Contenu du sommaire : Pratiques de la citoyenneté européenne
Revue | Revue internationale de politique comparée |
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Numéro | vol 9, no 1, printemps 2002 |
Titre du numéro | Pratiques de la citoyenneté européenne |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Pratiques de la citoyenneté européenne
- Coordination. - Sylvie Strudel
- Avant-propos - Avant-propos Sylvie Strudel
- Les logiques sociologiques de soutien au processus d'intégration européenne : éléments d'interprétation. - Céline Belot À travers une étude portant sur le soutien exprimé par les citoyens à l'intégration européenne, cet article entend contribuer à la compréhension des logiques sociologiques qui caractérisent l'expression d'une citoyenneté européenne, en proposant à la fois une synthèse des différentes théories existantes (théories de la mobilisation cognitive et de l'orientation des valeurs d'Inglehart, théorie de l'évaluation utilitaire des théories intégratives de Gabel, approche en terme de réaction à l'innovation développée par Percheron, etc.) et un aperçu des apports d'une approche qualitative à ce questionnement. Il invite en conclusion à aborder ce type de questionnement en s'intéressant non seulement au degré de soutien des citoyens au système politique européen, mais aussi au type de soutien exprimé, et aux différentes visions de la citoyenneté européenne et se faisant de “l'Europe” qui s'en dégagent.Sociological logics to support the European integration process : elements for interpretation. Through a study of the support expressed by citizens for European integration, this article aims to contribute to the understanding of the sociological logics which characterise the expression of European citizenship, by proposing both a summary of the various existing theories (theories of cognitive mobilisation and the orientation of Inglehart's values, the theory of the utilitarian evaluation of Gabel's integrative theories, an approach in terms of reaction to innovation developed by Percheron, etc.) and an overview of the contributions of a qualitative approach to this questioning. In conclusion, it invites us to consider this type of questioning by looking not only at the degree of citizen support for the European political system, but also the type of support expressed and the different visions of European citizenship which make up the resulting “Europe”.
- (Ne pas) être un électeur européen. Une analyse multiniveaux des déterminants individuels et contextuels de l'abstention en 1999. - Anne Jadot La forte abstention lors de l'élection du Parlement européen, majoritaire en 1999, pose le problème du ‘déficit démocratique' de l'Union mais aussi de la qualité de la représentation au sein des pays membres. Après une synthèse des interprétations avancées depuis 1979, dont notamment la théorie des élections ‘de second ordre', cet article propose d'appliquer une méthodologie innovante pour dégager les logiques individuelles (au niveau des citoyens) et contextuelles (opérant au niveau des pays) de l'abstention: l'analyse multiniveaux. Utilisant les données de l'European Election Study 1999, les résultats démontrent que la participation européenne n'est pas très socialement élitaire, ni dépendante des arènes politiques nationales, mais qu'elle n'est pas non plus dépendante des attitudes pro ou anti-européennes. L'idée d'un ‘vote habituel'– prenant de surcroît en compte l'importance subjective des élections – est accréditée, ainsi que l'importance des phénomènes de mobilisation lors de la campagne électorale.To be (or not) a European voter. A multilevel analysis of the individual and contextual determinants of non-voting in 1999. Low turnout in European Parliament elections, especially in 1999, is a symptom of the famous “democratic deficit” of the European Union, but also questions the quality of the representation process within member states. Competing interpretations of the European vote have been proposed since 1979, in line with or opposing the theory of “second order elections”. After a review of the relevant literature, this article applies the innovative framework of a multilevel analysis to disentangle the individual and contextual determinants of non-voting. Data from the 1999 European Election Study do not show voting to be strongly determined by socio-demographic factors. Furthermore, it is not dependent on the respective national political arenas, nor on European attitudes per se. The idea of “habitual voting” is backed (refined through the notion of subjective perceptions of elections),
- Les citoyens européens aux urnes : les usages ambigus de l'article 8B du traité de Maastricht. - Sylvie Strudel Le traité de Maastricht a institué une citoyenneté de l'Union, attribuée aux ressortissants des États membres de l'Union. Parmi les droits politiques conférés, figure le droit de vote et d'éligibilité aux élections communales et aux élections des députés au Parlement européen, dans le pays de résidence. Entre les atermoiements de certains États membres, pour qui tout droit politique est considéré comme participation à la souveraineté nationale (et qui ont, de ce fait, mis en place des manœuvres dilatoires pour les transpositions en droit interne) et les résistances des citoyens à se saisir concrètement de cette nouvelle possibilité, les mises en pratiques hésitantes de ces droits électoraux illustrent l'inachèvement d'une construction politique de l'Europe.European citizens at the polling booths: ambiguous uses of article 8B of the Maastricht Treaty. The Maastricht Treaty instituted citizenship of the Union, which is granted to the citizens of the Union's member States. The political rights it conferred include the right to vote and to stand for local elections and elections of European members of Parliament, in the country of residence. Between the procrastination of certain member States, for which any political right is considered as participation in national sovereignty and which, for this reason, have established delaying manoeuvres for transpositions into internal law, and the resistances of citizens to practically take up their new rights, the hesitant adoption of these new electoral rights illustrates the incompleteness of the political construction of Europe.
- Vers une citoyenneté européenne directe ? Pratiques du droit de pétition dans l'Union européenne. - Paul Magnette Incapable de se transformer pleinement en démocratie représentative, l'Union européenne suscite le développement de formes palliatives de participation civique. Parmi les nombreux instruments qui forment le “répertoire d'action” du citoyen européen, le droit de pétition jouit d'un prestige particulier. Issu d'une très ancienne tradition, et profondément lié aux pouvoirs parlementaires, il est souvent présenté comme la principale forme de participation directe des citoyens à la décision communautaire. L'examen de sa pratique révèle toutefois que l'institution reste ambivalente. Oscillant entre plaintes individuelles et initiatives collectives, et demeurant très élitaire, elle n'offre qu'une voie étroite et parcellaire de citoyenneté européenne.Towards direct European citizenship ? The practical use made of the right of petition in the European Union. Incapable of totally transforming itself into a representative democracy, the European Union is inciting the development of palliative forms of civic participation. Among the many instruments which belong in the European citizen's «repertoire of action», the right of petition enjoys particular prestige. Based upon a very old tradition and profoundly associated with parliamentary powers, it is often presented as the principal form of direct participation by citizens in community decision-making. The examination of its practice nevertheless reveals that the institution remains ambivalent. Oscillating between individual complaints and collective initiatives and remaining highly elitist, it offers only a narrow and fragmented path for European citizenship.
- Le lobbying associatif à Bruxelles : entre mobilisations unitaires et sectorielles. - Julien Weisbein L'européanisation de l'action collective met en lumière l'émergence de mobilisations “par le bas” autour de l'Union européenne. Parmi les acteurs de plus en plus impliqués à l'échelle communautaire figurent en effet des groupes organisés autour d'“intérêts publics”. Ici, la structuration européenne du secteur associatif est analysée du point de vue de deux réseaux concurrents qui s'en veulent les porteparole: le Comité européen des associations d'intérêt général (CEDAG) et European Citizens' Action Service (ECAS). Àtravers les stratégie de ces deux organisations, essentiellement concentrées sur la production d'expertise, se dessinent en fait deux visions des rapports entre les associations et les pouvoirs publics communautaires, la première proche du paradigme néo-corporatiste de médiation des intérêts sociaux et la seconde plus conforme au paradigme pluraliste.Associative lobbying in Brussels between unitary and sectoral mobilisations. The Europeanisation of collective action highlights the emergence of “bottom-up” mobilisations around the European Union. The organisations which are increasingly involved on a community scale notably include “public interest” groups. The European structuring of the associative sector is analysed here from the point of view of two competing networks which are aiming to be the official mouthpiece : the Comité européen des associations d'intérêt général (CEDAG) and European Citizens' Action Service (ECAS). Through the strategies of these two organisations, essentially focused on the generation of expertise, two visions of the relations between associations and public authorities in the Community are in fact being generated, the former being closer to the neo-corporatist paradigm of mediation of social interests and the latter more in accordance with the pluralist paradigm.
- Les citoyens et le droit communautaire : les usages élitaires des voies de recours devant les juridictions de l'Union. - Olivier Costa Face aux spécificités du système politique de l'Union, il est tentant de souligner le caractère non-républicain et “composite” de la citoyenneté européenne. Celle-ci reposerait, entre autres, sur la possibilité pour les individus de défendre leurs intérêts devant la Cour de justice des Communautés européennes, voire de peser par ce biais sur les politiques de l'Union. Il importe toutefois de ne pas exagérer l'importance de ce versant “judiciaire” de la citoyenneté européenne. En analysant la pratique des voies de recours, on constate qu'il existe de fortes asymétries dans l'accès des personnes physiques et morales aux prétoires communautaires, en fonction de leur nationalité, de leurs activités, de leurs ressources et de leur degré d'expertise juridique. Les juges ont en particulier mis des conditions très restrictives à l'accès des citoyens à la “gouvernance européenne” par le biais du système judiciaire. En l'état actuel de la jurisprudence, les interventions devant la Cour de Justice ne sauraient donc pallier la faiblesse des mécanismes de participation à l'échelle l'Union.Citizens and community law: elite uses of the means of recourse in the face of Union jurisdictions. Faced with the specific nature of the political system in the Union, it is tempting to highlight the non-republican and “composite” nature of European citizenship. This is based, amongst other things, on the possibility for individuals to defend their interests before the Court of Justice of the European Communities, or indeed to use this means to put pressure on the Union's policies. It is nevertheless important not to over-emphasise the importance of this “judicial” aspect of European citizenship. By analysing the practical use made of the means of recourse, we can see that there are strong asymmetries in access for natural persons and legal entities to community courts, depending on their nationality, their activities, their resources and their degree of legal expertise. Judges in particular have placed highly restrictive conditions on citizens' access to “European governance” through the judicial system. In the current state of jurisprudence, appeals to the Court of Justice are therefore not able to make up for the weakness of mechanisms for participation at Union level.
- De l'Union européenne à... l'européanisation des mouvements sociaux ? - Corinne Gobin L'histoire sociale des États d'Europe occidentale nous enseigne que les réformes politiques qui furent engagées pour produire et améliorer les droits et garanties démocratiques découlèrent des revendications et des fortes mobilisations de mouvements sociaux conflictuels dont le mouvement syndical et ouvrier fut un des plus déterminants. La faiblesse des dispositions et des procédures sur le plan social et démocratique du système politique de l'Union européenne fait irrémédiablement poser les questions de l'existence de mouvements sociaux européens et de leurs rapports avec le pouvoir européen. Cet article examine dès lors les conditions de formation et de développement d'une action socio-politique conflictuelle dans le cadre de l'UE portée par des mouvements sociaux transnationaux plus anciennement constitués ou émergents. Mais les difficultés pour l'UE de décliner le social à travers des normes dans le sens d'une amélioration et d'un approfondissement démocratiques renvoient surtout à un imaginaire politique qui marginalise le conflit redistributif et déconstruit l'image du peuple souverain comme fondement de la légitimité de l'exercice politique.From the European Union to... the europeanisation of social movements? The social history of the western European States teaches us that political reforms which were undertaken to produce and improve the rights and guarantees of democracy stem from claims and strong mobilisations of confrontational social movements, among which the union and workers' movements were the most effective. The weakness of measures and procedures at the social and democratic level of the European Union political system leads irreversibly to questions being raised as to the existence of European social movements and their relations with European authorities. This article thus examines the conditions for forming and developing confrontational socio-political action in the EU context, carried along by transnational social movements which were founded earlier or which are emerging. However, the difficulties for the EU to acknowledge the social aspect through norms in the sense that an improvement and deepening of democracy above all reflect a political fiction which marginalises the redistributive conflict and deconstructs the image of the sovereign population as the foundation of the legitimacy of political practice.