » de protection sociale de l'Europe de l'Ouest sont fortement remis en question du fait de leur relation étroite au travail et au statut familial. La France est particulièrement concernée. Elle a déjà réalisé des avancées significatives dans la logique des droits individuels et universels pour répondre à l'instabilité familiale, à l'alternance entre chômage et précarité de l'emploi, aux ruptures professionnelles et aux besoins de formation tout au long de la vie. Mais ces avancées butent sur des obstacles institutionnels, financiers et politiques. Leur poursuite, comme le montre l'article, nécessite des changements conceptuels importants. Il s'agit d'aller vers une protection sociale « proactive », intégrative et préventive dans la logique du développement humain. Tout l'enjeu consiste à trouver le bon équilibre entre les régimes assurantiels et les nouvelles générations de droits individuels et universels.The “Bismarckian” social protection systems of Western Europe are being sharply challenged because of their close relationship to work and family status. France has been particularly concerned by this. It has already achieved significant progress in the logic of individual and universal rights responding to family instability, to the alternation between unemployment and precarious employment, to occupational disruptions, and lifelong learning needs. But this progress faces institutional, financial, and political obstacles. As the article shows, its continuation requires significant conceptual changes. It is a question of moving towards “proactive”, integrative, and preventive social protection in the logic of human development. The challenge is to find the right balance between insurance schemes and new generations of individual and universal rights.
- L'« universalisation » : une notion à interroger ? - Boris Bucharles p. 119-128
L'universalisation vue d'ailleurs
- Panier de soins et assurance maladie universelle en Afrique : aspects méthodologiques - Ange Clauvel Niama p. 173-187 En l'absence des mécanismes institutionnels efficaces de redistribution des richesses comme c'est le cas dans la plupart des pays d'Afrique, l'assurance maladie universelle (AMU) se pose en seul véritable rempart de lutte contre la pauvreté et la justice sociale. C'est ainsi que sous l'influence des recommandations des institutions internationales, plusieurs pays s'inscrivent dans cette ligne de financement solidaire des dépenses de santé. Cependant, mettre en place et soutenir cette politique implique une définition claire du panier de soins adapté à la fois aux besoins de santé, à la capacité de leur financement et à la participation des populations. Car un panier de soins insolvable hypothéquerait la pérennité et la viabilité d'une politique d'AMU, considérée comme facteur protecteur de la pauvreté liée aux dépenses de santé en Afrique. Ce travail tire son idée des efforts et recherches de pistes que déploie actuellement la République du Congo pour parvenir à l'AMU. Il s'agit ici de promouvoir la protection sociale sous l'angle de l'AMU, et d'examiner l'intérêt de définir le panier de soins, en proposant des aspects méthodologiques fondés sur des critères simples mais pertinents que sont : l'analyse coût-efficacité, la protection financière, la charge de morbidité, les préférences des citoyens et les valeurs sociétales. Cet article plaide donc en faveur de la prise en compte de ces critères qui servent d'éléments méthodologiques précieux permettant d'établir un équilibre entre l'offre et la demande des soins de façon durable.In the absence of effective institutional mechanisms for redistributing wealth, as is the case in most African countries, universal health insurance (UHI) is the only real bulwark in the struggle against poverty and for social justice. Thus, under the influence of recommendations from international institutions, several countries have taken part in solidarity-based financing of health expenditure. However, setting up and supporting this policy requires a clear definition of the health care basket adapted to health needs, the capacity to financing them, and to the participation of the population. This is because an insolvent care basket would jeopardize the sustainability and viability of an UHI policy, considered to be a protective factor against poverty linked to health spending in Africa. This work draws its conception from the efforts and the search for openings currently underway in the Republic of Congo as it tries to reach UHI. The aim here is to promote social protection from the UHI perspective, and to examine the value of defining the basket of care, by proposing methodological aspects based on simple but relevant criteria such as cost-effectiveness analysis, financial protection, the cost of illness, citizens' preferences, and societal values. This article therefore argues in favour of taking into account these criteria, which serve as valuable methodological elements for establishing a supply and demand balance for care in a sustainable manner.
- La réforme de la protection sociale au Cameroun : vers un changement de logique d'extension de la couverture sociale - Alex Okolouma p. 189-209 Au Cameroun, d'après les statistiques du Bureau international du travail (BIT), en 2011, sur une population active estimée à 8,4 millions, seuls 580 200 personnes sont couvertes par la Caisse nationale de prévoyance sociale (CNPS) (ce qui correspond à un taux de couverture relativement bas de moins de 7 %). Cette couverture sociale concerne uniquement les salariés du secteur privé structuré régis par le Code du travail et exclut une grande majorité des travailleurs du secteur privé informel. Cette faible couverture sociale s'explique par les difficultés à faire passer les réformes pour l'universalisation de la protection sociale. L'objectif de cet article est d'abord d'évaluer, à travers l'histoire, les réformes de la protection sociale menées au Cameroun depuis les années 1990 et leurs limites, et ensuite de proposer des solutions afin de développer le système de protection sociale. De l'étude, il ressort que les réformes de la protection sociale au Cameroun introduites depuis les années 1990 n'ont été que marginales. Elles sont demeurées ancrées sur la seule viabilité financière du régime CNPS sans avoir défini au préalable une véritable politique globale d'élargissement de la couverture sociale à toutes les couches de la population. Les réformes sont restées inscrites selon une logique du « haut vers le bas » (top down), la protection sociale étant d'abord mise en place pour les catégories favorisées puis progressivement étendue. Face à la persistance du déficit de couverture sociale, de la pauvreté et de la vulnérabilité, une nouvelle logique d'extension doit désormais être mise en place, cette fois-ci selon une logique du « bas vers le haut » (bottom up), qui part des plus défavorisés.According to the statistics of the International Labour Office (the ILO), only 580,200 people in Cameroon in 2011 were covered by the National Social Insurance Fund (NSIF) out of a working population estimated at 8.4 million, a relatively low coverage rate of less than 7 %. This social security cover concerns only the employees of the structured private sector governed by the labour code and excludes the great majority of the workers of the informal private sector. This low social security cover is explained by the difficulties of passing the reforms for the universalization of social protection in Cameroon. The initial objective of this paper is to make an historical evaluation of the social protection reforms adopted in Cameroon since the 1990's and their limitations, and then to propose solutions in order to develop the Cameroon social protection system. This study shows that the Cameroon social protection reforms introduced since the 1990's have only been of marginal significance. They continued to be based only on the financial viability of the NSIF mode without having first laid down a true overall policy of broadening the Social Security cover to all layers of the population. The reforms remained rooted in a “top down” logic, with social protection initially being installed for favoured categories and then gradually widened. Vis-a-vis the persistent deficit of the social security cover, of poverty and vulnerability, a new logical of extension should now be set up, this time according to the “bottom up” logic starting with the most underprivileged.
- Is the Danish welfare state really universal ? - Per H. Jensen p. 211-221
- L'assurance chômage est-elle en voie d'universalisation ? - Clément Cadoret, Laurent Caussat, Ève Robert p. 223-226
- Appel à contribution pluridisciplinaire sur : « Tendances récentes à l'universalisation de la protection sociale : observations et enseignements ». Pour le numéro d'octobre-décembre 2018 : Le dossier sera coordonné par Laurent Caussat (IGAS) et Isabelle Vacarie (Université Paris Nanterre) - p. 227-237
- Panier de soins et assurance maladie universelle en Afrique : aspects méthodologiques - Ange Clauvel Niama p. 173-187
Autres thèmes
- Les médecins généralistes face à la « dépression chronique ». Représentations et attitudes thérapeutiques - Audrey Linder, Daniel Widmer, Claire Fitoussi, Yves de Roten, Jean-Nicolas Despland, Gilles Ambresin p. 239-258 Partant du constat que les représentations d'une maladie influent sur la prise en charge que les médecins en proposent, une équipe de recherche multidisciplinaire s'est intéressée aux représentations et à la prise en charge de la dépression chronique par les médecins généralistes, au moyen de focus groups. Dans un premier temps, nous présentons les types de patients qui sont décrits par les médecins généralistes lorsqu'est évoquée la dépression chronique. Dans un second temps, nous nous intéressons aux savoir-faire et aux savoir-être qui sont déployés par les généralistes pour faire face à ces situations complexes. Enfin, nous interrogeons la place qu'occupent les antidépresseurs dans la prise en charge de cette maladie. Il apparaît que la prise en charge proposée par les généralistes relève davantage d'un cadre conceptuel de médecine générale – qui pourrait s'appliquer à différents troubles psychiques ou psychosomatiques – que d'une compréhension spécifique de la dépression chronique.Starting from the observation that the representations of an illness impact the way physicians treat it, a multidisciplinary research team investigated the representations and treatment of chronic depression by general practitioners (GPs). This was made through a qualitative study by means of focus groups. Firstly, we outline the types of patients described by GPs when asked to talk about chronic depression. Secondly, we focus on the technical and interpersonal skills used by GPs in treating these complex situations. Finally, we question the importance of antidepressants in the treatment of chronic depression. It appears that the treatment proposed by GPs stems from a conceptual framework of general practice — which could apply to any psychic or psychosomatic disorder — rather than from a specific understanding of chronic depression.
- Les « mises en marché » du risque santé en France : une pluralité de logiques et de séquences de changement - Cyril Benoît, Gaël Coron p. 259-279 L'article examine l'émergence d'un marché de l'assurance santé complémentaire en France au cours des vingt dernières années. Nous y développons l'idée que, loin d'avoir suivi une trajectoire univoque, cette évolution résulte de la rencontre de plusieurs séries de réformes partiellement indépendantes : les directives européennes « assurances » et « Solvabilité 2 » ; le développement des réseaux de soins, encouragé par les pouvoirs publics ; et plus récemment, l'obligation faite aux entreprises du secteur privé de fournir une couverture complémentaire à leurs salariés. Si chaque réforme concourt au renforcement d'un marché du risque santé, nous insistons sur le fait qu'elles répondent à des logiques et mobilisent des acteurs spécifiques. Dans ce contexte, l'article montre les tensions induites par cette pluralité de « mises en marché », qui s'accompagne d'une complexification de la régulation de l'assurance santé complémentaire dans le système français.The article examines the emergence of a complementary health insurance market in France over the past twenty years. We develop the idea that, far from having followed an unambiguous trajectory, this evolution results from the convergence of series of partially independent reforms : the European “insurance” and “Solvency II” directives ; the development of managed care, encouraged by the public authorities ; and more recently, the obligation for private sector companies to provide complementary coverage to their employees. While each reform contributes to the strengthening of market for complementary health insurance, we insist on the fact that they respond to different logics and mobilize specific actors. In this context, the article shows the tensions induced by this multiplicity of “marketization” processes, which results in a more complex regulation of complementary health insurance in the French system.
- Les médecins généralistes face à la « dépression chronique ». Représentations et attitudes thérapeutiques - Audrey Linder, Daniel Widmer, Claire Fitoussi, Yves de Roten, Jean-Nicolas Despland, Gilles Ambresin p. 239-258