Contenu du sommaire : Revoir
Revue | Sociétés & Représentations |
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Numéro | no 51, 2021 |
Titre du numéro | Revoir |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Revoir
- L'interprétation du revoir - Sébastien Le Pajolec p. 9-13
- Réception moderne de Giotto : l'artiste et l'exégèse, d'Ingres à Rothko - Niklaus Manuel Güdel p. 15-33 Cet article montre comment l'intérêt des artistes modernes pour Giotto a contribué à sa réévaluation dans la seconde moitié du XIXe siècle. Il développe également l'idée selon laquelle le discours théorique se nourrit de la pratique artistique contemporaine, ainsi la raison pour laquelle l'histoire de l'art s'intéresse à Giotto est-elle due au fait que des artistes pionniers, comme les préraphaélites en Angleterre, ont ouvert une nouvelle perspective sur la compréhension de son œuvre. Cette étude s'intéresse donc aux différentes manières d'accéder à l'œuvre de Giotto, à travers les voyages, la photographie et les musées, ainsi qu'à la manière dont plusieurs grands artistes – comme Ingres, Puvis de Chavannes, Edgar Degas, Van Gogh, Ferdinand Hodler, Maurice Denis, Carlo Carrà et Mark Rothko – se sont intéressés à son art et l'ont compris avec le matériel théorique à leur disposition.The present article reveals how the interest of modern artists in Giotto has contributed to his reevaluation in the second half of the 19th century. It also brings up the argument, that the theoretical discourse is nourished by contemporary artistic practice and that the reason why art history is interested in Giotto is due to the fact that artist pioneers, like the Pre-Raphaelites in England, have opened a new perspective on the understanding of this oeuvre. The present article is therefore interested in the different ways of accessing the work of Giotto, by means of travelling, photography and museums as well as the way how several major artistes—such as Ingres, Puvis de Chavannes, Edgar Degas, Van Gogh, Ferdinand Hodler, Maurice Denis, Carlo Carrà and Mark Rothko—took an interest in his art and comprised it with the theoretical material being at their disposal.
- Consolidation du savoir, fragilisation du jugement : revoir des films dans "Cinquante ans de cinéma américain" - Éric Gatefin p. 35-48 L'approche du cinéma américain de Bertrand Tavernier et Jean-Pierre Coursodon dans Cinquante ans de cinéma américain est assez originale : ces auteurs réécrivent ou complètent leurs articles dans chaque nouvelle édition de leur livre. Cette façon de procéder est utile pour prendre du recul sur un sujet qui a été beaucoup revu dans les magazines de cinéma français, notamment dans les années soixante. Les articles de Tavernier et Coursodon discutent et suppriment certains préjugés et rectifient certaines erreurs et imprécisions. Ils réfléchissent également aux critères de jugement. Néanmoins, chaque nouvelle vision d'un film révèle la précarité et les aléas du jugement. De telles variations conduisent à reconsidérer l'unité des films dans la mesure où les critiques choisissent des séquences ou des plans, pour leur étrangeté ou leur singularité. Au lieu de livrer une connaissance formelle de leur sujet, Tavernier et Coursodon se présentent comme des collectionneurs capables de changer d'avis et désireux d'exposer des films remarquables.Bertrand Tavernier and Jean-Pierre Coursodon's approach of American cinema in Cinquante ans de cinéma américain is quite original: the authors rewrite or complete their articles in each new edition of their book. This way of proceeding is useful to take a step back about a subject which has been much reviewed in the french cinema magazines, especially in the sixties. Tavernier and Coursodon's articles discuss and strike down some prejudices and rectify some mistakes and imprecisions. They also reflect on judgement criteria. Nevertheless, each new vision of a film reveals judgement's precarity and vagaries. Such variations lead to reconsider films' unity insofar as the critics single some sequences or shots out, for their strangeness or singularity. Instead of delivering formal knowledge of their subject, Tavernier et Coursodon present themselves as collectors who are able to change their mind and eager to expose some remarkables films' pieces.
- Les rétrospectives françaises consacrées au cinéma est-allemand, entre séances de rattrapage et (re)découverte d'une terra incognita - Perrine Val p. 49-60 Fondée en 1949, la République démocratique allemande a longtemps fasciné les Français, et probablement plus encore après sa disparition. Malgré les tensions géopolitiques dues à la guerre froide, les échanges cinématographiques entre la RDA et l'Occident existent depuis la fin des années 1940. Après 1989, plusieurs rétrospectives cinématographiques ont été organisées en France autour de la DEFA, la société cinématographique publique de la RDA. Cependant, malgré la réelle diversité des productions de la DEFA, seule une poignée de films sont projetés. Cet article explore l'intérêt français au cours des trois dernières décennies pour les films est-allemands censurés par le régime communiste en 1965-1966, et leur « redécouverte » dans les festivals français depuis les années 1990. Il vise à comprendre si cette « redécouverte » se fait ou non au détriment de la découverte d'autres films produits dans, ou à propos de l'ex-RDA.Founded in 1949, the German Democratic Republic fascinated the French for a long time, and probably even more after its disappearance. Despite the geopolitical tensions due to the Cold War, film exchanges between the GDR and the West did exist from the late 1940s. After 1989, several film retrospectives have been organized in France around the DEFA, the GDR's state-run cinematographic company. However, despite the real diversity of the DEFA cinematography, only a handful of films are screened. This article explores the French interest within the three last decades for East German films censored by the communist regime in 1965-1966, and their “rediscovery” in French festivals since the 1990s. It aims to understand whether or not this “rediscovery” occurs at the detriment of the discovery of other films produced in, or about the former GDR.
- Sorcières et programmateurs : la re-vision à la Cinémathèque de Toulouse - Maylis Asté p. 61-75 Au mois de mai 2020, la Cinémathèque de Toulouse proposait une programmation thématique consacrée aux sorcières, figure historique, personnage populaire et entité de la subversion. La structure Cinémathèque, associée à une mission de conservation mais aussi de diffusion du patrimoine cinématographique, est étroitement liée à la pratique du re-visionnage. Au sein de cet organisme, le programmateur a la charge délicate de prévoir le « revoir ». Les choix de programmation suggèrent une expérience intime du « revoir » et une anticipation des réactions qu'il peut susciter chez le spectateur contemporain. Par le biais d'entretiens avec l'équipe de programmation de la Cinémathèque de Toulouse, cet article questionne une praxis du « revoir » en suivant l'histoire génétique de la thématique « Sorcières ! ».In May 2020, the Cinémathèque de Toulouse offered a thematic program about witches as historic figures, popular characters and entities of subversion. The Cinémathèque structure, which has a role in the conservation as well as in the distribution of the cinematographic heritage, is as such closely linked to the experience of reiterated viewing. Within this organization, the scheduler has the delicate task of implementing this experience of watching anew. His choices concerning the movie programme tend to induce an intimate experience of reiterated viewing and rely on his anticipation of the reactions he can spark within the contemporary viewer. Through interviews with the scheduling team at the Cinémathèque de Toulouse, this article questions the praxis of watching anew, by following the genetic path of the “Witches!” thematic.
- Revoir le film d'enquête : l'analyste confronté à l'élucidation - Diego Gachadouat Ranz p. 77-90 Cette étude traite de la re-vision du point de vue de l'analyse filmique dans le contexte spécifique du cinéma policier. Analyser un film nécessite de le regarder plusieurs fois afin de corriger ses premières perceptions, toujours partielles et souvent inexactes. Dans le cas du film policier, l'élucidation d'une énigme met l'accent sur le fossé de connaissances entre le spectateur et l'analyste. Nous montrons comment l'analyse nécessite de rester attentif à la persistance des premières impressions. L'article est centré sur l'étude de trois films qui répètent une partie entière, une scène ou un plan afin de rectifier ce que nous avons vu dans une instance précédente. Ce type de structure est comparé à d'autres motifs esthétiques fondés sur une expérience visuelle similaire en deux parties : l'anamorphose (déformation et restauration), le trompe-l'œil (illusion et désillusion) et la polyvision (perception et mémoire). Il apparaît que chaque fois que le dispositif de répétition utilisé dans ces films s'accompagne d'un appel à l'analyste pour qu'il se souvienne de ses premières impressions.This article covers the subject of “watching again” in the practice of the detective film analysis. Analyzing a film requires to watch it multiple times in order to correct one's first perceptions that are always partial and often inaccurate. In the case of the detective film, the elucidation of an enigma emphasizes the knowledge gap between the then spectator and the analyst. On the contrary, we will show how analysing requires to stay mindful to the lingering of first impressions. The article centers around the study of three films that repeat an entire part, a scene or a shot in order to rectify what we saw in a previous instance. This kind of structure is compared to other aesthetic apparatuses based on a similar two-parts visual experience: the anamorphosis (distoration and restoration), the trompe l'oeil (illusion and disillusion) and the polyvision (perception and memory). Nevertheless, it appears that each time the repetition device used in these films comes with a call for the analyst to remembering their first impressions.
- « Des images comme des aveux » : stase, répétition et élucidation à l'écran - Rémi Lauvin p. 91-104 Cet article traite de la représentation de l'élucidation visuelle dans le film. En partant de l'analyse du film On ne sait jamais ce qu'on filme (2016) de Matthieu Bareyre, nous étudions la construction de l'image cinématographique comme preuve. Bien qu'elle soit un atout clé dans le développement de la rhétorique moderne de la surveillance, la qualité probante de l'image visuelle découle d'une histoire centenaire. Le premier film de surveillance accidentelle de Louis Feuillade Erreur tragique (1913) et le classique post-apocalyptique de Chris Marker La jetée (1962) nous aident à discerner les procédures spécifiques de cette histoire. L'élucidation visuelle ressemble souvent à une procédure d'interrogatoire : les images, en tant que témoins, sont soumises à un interrogatoire intensif et répétitif. Dans cet article, nous décrivons la répétition mimétique qui est en jeu dans les séquences d'élucidation : à la fois l'image et son observateur doivent bégayer pour générer une image de la vérité.This article deals with the representation of visual elucidation in film. Starting with the analysis of Matthieu Bareyre's On ne sait jamais ce qu'on filme (2016), we investigate the construction of the cinematic image as proof. Although a key asset in the development of modern surveillance rhetoric, the evidentiary quality of the visual image stems from a century-long history. Louis Feuillade's early accidental surveillance film Erreur tragique (1913) and Chris Marker's post-Apocalyptic classic La jetée help us discern the specific procedures of this history. Visual elucidation often resembles an interrogation procedure: images, as witnesses, are submitted to intensive, repetitive questioning. In this paper, we describe the mimetic repetition that is at stake in elucidation sequences: both the image and its observer have to stutter in order to generate an image of the truth.
- « Aimez ce que jamais on ne verra deux fois » ? : Revoir des films pour réviser nos vies - Isabelle Rachel Casta p. 105-117 La multiplication actuelle des surfaces d'écran, l'accès facilité aux rediffusions en tout genre et nos développements personnels modifient anthropologiquement le rapport à l'image et la consommation du film. De plus, l'opportunité la plus fréquente qui se présente de revoir non pas un film entier, mais un extrait, réside dans l'opération englobant de nombreuses productions où l'on assiste, à travers le regard d'un personnage, à la projection d'un autre film, généralement légitimé par l'histoire de la critique cultivée. Alors « revoir » signifie parfois dire adieu aux illusions de l'adolescence, ou tout simplement se donner les moyens de mieux comprendre la complexité d'une production.The current multiplication of screen surfaces, easier access to reruns of all kinds, and our personal developments are anthropologically modifying the relationship with the image, and the consumption of film. In addition, the most frequent opportunity that is offered to review not an entire film, but an extract, lies in the operation encompassing many productions where we witness, through the gaze of a character, the projection of another film, generally legitimized by the history of cultured criticism. So “seeing again” sometimes means saying goodbye to the illusions of adolescence, or quite simply giving yourself the means to understand more fully the complexity of a production.
- L'appropriationnisme, ou comment apprendre à revoir ses positions - Benjamin Bianciotto p. 119-134 L'appropriationisme est un mouvement artistique né aux États-Unis à la fin des années 1970. En prenant possession d'images, de formes, de publicités ou d'œuvres d'art préexistantes, les artistes d'appropriation posent la question de la paternité, de l'originalité et de l'authenticité. Le mouvement encourage les spectateurs à reconsidérer ce qu'est ontologiquement une œuvre d'art, et les exhorte à réexaminer les systèmes de valeurs et de validations. Utilisant le cinéma comme support pour interroger l'idée d'une œuvre qui n'est pas une copie mais une simple pièce originale autonome, le texte rappelle la dimension transgressive de l'appropriation : en critiquant l'aura sacrée de l'art, en agissant comme un vampire, elle subvertit l'ordre établi ; bien que paradoxalement célébrée par le marché de l'art, elle cherche à le saper. Dépassant les apparences, l'appropriation artistique ne demande pas simplement de voir à nouveau, mais d'opérer une re-vision/révision.Appropriation is an art movement born in the United States of America at the end of the 1970s. By taking possession of pre-existing images, forms, advertising, or works of art, appropriation artists raise question of authorship, originality and authenticity. The movement encourages the viewers to reconsider what a work of art is ontologically, and urges them to reexamine the systems of values and validations. Using the cinema as a support to question the idea of a work which is not a copy but a mere autonomous original piece, the text points out the transgressive dimension of appropriation: criticizing the sacred aura of art, acting like a vampire, it subverts the established order—although paradoxically celebrated by the art market it seeks to undermine. Exceeding the appearances, appropriation art requests not to simply see again, but to review.
- Question de doublures : le textile comme stratégie de remédiation de l'image chez Nelly Kaprièlian et Nathalie Léger - Laurence Perron p. 135-148 Dans cet article, je mets à profit le motif polysémique de la doublure (cinématographique, vestimentaire) pour lier deux romans contemporains, La robe blanche de Nathalie Léger, et Le manteau de Greta Garbo de Nelly Kaprièlian. Tandis qu'au cinéma la doublure est un individu, souvent anonyme, qui prête un temps son image et son corps afin de se substituer à l'acteur lors de scènes spécifiques, en couture, le mot renvoie à une étoffe qui sert à garnir l'intérieur d'un vêtement. Chez Léger et Kaprièlian, différents films sont regardés à nouveau selon une perspective fortement subjective, qui accorde une grande attention à la question du vêtement, à sa fonction symbolique et sociale, aux superpositions possibles entre les figures féminines. L'habillement et la mode deviennent des occasions de penser le rapport au corps féminin et sa représentation dans les arts. Cette liaison, qui s'opère sur le plan poétique et thématique, fait également en sorte que les gestes spectatoriels de revoir et d'interpréter sont assimilés à celui de coudre, de repriser, et le film lui-même est assimilé au textile.In this paper, I will focus on the double meaning of the french word “doublure” (meaning either “lining” while related to clothing or “body-double” in a cinematic perspective) in order to create a parallel between two contemporary novels: Nathalie Léger's La robe blanche and Nelly Kaprièlian's Le manteau de Greta Garbo. Whereas in the movie industry, a body-double is an often anonymous person, lending his/her body for a specific period of time in order to replace an actor/actress for specific shots, in the fashion industry, the word “doublure” refers to the lining of a piece of clothes, meaning a material used as the inner surface of a garment. In both novels, several movies are looked at through highly subjective point-of-views, centred around the theme of the clothes, whether it is its symbolic or social role, or the potential overlapping of the female figures. Therefore, in this case, clothing and fashion offer opportunities to consider the relationship to the female body and its depiction in the arts. This coupling, working on both a poetic and thematic level, also ensures that the spectatorial act of watching again and interpreting is linked to the action of sewing and darning, and the movie itself being linked to the textile.
Lieux et ressources
- Les archives de la Cinémathèque française - Aurore Renaut p. 151-161
Regards croisés
Trames
- La voiture rouge : Quasi-objet bédéique et logistique, ou l'essence de la bande dessinée - Pascal Robert p. 183-202
Retours sur…
- Défense d'afficher et permis d'éditer : Les écritures exposées au risque du livre - Maxime Boidy p. 205-214
Actualités
- Politiques de la chambre noire aux colonies - Bertrand Tillier p. 217-221
Grand entretien
- « L'idée de la réévaluation est importante dans mon travail de programmateur » : Entretien avec Bernard Payen - Bernard Payen, Sébastien Le Pajolec p. 225-239
Hors cadre
- Art et politique dans l'entre-deux-guerres : La galerie de Joseph Billiet et de Pierre Vorms (1921-1932) - Rose-Marie Stolberg p. 243-261 En 1921, le critique d'art internationaliste Joseph Billiet fonde sa galerie pour contrer le système marchand-critique et se réapproprier l'art moderne. Optant pour l'efficacité sociale, il s'oppose à l'art comme divertissement. Il fédère les recherches des artistes qui visent la synthèse constructive et soutient les artistes engagés. À ces fins, en historien de l'art et conservateur, il façonne une tradition du moderne. Elle s'écrit aussi à Moscou où se rend Pierre Vorms qui défend la galerie.In 1921, internationalist art critic Joseph Billiet founded his gallery to counter the merchant-critical system and reclaim modern art. Opting for social efficiency, he opposes art as entertainment. It federates the researches of artists who aim at constructive synthesis and supports committed artists. For these purposes, as an art historian and curator, he shapes a tradition of the modern. It is also written in Moscow where Pierre Vorms, who defends the gallery, goes.
- Art et politique dans l'entre-deux-guerres : La galerie de Joseph Billiet et de Pierre Vorms (1921-1932) - Rose-Marie Stolberg p. 243-261