Contenu du sommaire
Revue | Revue critique de droit international privé |
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Numéro | no 2, avril-juin 2020 |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Éditorial
- Du droit international privé en période de confinement - Horatia Muir Watt, Dominique Bureau, Sabine Corneloup p. 211-213
Doctrine
- Le règlement 2019/1111, Bruxelles II : la protection des enfants gagne du ter(rain) - Sabine Corneloup, Thalia Kruger p. 215-245 Après une longue procédure législative, le règlement 2019/1111 ou « Bruxelles II ter » vient remplacer le règlement Bruxelles II bis (n° 2201/2003). Le nouveau règlement ne sera complètement applicable qu'à partir du 1er août 2022. Face à l'impossibilité d'examiner tous les changements apportés, cet article présente les innovations les plus importantes. Dans le domaine de la responsabilité parentale, Bruxelles II ter clarifie les règles relatives au choix de for et à la litispendance. Il pose une obligation générale de respecter le droit de l'enfant d'être entendu. Dans les affaires d'enlèvement d'enfant, la procédure de la deuxième chance a été conservée, mais son domaine a été restreint. Le législateur met l'accent sur la médiation. Le règlement consacre l'abolition générale de l'exequatur sur le modèle du règlement Bruxelles I bis (n° 1215/2012). Toutefois, les décisions relatives au droit de visite et les décisions de retour « nonobstant » (pour lesquelles Bruxelles II bis avait déjà aboli l'exequatur) conservent leur caractère privilégié et relèvent de règles légèrement différentes. En outre, Bruxelles II ter harmonise certains aspects de la procédure d'exécution à proprement parler. Enfin, une innovation importante, notamment pour la France, découle des nouvelles règles sur la reconnaissance et l'exécution des actes authentiques et accords, tels que les divorces sans juge. En revanche, les règles de compétence en matière de divorce n'ont pas été modifiées, ce qui est regrettable. Les auteurs concluent que Bruxelles II ter apporte de nombreux changements bienvenus, notamment sur le terrain de la protection des droits de l'enfant dans le contentieux familial transfrontière, bien que le régime ne soit pas parfait et que certains problèmes appellent toujours l'attention du législateur.> After a long legislative process, Regulation 2019/1111 or “Brussels II ter” has replaced the Brussels II bis Regulation (n° 2201/2003). The new Regulation will only become fully applicable on 1 August 2022. This article gives an overview of the most important changes even though it is impossible to discuss all of them. In the domain of parental responsibility Brussels II ter brings more clarity on choice of forum and lis pendens. It inserts a general obligation to respect the child's right to be heard. For child abduction cases, the second chance procedure is retained but its scope is limited. The legislator places emphasis on mediation. The Regulation brings a general abolition of exequatur, similar to that of the Brussels I Regulation (n° 1215/2012). However, decisions concerning visitation and the second chance procedure (for which Brussels II bis already abolished exequatur) retain their privileged character and slightly different rules apply. Brussels II ter moreover harmonises certain aspects of the actual enforcement procedure. A final important change, especially for France, is a new set of rules on the recognition and enforcement of authentic instruments and agreements, such as private divorces. The legislator did not tackle the bases for jurisdiction for divorce, which is a pity. The authors conclude that, even though it is not perfect and certain issues still need the legislator's attention, Brussels II ter has brought many welcome improvements, particularly in protecting the rights of children involved in cross-border family disputes.
- La transcription des actes de l'état civil étrangers sur les registres français : Cesser de déformer et enfin réformer… - Christine Bidaud p. 247-265 Si la transcription des actes de l'état civil étrangers dans les registres français est depuis longtemps qualifiée d'opération de publicité, on ne peut que constater les déformations dont elle fait l'objet tant par le législateur que par la jurisprudence. Une réforme en ce domaine est indispensable pour garantir la cohérence du système de réception en France des actes de l'état civil étrangers et, au-delà, de la circulation internationale de l'état des personnes.Although the transcription of foreign civil-status records in french registers has long been qualified as a publicity operation, distortions of this notion has been made by the legislator and the case law. A reform in this field is imperative in order to guarantee the coherence of the system of reception in France of foreign civil-status records and, beyond that, of the international circulation of personal status.
- L'art d'être inconstant : Regards sur les récents développements de la jurisprudence en matière de gestation pour autrui - Sylvain Bollée, Bernard Haftel p. 267-283 Par deux arrêts rendus par sa première chambre civile le 18 décembre 2019, la Cour de cassation semble conclure une saga jurisprudentielle particulièrement spectaculaire relative à la réception en France des processus de gestation pour autrui survenus à l'étranger. Sa position a évolué d'une position d'extrême fermeture à une position diamétralement opposée, admettant désormais la reconnaissance complète et pour ainsi dire inconditionnelle, en décalage non seulement avec sa jurisprudence récente, mais également avec le droit interne qui maintient une opposition ferme à toute gestation pour autrui. Cette évolution mérite d'être considérée sous l'angle des solutions concrètes et, plus fondamentalement, de la place que la Cour de cassation entend donner en cette matière à sa propre jurisprudence au sein des sources du droit.In two judgments handed down by its First Civil Chamber on 18 December 2019, the Court of Cassation seems to have concluded a particularly spectacular case law saga relating to the reception in France of surrogate motherhood processes occurred abroad. Its position has evolved from a position of extreme closure to one that is diametrically opposed, now accepting full and almost unconditional recognition, out of step not only with its recent case-law, but also with domestic law that maintains a firm opposition to any surrogate motherhood process. This evolution is to be considered from the perspective of concrete solutions and, more fundamentally, of the place that the Court of Cassation intends to give in this area to its own case-law within the sources of law.
- Le règlement 2019/1111, Bruxelles II : la protection des enfants gagne du ter(rain) - Sabine Corneloup, Thalia Kruger p. 215-245
Jurisprudence
- Consécration de la catégorie « partenariats de fait » au sein de la matière civile et commerciale - Estelle Gallant p. 285-295 L'article 54 du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil, du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, doit être interprété en ce sens qu'une juridiction d'un État membre saisie d'une demande de délivrance d'un certificat attestant qu'une décision rendue par la juridiction d'origine est exécutoire doit, dans une situation telle que celle en cause au principal où la juridiction ayant rendu la décision à exécuter ne s'est pas prononcée, lors de l'adoption de celle-ci, sur l'applicabilité de ce règlement, vérifier si le litige relève du champ d'application dudit règlement. L'article 1er, paragraphe 1 et paragraphe 2, sous a), du règlement n° 44/2001 doit être interprété en ce sens qu'une action, telle que celle en cause au principal, ayant pour objet une demande de dissolution des rapports patrimoniaux découlant d'une relation de partenariat de fait relève de la notion de « matière civile et commerciale », au sens de ce paragraphe 1, et entre, dès lors, dans le champ d'application matériel de ce règlement.
- L'intérêt à agir en exequatur devant le juge français n'est pas subordonné à la présence en France de biens appartenant au débiteur - Fabien Marchadier p. 295-300 L'intérêt à agir existe dès lors que le demandeur à l'exequatur est la partie au procès au profit de laquelle la décision étrangère a été rendue. C'est donc en vain que le débiteur, ressortissant danois domicilié au Danemark, conteste la recevabilité de l'action devant le juge français au motif qu'il ne possède, en France, aucun actif susceptible d'être saisi. Cette circonstance n'est pas de nature à ôter à l'intérêt à agir sa réalité ou son actualité.
- La double autonomie de la notion de consommateur dans le règlement Bruxelles I bis en matière financière - Jérôme Chacornac p. 300-316 Prive sa décision de base légale une cour d'appel ayant refusé au demandeur la qualité de consommateur au sens de l'article 17 du règlement Bruxelles I bis motif pris de sa qualité d'investisseur professionnel au regard des textes applicables en matière financière, sans rechercher, comme elle y était invitée, si ledit demandeur avait agi à des fins entrant dans le champ de son activité professionnelle. L'article 17, § 1, du règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2012, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, doit être interprété en ce sens qu'une personne physique qui, en vertu d'un contrat tel qu'un contrat financier pour différences conclu avec une société de courtage, effectue des opérations sur le marché international des changes FOREX (Foreign Exchange) par l'intermédiaire de cette société doit être qualifiée de « consommateur », au sens de cette disposition, si la conclusion de ce contrat ne relève pas de l'activité professionnelle de cette personne, ce qu'il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier. Aux fins de cette qualification, d'une part, des facteurs tels que la valeur des opérations effectuées en vertu de contrats tels que les contrats financiers pour différences, l'importance des risques de pertes financières liés à la conclusion de tels contrats, les connaissances ou l'expertise éventuelles de ladite personne dans le domaine des instruments financiers ou son comportement actif dans le cadre de telles opérations sont, en tant que tels, en principe sans pertinence et, d'autre part, le fait que les instruments financiers ne relèvent pas de l'article 6 du règlement (CE) n° 593/2008 du Parlement européen et du Conseil, du 17 juin 2008, sur la loi applicable aux obligations contractuelles (Rome I), ou que cette personne soit un « client de détail », au sens de l'article 4, § 1, point 12, de la directive 2004/39/CE du Parlement européen et du Conseil, du 21 avril 2004, concernant les marchés d'instruments financiers, modifiant les directives 85/611/CEE et 93/6/CEE du Conseil et la directive 2000/12/CE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 93/22/CEE du Conseil, est, en tant que tel, en principe sans incidence.
- À quelles conditions le paiement d'une facture renvoyant à une clause d'élection de for contenue dans des conditions générales vaut-il acceptation de celle-ci ? - Benjamin Remy p. 317-323 Dans le cadre d'une relation d'affaires habituelles, le paiement de factures contenant une référence claire et précise aux conditions générales de vente disponibles sur demande vaut acceptation tacite de la clause d'élection de for qui figure dans ces dernières.
- La réécriture consumériste de l'office du juge saisi d'une d'injonction de payer européenne - Ludovic Pailler p. 324-333 L'article 7, § 2, sous d) et e), du règlement (CE) n° 1896/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2006, instituant une procédure européenne d'injonction de payer, ainsi que l'article 6, § 1, et l'article 7, § 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, tels qu'interprétés par la Cour et lus à la lumière de l'article 38 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, doivent être interprétés en ce sens qu'ils permettent à une « juridiction », au sens dudit règlement, saisie dans le cadre d'une procédure européenne d'injonction de payer, de demander au créancier des informations complémentaires relatives aux clauses du contrat invoquées à l'appui de la créance en question, afin d'effectuer le contrôle d'office du caractère éventuellement abusif de ces clauses et, en conséquence, qu'ils s'opposent à une législation nationale qui déclare comme étant irrecevables des documents complémentaires fournis à cet effet.
- La portée territoriale du droit au déréférencement : un exercice de proportionnalité dans l'espace - Horatia Muir Watt p. 334-348 L'article 12, sous b), et l'article 14, premier alinéa, sous a), de la directive 95/46 ainsi que l'article 17, paragraphe 1, du règlement 2016/679 doivent être interprétés en ce sens que, lorsque l'exploitant d'un moteur de recherche fait droit à une demande de déréférencement en application de ces dispositions, il est tenu d'opérer ce déréférencement non pas sur l'ensemble des versions de son moteur, mais sur les versions de celui-ci correspondant à l'ensemble des États membres, et ce, si nécessaire, en combinaison avec des mesures qui, tout en satisfaisant aux exigences légales, permettent effectivement d'empêcher ou, à tout le moins, de sérieusement décourager les internautes effectuant une recherche sur la base du nom de la personne concernée à partir de l'un des États membres d'avoir, par la liste de résultats affichée à la suite de cette recherche, accès aux liens qui font l'objet de cette demande.
- L'application du règlement Rome I à un contrat de fiducie ayant pour objet la gestion d'une participation dans une société en commandite et contenant une clause d'electio juris abusive - Dominique Bureau p. 349-359 L'article 1er, § 2, sous e), de la convention sur la loi applicable aux obligations contractuelles, ouverte à la signature à Rome le 19 juin 1980, et l'article 1er, § 2, sous f), du règlement (CE) n° 593/2008 du Parlement européen et du Conseil, du 17 juin 2008, sur la loi applicable aux obligations contractuelles (Rome I), doivent être interprétés en ce sens que ne sont pas exclues du champ d'application de cette convention et de ce règlement des obligations contractuelles, telles que celles en cause au principal, qui trouvent leur source dans un contrat de fiducie ayant pour objet la gestion d'une participation dans une société en commandite. L'article 5, § 4, sous b), de la convention sur la loi applicable aux obligations contractuelles et l'article 6, § 4, sous a), du règlement n° 593/2008 doivent être interprétés en ce sens que ne relève pas de l'exclusion prévue à ces dispositions un contrat de fiducie en application duquel les services qui sont dus au consommateur doivent être fournis, à distance, dans le pays de résidence habituelle de celui-ci depuis le territoire d'un autre pays. L'article 3, § 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, doit être interprété en ce sens qu'une clause d'un contrat de fiducie relatif à la gestion d'une participation en commandite, tel que ceux en cause au principal, conclu entre un professionnel et un consommateur, qui n'a pas fait l'objet d'une négociation individuelle et en vertu de laquelle le droit applicable est celui de l'État membre du siège de la `np pagenum="350"/bsociété en commandite, est abusive, au sens de cette disposition, lorsqu'elle induit ce consommateur en erreur en lui donnant l'impression que seule la loi de cet État membre s'applique au contrat, sans l'informer du fait qu'il bénéficie également, en vertu de l'article 5, § 2, de la convention sur la loi applicable aux obligations contractuelles et de l'article 6, § 2, du règlement n° 593/2008, de la protection que lui assurent les dispositions impératives du droit national qui serait applicable en l'absence de cette clause.
- L'efficacité envers les tiers d'une cession de créance ne relève pas (plus ?) du règlement Rome I (à propos d'un considérant escamoté par la Cour de justice) - Louis d'Avout p. 359-368 L'article 14 du règlement (CE) n° 593/2008 du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles (Rome I) doit être interprété en ce sens qu'il ne désigne pas, de manière directe ou par analogie, la loi applicable concernant l'opposabilité aux tiers d'une cession de créance en cas de cessions multiples d'une créance par le même créancier à des cessionnaires successifs.
- L'admission du renvoi au sujet d'une action en contestation de paternité relevant de l'article 311-14 du code civil - Dominique Bureau p. 369-375 L'article 311-14 du code civil, aux termes duquel la filiation est régie par la loi personnelle de la mère au jour de la naissance de l'enfant, énonce une règle de conflit bilatérale et neutre n'excluant pas le renvoi.
- Consécration de la catégorie « partenariats de fait » au sein de la matière civile et commerciale - Estelle Gallant p. 285-295
Éclairages
- Le "Brexit"… Mais après ? - p. 377-378
- Sur les lois de police devant le Conseil d'État - p. 378-382
- Sur les règles professionnelles des avocats à l'épreuve des frontières - p. 382-386
Bibliographie
- Livres - Toni Marzal p. 387-424