Contenu du sommaire : Apocalypses
Revue | Socio-anthropologie |
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Numéro | no 28, 2013 |
Titre du numéro | Apocalypses |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Dossier : Apocalypses. Imaginaires de la fin du monde
- Introduction. Commencer par la fin - Gérard Dubey, Caroline Moricot, Sophie Poirot-Delpech p. 7-13
- L'Apocalypse : jalons pour une lecture existentielle - Frédéric Rognon p. 15-28 L'Apocalypse a reçu une multitude d'interprétations, dont les principales sont ici évoquées. Les points forts et les limites de chacune d'entre elles sont également exposés. Puis nous proposons une autre relecture, de type existentielle, inspirée de Søren Kierkegaard et de Jacques Ellul. L'Apocalypse apparaît alors comme une révélation d'existence, d'une grande puissance, et d'une actualité inégalée.The Book of Revelation received a lot of interpretations. The main of them are here evoked, with their forces and their limits. Then we propose another interpretation, which is an existential one, inspired from Søren Kierkegaard's and Jacques Ellul's works. The Book of Revelation appears as a very strong revelation of existence, and as a real message for the present day.
- Autopsie d'une prophétie : interprétations dissidentes de l'Apocalypse de Jean - Bertrand Méheust p. 29-46 L'Apocalypse de Jean pose à l'intelligence une double énigme. Une énigme historique, exégétique et philologique, car on ne s'accorde toujours pas, malgré un apparent consensus, sur l'identité de son auteur, sur l'époque à laquelle le texte a été écrit, ni sur le sens des visions qui s'y déploient. Une énigme philosophique et psychologique ensuite, car on ignore toujours la nature profonde de l'expérience prophétique. Dans cet article, l'auteur examine tour à tour ces deux énigmes, en donnant la parole aux points de vue dissidents. Dans la première partie de son texte, il se penche sur l'enquête de Claude Tresmontant, et dans la deuxième il s'efforce d'éclairer l'expérience prophétique à la lumière des concepts et des connaissances de la métapsychique.The Apocalypse of John faces us with a puzzle. Firstly from a historical, philological and exegetical point of view, as despite an apparent consensus, there is still no agreement on the identity of its author, the time the text was written, and the meaning of the visions it unfolds. And secondly from a philosophical and psychological perspective as the very nature of prophetic experience is still unknown. In this article both puzzles are dealt with in turn, and conflicting opinions are discussed. In the first part, the author examines Claude Tresmontant's work, and attempts in the second to look at the prophetic experience in the light of concepts and knowledge from parapsychology.
- L'Ange de l'Histoire - Marc Berdet p. 47-63 Fichée au cœur des thèses Sur le concept d'histoire, que l'on considère aujourd'hui comme le testament philosophique de Walter Benjamin, la figure poétique de l'« Ange de l'Histoire » dresse un tableau apocalyptique de l'Europe des années 1930. Mais au-delà du contexte politique dont elle témoigne, cette allégorie implique aussi des questions de méthode. Car si l'Ange concerne d'abord l'historien, il frappe aussi tout chercheur en sciences sociales qui prête une oreille aux vaincus de l'histoire, aux déchets de la grande ville ou aux rebuts du récit scientiste. Par cette image, Benjamin suggère que l'apocalypse est un principe méthodologique, et qu'il convient d'accélérer la ruine pour dresser le portrait fidèle d'une époque. Il dépeint lui-même, dans son œuvre, de tels paysages apocalyptiques et développe ainsi l'art, ou la science, de faire parler les ruines.The “Angel of History” is stuck at the heart of the theses On the concept of history, today considered the philosophical legacy of Walter Benjamin. This poetical figure draws an apocalyptic picture of the European 1930's. Beyond this political context this allegory bears witness to, it also involves methodological questions. The Angel affects first the historian, but it also strikes any social scientist listening to the defeated of history, the refuse of the big city or the scraps from the scientist storytelling. Benjamin suggests with this image that apocalypse could be a methodological principle, and that it is necessary to accelerate the process of ruining in order to paint a truth portrayal of an era. Benjamin himself depicts such apocalyptic landscapes in his work. Therefore, he develops the art, or the science, of making the ruins talk.
- Retour sur La fine del mondo d'Ernesto De Martino - Marina Maestrutti p. 65-82 La fine del mondo, ouvrage posthume et inachevé de l'anthropologue Ernesto De Martino, dont l'accueil en France reste ambigu et partiel, continue de questionner sur le sens et le rôle de la culture humaine dans les crises menaçant la société contemporaine. Proposant de réélaborer la notion de crise de la présence dans « un objet culturel déterminé », De Martino explore la notion de fin du monde comme « la représentation, collective et culturelle, de l'Apocalypse en tant qu'image de la fin des Temps ». Il invite à un engagement intellectuel, politique, culturel qui valorise plus la notion de « monde » que celle de « fin », car l'expérience du monde est la capacité de relancer le jeu, même quand on pense que la partie est terminée : le désir d'imperturbabilité d'un monde sans risque ne constitue pas un monde du possible.La fine del mondo (The end of the World), the posthumous and unfinished work of Ernesto De Martino, has gained an ambiguous and partial acceptance in France. Nevertheless, it never stops questioning the meaning and the role of human culture in the crises threatening contemporary society. Intending to revise the notion of ‘crisis of presence' in a ‘specific cultural object', De Martino explores the idea of the end of the world as ‘the collective and cultural representation of the Apocalypse as the image of the end of the Time'. He calls for an intellectual, political and cultural commitment that is able to give more value to the notion of ‘world' than that of ‘end', as the experience of the world is the capacity to re-launch the game, even when we think that the game is over: the desire of imperturbability in a world without risk is not the world of the possible.
- Introduction à L'arbre de la science d'Eugène Huzar (1857) - Jean-Baptiste Fressoz p. 83-95 L'intérêt d'Eugène Huzar est de proposer la première philosophe catastrophiste de la technique. Dans deux livres curieusement oubliés, La fin du monde par la science (1855) et L'arbre de la science (1857), l'auteur synthétise les débats environnementaux et technologiques de son époque (la déforestation et le changement climatique, la vaccination et la dégénérescence de l'espèce humaine, les catastrophes ferroviaires etc.) pour objectiver d'une manière originale le progrès, non comme la maîtrise technique de la nature, mais comme la perte de maîtrise de la technique. Selon son système, l'humanité parcourt des cycles de progrès et de catastrophes la ramenant à un état de sauvagerie. Pour tenter de retarder la fin du présent cycle, Huzar propose d'établir une « édilité planétaire » chargée de veiller aux équilibres du globe.Eugène Huzar is worth reading today because he is the first author to offer a philosophy of technology based on catastrophism. In his two books which have been strangely forgotten, La fin du monde par la science (1855) et L'arbre de la science (1857), he summarised environemental and technological debates of the time: deforestation and climate change, vaccination and population degeneration, railroad catastrophes, etc. Huzar reconsider progress not as technological mastery over nature but rather as technology running out of control. In his theory, human history evolves along cycles of progress and technological catastrophes, which restore a state of savagery. So as to delay the end of the present cycle, Huzar envisions a world council in charge of maintaining the global harmonies of nature.
- La consumation de la puissance : l'apocalypse, une exigence anthropologique de tous les temps - Alain Gras p. 97-107 Penser la fin d'un monde peut être considéré comme un mode légitime de contestation, qui contredit le tableau qu'à chaque époque charnière le pouvoir en place nous peint des temps à venir. Le discours de prospective prend des apparences multiples : fission nucléaire, robot androïde, transhumanisme, OGM, viande synthétique, prothèses numérisées, et la figure des NBIC ; mais il impose toujours la présence immédiate d'un futur dévoilé, nous volant ainsi notre liberté. Tout comme les étants de l'Apocalypse de Jean, nous sommes confrontés à un effritement du sens, nous habitons le monde mais nous ne pouvons plus le construire ni même le maintenir en l'état. La foi en la raison et en ses œuvres s'évanouit. Du coup, le mode apocalyptique de perception du futur, loin d'être un outil hallucinatoire, devient une expression véridique du malaise collectif, une mise en lumière des contradictions que les êtres humains se sentent obligés d'assumer dans leur vie quotidienne.Discussing the end of the world must be considered as a legitimate mode of contesting the magnificent future that in every transitional period, the power paints for us. Presenting the better world to come can take multiple appearances, fission nuclear power, robot android, transhumanism, GMO, synthetic meat, prostheses, NBIC, but it always imposes the immediate presence of revealed future and steals our freedom. Just like the beings of John's Apocalypse, we are confronted with a disintegration of the sense, we live in the world but we cannot build it any more nor even maintain it as it is. The faith in the Reason and in its works faints. As a result, the apocalyptic modality of perception of future, far from being a hallucinatory tool becomes a sincere expression of the collective malaise, highlighting the contradictions which the human beings feel obliged to assume in their everyday life.
- Anthropocène, apocalypse et parousie ? - Dominique Bourg p. 109-116 Que doit-on entendre par « anthropocène » ? Ce texte s'attache en premier lieu à préciser le sens de cette expression et à montrer en quoi elle inscrit l'humanité dans le temps long, à la différence des analyses et des constats antérieurs sur la fragilité de la planète. Et pourtant l'anthropocène n'exclut nullement la possibilité d'un horizon apocalyptique. Au contraire, deux scénarios semblent en effet se disputer l'avenir de l'anthropocène, avec une charge dramatique croisée. Selon le premier, l'humanité semble dans un premier temps s'abstraire des limites de la planète pour y succomber in fine, avec une perte de sens dramatique. Selon le second, d'effondrement en effondrement, c'est peut-être une autre humanité, ayant surmonté ses démons, qui pourrait advenir.What do we mean by “Anthropocene”? This text seeks first to clarify the meaning of this expression and show how it places humanity in the long term, in contrast to previous findings and analysis on the fragility of the planet. Yet the Anthropocene does not exclude the possibility of an apocalyptic horizon. Instead, two scenarios may indeed give two different images of the future of the Anthropocene. The first is that humanity seems at first to neglect the limits of the planet to succumb at the end, dramatically. In the second, collapse after collapse, it may be another humanity, having overcome his demons, which could happen.
- Car le temps est proche : la crise écologique et l'apocalypse sans cesse annoncée - Ernest Garcia p. 117-131 L'expression « il y a encore une solution mais le temps presse » se retrouve souvent dans les rapports sur la crise écologique. Il s'agit d'une affirmation rhétorique qui n'est pas scientifique, mais dont l'inclusion semble quasi obligatoire pour des raisons politiques. Celles-ci ont à voir avec l'échelle de temps pour l'action, aussi bien que les « mesures à prendre ». Il ne s'agit pourtant pas de bonnes raisons : c'est cette opinion qui est ici exposée et développée. En ce qui concerne les délais établis par les annonces d'apocalypse écologique, leur impact potentiel se voit érodé par le passage du temps, l'épuisement des délais, la répétition de l'avertissement et le fait que les réponses adéquates n'arrivent jamais. À ce sujet, je maintiens que l'obsession du calendrier de l'apocalypse est l'un des derniers vestiges du délire technocratique.The expression “there is still a solution but time is running out” is often found in the reports on the ecological crisis. It is a rhetorical statement which is not scientific, but whose inclusion seems almost mandatory for political reasons. These have to do with the timescale for action, as well as “measures to be taken”. However, they are not good reasons: it is this opinion which is here exposed and developed. With regard to the time frame established by the announcements of ecological apocalypse, their potential impact is eroded by the passage of time, the exhaustion of the deadlines, the repetition of the warning and the fact that suitable answers never arrive. In this regard I maintain that the obsession with the timing of the apocalypse is one of the last vestiges of the technocratic delirium.
Entretien
Texte classique
- Une traversée du millénarisme en Occident - Jean Delumeau p. 153-160
Image
- Capitol Building from the East Washington DC, Xavier Vantaggi - Alain Gras p. 163
Recensions
- Laurent Olivier, Nos ancêtres les Germains. Les archéologues au service du nazisme - Sophie Poirot-Delpech p. 165-168
- Grégoire Chamayou, Théorie du drone - Sophie Lefeez p. 168-170
- Florent Gaudez (dir.), Transversalités de l'altérité. Comment peut-on être socio-anthropologue aujourd'hui ? Autour de Pierre Bouvier - Fanny Fournié p. 170-171
- Fabrice Flipo et al., Peut-on croire aux TIC vertes ? Technologies numériques et crise environnementale - Baptiste Monsaingeon p. 171-173
- Marc Berdet, Fantasmagories du capital. L'invention de la ville-marchandise - Alexandre Duclos p. 173-175