Contenu du sommaire : Agricultures américaines
Revue | Etudes rurales |
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Numéro | no 205, 2020/1 |
Titre du numéro | Agricultures américaines |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Éditorial - p. 9-10
- Les voies de la croissance agricole (XVIIIe-XXe s.) - Pablo Fernando Luna p. 12-21
- Archaic institutions and economic growth : Coffee plantations, emphyteutic contracts, and slavery in nineteenth-century Brazil - Manoela Pedroza p. 22-44 L'objectif de cet article est de réexaminer la notion d'un lien indivisible entre la propriété absolue de la terre et la croissance économique moderne. Nous cherchons à démêler la relation entre les cultures de café, les contrats emphytéotiques et l'esclavage, pour expliquer le grand dynamisme économique de la région brésilienne du Vale do Paraíba au XIXe siècle, en démontrant comment des instruments considérés comme archaïques n'ont nullement posé un obstacle à la croissance. Au contraire, ils ont aidé la classe dominante à s'intégrer de manière privilégiée sur le marché capitaliste mondial, tout en générant une croissance économique significative poussée par les exportations. Nous nous appuyons sur des sources primaires portant sur les foreiros du grand domaine foncier Fazenda de Santa Cruz, conservées par la surintendance de cette ferme, située dans la province de Rio de Janeiro, au Brésil.The aim of this article is to challenge the notion that perfect property rights are inseparable from modern economic growth. It sets out to unravel the relationship between coffee plantations, emphyteutic contracts, and slavery, in order to explain the great economic dynamism of Brazil's Vale do Paraíba region during the 19th century. It thereby demonstrates how instruments considered to be archaic were by no means an obstacle to growth, but rather helped the dominant class to integrate the capitalist world market and generate significant export-driven economic growth. It draws on primary sources from the official records on foreiros kept by the large Fazenda de Santa Cruz landed estate, in the Brazilian province of Rio de Janeiro.
- The origins of American capitalism : From colonial subsistence farming to agribusiness in the Northern United States in the nineteenth century - Stephen Miller p. 46-64 Les agriculteurs américains de l'ère coloniale ont diversifié leur production pour la subsistance des communautés. La production a augmenté aussi vite que la population sans impulsion de développement. L'élite coloniale n'a pas pu imposer de prélèvements ni restreindre l'accès aux terres non cultivées. Pendant l'ère révolutionnaire, dans les années 1770-1780, les ménages ont soudainement fait face à un État équipé pour augmenter les impôts, pour faire respecter les paiements de la dette et pour réglementer la frontière. Au XIXe siècle, les spéculateurs ont monopolisé les terres occidentales et les agriculteurs ont dû contracter des emprunts pour les acquérir. Les dettes ont contraint ces derniers à se spécialiser et à innover pour correspondre aux prix du marché compétitif des homologues confrontés aux mêmes obligations. Le résultat a été une révolution agricole, qui a donné l'impulsion à l'industrialisation des États-Unis.Colonial era American farmers diversified production for community subsistence. Output grew in step with the population with no developmental impetus. The colonial elite could not enforce levies or restrict access to uncultivated land. During the revolutionary era, in the 1770s-80s, households suddenly faced a state with the capacity to raise taxes, enforce debt payments, and regulate the frontier. Henceforth, in the nineteenth century, speculators monopolized western land, and farmers had to take out loans to purchase it. Debts compelled farmers to specialize and innovate in order to match the competitive market prices of peers facing the same obligations. The result was an agricultural revolution, which provided the impetus for the industrialization of the United States.
- Everything that rises must converge : Asian rice, American producers, and technological change in the U.S. rice industry - Peter A. Coclanis p. 66-87 Cet article prend pour cas d'étude ce qu'on a nommé la révolution du riz au États-Unis (1885–1915 environ), à la fois pour expliquer comment est née cette manière radicalement différente de cultiver le riz et pour éclairer la question plus large du progrès technologique en agriculture. Il existe plusieurs manières d'interpréter cette révolution par le biais de laquelle le riz, pour la première fois dans l'histoire, a été cultivé sur de très grandes surfaces, nécessitant peu de main-d'œuvre mais de forts investissements capitalistiques. Dans cet article, l'auteur revient sur ces différentes interprétations, tout en développant également la sienne, et discute les conséquences à long terme de la « révolution du riz ».This essay uses the case of the so-called rice revolution in the United Sates (c. 1885-1915) both to explain how a radically different approach to growing rice came about and to gain insight into the broader process of technological change in agriculture. There are several possible ways to interpret this revolution, one whereby rice was grown for the first time in history as a land-extensive, capital-intensive crop employing little labor. In the essay the author discusses several such interpretations, develops one of his own, and discusses some of the long-term implications of the “rice revolution”.
- The Mexican path toward agricultural capitalism - Alejandro Tortolero p. 88-115 Cet article revient sur les interprétations classiques de l'agriculture mexicaine. L'inefficacité des grands domaines agricoles, leurs propriétaires absents et redoutés, des marchés limités et captifs, une technologie dépassée et l'absence d'institutions efficaces sont traditionnellement avancés pour justifier l'échec du Mexique rural à s'engager sur la voie du développement capitaliste. Il suggère que si cette définition des haciendas était valide dans le derniers tiers du XIXe siècle et dans certaines régions, dans d'autres, liées à l'expansion urbaine et aux réseaux ferrés, les haciendas étaient des entreprises productives dotées d'une technologie avancée et d'une organisation efficace. L'article démontre que les principaux obstacles au développement d'une agriculture capitaliste étaient les pratiques de travail forcé ; le manque de produits agricoles à fort rendement ; l'insuffisance de la circulation monétaire empêchant la formation de marchés agricoles ; un système salarial basé sur la rémunération en espèces et la rareté du crédit dans le secteur agricole.This article discusses the traditional interpretation of Mexican agriculture. The inefficiency of large agricultural estates, their feared absentee landowners, reduced and captive markets, antiquated technology, and absence of efficient institutions are traditionally considered to account for the failure of rural Mexico to embark on the path toward capital development. It is suggested that while this characterization of hacienda estates was valid in the last third of the nineteenth century for certain regions, in others linked to urban expansion and the railroad system agricultural estates were in fact productive undertakings with advanced technology and efficient management. The article argues that the main obstacles to capitalist agricultural development were compulsive forms of labor organization; the lack of high-output agricultural products; insufficient monetary circulation preventing the formation of more cohesive agricultural markets; a salary system based on payments in cash; and the scarcity of agricultural credit.
- Capitalisme et relations de travail Dans les haciendas du monde andin (XIXe-XXe s.) - Pablo Fernando Luna p. 116-139 Après avoir situé le contexte d'expansion des exportations centre-andines (Pérou, Équateur, Bolivie) et la place occupée par les cultures coloniales (café, coton, canne à sucre), l'objectif de ce travail expérimental est de reposer la problématique du système de travail dans les haciendas les plus avancées, au niveau de la modernisation technique au XIXe et XXe siècles. La documentation consultée a permis de constater que la transformation du statut du travail ne s'y est pas produite, dressant ainsi un obstacle singulier à la progression capitaliste dans les campagnes andines. Le capital et la technologie semblent s'être adaptés aux formes traditionnelles d'exploitation de l'énergie humaine et l'hybridation des formes de travail qui en a résulté continue d'influencer le statut contemporain du travail et du travailleur dans cette région du monde.After contextualizing the expansion in Central Andean exports and the place occupied by export crops, this article sets out to reassess the issue of the labor system in the most technologically modernized haciendas. The documentation consulted shows that the status of labor did not undergo transformation there, forming a major obstacle to the development of capitalism in the Andean countryside. Basically, capital and technology seem to have adapted to the traditional forms of exploiting human energy, and the resulting hybridization of forms of work continues to influence the present-day status of workers there.
- Modernisation libérale et faillite d'une agriculture familiale : Le cas de la région des Tuxtlas, Mexique (1850-1920) - Éric Léonard p. 140-161 Cet article analyse les microprocessus institutionnels et sociaux à travers lesquels les lois libérales de privatisation des terres communales, mises en œuvre dans la région des Tuxtlas, au sud du Mexique, dans les années 1880, ont conduit à la formation d'une structure agraire polarisée à l'extrême et à la quasi-disparition des petites exploitations familiales. Il s'intéresse aux mécanismes contractuels et aux logiques sociales ayant abouti à leur endettement rapide et à la mise en vente des titres fonciers récemment distribués. L'article décrit la « grande transformation » des relations que les familles paysannes entretenaient avec les marchés, dans le sens de la monétarisation des rapports intrafamiliaux et du « dés-enchâssement » social des dispositifs de patronage qui organisaient les interactions économiques.This paper analyses the socio-economic and institutional processes through which the liberal reform of land rights, implemented in the Tuxtlas region in Mexico during the 1880s, led to an extremely polarized agrarian structure, and the virtual disappearance of small peasant farms. It focuses on two dimensions of institutional change: first, the contractual mechanisms through which access to new commercial crops was organized; and second, the monetization and clientelization of intergenerational relationships within families.
- Expanding the Green Revolution to Small farmers in Ecuador (1970-1990s) - Antonio Chamorro Cristóbal p. 162-181 The article highlights the convergence between a new generation of researchers at the Ecuadorian National Agrarian Research Institute (INIAP) and the emergence of a new international research agenda focusing more on small farmers during the second phase of the Green Revolution in the mid-1970s. It does so via analysis of two agrarian modernization programs for small farmers: the Research in Production Program and the Andean Crops Program, the first linked to the Mexican International Maize and Wheat Improvement Center (CIMMYT), and the second to the Canadian International Development Agency (CIDA). These programs further illustrate a new trend in INIAP research, in relation to the initial phase since 1964 which had focused on responding to the needs of landowners and international research centers interested in conducting plant-breeding tests.
Varia
- Une sacrée source de problèmes : Distribution et traitement de l'eau à Nuevo San Juan Chamula (Chiapas) - Carine Chavarochette p. 182-204 Dans les années 1960, la zone frontière Mexique-Guatemala (Chiapas-Petén) a été colonisée par des paysans indiens et métisses. Aujourd'hui, des produits d'exportation, comme le palmier à huile, contaminent les nappes phréatiques, entraînant des problèmes croissants de pollution. À partir d'une enquête ethnographique menée dans le village de Nuevo San Juan Chamula, cet article montre le rôle des pratiques religieuses (syncrétisme mêlant rituels totziles et culte catholique) dans l'accès à l'eau potable. En effet, face à l'abandon de l'État (vétusté du réseau, absence de financement…), l'Église presbytérienne a installé un système d'eau purifié payant, tandis que les populations entretiennent, partagent et honorent les sources, propriétés des divinités telluriques. Deux conceptions s'affrontent alors : l'eau comme bien commun ou comme marchandise (privatisée).In the 1960s, the Mexico-Guatemala border area was colonized by many landless farmers. Indian and mixed-race populations have settled there, either of their own accord or with the support of the state. Today, export products such as oil palm contaminate the groundwater. Drawing on fieldwork conducted in one of the pioneer villages in Nuevo San Juan Chamula, this article examines how farming populations manage wastewater. In the absence of state intervention and irrespective of the habitual religious (Protestant-Catholic) and political divides, populations are organizing themselves to produce drinking water. In a context of syncretic practices in which rituals dedicated to the Tzotzil deities (the owners of the springs), are combined with Catholic worship, water is first and foremost the property of the gods, it being the duty of humans to maintain, share, and celebrate the springs. The article analyzes villagers' practices and conceptions of water, particularly those held by the Tzotzil and by the Presbyterian Church.
- Résister dans une exploitation : Les effets du « management» sur le travail dans une firme agricole française - Loïc Mazenc p. 206-227 À partir du cas d'une firme de production agricole, située en France et spécialisée dans la culture du melon, cet article analyse les évolutions de l'organisation du travail et notamment les résistances au management. Nous montrerons qu'elles peuvent être individuelles ou collectives, « pour soi » ou « pour les autres », freiner la production ou, au contraire, l'accélérer. Elles résultent toujours d'une volonté de desserrer l'étau du contrôle et de se réapproprier le travail, conséquence d'un contrôle plus récent, celui de la grande distribution sur l'exploitation agricole, exigeant toujours plus de dispositifs de normalisation et de certification des produits comme des procédés.This article examines changes in labour organization in farming businesses, viewed through the prism of resistance to management supervision. It shows that such resistance may be individual or collective, “for oneself” or “for others”, seek to slow production or on the contrary accelerate it, but in all cases responds to a wish to loosen control and reclaim work. It may also result from the more recent form of control exerted by mass retailing over farming, resulting in increased standardization and additional certification systems for products and processes. Farming businesses are obliged to adopt these to access customers and perpetuate business relations. Irrespective of whether these specifications are identical for all or specific to each client, they have implications for the daily practices of these agricultural businesses' seasonal and permanent employees.
- Une sacrée source de problèmes : Distribution et traitement de l'eau à Nuevo San Juan Chamula (Chiapas) - Carine Chavarochette p. 182-204
Comptes rendus
- Delphine Berdah, Abattre ou vacciner : la France et le Royaume-Uni en lutte contre la tuberculose et la fièvre aphteuse (1900-1960) - Carole Ferret p. 228-234
- Jean-Claude Chamboredon, Territoires, culture et classes sociales - François Pouillon p. 235-237
- Philippe Descola (dir.), Les natures en question. Colloque de rentrée du Collège de France, 2017 - Audrey Michaud, Yves Michelin p. 238-240
- Veronica Gomez-Temesio, L'État sourcier : eau et politique au Sénégal - Brice Auvet p. 241-243
- Frédéric Goulet, Faire science à part. Politiques d'inclusion sociale et agriculture familiale en Argentine - Martine Guibert p. 245-246
- Joshua MacFadyen, Flax Americana. A History of the Fibre and Oil That Covered a Continent - Laurent Herment p. 247-249
- Jocelyne Porcher, Cause animale, cause du capital - Bernard Formoso p. 250-253