Contenu du sommaire : L'Allemagne, trente ans après
Revue | Hérodote |
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Numéro | no 175, 4ème trimestre 2019 |
Titre du numéro | L'Allemagne, trente ans après |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Éditorial. La question allemande trente ans après la réunification - Béatrice Giblin p. 3-9 Les succès électoraux de l'AfD aux élections régionales de septembre 2019 en Saxe et en Brandebourg – qui confirment sa forte implantation dans les Länder de l'Est – inquiètent. Non pas que l'ouest de l'Allemagne ne connaisse pas lui aussi une poussée électorale de ce parti xénophobe, réactionnaire et nationaliste, mais dans une moindre mesure. En revanche, les Verts y font de biens meilleurs scores, comme aux élections européennes de mai 2019, que dans les Länder de l'Est. Quant aux deux grands partis – la CDU/CSU et le SPD –, leurs scores sont en baisse à l'ouest comme à l'est. Cette forte percée de l'AfD est bien sûr très liée à la crise migratoire de 2015, mais elle peut aussi traduire le malaise ressenti dans l'ex-RDA où une partie de la population se perçoit comme des citoyens de seconde zone. Si la réussite économique de la réunification est incontestable, qu'en est-il du sentiment d'appartenir à une même nation ? Le passé nazi et la Seconde Guerre mondiale ne sont pas vécus de façon identique de part et d'autre du Mur, ce qui détermine leur façon différente de penser la nation et d'envisager son rôle de puissance européenne.AfD's electoral victories in Saxe and Brandenburg during the September 2019 regional elections – which confirm its strong roots in Eastern Landers – worry. It's not that West Germany does not know an electoral push of this xenophobic, reactionary and nationalist party too, it does, but in a lower extent. However, the Green party performs much better there than in Eastern Landers, as seen during the May 2019 European elections. As for the two big parties – CDU/CSU and SPD – their results drop both in the West and the East. This strong push of the AfD is strongly connected to the 2015 migration crisis, but it can also be understood as the uneasiness felt by a population that sees itself as second-tier citizens. If the economic performance of the reunification is indiscutable, what about the consciousness of belonging to one and only nation? The nazi past and the Second World War are not experienced in the same way from one side of the Wall to the other and this determines the way they think about the nation and consider their role as a European power.
- Allemagne : la puissance déphasée - Hans Stark p. 11-22 L'Allemagne a connu une décennie de croissance économique soutenue, bénéficiant d'un taux de chômage très bas et d'excédents commerciaux et budgétaires considérables. Cette phase touche aujourd'hui à sa fin. Certains estiment même que le modèle économique allemand doit être repensé. La politique étrangère de l'Allemagne suit le même chemin, ce qui met en évidence l'interdépendance entre la puissance politique et la puissance économique de la République fédérale. Durant les trois premiers mandats d'Angela Merkel (et surtout entre 2013 et 2017), l'Allemagne a su occuper une place centrale en Europe, intensifier ses relations avec Washington, Moscou et Pékin, tout en accentuant sa présence (pour l'essentiel commerciale mais aussi culturelle) en Asie et en Afrique. 2017 représente de ce point de vue une césure. Élu fin 2016, Donald Trump défie l'Allemagne ouvertement. Le degré d'influence allemande sur la Russie est devenu marginal, voire inexistant, tandis qu'au sein de l'UE, malgré l'élection d'une dirigeante allemande à la présidence de la Commission, l'influence de Berlin sur les grandes questions (Brexit, réforme de la zone euro, Europe de la défense...) décline. La politique étrangère de l'Allemagne est à un tournant.Germany has enjoyed a decade of sustained economic growth, benefiting from a very low unemployment rate and considerable trade and budgetary surpluses. This phase is now coming to an end. Some even believe that the German economic model needs to be rethought. Germany's foreign policy is following the same path, which highlights the interdependence between political and economic power of the Federal Republic. During the first three mandates of Angela Merkel (and especially between 2013 and 2017), Germany occupied a key role in Europe, deepened its relations with Washington, Moscow and Beijing, while significantly expanding its presence (for the most part commercial but also cultural) in Asia and Africa at the same time. From this point of view 2017 marks a change. In the office since the end of 2016, Donald Trump is openly challenging Germany. German influence on Russia has become marginal if not non-existent, while within the EU, despite the election of a German executive to the presidency of the Commission, Berlin's influence on major issues (Brexit, the reform of the Euro zone, the European defence project...) is declining. Germany's foreign policy is at a turning point.
- L'Allemagne peut-elle (et veut-elle) redevenir une puissance militaire ? - Christophe Strassel p. 23-39 L'Allemagne a été démilitarisée après la Seconde Guerre mondiale et son réarmement s'est fait sous surveillance américaine dans le cadre de l'Otan. Trente ans après la chute du mur de Berlin, l'Allemagne est-elle en passe de redevenir une puissance militaire ? Ses dépenses militaires restent faibles (1,2 % du PIB) et la société allemande majoritairement hostile à l'emploi de la force armée, y compris pour secourir des alliés. La comparaison des Livres blancs sur la sécurité et la défense allemand, britannique et français montre que, si l'Allemagne affiche depuis 2016 une ambition nouvelle de « prendre ses responsabilités » militaires et internationales, sa vision du monde reste celle d'une « puissance moyenne » dépourvue d'ambition globale et ses capacités d'action très encadrées par la Constitution allemande. Dans ces conditions, l'idée d'une « armée européenne » qui reposerait sur la France et l'Allemagne apparaît prématurée, tant les visions militaires de Paris et de Berlin continuent de diverger.Germany was demilitarized after WW2 and was only allowed to rearm under US supervision as part of the Nato. 30 years after the fall of the Berlin wall, can Germany become a military power again? Germany's military expenses remain at a low level (1.2 % of GDP) and the german population is predominantly hostile to the use of military power, even if it is to help an allied country to defend itself. A comparison between the German White paper on Security and the British and French Strategic Reviews on Security and Defense shows that Germany wants to take on new international and military responsibilities, even if the country doesn't want to be more than a « middle-range european power » and has a very restrictive constitution as regards the use of military power. As a conclusion, one can remain skeptical about the idea of a « european army », so France and Germany don't share the same military and strategic vision.
- L'Allemagne et l'OTAN : « What else ? » - Jean-Sylvestre Mongrenier p. 41-54 En France, l'Allemagne a longtemps été vue comme une puissance « atlantiste ». D'un point de vue gaullien, le qualificatif était péjoratif. Pourtant, le Brexit, la victoire électorale de Donald Trump la même année et les propos critiques de ce dernier à l'encontre des alliés des États-Unis ont ébranlé la confiance des dirigeants allemands dans l'Otan. Cela ne signifie pas le ralliement de Berlin à l'idée d'une « armée européenne », fondée sur un noyau franco-allemand. En l'état actuel des choses, le système politique allemand ne le permet pas. De surcroît, la remise en cause de l'Otan pourrait de nouveau poser la « question allemande » et les désaccords au sein de l'Europe. Le maintien des équilibres entre l'Allemagne et ses principaux voisins impose l'échelon euroatlantique, les États-Unis tenant le rôle de « stabilisateur hégémonique ». A contrario, l'hypothétique déréliction de l'Otan pourrait faire réémerger des problèmes géopolitiques fort éloignés du débat sur une improbable « armée européenne ».In France, Germany has long been seen as an “Atlanticist” power. From a Gaullist point of view, this adjective was pejorative. However, the Brexit, the electoral success of Donald Trump the same year and his criticisms about the United States'allies have shaken German leader's confidence in NATO. It does not mean that Berlin really endorsed the idea of a “European army” base on a French-German core. As things stand, the German political system does not permit that. Moreover, putting into question NATO could reopen the “German question” and increase disagreements within Europe. The balance between Germany and its neighbours requires the Euro-Atlantic level, with the United-States as a hegemonic power. On the other hand, the hypothetical demise of NATO could bring up to surface geopolitical problems far away from the debate about an uncertain “European army”.
- Les défis du leadership allemand : nouveaux équilibres géopolitiques et constance du choix européen - Claire Demesmay, Andreas Marchetti p. 55-67 De 1989 à 2019, l'Allemagne est restée fidèle à ses choix géopolitiques les plus fondamentaux, en particulier en matière de politique européenne. Elle a en particulier confirmé sa volonté de s'ancrer dans le cadre institutionnel de l'Europe politique et est restée attachée à un leadership partagé avec la France. Cela étant, elle est encore loin d'être à l'aise avec ses nouvelles responsabilités, liées à sa centralité retrouvée en Europe. Cette contribution vise à établir dans quels domaines et sous quelle forme la République fédérale, depuis les bouleversements de 1989-1991, exerce un leadership en Europe. Dans un premier temps, elle étudie le rapport que l'Allemagne entretient avec les structures de l'UE, abordé à travers les deux grandes transformations européennes depuis la fin de la Guerre froide, à savoir le projet d'intégration européenne et l'élargissement géographique de l'Union. À cela s'ajoute une analyse de la gestion par l'Allemagne des postes clés dans les institutions de l'UE. Ensuite, cette contribution analyse les priorités et les effets de la politique européenne du gouvernement fédéral, ainsi que leur évolution depuis la chute du mur de Berlin, en se penchant sur trois éléments de la politique européenne. Il s'agit de l'ambition de l'Allemagne d'agir de manière normative, de ses intérêts économiques et de ses préférences dans le domaine des relations extérieures à l'UE.From 1989 to 2019, Germany stood by its most fundamental geopolitical choices, particularly in terms of European policy. In particular, it confirmed its willingness to be anchored in the institutional framework of political Europe and remained committed to shared leadership with France. However, it is still far from comfortable with its new responsibilities, linked to its new centrality in Europe. This contribution aims to establish in which areas and in which form the Federal Republic has exercised leadership in Europe since the upheavals of 1989/1991. First, it examines Germany's relationship with EU structures, which has been addressed through the two major European issues since the end of the Cold War, namely the European integration project and the geographical enlargement of the Union. In addition, there is an analysis of Germany's management of key positions in the EU institutions. This contribution then analyses the priorities and effects of the federal government's European policy and their evolution since the fall of the Berlin Wall, focusing on three elements of European policy. This refers to Germany's ambition to act in a normative manner, its economic interests and preferences in the field of external relations to the EU.
- Turquie-Allemagne : partenariat tumultueux, liens indissolubles - Nora Seni p. 69-85 Ce texte insiste sur deux moments clés où des « erreurs » ont été commises dans le cours des relations turco-germaniques contemporaines : le moment où Berlin conteste la vocation ontologique de la Turquie à rejoindre un jour l'Union européenne (2006-2007) et le voyage de la chancelière Angela Merkel à Istanbul en octobre 2015, à une dizaine de jours d'élections législatives en Turquie où le parti d'Erdogan était en ballottage, pour convaincre le président turc de signer l'accord concernant le filtrage des flux de réfugiés vers l'Europe. Dans un deuxième temps, cet article analyse le rôle de la diaspora turque dans la mutation de l'univers mental de l'Allemagne d'aujourd'hui à travers ce que les critiques littéraires ont appelé le « tournant turc de la littérature allemande contemporaine ».This text highlights two key moments when “mistakes” have been made in the course of contemporary Turkish-German relations: the moment when Berlin challenges Turkey's ontological vocation to one day join the European Union (2006- 2007) and Chancellor Angela Merkel's trip to Istanbul in October 2015, just ten-day before parliamentary election in Turkey where Erdogan's party was on the move, to convince the Turkish President to sign the agreement on filtering refugee flows to Europe. Secondly, this article analyses the role of the Turkish diaspora in the transformation of the mental universe of today's Germany through what literary critics have called “the Turkish turn of contemporary German literature”.
- Entretien avec Wolfgang Thierse, ancien président du Bundestag - Wolfgang Thierse, Boris Grésillon, Sébastien Vannier p. 87-104 Wolfgang Thierse, originaire de l'ex-RDA, est l'un des principaux acteurs politiques des décennies 1990 et 2000. Entré au SPD en janvier 1990, il en devient vice-président quelques mois plus tard et conservera ce poste pendant 15 ans. Élu au Bundestag dès 1990, plusieurs fois réélu, il prend une part active aux débats sur la réunification et aux grandes décisions législatives visant à arrimer les Länder de l'ex-RDA à l'Allemagne de l'Ouest. Il atteint l'apogée de sa carrière politique lorsqu'il devient président du Bundestag en 1998. Il le restera jusqu'à la chute du gouvernement de Gerhard Schröder en 2005. Wolfgang Thierse est l'un des principaux témoins de la chute du Mur, de l'avant et de l'après-1989 ainsi que des trois décennies qui ont suivi ; Allemand de l'Est ayant réalisé toute sa carrière politique après la chute du Mur et au sein d'un parti essentiellement ouest-allemand (le SPD), le regard qu'il porte sur les transformations profondes de l'Allemagne et de Berlin est plus complexe, moins binaire et peut-être plus lucide que celui de la plupart de ses contemporains, qu'ils soient originaires de l'Est ou de l'Ouest.Wolfgang Thierse, who comes from ex-RDA, is one of the main political stakeholders of the 1990s and 2000s. He joined the SPD in Jnauary 1990 to soon become its vice-president, holding this position for 15 years. Elected at the Bundestag as soon as 1990, reelected multiple times, he took part in the debates over the reunification and in the legislative decisions aiming at tying up the Eastern Landers to West Germany. He reached the top of his political career when he became the Bundestag's president in 1998. He will remain so until the fall of Gerard Schröder's government in 2005. Wolfgant Thierse is one of the main witnesses of the Wall's fall, its beginnings, 1989-aftermath and the three following decades. East-German having done his entire political career after the fall and inside a mostly Western political party (the SPD), his analysis of the transformations of Germany and Berlin is more complex, less binary, and maybe even clearer than most of his contempory fellows, whether they come form Est or West Germany.
- Une Allemagne désunie ? Les traces géopolitiques de la partition Est/Ouest - Béatrice von Hirschhausen, Boris Grésillon p. 105-130 Cet article tente de dresser un bilan de la réunification des deux Allemagnes, trente ans après la chute du Mur de Berlin, à travers le comportement électoral des Allemands. Par-delà la convergence progressive des niveaux de vie, des habitudes de consommation et des modes de vie entre ex-Allemands de l'Ouest et ex-Allemands de l'Est, il existe des différences, moins visibles mais bien réelles, entre la partie occidentale et la partie orientale de l'Allemagne. Cartes à l'appui, la géographie électorale, à l'échelle fédérale comme à l'échelle du Land de Berlin, fait apparaître sur toute la période un clivage est/ouest très fort. Comme si l'ancienne partition rejouait. Toujours constatée avec étonnement mais rarement interprétée avec discernement, ce rejeu de frontières géopolitiques fantômes est à mettre en relation avec des tendances démographiques, économiques et sociales profondes que trente ans de réunification n'ont pas effacées et que nous analyserons.This article attempts to take stock of the reunification of the two Germany, thirty years after the fall of the Berlin Wall, through the electoral behaviour of the Germans. Beyond the gradual convergence of living standards, consumption patterns and lifestyles between former West Germans and former East Germans, there are less visible but real differences between the western and eastern parts of Germany. Supported by maps, the electoral geography, at both federal and Land Berlin levels, shows a very strong East/West divide over the entire period. As if the old partition was replaying. Always noted with astonishment but rarely interpreted with discernment, this replay of ghostly geopolitical borders must be seen in relation to deep demographic, economic and social trends, which thirty years of reunification have not erased and which we will analyze.
- L'évolution du système des partis en Allemagne - Jérôme Vaillant p. 131-153 La contribution analyse dans un premier temps les résultats des élections fédérales du 29 septembre 2017 en Allemagne. Ceux-ci font apparaître une fragmentation de l'électorat entre six partis et orientent durablement le pays vers un système pluripartite alors que jusqu'à la fin des années 1970 l'Allemagne de l'Ouest connaissait un système tripartite. Ces élections confirment un affaiblissement durable des grands partis au pouvoir, chrétiens-démocrates et sociaux-démocrates, et établissent dans le paysage politique le parti d'extrême droite, Alternative pour l'Allemagne. Les élections européennes, plus propices aux votes de protestation, ont, le 26 mai 2019, encore une fois rebattu les cartes et renforcé la position du parti les Verts dont l'évolution vers un parti de rassemblement (Volkspartei) les rapproche des partis établis. Dans un deuxième temps, l'article étudie l'érosion des grands partis, non seulement de leur électorat mais encore du nombre de leurs adhérents. Il expose également le mode de scrutin, une « proportionnelle personnalisée », qui, s'il favorise la dispersion des voix, n'empêche pas la formation de coalitions pour exercer le pouvoir. En l'occurrence, les Länder sont de véritables champs d'expérimentation qui permettent aux partis démocratiques de vérifier quel type de coalition est viable. Ces coalitions régionales peuvent préfigurer une future coalition au plan fédéral, tant il est assuré que depuis des décennies déjà seules des coalitions sont en mesure de gouverner l'Allemagne.The contribution first analyses the results of the federal elections held in Germany on 29 September 2017. These show a fragmentation of the electorate between six parties and lead the country permanently towards a multi-party system, whereas until the end of the 1970s West Germany had a tripartite system. These elections confirm a lasting weakening of the major ruling Christian-democratic and social-democratic parties and establish the far-right party, the Alternative for Germany, in the political landscape. On 26 May 2019, the European elections, which were more conducive to protest votes, once again reshuffled the cards and strengthened the position of the Green Party, whose evolution towards a rally party (Volkspartei) brought it closer to the established parties. Secondly, the article examines the erosion of the major parties, not only of their electorate but also of their membership. It also outlines the voting system, a “personalized proportional”, which, while it promotes the dispersion of votes, does not prevent the formation of coalitions to exercise power. In this case, the Länder are real fields of experimentation that allow democratic parties to check which type of coalition is viable. These regional coalitions can foreshadow a future coalition at the federal level, so much so that it is certain for decades now only coalitions have been able to govern Germany.
- Montée de la droite radicale en Allemagne et en Europe de l'Est : le passé est à venir - Michael Minkenberg p. 155-177 Cet article décrit l'ascension récente de la droite radicale en Allemagne et les raisons de cette ascension, en lien avec la situation en Europe de l'Est, et en prenant pour point de référence l'histoire des partis de la droite radicale en Europe occidentale sur les trente dernières années. Selon l'auteur, l'extrême droite en Europe de l'Est n'a pas suivi la même trajectoire que son homologue à l'Ouest. Cependant, les deux modèles se retrouvent en Allemagne avec un radicalisme politique plus prononcé à l'Est qu'à l'Ouest, ce qui montre que des évolutions propres à l'Europe de l'Est ont eu une influence sur l'extrême droite allemande. Pour l'auteur, ce constat devient manifeste et, après avoir clarifié certains concepts et cartographié ce phénomène, il en explique les raisons, en portant attention à l'idéologie extrémiste, à la volatilité électorale dans un contexte de partis sous-institutionnalisés et à la mobilisation de rue de la droite radicale en Allemagne de l'Est et en Europe de l'Est.Based on the history of radical right parties in Western Europe in the last thirty years, this article describes the recent rise of the radical right in Germany and the reasons for it, in relation to the situation in Eastern Europe. According to the author, the far right didn't follow the same path in Eastern and Western Europe. However, the two models connect in Germany where a more pronounced political radicalism can be observed in the East than in the West. This shows that the specific evolutions in Eastern Europe have had an influence on German far right. This observation is made visible through the explanation of certain concepts and cartography, and is explained looking at extremist ideology, electoral volatility in a context where parties are under-institutionalized, and radical right street mobilization in Eastern Germany and Eastern Europe.
- La RDA : « pays disparu », nation disparue ? - Nicolas Offenstadt p. 179-186 Hérodote a interviewé Nicolas Offenstadt, auteur de Le Pays disparu. Sur les traces de la RDA. L'approche par la description du paysage contemporain de l'Allemagne de l'Est est très intéressante pour donner à comprendre ce que peut ressentir la population de l'ex-RDA : friches industrielles, bâtiments administratifs fermés, présence/absence de l'art et de l'architecture socialistes, etc. Pour l'auteur, en quarante ans, un monde commun s'est constitué et c'est précisément parce que cette nation a eu de la consistance qu'elle reste encore un enjeu aujourd'hui. Depuis la réunification un nouveau système politique et économique, celui de la RFA, est plaqué sur l'ex-RDA. C'est pourquoi certains emploient le vocabulaire de la « colonisation » pour analyser les années 1990. D'après Nicolas Offenstadt, ce qui a contribué aux succès de l'extrême droite dans les Länder de l'Est, ce sont les humiliations, le chômage, le sentiment de dévaluation... L'opposition Est-Ouest s'est en fait en bonne partie construite après le tournant de la réunification.Hérodote interviewed the author of “The Lost Country, on the path of West Germany”, Nicolas Offenstadt. His approach through contemporary East Germany lanscape description is very interesting to understand what West Germany residents must experience: industrial waste, closed administrative buildings, presence and absence of contemporary art and socialist architecture... According to the author, in the course of 40 years, a common world emerged, and this is precisely because this nation has had constituency that it remains at stake today. Since the reunification, the new political and economic system of East Germany is modeled on West Germany's one. This is why some talk about « colonization » to analyze the 1990s. To Nicolas Offenstadt, what contributed to far right success in Eastern Landers, are the humiliations, unemployment, and discredit feelings. West-East opposition was, for a big part, built on after the reunification turn.
- Une puissance économique fragilisée - Christophe Strassel p. 187-213 La force économique de l'Allemagne est l'un des principaux vecteurs de la puissance de ce pays. Ce constat n'est pas seulement vrai depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale : il remonte en réalité à l'Allemagne bismarckienne, période à laquelle le pays est devenu le leader européen de la deuxième révolution industrielle (moteur à combustion, électricité, chimie). Cette puissance économique a permis à l'Allemagne de faire prévaloir ses conceptions en matière de politique économique à l'ensemble de l'Union européenne, de manière partagée avec la France jusqu'en 1990, et de manière plus hégémonique depuis. Les années récentes voient toutefois les bases du modèle allemand se fragiliser : le Dieselgate remet en cause la puissance de son industrie automobile (13 % du PIB) qui n'a pas su prendre le tournant du véhicule électrique, sa dépendance aux exportations vers la Chine lui fait subir brutalement la baisse de la croissance chinoise et les entreprises allemandes restent peu présentes dans le numérique. L'Allemagne va devoir faire face à un changement structurel profond de son économie et pour cela abandonner certaines de ses orientations de politique économique les plus anciennes.Economic strength is one of the main factors of German power since the end of the 19th century. At that time, Germany became the European leader of the second industrial revolution (combustion engine, electricity, chemical products). It remained the strongest European economy since then. This economic power enabled Germany to impose its views in the European Union as regards economic policy. During the first decades after WW2, Germany shared this influence with France, but it became more and more hegemonic after the fall of the Berlin wall. During the recent years, the German economy showed signs of fragility: the automotive industry (13 % of the German GDP) was deeply impacted by the « Dieselgate » scandal and the decline of the Chinese economic growth; besides, there are too few German companies in the digital industries. Germany needs now to re-think its economic model to face these structural changes.
- Le numérique industriel, enjeu géopolitique : le cas de l'Allemagne - Dorothée Kohler, Jean-Daniel Weisz p. 215-224 Depuis les années 1990, la politique industrielle allemande était focalisée sur le maintien de la compétitivité coût du territoire (Standort Deutschland). Dès 2010, une nouvelle politique intitulée Industrie 4.0 lui a succédé soulignant l'enjeu de marier les industries traditionnelles et les technologies de l'information et de la communication. Cette politique impulsée par le Gouvernement fédéral, l'industrie et le monde de la recherche prend le contrepied d'une organisation fordiste de la production dédiée à la fabrication de grandes séries permettant des gains de productivité croissants. L'Industrie 4.0 fait éclater la traditionnelle chaîne de production linéaire, remplacée par une multitude d'équipements modulaires permettant la fabrication de petites séries personnalisées à proximité des agglomérations urbaines. Cette révolution industrielle est rendue possible par l'introduction des technologies numériques dans les opérations de fabrication et un nouveau maillage des flux logistiques où les produits, les hommes et les équipements communiquent et s'ajustent en temps réel aux aléas de la production. Cette transformation numérique fait passer l'informatique industrielle au premier plan et modifie considérablement l'équilibre du pouvoir entre les acteurs au sein des filières. Les éditeurs de logiciels qui fournissent ces nouveaux outils numériques voient leur influence s'accroître fortement. Les géants du cloud, tels Amazon Web Services ou Microsoft Azure, dominent désormais l'infrastructure de traitement et de stockage des données industrielles, avec à la clé des enjeux considérables de propriété et de sécurité des données à l'échelle européenne.Since the 1990s, German industrial policy has focused on maintaining cost competitiveness (Standort Deutschland). As early as 2010, a new policy entitled Industry 4.0 appeared, highlighting the challenge of combining traditional industries and information and communication technologies. This policy, driven by the federal government, industry and the world of research, is the opposite of a Fordist production organization dedicated to the manufacture of large series allowing increasing productivity gains. Industry 4.0 explodes the traditional linear production line, replaced by a multitude of modular equipment allowing the manufacturing of small customised series near urban agglomerations. This industrial revolution is made possible by the introduction of digital technologies into manufacturing operations and a new network of logistics flows where products, people and equipment communicate and adjust in real time to production hazards. This digital transformation brings industrial IT to the forefront and significantly changes the balance of power between the actors within the sectors. The influence of software publishers who provide these new digital tools increase significantly. Cloud giants such as Amazon Web Services and Microsoft Azure now dominate the industrial data processing and storage infrastructure, resulting in significant European data ownership and security challenges.
- L'Energiewende de 2011 : reconfigurations horizontales et verticales du système d'acteurs dans la géopolitique de l'énergie en Allemagne - Teva Meyer p. 225-238 L'accélération de la fermeture du parc électronucléaire allemand à la suite de la catastrophe de Fukushima apparaît comme la décision la plus emblématique du train de réformes énergétiques engagé en 2011 par la chancelière Angela Merkel. Condamnée comme une stratégie électoraliste de la part des conservateurs, cette nouvelle étape de l'Energiewende relève en réalité d'une double reconfiguration des rapports de force dans le système géopolitique d'acteurs de l'énergie outre-Rhin. D'une part, le déploiement des sources renouvelables à partir de 1990 et la réunification des deux Allemagnes ont modifié la répartition des soutiens aux différentes sources d'énergies en défaveur du nucléaire. D'autre part, l'influence grandissante des municipalités, parfois influencées par des militants antinucléaires, a déconcentré le contrôle des moyens de production et de distribution d'électricité depuis quelques grands groupes exploitant des centrales jusqu'à une multitude d'acteurs locaux.The forestalled closure of Germany's nuclear power plants decided after the Fukushima Daiichi disaster appears as the most emblematic decision of the energy-reform package decided in 2011 by chancellor Angela Merkel. Criticized as an electoralist move from the conservative parties, this new step in the Energiwende, actually results from a double reconfiguration of the balance of power within the actors'system of energy policies in Germany. Firstly, the deployment of renewable energies since 1990 and the Reunification of the two Germanies have modified the distribution of the supports to differences energy sources to the disadvantage of nuclear power. Secondly, the growing strength of municipalities, sometimes influenced by antinuclear activists, helped deconcentrate the control of the means of electricity production and distribution from few oligopolistic groups, managing nuclear plants, to a multitude of small local actors.
- Hérodote a lu - Marc-Olivier Padis p. 239-240