Contenu du sommaire
Revue | Etudes anglaises |
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Numéro | Vol. 71, no 4, octobre-décembre 2018 |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Foreword - Line Cottegnies p. 387-392
- Theatricalising the Theology of Patient Revenge in English Renaissance Drama - Noam Reisner p. 393-408 Parmi les tropes les plus communs de la tragédie anglaise de la Renaissance, on trouve l'idée de l'impossibilité pour le héros souffrant d'appliquer à sa situation la notion chrétienne de patience. La « patience » en tant que vertu chrétienne résiste à la représentation dans le contexte du théâtre commercial et profane. En dépit de cette difficulté, on rencontre de nombreux exemples dans le théâtre élisabéthain et jacobéen qui tendent à donner une forme dramatique aux diverses conceptualisations théologiques de la patience chrétienne et aux expériences dévotionnelles qui en découlent. À l'aide de Hamlet et King Lear de Shakespeare, on verra que la difficulté qui consiste à appliquer la vertu de la patience à la passivité dramatique sert dans ces pièces à mettre en mouvement des moments dramatiques éthiques qui compliquent des procédés comme le délai, la durée, l'évitement et la mise en abyme. Un détour par The Spanish Tragedy de Thomas Kyd permet de clarifier ce point dans le contexte de l'émergence de la tragédie de vengeance et de son éthique de la patience dans la vengeance, sur la scène élisabéthaine commerciale.A common trope in much English Renaissance tragedy is the idea of the suffering hero's inability to apply the Christian notion of patient suffering to his or her predicament. “Patience,” as a Christian virtue, is difficult to represent dramatically in the context of secular, commercial drama. However, despite this difficulty, we encounter many moments in Elizabethan and Jacobean drama where there is an attempt to apply various theological conceptualisations of Christian patience and their attendant devotional experiences to dramatic form. As this essay will argue, with Shakespeare's Hamlet and King Lear in mind, the difficulty in applying the virtue of patience to dramatic passivity serves in these plays to generate ethical dramatic moments which complicate such dramatic devices as delay, duration, deflection, and mirroring. Moreover, such moments can be further clarified with reference to Thomas Kyd's The Spanish Tragedy and the emergence of revenge drama and its ethics of patient revenge on the commercial Elizabethan stage.
- “On my word”: Trust and the Word in Romeo and Juliet - Joseph Sterrett p. 409-423 Romeo and Juliet semble marquer une fascination pour le statut des mots et leur valeur essentielle. La question de savoir si l'on peut accorder foi à la signification des mots et, plus important encore, à ceux qui les prononcent, y est reprise de manière obsessionnelle. Cette question — qui culmine dans la célèbre réplique de Juliette “What's in a name?” — s'articule aux débats philosophiques plus larges qui constituent le sous-texte de bien des querelles de la Réforme. La manière dont Shakespeare aborde ce thème suggère que la pièce pourrait être une contribution oblique à ces débats, une contribution qui associe étroitement la foi et le mot aux mêmes conditions de représentation que celles qui lui étaient si familières dans sa pratique théâtrale.Romeo and Juliet is a play that seems fascinated with the status of words and their substantive value. Over and over again the question is raised whether the meanings of words can be trusted or, more importantly, whether the one who utters them can be trusted. This repeated focus—famously culminating in Juliet's “What's in a name?”—is keyed to wider philosophical debates that underpinned many of the Reformation disputes. Indeed, the playwright's handling of this theme suggests the play could be his oblique contribution to these debates, a contribution that tied trust and the word to the same conditions of performance that were so familiar to him on the stage.
- “What trust is in these times?” Thinking the Secular State with “the colour of religion” in Shakespeare's 2 Henry IV - Line Cottegnies p. 424-441 Cet article s'intéresse à l'idée, obstinément répétée dans la seconde tétralogie, de l'impossibilité de refonder la confiance dans l'ordre politique après le “péché” originel de la déposition de Richard II par Bolingbroke — la confiance étant définie dans le sens que lui donne Georg Simmel de possibilité d'investir dans un avenir dont on peut espérer qu'il sera une continuation du présent. 2 Henry IV met en scène une société féodale à l'aube de la modernité et présente un moment aigu de l'aporie de la confiance dans la sphère politique. La pièce pose à la fois la nécessité de la foi pour établir une forme stable d'ordre et l'impossiblité de garantir une telle foi sur des bases solides. Bien qu'il soit toujours impossible de savoir avec certitude si Shakespeare avait lu Machiavel, on a souvent noté que l'œuvre du dramaturge comporte de curieux échos du Prince. Mais ce qui semble être passé inaperçu, c'est que le traité de Machiavel offre précisément une analyse particulièrement pertinente du problème de la refondation de la foi politique, proposant une série de recommandations pour suturer la crise de la confiance dans les “nouvelles” principautés. Cet article propose d'analyser les manifestations de la crise de la confiance et sa résolution problématique dans 2 Henry IV à partir d'une relecture de ce passage de Machiavel.This article focuses on the idea, repeatedly reasserted in the second tetralogy, of the impossibility of refounding trust in the political order after the initial “sin” of the deposition of Richard II by Bolingbroke—trust being defined in Georg Simmel's sense as the possibility of investing in a future that can be expected to be the continuation of the present. 2 Henry IV shows a feudal society poised on the cusp of modernity, presenting a particularly acute moment of the aporia of trust in the political sphere. It posits both the necessity of faith to establish a stable form of order and the impossibility of guaranteeing the latter on solid grounds. Although it is not known whether Shakespeare had read Machiavelli, it has often been remarked that he includes some intriguing echoes of The Prince. What seems to have gone unnoticed is that Machiavelli's treatise offers a particularly pertinent analysis of the problem of political trust, issuing a series of recommendations to quell the crisis of trust in “new” principalities. This article follows up this lead to analyse the manifestations of the crisis of trust and of its problematic resolution in 2 Henry IV in the light of Machiavelli.
- “I wot not by what power”: Fairies, Predestination, and Genre in A Midsummer Night's Dream - James D. Mardock p. 442-456 L'aveu par Demetrius qu'il ignore quel pouvoir l'a à nouveau poussé vers Helena n'est que l'affirmation la plus frappante du manque de liberté qui caractérise les personnages de A Midsummer Night's Dream. La comédie désigne toute une matrice d'agents invisibles comme étant implicitement au service d'une doctrine calviniste de l'élection providentielle. L'incertitude générique inhérente à la « joie tragique » de la pièce peut se lire comme analogue à l'anxiété épistémologique du croyant réformé vis à vis du salut, qui peut lui-même être ramené à une question de genre : dans le theatrum mundi imaginé par Calvin, nous ne savons pas si nous jouons dans une comédie de l'élection ou dans une tragédie de la réprobation. Shakespeare utilise la mémoire culturelle liée au monde des fées — comme il avait exploité celle du purgatoire dans Hamlet — pour exposer les lignes de partage entre théologie réformée et théologie traditionnelle. La pièce interroge ainsi l'association que font les réformés entre la croyance aux fées et les superstitions papistes rejetées et suggère que les fées peuvent offrir au public protestant une thérapie contre le doute concernant les voies impénétrables de la Providence.Demetrius's admission that he knows not the power that has drawn him back to Helena is only the most striking assertion in A Midsummer Night's Dream of its characters' lack of agency. The comedy gestures to a matrix of unseen agents that work implicitly toward a consideration of the Calvinist doctrine of providential election. The generic uncertainty of the play's “tragical mirth” parallels the epistemological anxiety of the reformed believer with regard to salvation, itself a question of genre: in the theatrum mundi imagined by Calvin, we do not know whether we are acting in a comedy of election or a tragedy of reprobation. Shakespeare uses the cultural memory of fairy-lore—as he had used that of purgatory in Hamlet—to expose fault-lines in both reformed and traditional theology. The play interrogates reformers' association of fairies with the discarded superstitions of papists, and asks how they might offer Protestant audiences a therapy for doubt about the workings of an unknowable Providence.
- Angels and Daemons: Religion in Antony and Cleopatra - Lynn S. Meskill p. 457-472 Les critiques sont divisés sur la façon de lire les références à la religion antique dans l'œuvre de Shakespeare. Bien qu'elles puissent être historiquement justes, ces références peuvent aussi se lire comme autant d'allusions indirectes à la religion chrétienne. Cet article montre que, dans Antony and Cleopatra, Shakespeare présente une version précise de la pratique religieuse antique pour se faire l'écho de débats spirituels renvoyant au contexte protestant contemporain de la représentation théâtrale. Les scènes dans lesquelles les personnages entrent en contact avec la figure antique de l'oracle montrent que Shakespeare explore la dimension spirituelle du récit historique de Plutarque. Le dramaturge utilise ces moments de rencontre avec le divin pour interroger la double narration providentielle qui rend concomitants la chute d'Antoine et l'essor d'Octave Auguste. Cet article se concentre sur les deux scènes où apparaît un oracle, au cours desquelles les personnages interrogent leur destin et, par leur transformation spirituelle, remettent en question leur soumission à la fortune grandissante de César.Critical opinion is divided as to how to read references to ancient religion in Shakespeare's plays. These references may be historically accurate, or serve as proxy for contemporary Christian thinking. This essay will argue that Antony and Cleopatra uses a culturally informed version of ancient religious practice to represent key spiritual concerns in the early Protestant context in which they were first performed. Scenes in which characters come into contact with the ancient figure of the soothsayer reveal how Shakespeare probes the spiritual dimension of Plutarch's historical narrative. The dramatist uses these encounters with the divine in order to challenge Plutarch's providential narrative recounting the ruin of Antony and the rise of Augustus Caesar. This essay focuses on the two scenes with a soothsayer in which characters actively interrogate their historical fortunes, undergoing spiritual transformations that call into question their existence in the service of Caesar's greater fortune.
- “Munday I sweare shalbee a hollidaye”: The Politics of Anthony Munday, from Anti-Catholic Spy to Civic Pageanteer (1579-1630) - Kristin M. S. Bezio p. 473-490 Anthony Munday (1560-1633), auteur mal connu et assez négligé, fut pourtant l'un des dramaturges à la carrière la plus longue dans l'Angleterre de la première modernité. Cet article retrace la trajectoire des œuvres publiques de Munday vues dans le contexte changeant des politiques anti-catholiques des gouvernements élisabéthains et jacobéens successifs. Cet article part des comédies de jeunesse Fidele & Fortunio (1584) et John a Kent and John a Cumber (1587), pour s'intéresser d'abord à sa satire des pratiques et du clergé catholiques. The Downfall of Robert Earl of Huntingdon et The Death of Robert Earl of Huntingdon (1598) montrent que Munday abandonne la propagande pour une perspective plus critique sur la politique religieuse menée par le gouvernement élisabéthain. Dans ses pièces collaboratives — Sir Thomas More (c1597) et Sir John Oldcastle (1599) — Munday défend la question de la liberté de conscience, à condition, bien entendu, que le sujet reste loyal à la couronne. Pour finir, les spectacles civiques qu'il écrit pour le Lord Mayor, qui s'attachent à définir l'identité anglaise en référence à un Empire protestant, marquent néanmoins le refus de contribuer explicitement à la propagande anti-catholique.Little-discussed and not widely-known, Anthony Munday (1560-1633) was one of the longest lived playwrights of the early modern period. This article examines the trajectory of Munday's public works alongside the shifting anti-Catholic policies and praxis of the Elizabethan and Jacobean governments. Beginning with his early comedies—Fidele & Fortunio (1584) and John a Kent and John a Cumber (1587)—this article examines the way in which Munday satirizes Catholic praxis and clergy. The Downfall of Robert Earl of Huntingdon and The Death of Robert Earl of Huntingdon (1598) serve as examples of Munday's political turn away from propaganda and toward a more critical perspective on the Elizabethan government's religious policy. In his later collaborative histories—Sir Thomas More (c.1597) and Sir John Oldcastle (1599)—Munday begins to argue for freedom of conscience, provided, of course, that the subject remains loyal to the Crown. Munday's Lord Mayor's Shows, which articulate English identity in terms of Protestant Empire, nevertheless refuse to participate in explicit anti-Catholicism.
- “The Wished Aire”: Biblical Plagues and the Early Modern Playhouse - Chloe Kathleen Preedy p. 491-506 À une époque où les épidémies de peste sont fréquemment attribuées à la providence divine et associées à la mauvaise qualité de l'air, les théâtres élisabéthains sont identifiés par leurs détracteurs comme des lieux de contagion. Les dramaturges contemporains répondent à de telles accusations en les thématisant dans leur théâtre même. Ainsi, dans A Looking-Glass for London and England de Thomas Lodge et Robert Greene (c. 1589), pièce élisabéthaine tardive qui met en scène le récit des plaies bibliques s'abattant sur la cité antique de Ninive, Lodge (lui-même médecin et dramaturge) et son co-auteur Greene explorent la capacité de leur théâtre à évoquer la menace de la peste par l'intermédiaire d'effets sensoriels et d'images frappantes, avant de faire de cette atmosphère délétère « l'air désiré » de la rédemption.At a time when the outbreak of plague was frequently attributed to divine providence, and associated with poor air quality, Elizabethan playhouses were identified by their detractors as sites of contagion. Contemporary playwrights responded to such charges in their drama. In Thomas Lodge and Robert Greene's A Looking-Glass for London and England (c. 1589), a late Elizabethan play that dramatizes the story of the Biblical plagues sent against ancient Nineveh, Lodge (a physician and dramatist) and his co-author Greene explore their theatre's capacity to evoke the threat of plague through expansive imagery and sensory effects, before transforming this noxious atmosphere into the “wished aire” of redemption.