Contenu du sommaire : Cahier jurisprudentiel "Décisions de justice, commentaires, tribunes et études parus dans Légipresse"
Revue |
Légipresse. Hors-séries Titre à cette date : Légicom : revue du droit de la communication des entreprises et de la communication publique |
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Numéro | no 55, 2015/2 |
Titre du numéro | Cahier jurisprudentiel "Décisions de justice, commentaires, tribunes et études parus dans Légipresse" |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Introduction - Basile Ader p. 3-6
- 1789-1905. Du blasphème aux droits et devoirs des ministres du culte - Nathalie Mallet-Poujol p. 7-16 Le délit de blasphème n'existe plus en France depuis que la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 a posé, dans son article 10, que « nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la Loi ». Néanmoins, les rapports entre liberté d'expression et religion ont continué à être strictement encadrés pendant plus d'un siècle. Il faut attendre la loi du 29 juillet 1881 pour que soit supprimé le système préventif d'autorisation préalable pour les spectacles vivants et les images, ou les délits d'outrage à la morale publique et religieuse ainsi qu'à la religion. La loi de séparation des Églises et de l'État de 1905, ensuite, vient réformer les dispositions relatives au libre exercice des cultes et aux devoirs des ministres du culte. La loi la plus récente qui vient restreindre le droit à la liberté d'expression au regard des croyances est la loi Pleven du 1er juillet 1972, qui introduit notamment la considération d'appartenance religieuse comme élément d'aggravation des délits de presse. ■
- La tradition française de protection des caricatures - Frédéric Gras p. 17-27 Le droit de la presse ne vient pas régir expressément la caricature, contrairement au droit de la propriété intellectuelle. Avant la loi du 29 juillet 1881, les auteurs de caricatures ont dû combattre les principes d'ordre public pour affirmer leur liberté. La promulgation de la loi de la presse ne va pas pour autant soustraire les caricaturistes aux poursuites judiciaires. Ces dernières ont pu être exercées sur le fondement de l'injure, du droit à l'image, de l'outrage, ou encore de l'offense au chef de l'État. On observe, de façon générale, une tolérance prétorienne qui confère aux caricaturistes une grande liberté en raison des « lois du genre ». Cette liberté comporte cependant des limites et ne saurait dégénérer en abus, qui peut être caractérisé par l'atteinte à la vie privée, les attaques personnelles, l'injure ou la provocation à la haine raciale. ■
- Liberté d'expression, loi de 1881, et respect des croyances : une cohabitation impossible ? - Jean-Yves Monfort p. 29-35 La répression des propos à caractère raciste ou antisémite a pris place, dans notre droit positif, par l'adoption de lois successives, dont les dispositions ont été intégrées à la loi de 1881. Les atteintes portées à un « groupe de personnes appartenant par leur origine à une religion » ont été assimilées aux « délits racistes ». Or, les notions d'« origine », de « race » de « religion » et leurs contours ne sont pas aisés à définir. Par ailleurs, entre l'application stricte de la loi de 1881 et la protection renforcée du droit à l'humour et à la satire, rares sont les actions qui aboutissent à sanctionner les propos heurtant la conscience religieuse d'autrui. En outre, l'essor d'Internet, la multiplication des échanges sur les forums de discussion ne devraient-ils pas aboutir à un changement de l'architecture de notre droit de la presse ? Il apparaît qu'au contraire, les textes en vigueur font preuve d'équilibre, et que la loi de 1881 ne doit pas « être rangée dans le grenier des antiquités républicaines »... ■
- Le procès de presse, ses règles et ses garanties démocratiques - Anne-Marie Sauteraud p. 37-41 Il revient aux juges de trouver un juste équilibre entre la protection de la liberté d'expression et le droit au respect des croyances, qui sont d'égale valeur normative. Les atteintes qui peuvent être portées à ce droit sont sanctionnées sur le fondement de la loi du 29 juillet 1881, s'agissant d'infractions de presse aggravées à raison d'un caractère racial ou religieux. Les recours sont donc soumis aux spécificités de procédure et de fond qui sont celles du procès de presse, ici rappelées. ■
- Laïcité, respect des croyances et liberté d'expression - Henri Leclerc p. 43-52 La loi de 1905 de séparation des Églises et de l'État consacre l'affirmation de la neutralité de l'État en matière religieuse, et constitue le fondement du principe de laïcité dans notre République. Pour ce qui est de la liberté de conscience, l'article 10 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 affirme que « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses ». Le respect des croyances s'inscrit dans cette double reconnaissance de la neutralité de l'État et de la liberté de conscience. Mais que recouvre précisément ce droit au respect des croyances ? La Cour européenne laisse une grande marge de manœuvre aux États et a tendance, dans ses arrêts, à privilégier la sensibilité des croyants sur la liberté d'expression. La jurisprudence française quant à elle a évolué ; elle a, à plusieurs reprises, refusé de condamner une publication dont le caractère choquant était manifeste, mais pour laquelle il n'était pas établi, de la part de l'auteur, une intention spécifique d'outrager les croyants. À propos des caricatures, les juges ont eu l'occasion de déclarer qu'il s'agissait d'un genre littéraire qui, bien que délibérément provoquant, participait indéniablement au débat démocratique. ■
- Le droit au respect des croyances, un droit fondamental de la personnalité ? - Thierry Massis p. 53-57 La liberté d'expression n'a pas un caractère absolu et peut entrer en conflit avec d'autres droits d'égale valeur normative, au titre desquels le droit au respect des croyances. La protection de ce droit s'est construite de façon prétorienne. Les juges se sont d'abord fondés sur l'article 1382 du Code civil pour retenir l'existence d'un abus de la liberté d'expression, jusqu'à ce que l'Assemblée plénière de la Cour de cassation déclare le 12 juillet 2000 que l'atteinte au respect des croyances ne peut être réprimée que par la seule voie des infractions de presse prévues par la loi de 1881. Ce faisant, la Haute Juridiction a créé un « vide juridique », qui rend difficile la protection du sentiment religieux, lequel doit demeurer un droit fondamental de la personnalité. ■
- Blasphème, respect des croyances et liberté d'expression : l'impasse de l'article 1382 du Code civil - Christophe Bigot p. 59-63 L'Assemblée plénière de la Cour de cassation a posé pour principe le 12 juillet 2000 que « les abus de la liberté d'expression prévus et réprimés par la loi du 29 juillet 1881 ne peuvent être réparés sur le fondement de l'article 1382 du Code civil ». La jurisprudence écarte l'application, que ce soit à titre supplétif ou complétif, de l'article 1382, et considère que le juge ne peut protéger la religion au-delà de ce qui est prévu par la loi sur la presse. Cela signifie que même les écrits blasphématoires ou irrespectueux des croyances religieuses ne peuvent faire l'objet d'actions fondées sur des textes généraux. Cette règle est nécessaire en ce qu'elle garantit le principe de laïcité et la liberté d'opinion, notamment des non croyants. ■
- Dieu est partout : Même dans la publicité. - Éric Andrieu p. 65-70 La délicate conciliation de la protection de la liberté d'expression avec le droit des croyances trouve de nombreuses illustrations dans le secteur de la publicité. Il est difficile de dégager les grandes lignes de cette jurisprudence particulièrement subjective. Il semble, tout d'abord, que les juges opèrent, ce qui est contestable, une distinction entre les publications à caractère purement commercial et les affiches de films ou de spectacles, lesquelles peuvent bénéficier d'une plus grande liberté de ton. L'arrêt rendu par la Cour de cassation le 14 novembre 2006 dans la célèbre affaire Marithé et François Girbaud, s'est fondé sur l'intention de l'annonceur, retenant que l'objectif n'était manifestement pas de porter atteinte au respect des croyants, ce qui doit être considéré comme un critère déterminant. ■
- Liberté d'expression et respect des croyances et des croyants dans la jurisprudence française et de la Cour européenne des droits de l'homme - Emmanuel Derieux p. 71-82 Liberté d'expression et respect des croyances constituent deux droits fondamentaux entre lesquels un délicat équilibre doit être établi. Les conditions et exigences paraissent évoluer dans le temps et ne pas être identiques dans les différents pays européens. Cela est cause de divergences entre les décisions rendues par les juridictions nationales, notamment françaises, et la CEDH. ■
- Interprétation du sens de l'affiche d'un film par le juge - p. 85-88
- La Cour de cassation et les marchands du temple : publicité et injure aux sentiments religieux - p. 89-95
- La pub nous fera-t-elle perdre foi en la justice ? : L'exploitation publicitaire des croyances - Jean-Marie Léger p. 96-101 L'exploitation publicitaire de représentations ou symboles religieux suscite inévitablement des polémiques, comme le montre la récente affaire Marithé et François Girbaud dont l'affiche publicitaire a été jugée comme « outrageant un thème sacré » et constitutive d'une injure aux sentiments religieux. La jurisprudence sur la question est hésitante et contradictoire. Dès lors, comment concilier liberté d'expression, respect des croyances et sécurité juridique ? Une approche méthodologique consistant à confronter les principes en présence, à l'aune notamment de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, apparaît nécessaire.
- Vinci et le Code - p. 102-108
- Injure envers la communauté catholique : contrôle de la Cour de cassation - p. 109-113
- Caricatures, blasphème et défi - p. 114-119
- Les caricatures de Mahomet, suite - p. 120-123
- De la liberté de la caricature - Nathalie Mallet-Poujol p. 124-125
- Cour de cassation (ch. crim.), 15 mars 2011 – AGRIF c/ Charlie Hebdo - p. 126
- Tribunal de grande instance de Paris (17ème ch.), 30 septembre 2014 – Ministère public c/ E. Fottorino et a. - p. 127-128
- Tribunal de grande instance de Paris (17`supbe`/supb ch.), 3 février 2015 – UEJF c/ Y. de Kerdrel - p. 129-130
- Dieudonné ou la subversion par l'ambiguïté - David Lefranc p. 131-135 Le droit à la liberté d'expression doit céder devant le respect de la dignité de la personne humaine, ce qui est le cas lorsque des actes de scène cèdent la place à une manifestation qui ne présente plus le caractère d'un spectacle.
- Cour de cassation (ch. crim.), 16 octobre 2012 – D. M'bala M'bala - p. 136-137
- TGI de Paris (17ème ch.), 27 mai 2004 – UEJF, LICRA, Le Consistoire israélite de France, Avocats sans frontières et autres c/ D. M'bala M'bala - p. 137-138
- Tribunal de grande instance de Nanterre (14ème ch.), 5 avril 2011 – MRAP et a. c/ J-M. Le Pen et a. - p. 139-140
- Tribunal de grande instance Avignon, Jugement de référé 20 avril 2011 – AGRIF c/ Association Collection Lambert - p. 141-142
- Liberté d'expression et convictions religieuses dans la jurisprudence européenne - Lyn François p. 143-151 La question de la protection des convictions religieuses contre les atteintes de la liberté d'expression est devenue centrale dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme. Saisie, depuis plus d'une dizaine d'années, de ce contentieux complexe résultant en grande partie du caractère multiconfessionnel des sociétés européennes, la juridiction supranationale adopte une position pragmatique qui consiste à reconnaître aux États Parties à la Convention une « large » marge d'appréciation pour prendre des mesures garantissant aux croyants le respect de leurs convictions religieuses. Celles-ci ne sont pas protégées contre des critiques hostiles ou sévères, mais seulement contre des insultes ou offenses dont les critères constituent autant de garanties contre les ingérences arbitraires dans l'exercice de la liberté d'expression.
- Cour européenne des droits de l'homme, 20 septembre 1994 – Otto-Preminger-Institut c/ Autriche - p. 152-155
- Cour européenne des droits de l'homme, 25 novembre 1996 – Wingrove c/ Royaume-Uni - p. 156-161