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Revue Revue critique de droit international privé Mir@bel
Numéro no 3, juillet-septembre 2020
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Éditorial

  • Doctrine

    • Le droit international privé au service de la géopolitique : les enjeux de la nouvelle Convention de la Haye du 2 juillet 2019 sur la reconnaissance et l'exécution des jugements étrangers en matière civile ou commerciale - Horatia Muir Watt p. 427-448 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Les enjeux géopolitiques du régime apparemment anodin des effets des jugements étrangers à l'échelle internationale sont plus complexes et moins rationnels qu'ils peuvent le paraître à la seule lecture du texte du nouvel instrument de La Haye, qui a abouti, contre toute attente, vingt ans après l'échec du vaste projet du millenium. Ces enjeux sont à rechercher dans quatre directions : la nouvelle place de l'Union européenne à la table des négociations, exclusive de celle des États membres ; le réveil de la Chine au potentiel de soft power que revêt le droit international privé, au soutien de l'empire économique incarné dans la renaissance de la Route de la soie ; la mutation des équilibres induite par le Brexit et s'étendant aux marchés du Commonwealth ; la position nouvellement fragilisée des États-Unis dans l'ère du post-shame. Il n'est pas exclu cependant que le régime uniforme des effets des jugements étrangers soit pris simultanément dans le jeu d'une nouvelle concurrence entre les divers modèles de règlement des différends.
      The political stakes of the apparently innocuous legal regime governing the cross border movement of judgments may be more complex and less rational than it might appear on reading the text of the new international convention, which has succeeded unexpectedly in coming into being twenty years after the failure of the previous great millennium project. The key to understanding these stakes lies in four different directions : the new place of the European Union at the negotiating table, exclusive of its Member States ; the awakening of China to the potential of private international law in terms of soft power to be wielded in support of the rebirth of the imperial Silk Route ; the post Brexit reintroduction of the markets of the Commonwealth into the wider game ; the weakening of the position of the United States in the era of “post-shame”. However, a further factor may be that the rules for the recognition and enforcement of foreign judgements are caught up in an additional race between competing models of international commercial dispute resolution.
    • Le droit international privé de Foelix ou l'art périlleux de la transition (1840-1847) - Dominique Foussard p. 449-471 accès libre avec résumé
      Au XIXe siècle, des idées-forces ont vu le jour, sous la plume d'auteurs d'exception (Savigny, Mancini). Mais c'est également à cette époque que la trame de la discipline se met en place. A cet égard, Foelix mérite de retenir l'attention. Mieux qu'aucun autre, il fait le lien entre la doctrine de l'Ancien droit et la doctrine universitaire de la fin du XIXe siècle. En l'espace de quinze ans (1834-1849), des travaux ont essaimé un peu partout en Europe et aux Etats-Unis, et Foelix participe de ce mouvement. Dans ce contexte, il importe de rappeler comment l'auteur a conçu l'architecture de la discipline, quels sont ses procédés, quel usage il a fait de la comparaison. Concernant le fond, sa pensée correspond à une sorte d'entre-deux. Les concepts anciens sont encore présents. Mais il s'efforce de s'en libérer. Il promeut l'acte et son statut, et échappe à la distinction si contraignante des personnes et des biens. Toutefois, l'apport majeur concerne la procédure. L'auteur adopte une vision large du procès. Il décrit pour la première fois ce que doit être le procès dans l'ordre international. Il jette ainsi les bases de la matière et sa doctrine peut être tenue pour fondatrice.
    • L'exploitation du rapport d'expertise français par le juge allemand : la toute-puissance de l'article 35 du règlement Bruxelles I bis - Christiane Lenz p. 473-486 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      L'article 35 du règlement Bruxelles I bis permet au juge français d'ordonner une mesure d'instruction in futurum en présence d'une clause attributive de juridiction au profit du juge allemand si la chose faisant l'objet de la mesure est située en France et si la mesure vise à conserver des éléments de preuve. Le juge allemand peut exploiter les rapports d'expertise rendus dans des procédures françaises de la même manière que les rapports d'expertise allemands en employant la méthode de la substitution. À l'aune de l'article 35 du règlement Bruxelles I bis, l'article 145 du code de procédure civile français doit être interprété en ce sens que la condition « avant tout procès » ne s'applique pas. Bien plus, l'article 35 du règlement Bruxelles I bis peut neutraliser les effets des articles 29 et 31 al. 2 du règlement Bruxelles I bis et les effets de l'autorité de la chose jugée.
      Pursuant to Article 35 of Regulation 1215/2012, French Courts can order provisional measures according to Article 145 of the French Code of Civil Procedure despite a jurisdiction clause in favor of German courts if it is necessary to preserve evidence and if the means of evidence are located in France. French expert reports can be used in front of German Courts on the basis of the principle of substitution. In light of Article 35 of Regulation 1215/2012, Article 145 of the French Code of Civil Procedure must be interpreted in a way which does not require the application of the condition « before any legal process ». In addition, Article 35 of Regulation 1215/2012 may prevent the effects of Articles 29 and 31 (2) of Regulation 1215/2012 and the res iudicata effect.
  • Jurisprudence

    • Reconnaissance d'une adoption allemande obtenue sans le consentement du père biologique et rétroactivement convertie en adoption avec rupture des liens - Paul Lagarde p. 487-494 accès libre avec résumé
      Le juge saisi, à l'occasion d'un litige successoral, d'un jugement d'adoption prononcé à l'étranger, doit seulement vérifier si se trouvaient remplies les conditions requises pour que ce jugement soit reconnu en France, sans pouvoir examiner le fond, ce qui rend inapplicable l'article 425-5 du code de procédure civile (1). La cour d'appel n'avait pas à appliquer les articles 370-3 et 370-5 du code civil, dès lors qu'elle n'était saisie ni d'une requête en adoption ni d'une demande de conversion d'une adoption simple en adoption plénière (2). Quand une adoption a été homologuée en Allemagne, par une décision faisant suite à un jugement suppléant le consentement défaillant du père biologique et à un contrat d'adoption, le juge français doit seulement vérifier la régularité internationale de la décision d'homologation (3). La situation résultant de cette adoption est régie par la loi allemande, en particulier par la loi du 2 juillet 1976 qui a instauré une adoption plénière qui, pour les mineurs, rompt de plein droit et rétroactivement les liens juridiques avec la famille d'origine (4). La conversion opérée par la loi allemande d'une adoption produisant les effets d'une adoption simple en une adoption produisant ceux d'une adoption plénière n'est pas contraire à l'ordre public international français, `np pagenum="488"/bnotamment à l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme, d'autant que le lien de l'enfant avec ses parents adoptifs était ancien et que s'était constituée avec eux depuis des dizaines d'années une vie familiale normale (5)
    • Renvoi à mieux se pourvoir ou renvoi devant les juridictions étrangères désignées par une clause attributive de juridiction ? - Hélène Gaudemet-Tallon p. 495-502 accès libre avec résumé
      En présence d'une clause attributive de juridiction donnant compétence aux juridictions étrangères, le juge français ne doit pas désigner ces juridictions mais seulement renvoyer les parties à mieux se pourvoir.
    • L'échec de la concentration du contentieux familial dans l'espace judiciaire européen - Rebecca Legendre p. 503-525 accès libre avec résumé
      L'article 3, sous a) et d), et l'article 5 du règlement (CE) n° 4/2009 du Conseil, du 18 décembre 2008, relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l'exécution des décisions et la coopération en matière d'obligations alimentaires, doivent être interprétés en ce sens que, lorsqu'une juridiction d'un État membre est saisie d'un recours comprenant trois demandes portant respectivement sur le divorce des parents d'un enfant mineur, la responsabilité parentale à l'égard de cet enfant et l'obligation alimentaire envers celui-ci, la juridiction statuant sur le divorce qui s'est déclarée incompétente pour statuer sur la demande relative à la responsabilité parentale dispose néanmoins d'une compétence pour statuer sur la demande relative à l'obligation alimentaire concernant ledit enfant lorsqu'elle est également la juridiction du lieu de résidence habituelle du défendeur ou la juridiction devant laquelle celui-ci a comparu, sans en contester la compétence. L'article 3, paragraphe 1, du règlement n° 2201/2003 doit être interprété en ce sens que, s'agissant d'une demande en divorce, lorsque le requérant saisit une juridiction de l'État membre de la nationalité commune des époux, `np pagenum="504"/balors que la résidence habituelle de ceux-ci est située dans un autre État membre, cette juridiction dispose d'une compétence pour statuer sur cette demande en vertu du point b) de cette disposition. Un accord du défendeur n'étant pas requis, il n'est pas nécessaire d'examiner le point de savoir si l'absence d'invocation par le défendeur d'une exception d'incompétence constitue un accord tacite sur la compétence de la juridiction saisie. L'article 3, paragraphe 1, et l'article 17 du règlement n° 2201/2003 doivent être interprétés en ce sens que, dans une situation telle que celle en cause au principal, la circonstance que le couple dont la dissolution du mariage est demandée a un enfant mineur n'est pas pertinente pour déterminer la juridiction compétente pour statuer sur la demande en divorce. La juridiction de l'État membre de la nationalité commune des époux, saisie par le requérant, étant compétente pour statuer sur cette demande en vertu de l'article 3, paragraphe 1, sous b), de ce règlement, cette juridiction ne saurait, même en l'absence d'accord des parties à ce sujet, soulever une exception d'incompétence internationale. L'article 12, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 2201/2003 doit être interprété en ce sens que, lorsqu'une juridiction de l'État membre de la nationalité commune des époux, saisie par le requérant, est compétente pour statuer en matière de divorce en vertu de l'article 3, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 2201/2003, la condition relative à l'acceptation de la compétence, prévue à cet article 12, paragraphe 1, sous b), ne saurait être considérée comme remplie, dès lors que la procédure n'a pas pour objet la responsabilité parentale et que le défendeur n'a pas comparu. Dans cette situation, la juridiction saisie, compétente pour statuer sur le divorce des époux, n'est pas compétente, en vertu de cet article 12, paragraphe 1, sous b), et de l'article 3, sous d), du règlement n° 4/2009, pour statuer sur des questions portant, respectivement, sur la responsabilité parentale et sur l'obligation alimentaire à l'égard de l'enfant concerné. La notion de « responsabilité parentale », au sens du règlement n° 2201/2003, doit être interprétée en ce sens qu'elle couvre les décisions relatives, notamment, au droit de garde et à la résidence de l'enfant, mais qu'elle ne comprend pas la contribution des parents aux dépenses nécessaires pour le développement et l'éducation de l'enfant, laquelle relève de la notion d'« obligation alimentaire » et entre dans le champ d'application du règlement n° 4/2009.
    • Embargo international et déni de justice arbitrale - Louis d'Avout p. 526-538 accès libre avec résumé
      N'est pas contraire à l'ordre public international, ni ne consacre un déni de justice, la sentence arbitrale proclamant l'irrecevabilité des demandes d'un État à raison d'un embargo édicté par le Conseil de Sécurité des Nations unies et mis en œuvre par des règlements de l'Union européenne, dès lors que l'État a pu en discuter contradictoirement la portée.
    • L'injonction de payer européenne devant la Cour de cassation - Benoît Nicod p. 538-544 accès libre avec résumé
      L'article 19 du règlement (CE) n° 1896/2006 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 instituant une procédure européenne d'injonction de payer dispose qu'une injonction de payer européenne, devenue exécutoire dans l'État membre d'origine, est reconnue et exécutée dans les autres États membres sans qu'il soit possible de contester sa reconnaissance ; il en résulte que le juge de l'exécution n'est pas compétent pour connaître de la demande de nullité de l'acte de signification d'une injonction de payer européenne, déclarée exécutoire par le tribunal d'un État membre de l'UE, à défaut d'opposition formée dans les conditions prévues par l'article 18 du règlement, qui tendait à remettre en cause la régularité de ce titre déclaré exécutoire par la juridiction de l'État membre d'origine.
    • Airs variés sur le thème de l'action du syndic devant les juridictions d'un autre État membre que celui d'ouverture de la procédure collective - Étienne Farnoux p. 545-562 accès libre avec résumé
      L'article 4 du règlement (CE) n° 1346/2000 du Conseil, du 29 mai 2000, relatif aux procédures d'insolvabilité, tel que modifié par le règlement (CE) n° 788/2008 du Conseil, du 24 juillet 2008, doit être interprété en ce sens qu'il n'est pas applicable à une action formée par le syndic d'une société en faillite, établie dans un premier État membre, et visant au paiement de marchandises livrées, en exécution d'un contrat conclu avant l'ouverture de la procédure d'insolvabilité à l'égard de cette société, contre l'autre société cocontractante, qui est établie dans un second État membre (1er arrêt). L'article 3, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 1346/2000 du Conseil, du 29 mai 2000, relatif aux procédures d'insolvabilité, doit être interprété en ce sens que l'action du syndic, désigné par une juridiction de l'État membre sur le territoire duquel la procédure d'insolvabilité a été ouverte, ayant pour objet de faire déclarer inopposables à la masse des créanciers la vente d'un bien immeuble situé dans un autre État membre ainsi que l'hypothèque consentie sur celui-ci, relève de la compétence exclusive des juridictions du premier État membre (2nd arrêt). L'article 25, paragraphe 1, du règlement n° 1346/2000 doit être interprété en ce sens qu'une décision par laquelle une juridiction de l'État membre d'ouverture autorise le syndic à engager une action dans un autre État membre, quand bien même celle-ci relèverait de la compétence exclusive de cette juridiction, ne saurait avoir pour effet de conférer une compétence internationale aux juridictions de cet autre État membre (2nd arrêt).
    • Les entrelacs du passé, du présent et du futur en matière d'exequatur - Elie Lenglart p. 562-577 accès libre avec résumé
      Si l'exequatur peut être refusé, en matière d'état des personnes, au motif que la juridiction d'origine a appliqué une loi autre que celle qui aurait été applicable d'après les règles de conflit de l'État requis, c'est à la condition que l'application de la loi désignée par ces règles n'eût pas abouti au même résultat.
    • Le contentieux international pour atteinte à l'environnement : la responsabilité de Royal Dutch Shell au Nigéria (nouvel épisode) : (High Court - Queen's Bench Division - Royaume-Uni, 2 mars 2020 [2020] EWHC 459 (TCC) - Christelle Chalas, Horatia Muir Watt p. 577-587 accès libre avec résumé
      L'action en responsabilité contre diverses entités du groupe Royal Dutch Shell d'un collectif de demandeurs à raison de dommages écologiques subis au Nigéria pose tout d'abord un problème de prescription, lui-même affecté d'un conflit de lois, qui doit être réglé avant que l'autorisation judiciaire puisse être donnée d'assigner l'entité nigériane à l'extérieur du ressort juridictionnel. Par ailleurs, si le règlement Bruxelles I bis permet de fonder la compétence du juge anglais à l'égard de la société domiciliée sur le territoire national (art. 4), la compétence à l'égard de la filiale nigériane exige de mobiliser le droit commun de la compétence internationale et de `np pagenum="578"/bpasser pour ce faire par le « portail » spécifique du « real triable issue » qui commande la compétence à l'égard du défendeur servant d'ancre de rattachement au for anglais. Enfin, nées des mêmes faits, des actions locales engagées antérieurement dans un pays tiers sont susceptibles d'être connexes au sens de l'article 34 ; mais la suspension de l'action anglaise postérieure ne s'impose pas en l'occurrence. Le sort des actions en réparation encore pendantes est trop aléatoire, notamment, de sorte que le risque de jugements inconciliables est de facto réduit.
    • La (dé)règlementation des services d'intermédiation fournis par la plateforme Airbnb à l'aune de la directive « commerce électronique » - Marion Ho-Dac p. 588-613 accès libre avec résumé
      L'article 2, sous a), de la directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil, du 8 juin 2000, relative à certains aspects juridiques des services de la société de l'information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur (« directive sur le commerce électronique »), qui renvoie à l'article 1er, paragraphe 1, sous b), de la directive (UE) 2015/1535 du Parlement européen et du Conseil, du 9 septembre 2015, prévoyant une procédure d'information dans le domaine des réglementations techniques `np pagenum="589"/bet des règles relatives aux services de la société de l'information, doit être interprété en ce sens qu'un service d'intermédiation qui a pour objet, au moyen d'une plateforme électronique, de mettre en relation, contre rémunération, des locataires potentiels avec des loueurs professionnels ou non professionnels proposant des prestations d'hébergement de courte durée, tout en fournissant également un certain nombre de prestations accessoires à ce service d'intermédiation, doit être qualifié de « service de la société de l'information » relevant de la directive 2000/31. L'article 3, paragraphe 4, sous b), second tiret, de la directive 2000/31 doit être interprété en ce sens qu'un particulier peut s'opposer à ce que lui soient appliquées, dans le cadre d'une procédure pénale avec constitution de partie civile, des mesures d'un État membre restreignant la libre circulation d'un service de la société de l'information qu'il fournit à partir d'un autre État membre, lorsque lesdites mesures n'ont pas été notifiées conformément à cette disposition.
  • Éclairages

  • Bibliographie

    • Livres - Toni Marzal p. 633-641 accès libre