Contenu du sommaire : Dossier spécial : Quand l'Algérie proteste
Revue | L'année du Maghreb |
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Numéro | no 21, 2019 |
Titre du numéro | Dossier spécial : Quand l'Algérie proteste |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Éditorial
- Édito : Un, deux, trois… Voilà l'Algérie ! - Katia Boissevain, Céline Lesourd p. 3-5
Quand l'Algérie proteste
- Introduction : Quand l'Algérie proteste. Le Maghreb au prisme du hirak algérien - Thierry Desrues, Éric Gobe p. 9-24
Penser la contestation au Maghreb
- Le mouvement protestataire algérien de 2019 à la lumière de la théorie des mouvements sociaux et des Printemps arabes - Frédéric Volpi p. 27-36 Le mouvement de contestation de 2019 en Algérie est-il un mouvement social « exceptionnel » ? Si oui, quels sont les critères qui le distingue des autres ? Ou alors, cette vague de mécontentement n'est-elle qu'une variante des mouvements des « printemps arabes » de 2011 ? La théorie des mouvements sociaux propose différentes grilles de lecture pour donner un sens à ces phénomènes de mobilisations, ainsi qu'à leurs conséquences politiques. Bien que ces perspectives analytiques n'aient été systématiquement appliquées aux sociétés du Maghreb et du Machrek que depuis peu, leurs ressources méthodologiques et analytiques apportent un éclairage utile sur des événements, tels que la mobilisation actuelle en Algérie. Elles permettent d'élucider et de structurer à des degrés différents, tant ce qui constitue la particularité du mouvement algérien de 2019, que ce qui correspond aux processus génériques des mouvements protestataires. Dans cette perspective cette contribution vise à replacer ce mouvement dans le champ plus large des mouvements sociaux pour souligner tant les trajectoires les plus probables de ces mobilisations que leurs aspects novateurs par rapport à la reconfiguration de la gouvernance autoritaire dans le pays.How exceptional is the 2019 social unrest in Algeria? If it is exceptional what are its characteristics? Alternatively, is this wave of discontent merely a variation of the movements of the 2011 Arab Uprisings? Social movement theory proposes different frameworks to make sense of these mobilizations and their political outcomes. Although these analytical perspectives were only recently systematically applied to the Middle East and North Africa, their methodological and analytical tools bring some useful insights on events like the current wave of mobilization in Algeria. They help structuring and explaining to varying degrees what constitutes the specificities of the 2019 Algerian movement and what represents generic processes of protest movements. In this light, this contribution seeks to reposition this particular movement within the larger field of social movements in order to highlight its likely trajectory as well as its novel character in relation to the reconfiguration of authoritarian governance in the country.
- Rétrospective sur la voix de la rue au Maroc : Tout ne change pas pour ne rien changer - Mounia Bennani-Chraïbi p. 37-54 Au Maroc, les modalités combinées de la libéralisation relative du régime et de gestion in situ et ex post des « années de plomb » ont bien contribué à transformer les modulations de la « voix de la rue », sans pour autant « désamorcer » son caractère disruptif. Elles semblent même avoir produit des effets non anticipés : modularisation du répertoire protestataire ; renforcement des capacités de coordination d'actions collectives ; autonomisation de l'arène protestataire et structuration de celle-ci autour d'un conflit central entre le centre et une périphérie homogénéisée. Autrement dit, au Maroc, tout ne change pas pour ne rien changer.In Morocco, the relative liberalisation of the authoritarian regime combined with the management of the “years of lead” have contributed to transforming the modulations of the “voice of the street”, without however “defusing” its disruptive character. They even seem to have produced unexpected effects: a modular repertoire; a strengthening of the coordination of collective actions; a protest arena more autonomous and structured around the issue of the conflict opposing the centre and an unified periphery. In other words, in Morocco, not everything changes so that nothing changes.
- Le mouvement protestataire algérien de 2019 à la lumière de la théorie des mouvements sociaux et des Printemps arabes - Frédéric Volpi p. 27-36
Un régime politique en crise ? Le hirak algérien face au pouvoir
- Le face à face hirak-pouvoir : La crise de la représentation - Louisa Dris Aït-Hamadouche, Chérif Dris p. 57-68 Depuis le soulèvement populaire du 22 février, la question se rapportant à la représentativité du hirak algérien a été lancinante. Comment un mouvement de masse d'une telle ampleur avec toutes ses déclinaisons spatiale, humaine et même temporelle a-t-il pu se déployer de manière pacifique et s'inscrire dans la durée, malgré les périodes où la mobilisation a connu un reflux ? Comment un mouvement dont aucune force politique, syndicale ou sociale n'a pu en revendiquer la paternité a-t-il pu obliger un président de la République à renoncer à un cinquième mandat et se poursuivre dans la durée tout en radicalisant ses revendications ? Face à une situation inédite où se mêlent contestation populaire et absence de médiation, quelles réponses les gouvernants ont-ils fourni ? Pour répondre à cette série de questions, nous proposons d'examiner l'hypothèse selon laquelle l'attachement des tenants du pouvoir au retour à un processus électoral contrôlé les pousse à chercher des acteurs ressources au sein de la contestation. Un choix facilité par une opposition partisane incapable de se transformer en médiatrice.Since the popular uprising of 22 February, the question of the representativity of the Algerian hirak has been haunting. How could a mass movement of this magnitude, with all its spatial, human and even temporal variations, have been able to unfold in a peaceful and lasting way, in spite of the periods when the mobilization had ebb? How could a movement for which no political, trade union or social force could claim paternity have forced a President of the Republic to give up a fifth term and continue in the long term while radicalizing his claims? Faced with an unprecedented situation where popular protest and lack of mediation mingle, what answers did the governors provide? To answer this series of questions, we propose to examine the hypothesis according to which the attachment of the holders of the power to the return to a controlled electoral process pushes them to look for resource actors within the contest. A choice facilitated by a partisan opposition unable to turn into a mediator.
- Le gant constitutionnel réversible : accessoire de l'uniforme militaire.Regard critique sur la crise constitutionnelle algérienne de 2019 - Mouloud Boumghar p. 69-88 Le rejet populaire massif d'une candidature à un cinquième mandat du désormais ex-président de la République Bouteflika a progressivement abouti à l'expression d'un désaveu constant du régime algérien dans sa globalité. Au-delà d'une simple crise politique et du sort des titulaires de certaines fonctions, ce sont les principales autorités et institutions étatiques algériennes (la présidence de la République, le Gouvernement, le Parlement, le Conseil constitutionnel et l'état-major de l'ANP) qui voient leur légitimité et leur légalité remises en cause. Les protestataires réclament une « deuxième République » qui doit être un « État civil, non militaire ». Au fur et à mesure de la consolidation de la mobilisation populaire et de l'élévation du niveau de ses revendications politiques, le régime en place a adopté, tout en se réclamant du texte constitutionnel et de la préservation des institutions, des mesures manifestement contraires à la Constitution de 1996 ou qui s'analysent comme une fraude à la Constitution. Aujourd'hui, l'Algérie est dans une impasse constitutionnelle inédite : la prorogation de fait d'un intérim à la tête de l'État pour une durée indéterminée. En arrière-plan, se pose la problématique essentielle du rôle de l'armée. Désormais, en pratique, tout en se défendant de se mêler de politique, l'armée détient ouvertement le monopole de la décision politique. Le Haut Commandement refuse l'idée d'institutions de transition tout comme l'élection, à terme, d'une Assemblée constituante au nom de l'ordre constitutionnel dont il prétend, à tort en droit, que l'armée est la garante. Il tente d'imposer la tenue d'un scrutin présidentiel en intensifiant la répression. Mais la mobilisation populaire refuse tout scrutin tant que les figures du régime resteront au pouvoir et que les garanties d'une élection libre ne seront pas réunies.The widespread public rejection for a 5th mandate of the now former President of the Republic Bouteflika gradually leaded to a constant expression of dissent against the Algerian regime as a whole. Much more than a simple political crisis and beyond the future of certain high-ranking officials, legitimacy and legality of the key Algerian State authorities or institutions are challenged, i.e. the Presidency of the Republic, the Government, the Parliament, the Constitutional Council and the ANP Military Staff. Protesters claim a « second Republic » that must be a « civil State, not a military ». In front of an increased popular mobilisation and an upgrading level of political grievances, the regime in place took steps that are clearly against the 1996 Constitution or that can be regarded as a constitutional transgression, although it claims to respect the content of the Constitution and protect the institutions. Now, this situation leads Algeria towards a new constitutional deadlock: the de facto prolongation of an interim power at the head of the State for an unlimited duration. The crucial issue in the background is about the role of the army. From now on, in practice and openly, the army holds a monopoly on political decisions, while defending itself not to interfere in politics. The high command refuses the idea of transitional institutions as well as a next election of a constituant assembly in the name of the constitutional order from whom it alleges, wrongly by law, that the army is the guardian. In lieu, the high command tries to impose Presidential elections while increasing repression. But popular mobilisation stands up against any election as long as key figures of the regime will stay in power and until all guarantees for free elections are not fulfilled.
- Le face à face hirak-pouvoir : La crise de la représentation - Louisa Dris Aït-Hamadouche, Chérif Dris p. 57-68
Slogans, discours et temporalités du hirak algérien : convoquer le passé pour réinterpréter l'avenir
- Quelle place pour le pluralisme religieux dans le mouvement de protestation algérien de 2019 ? - Zohra Aziadé Zemirli p. 91-104 Depuis le 22 février 2019, les Algériennes et les Algériens se sont mobilisés afin de rejeter la candidature d'Abdelaziz Bouteflika à un cinquième mandat présidentiel et appeler à un changement de régime. Au cours des manifestations des mardi et vendredi, des appels à « l'égalité citoyenne », à la démocratie et à une « Algérie plurielle et diverse » se sont fait entendre. La pluralité, la diversité et la citoyenneté posent la question des rapports entre membres des minorités religieuses et hirak. Alors que l'Église catholique refuse de prendre position vis-à-vis du hirak, les protestants partagent les revendications populaires. Le mouvement populaire algérien et le projet d'élaboration d'une nouvelle Constitution pourraient permettre l'ouverture d'un espace de dialogue autour de la liberté religieuse, de la séparation de l'État et de la religion, et de la laïcité lesquels impactent les minorités religieuses.Since February 22nd, 2019, Algerians of all ages mobilized to reject Abdelaziz Bouteflika's candidacy for a fifth presidential term, and to call for a radical change in the political regime. During protests that took place on Tuesdays and Fridays, the people called for an “equality in citizenship”, for a democracy and for a “plural and diverse Algeria”. The ideas of plurality, diversity and citizenship raise the question of the relationship between members of religious minorities and the hirak. While the Catholic church refuses to take a stand when it comes to the hirak, Protestants share the people's claims and demands. The Algerian popular movement and the project to create a new Constitution could allow the dialogue around religious freedom, the separation between the state and religion, and laicism – the three having an impact on religious minorities in the country – to take place.
- « L'Indépendance, c'est maintenant ! » Réflexion sur le soulèvement populaire en Algérie - Naoual Belakhdar p. 105-116 Depuis le 22 février 2019, l'Algérie assiste à une mobilisation populaire inédite dans son histoire postcoloniale. Des millions d'Algérien.es, genres, classes, âges, et idéologies confondues, sont sorti.es sur l'ensemble du territoire national pour exprimer leur opposition au cinquième mandat d'Abdelaziz Bouteflika et exiger le départ de tout le système. Si le départ du président de la République, le 2 avril, n'a pas amorcé un processus de transition démocratique, c'est au niveau de la société que se sont opérées les transformations les plus notables. Sur la base d'une recherche de terrain effectuée en mars et avril 2019 à Alger, Annaba et Ouargla, constituée d'observations in situ et d'entretiens formels et informels avec notamment des citoyens ordinaires « devenus révolutionnaires ». Notre recherche, qui puise dans les apports de la sociologie des mouvements sociaux et s'inscrit dans une perspective processuelle, s'intéresse aux transformations à l'œuvre à un niveau infra-politique institutionnelle. Elle se propose de mener une réflexion sur la généalogie de ce soulèvement populaire, ainsi que son lien avec des mobilisations passées. Pour ce faire, nous avons formulé un certain nombre d'interrogations initiales : comment sont nommés ces événements par les citoyens et citoyennes algériennes ? Quels imaginaires sont véhiculés par les slogans et revendications exprimés lors des différents types de mobilisation ? Quelles transformations ont été déclenchées tant au niveau subjectif que collectif ? Et, in fine, à quoi assistons-nous ? Faut-il lire ce mouvement populaire uniquement à partir de l'histoire politique algérienne ou alors en tant que moment d'un cycle enclenché par les dynamiques régionales des révolutions arabes de 2011 ?Since the 22nd of February 2019, Algeria is witnessing an unprecedented popular upheaval in its postcolonial history. Millions of Algerian citizens, from all genders, classes, ages and ideologies took to the streets across the whole national territory in order to oppose a 5th mandate of Abdelaziz Bouteflika and to ask for the departure of the entire system. If President Bouteflika's resignation on April 2nd did not launch a proper transition democratic process, the most notable transformations are unfolding at the societal level. Drawing on fieldwork gathered through participant observation and formal and informal interviews with ordinary citizens who « became revolutionaries » in March and April 2019 in Algiers, Annaba and Ouargla as well as on the insights of social movement studies, this paper will reflect on the movement's genealogy as well as on its links to previous mobilizations. The paper will also formulate first hypothesis as to the following questions: How are these events called by Algerian citizens? What kind of imaginaries are carried by the slogans and demands expressed throughout the different types of mobilisations? What kind of transformations have been launched at the level of the subjectivities and the collective level? And finally: what are we witnessing? Should this movement be read only through the lens of Algeria's political history or as a moment in the cycle sparked by the Arab upheavals in 2011?
- Le temps long du hirak : le passé et ses présences - Giulia Fabbiano p. 117-130 Sept mois après le début du surgissement populaire, si son issue politique est encore incertaine, son inscription dans le temps long de l'histoire est en revanche actée. Grandiose par son ampleur, sa durée, son enracinement national, son pacifisme et sa créativité, le hirak est en train de renouveler le rapport de toute une population à elle-même, à son passé et à son avenir. Bref, à son histoire et à sa conscience collective. Dans l'immédiateté de l'événement se vivent ainsi des multiples « manières d'être au temps ». Cet article souhaite en saisir les logiques et les effets. En d'autres termes, il propose d'investir le mouvement révolutionnaire comme un lieu – une brèche – d'où scruter les agissements, les agencements ainsi que les usages du passé. Ces présences hétérogènes et contemporaines sont dès lors analysées en termes de transpositions, commémorations, actualisations.Seven months after the beginning of the Algerian popular uprising, even as its political solution remains uncertain, its inscription in the longue-durée of history has certainly been achieved. Astonishing in scale, duration, and national roots, in its pacifism and creativity, the hirak is renewing the relationship of a population with itself, its past, and its future. In other words, there is a refashioning of history and the emergence of a collective consciousness. In the short-term the event also embodies multiple ways of being in time. This article will analyze its logic and effects. In other words, it proposes to study the revolutionary movement as a place - a breach - to examine the actions, the arrangements, and the uses of the past. These heterogeneous and contemporary presences are analyzed in terms of transpositions, commemorations, and renewals.
- Faire hirak à Paris. Les mises en scène d'une révolution contre le « système algérien » - Didier Le Saout p. 131-146 Les rassemblements organisés chaque dimanche à Paris depuis février 2019 sur la place de la République pour exiger le « départ du système » en Algérie mettent en œuvre un agir public contestataire qui associe, d'une part, des engagements collectifs numériques dans des communautés virtuelles, des engagements dans des communautés constituées par des liens personnels dans des organisations, telles les collectifs, associations ou partis politiques et, d'autre part, des engagements individuels qui érigent l'individu en sujet protestataire et qui permettent l'expression de la contestation par l'art et la culture. Toutes ces modalités d'agir qui montrent la réticence des contestataires à se relier à une idéologie convergent dans leur grande diversité dans la production d'une identité « anti-système » sur laquelle s'organise, sur une longue durée, les initiatives protestataires portées par des milliers d'Algériennes et d'Algériens en contexte migratoire.The rallies organized every Sunday in Paris since February 2019 on the Place of République to demand the « departure of the system » in Algeria implement a public protest action that combines digital collective commitments in virtual communities, commitments in communities constituted by personal links in collectives, political associations or parties, as well as individual commitments that make the individual a protest subject. All these modalities of action express the reluctance of the protesters to connect to an ideology. They converge in the production of an « anti-system » identity on which protest initiatives are organized.
- Quelle place pour le pluralisme religieux dans le mouvement de protestation algérien de 2019 ? - Zohra Aziadé Zemirli p. 91-104
Des mouvements sociaux territorialisés : le Maghreb, des marges au centre
- Interdiction des emblèmes berbères et occupation des espaces symboliques : amazighité versus algérianité ? - Mohand Tilmatine p. 149-164 L'irruption de l'emblème amazigh aux côtés du drapeau national algérien, fièrement arboré lors des manifestations massives qui rythment, depuis le 16 février 2019, les vendredis algériens est un phénomène sans nul doute nouveau et remarquable. En effet, il reflète la conquête d'un nouvel espace symbolique jusqu'à présent relativement bien confiné en Kabylie et dans une moindre mesure dans d'autres régions berbérophones comme les Aurès ou le Mzab. L'interdiction annoncée de cet emblème, rapidement suivie par l'emprisonnement d'une trentaine de manifestants, a ouvert une brèche dans l'apparente homogénéité qui semblait souder la nouvelle « révolution du sourire », mais a également (ré)ouvert un débat sur les symboles et les références identitaires d'une future République algérienne. Le texte aborde cette problématique en se focalisant sur les enjeux symboliques et les soubassements identitaires et politiques qui sous-tendent cette « guerre des drapeaux » et la persécution des emblèmes autres que le drapeau national algérien adoptée par Ahmed Gaid Salah, le nouvel homme fort du régime algérien depuis la chute du président Bouteflika.The irruption of the Amazigh emblem alongside the Algerian national flag, proudly displayed during the massive demonstrations that punctuate since February 16, 2019 the Algerian Fridays is a phenomenon undoubtedly new and remarkable. Indeed, it reflects the conquest of a new symbolic space so far relatively confined in Kabylia and to a lesser extent in other Berber-speaking regions such as Aurès or Mzab. The announced ban on this emblem, promptly followed by the imprisonment of some 30 protesters, opened a gap in the apparent homogeneity that seemed to unify the new “smile revolution”, but also (re)opened a debate on symbols and identity references of a future Algerian republic. The text will tackle this issue by focusing on the symbolic stakes and the underlying identity and politics that support this “war of flags” and the persecution of “other emblems” than the Algerian national flag taken by Ahmed Gaid Salah, the new strong man of the Algerian regime since the fall of President Bouteflika.
- Région et génération : le Sud algérien et les enjeux de la visibilisation du politique - Ratiba Hadj-Moussa p. 165-179 Le Sud a été « docilisé » par la création d'instances de médiation fonctionnant à la cooptation et la manipulation. Ce n'est qu'au terme d'un cycle de gouvernance ayant duré plus de 50 ans qu'une nouvelle génération réclame le changement. Quelles dynamiques socio-politiques ont-elles prévalu dans la région centrale du Sud algérien depuis le début des années 2000 ? Comment comprendre les revendications qui se sont accélérées entre 2011 et 2018, et que montrent-elles des rapports entre le régime politique et les populations ? Ce sont là quelques questions auxquelles ce texte souhaite répondre en insistant sur les nouvelles formes avec lesquelles les populations définissent le territoire tout en réclamant la citoyenneté pleine et entière. Bien que le Sud, ne soit qu'un exemple de ce changement politique profond et lent, il rend compte de l'émergence de l'idée de région comprise non comme une entité identitaire mais comme une réalité politique.Southern regions in Algeria have been “tamed” through the creation of mediating political bodies that are based on cooptation and manipulation. It is only after a governance cycle that has lasted over 50 years that a new generation begins to demand change. What socio-political dynamics have prevailed in the central region of southern Algeria since the early 2000s? How to understand the raising political claims and their acceleration between 2011 and 2018, and what relationships between the political regime and the local population do they highlight? These are some of the questions this article seeks to answer. It emphasizes on the new ways in which the population define territory while calling for the recognition of full citizenship. Although the South is only one example of this profound and slow political transformation, it illustrates the emergence of the idea of “region” not so much as an identity than as a political reality.
- Politiser le regard sur les marges. Le cas du mouvement « sur la voie 96 » d'Imider - Soraya El Kahlaoui, Koenraad Bogaert p. 181-191 En partant d'une enquête ethnographique au long cours (2014-2017) portant sur le mouvement « sur la voie 96 » d'Imider, cet article interroge les modalités de politisation des communautés marginalisées. Située au sud-est du Maroc, Imider est une petite commune rurale connue pour abriter le plus grand gisement d'argent en Afrique. L'exploitation du gisement minier par le groupe Managem, filiale de la holding royale, fait face à une contestation forte de la part des communautés locales depuis ses débuts dans les années 1970. Ce faisant, c'est à partir de 2011, que les habitants d'Imider se sont organisés autour d'un mouvement « sur la voie 96 » pour revendiquer d'abord, un droit à l'eau, puis, de manière générale, une juste répartition des richesses. Les militants ont occupé le « Mont Alebban » et fermé, durant les neuf dernières années, la principale vanne de la pompe à eau ravitaillant la mine. En partant d'une description des manières dont le mouvement « sur la voie 96 » a réussi à s'imposer dans l'espace public et plus largement dans le champ politique, l'objectif visé par cet article est d'inscrire l'étude des mobilisations des communautés marginalisées dans une analyse politique plus globale. L'hypothèse défendue vise ainsi à montrer en quoi une étude qui prend au sérieux les ressorts politiques des mobilisations des marges peut aider à comprendre le processus de changement et de transformation socio-politiques en cours au Maroc depuis 2011.Starting from a long-term ethnographic study (2014-2017) on Imider's “on the road of 96” movement, this article questions the processes of politicization of marginalized communities. Located in southeastern Morocco, Imider is a small rural town in the vicinity of the largest silver deposit in Africa. Exploited by the Managem group, a subsidiary of the royal holding, the mining industry has faced a strong challenge from local communities since its installation in the 1970s. In particular, since 2011, residents have organized themselves around a movement: the movement “on the road of 96”, claiming the right to water and more generally a fair distribution of wealth. Activists of Imider occupied “Mont Alebban”, during the last nine years, and sabotaged the main water pump supplying the mine. Starting from an empirical study of the ways in which the “on the road of 96” movement has managed to impose itself in the public space and more broadly in the political field, the objective of this article is to inscribe the mobilizations of marginalized communities in a more global political analysis. The article aims to show how the study of the politics of and in the margins can help us understand more boarder processes of change and socio-political transformation in Morocco since 2011.
- Déclin des villes moyennes et conflictualité territoriale au Maroc. Les conséquences d'une pluralisation politique inachevée ? - David Goeury, Olivier Deau p. 193-204 Le Maroc est régulièrement le théâtre de mobilisations localisées particulièrement fortes qui rappellent les difficultés structurelles à générer un développement sur l'ensemble du territoire. Aujourd'hui, les indicateurs socio-économiques de nombreuses villes moyennes révèlent l'absence de perspectives pour une jeunesse urbaine qui souffre d'un sentiment croissant de frustration relative. La stagnation voire la régression économique de certaines villes moyennes a favorisé le redéploiement de réseaux politiques clientélistes souhaitant occuper des fonctions historiques d'intermédiation. Or, si ces réseaux espéraient renouveler leur légitimité en profitant du processus de régionalisation avancée, l'intensité des mobilisations, parfois violentes, a été saisie par le gouvernement dans un cadre de conflictualité entre majorité et opposition pour discréditer les élus locaux et renforcer son influence. In fine, la dynamique de pluralisation politique apparaît comme inachevée car renouvelant des rapports de dépendance entre centre et périphéries sans permettre l'affirmation de dynamiques locales à même de porter des politiques territoriales inclusives.Morocco is regularly the scene of particularly strong localized mobilizations that remind us of the structural difficulties of generating development throughout the country. Today, the socio-economic indicators of many medium-sized cities reveal the lack of prospects for urban youth who suffer from a growing sense of relative deprivation. The stagnation or even economic decline of some medium-sized cities has favoured the redeployment of clientelist political networks wishing to occupy historical intermediation functions. However, while these networks hoped to renew their legitimacy by taking advantage of the process of advanced regionalisation, the intensity of the mobilisations, which were sometimes violent, were seized by the government in a context of conflict between the majority and the opposition. Governemental majority hopes to discredit local elected representatives and strengthens its influence. In the end, the dynamics of political pluralization appears to be unfinished because it renews dependency relationships between the center and the periphery without allowing the affirmation of local dynamics able to support inclusive territorial policies.
- Écrire sur l'Algérie. Les SHS à l'épreuve de la mobilisation citoyenne du 22 février 2019 - Karima Dirèche p. 205-211 Cette contribution est l'occasion de proposer un retour critique de l'aventure éditoriale qu'a représentée la réalisation de l'ouvrage collectif L'Algérie au présent. Entre résistances et changements paru au mois de mai 2019 aux éditions IRMC-Karthala. Cet ouvrage qui propose une photographie de la recherche en sciences humaines et sociales en Algérie et sur l'Algérie (dans ses dynamiques contemporaines), soulève de nombreux questionnements sur les conditions de production des connaissances, sur la formation théorique et méthodologique (et les pratiques d'écriture) et sur la visibilité des disciplines en SHS. Ce retour d'expérience interrogera également les contraintes formelles et implicites qui pèsent sur la recherche en contexte autoritaire.This contribution is an opportunity to suggest a critical evaluation of the editorial adventure of the collective work L'Algérie au présent. Entre résistances et changements edited by IRMC-Karthala in May 2019. This work which focuses on Social sciences and humanities research in Algeria and about Algeria (in its contemporary dynamics) raises many questions about the conditions on knowledge production, theoretical and methodological training (and writing practices) and on the visibility of practices in SHS. This feedback will discuss the formal and implicit constraints on the development of research in a prevailing authoritarian environment.
- Interdiction des emblèmes berbères et occupation des espaces symboliques : amazighité versus algérianité ? - Mohand Tilmatine p. 149-164
Chroniques
Algérie
- Algérie 2018 : Une mobilisation générale pour une élection particulière - Louisa Dris-Aït Hamadouche p. 217-230
- Chronologie Algérie 2018 - Louisa Dris-Aït Hamadouche p. 230
Libye
- De Paris à Palerme, la Libye entre illusions électorales et économie de guerre - Saïd Haddad p. 233-251
- Chronologie Libye 2018 - Saïd Haddad p. 251
Gros plan
- Can Libya survive as a single State? - George Joffé p. 253-262 Depuis la chute du régime du colonel Kadhafi à la fin du mois d'octobre 2011, la survie de l'État libyen est devenue sujette à caution. Les raisons sont multiples : l'effondrement de l'armée à la suite des attaques dirigées par l'OTAN, l'hostilité de la Grande-Bretagne et de la France, le rôle joué par les États du Golfe, la Turquie et l'Égypte, ainsi que la montée de l'extrémisme dans un contexte où la violence privatisée des milices est omniprésente. Tous ces facteurs ont contribué à la quasi-destruction des institutions étatiques. Néanmoins, outre le rôle unificateur joué par la banque centrale et la compagnie pétrolière nationale du pays, la pression en faveur de la préservation de l'État unitaire a été exercée par deux acteurs aux positions diamétralement opposées : d'une part, les Nations unies, qui cherchent à obtenir la rédaction d'une nouvelle Constitution et des élections nationales, et d'autre part, le chef de la principale coalition de milices du pays, Khalifa Haftar, basé à Benghazi et qui cherche désormais à élargir son contrôle autocratique sur la Tripolitaine. Aujourd'hui, la Libye est entraînée dans une guerre par procuration, impliquant, au niveau régional, les Émirats arabes unis et l'Égypte qui s'opposent au Qatar et à la Turquie et plus globalement, la Russie, les États-Unis, la France et l'Italie. Ce faisant, in fine, la victime risque bien d'être l'État libyen !Ever since the Qadhafi regime collapsed in late October 2011, the survival of the Libyan state has been opened to increasing question. The causes are manifold; the collapse of the Libyan army in the wake of the NATO-led attacks, the hostility of Britain and France, the roles played by the Gulf states, Turkey and Egypt, and the growth of extremism against the background of the privatised violence of the militias have all contributed towards its impending collapse. Nonetheless, apart from the unifying role played by country's central bank and national oil company, pressure for preserving the unitary state has been driven by two players from diametrically opposed positions; the United Nations which seeks a new constitution and nationwide elections and the leader of the major militia coalition in the country, Khalifa Haftar, based in Benghazi and now seeking to extend his autocratic control over Tripolitania too. Now Libya is being dragged into a proxy war, involving the UAE and Egypt as opposed to Qatar and Turkey and the regional level and, more globally, Russia, the United States, France and Italy. The ultimate victim, however, could well be the Libyan state!
- Can Libya survive as a single State? - George Joffé p. 253-262
Maroc
- Défection, prise de parole et loyauté : Incertitude et reconfiguration autoritaire dans le Maroc de Mohammed VI - Marta Garcia de Paredes, Beatriz Tomé-Alonso p. 265-291
- Chronologie Maroc 2018 - Marta Garcia de Paredes, Beatriz Tomé-Alonso p. 290-291
Mauritanie
- Du baptême du nouvel aéroport de Nouakchott à la réforme constitutionnelle (fin 2015-2018). Politiques de l'histoire en Mauritanie - Camille Evrard, Erin Pettigrew p. 295-319
- Chronologie Mauritanie 2016-2018 - Camille Evrard, Erin Pettigrew p. 320-323
Gros plans
- On the Border in Northern Mauritania - Mark Drury p. 325-340 Cet article examine la façon dont la frontière nord-mauritanienne soulève les questions de territoire, de mobilité et d'appartenance dans la région de l'Ouest saharien. Des éléments historiques retracent le passage d'une zone frontalière relativement perméable pendant la période coloniale, à une frontière de plus en plus figée après la décolonisation. Une enquête ethnographique menée au poste frontière de Guerguerat et dans la ville de Nouadhibou informe sur les événements récents au cours desquels la frontière nord de la Mauritanie a servi de point d'ancrage au conflit du Sahara occidental. Ensemble, les exemples mobilisés montrent l'importance de la frontière nord-mauritanienne pour la compréhension des processus sociaux et politiques relatifs à la formation du sujet dans l'Ouest saharien. En soulignant les mutations historiques et les interactions contemporaines et quotidiennes, cet article met en évidence les effets inégaux et changeants de la frontière nord-mauritanienne dans le temps et dans l'espace, ainsi que son rôle essentiel dans la production et la reproduction de disjonctions/dislocations entre populations, territoires et souveraineté dans la région, particulièrement depuis la décolonisation.This paper considers what the northern Mauritanian border reveals about territory, mobility and belonging across the region of western Sahara. Historical examples trace a shift from a relatively permeable frontier zone during colonialism to an increasingly fixed border during decolonization. Ethnographic examples from the border crossing of Guerguerat and the northern Mauritanian town of Nouadhibou connect to recent developments during which the northern Mauritanian border has become a flashpoint in the Western Sahara conflict. Together, these examples show the significance of the northern Mauritanian border to social processes of value production, as well as political processes of subject formation across western Sahara. In focusing on historical shifts as well as contemporary, quotidian interactions, this paper highlights the uneven and changing effects of the northern Mauritanian border over time and across space, and its pivotal role in producing and reproducing disjunctures between people, territory and sovereignty across the region, particularly since decolonization.
- Entraves et conséquences de la nationalisation de la main d'œuvre dans le secteur de la pêche artisanale en Mauritanie - Marta Alonso Cabré p. 341-355 Dans cet article réalisé à partir de données recueillies sur le terrain entre les mois de juin et octobre 2018, nous proposons d'analyser les conséquences sociales de la prohibition de la main d'œuvre étrangère – essentiellement dite « sénégalaise » – dans le domaine de la pêche artisanale dans les eaux mauritaniennes. S'il est question, d'une part, de montrer l'impact de cette décision du gouvernement mauritanien sur la main d'œuvre, il s'agit également de donner à comprendre plus largement la façon dont ce choix politique entraîne certains Mauritaniens à devoir sans cesse prouver leur identité. Présenter une pièce officielle d'identité s'avère particulièrement difficile pour nombre d'entre eux, en particulier ceux qui peuvent être confondus avec des nationaux voisins, mais aussi pour ceux dont la vie est ancrée aux marges de la société.In this article based on data collected in the field between June and October 2018, we propose to analyze the social consequences of the prohibition of foreign labor - essentially called «Senegalese» - in the field of artisanal fishing in Mauritanian waters. If it is a question, on the one hand, to show the impact of this decision of the Mauritanian government on the workforce, it is also to give to understand more widely how this political choice leads some Mauritanians to constantly having to prove their identity. Presenting an official identity document is particularly difficult for many, especially those who may be confused with neighboring nationals, but also those whose lives are anchored on the margins of society.
- On the Border in Northern Mauritania - Mark Drury p. 325-340
Tunisie
- La Tunisie en 2018 : Une année pré-électorale très électorale - Éric Gobe p. 359-376
- Chronologie Tunisie 2018 - Éric Gobe p. 376
Gros plans
- Les mobilisations contre le rapport sur les libertés individuelles et l'égalité (COLIBE) : Vers une spécialisation du parti Ennahdha dans l'action partisane ? - Alia Gana, Ester Sigillò p. 377-383 À travers l'analyse des différentes formes de mobilisations contre le rapport de la commission sur les libertés individuelles et l'égalité (COLIBE) organisées par des réseaux liés à la mouvance islamique, cet article propose d'interroger le processus de spécialisation/séparation entre activités partisanes et activités de prédication, entériné par Harakat Ennahdha lors de son dixième congrès, en mai 2016. Présenté par le parti comme une réforme majeure, ce processus de spécialisation conduirait à la transformation d'Ennahdha en un parti civil moderne. Adoptant une perspective relationnelle et interactionniste, l'article examine, à lumière des mobilisations contre le rapport de la COLIBE, comment s'opère, dans le cadre du processus de spécialisation, la réorganisation des rapports entre le parti et les réseaux d'associations à référent religieux et se renégocient les liens et les frontières entre politique et religieux. L'analyse fait ressortir une dynamique de reconfiguration par le bas d'un réseau à référent islamique qui prend ses distances formelles par rapport au parti Ennahdha. Celle-ci tend en fait à recréer une unité par le bas de la mouvance islamique, en coordination avec le processus de spécialisation d'Ennahdha, et dans une logique qui s'apparente à une division de compétences. Plutôt qu'à une séparation effective des deux sphères d'action, le processus de spécialisation semble contribuer à un brouillage des frontières entre le politique et le religieux.Through the analysis of the different forms of mobilization against the report of the Commission on Individual Liberties and Equality (COLIBE) organized by networks linked to the Islamic movement, this article proposes to question the process of specialization/separation between partisan activities and preaching activities, endorsed by Harakat Ennahdha at its 10th Congress in May 2016. Presented by the party as a major reform, this process of specialisation would lead to the transformation of Ennahdha into a modern civil party. Adopting a relational and inter-actionist perspective, the article examines, in light of the mobilizations against the COLIBE report, how the reorganization of relations between the party and the networks of associations with a religious referent takes place within the framework of the specialization process and how the links and borders between politics and religion are renegotiated. The analysis reveals a dynamic of reconfiguration from below of a network with an Islamic referent that distances itself formally from the Ennahdha party. In fact, it tends to recreate a unity at the bottom of the Islamic movement, in coordination with the Ennahdha specialization process, and in a logic that is similar to a division of competences. Rather than an effective separation of the two spheres of action, the process of specialization seems to contribute to a blurring of the boundaries between politics and religion.
- Les historiens tunisiens face à la justice transitionnelle : autopsie d'un conflit - Nessim Znaien p. 385-394 L'objet de cet article est d'étudier, au moyen d'une dizaine d'entretiens semi-directifs, les relations entre le processus de justice transitionnelle et les historiens professionnels tunisiens, dans un contexte où très peu d'entre eux ont participé aux activités d'une instance, censée pourtant interroger l'histoire tunisienne depuis plus de soixante ans. Le conflit entre l'Instance Vérité et Dignité (IVD) et la majeure partie de la sphère académique s'est cristallisé en deux temps. Tout d'abord à partir de 2014, l'IVD est rentrée en concurrence avec les Archives nationales pour la récupération et la constitution d'un fond de documents concernant les années de la dictature. Par la suite, certains membres de l'IVD ont appelé à « réécrire l'histoire » ou ont pris directement position sur certaines questions historiographiques, provoquant l'ire de certains historiens. La médiatisation soudaine de certaines questions historiographiques ou des enjeux entourant les archives a ainsi pu faire accéder certains historiens à des réseaux politiques ou à la sphère médiatique accélérant la constitution de rapports de force, entre différents réseaux, et participant à un remodelage des courants académiques, initié dès les années 1990.The purpose of this article is to study, through a dozen semi-structured interviews, the relations between the transitional justice process and Tunisian professional historians, in a context where very few of them participated in activities of a body, supposed to interrogate Tunisian history for more than sixty years. The conflict between the Instance Truth and Dignity (IVD) and most of the academic sphere crystallized in two stages. First of all, from 2014, the IVD entered into competition with the National Archives for the recovery and the constitution of a fund of documents concerning the years of the dictatorship. Subsequently some members of the IVD, have called for «rewrite history» or have taken a direct stand on certain historiographical issues, provoking the ire of some historians. The sudden media coverage of certain historiographical issues or the issues surrounding the archives has thus allowed some historians to gain access to political networks or the media sphere, accelerating the balance of power between different networks, and participating in a remodeling of academic currents, initiated since the 1990s.
- Les mobilisations contre le rapport sur les libertés individuelles et l'égalité (COLIBE) : Vers une spécialisation du parti Ennahdha dans l'action partisane ? - Alia Gana, Ester Sigillò p. 377-383