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Revue | Revue trimestrielle des droits de l'homme |
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Numéro | no 120, 2019/4 |
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- In memoriam – Paul Bouchet - Pierre Lambert p. 765
- Les priorités de la présidence française du Comité des Ministres du Conseil de l'Europe (17 mai – 27 novembre 2019) - Jean-Baptiste Mattéi p. 767-777 Du 17 mai au 27 novembre 2019, la France assure la présidence du Comité des Ministres du Conseil de l'Europe. Afin de préserver le caractère paneuropéen de l'organisation au bénéfice des 830 millions d'Européens, la France a soutenu le retour de la délégation russe à l'Assemblée parlementaire. Elle met en avant trois priorités : préserver et consolider le système européen de protection des droits de l'homme ; promouvoir l'égalité et le vivre ensemble ; répondre aux nouveaux défis en matière de droits de l'homme et d'État de droit.From 17 May to 27 November 2019, France will hold the Presidency of the Committee of Ministers of the Council of Europe. In order to preserve the pan-European dimension of the organisation for the benefit of 830 million Europeans, France supported the return of the Russian delegation to the Parliamentary Assembly. It put forward three priorities: preserving and consolidating the European system of human rights protection; promoting equality and living together; meeting the new challenges facing human rights and the rule of law.
Doctrine
- Enfants de « djihadistes » retenus en Syrie : vers une obligation de rapatriement en droit européen des droits de l'homme ? - Loïc Robert p. 779-796 Plusieurs centaines d'enfants européens sont aujourd'hui retenus dans des camps contrôlés par les Forces démocratiques syriennes. Le présent article se propose de discuter de l'existence d'une obligation de rapatriement sur le fondement de la Convention européenne des droits de l'homme.Hundreds of children are currently detained in camps controlled by the Syrian Democratic Forces. This article discusses the existence of a repatriation obligation under the European Convention on Human Rights.
- La Cour de justice de l'Union européenne, juge de l'asile - Hélène Tourard p. 797-821 Par le biais du renvoi préjudiciel, la Cour de justice devient un juge de l'asile en interprétant les textes européens relatifs au droit d'asile. Que ce soit en matière d'octroi du statut de réfugié, de protection contre les traitements inhumains et dégradants ou de protection juridictionnelle effective, la jurisprudence de la Cour de justice oscille entre des interprétations favorables aux demandeurs d'asile et d'autres allant dans le sens des politiques restrictives des États membres.By means of preliminary rulings, the Court of justice becomes an asylum judge by interpreting European legislation relating to the right of asylum. In granting refugee status, protection against inhuman or degrading treatment or effective judicial protection, the case law of the Court of justice varies between interpretations which are favorable to asylum seekers and others which are in line with the restrictive policies of the Member States.
- Le quarantième anniversaire de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes - Sophie Grosbon p. 823-849 Ce texte présente la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, traité international sexo-spécifique et généraliste adopté il y a tout juste quarante ans. Il met en valeur ses dispositions novatrices du point de vue de la théorie des droits fondamentaux, mais il en montre également les lacunes, liées à une conception encore trop andronormée des droits humains, qui oublie le droit des femmes à un libre épanouissement et qui autorise de funestes réserves. La pratique du Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes tend cependant à combler ces manques au fil de ses interprétations.This text presents the Convention on the Elimination of All Forms of Discrimination against Women, an international gender-specific and generalist treaty adopted just forty years ago. It highlights its innovative provisions from the point of view of fundamental rights theory but also its shortcomings linked to a male approach of human rights, which forgets the right of women to free and full development and allows for disastrous reservations. In its interpretations of the Convention, however, the Committee on the Elimination of Discrimination against Women tends to fill these gaps.
- Enfants de « djihadistes » retenus en Syrie : vers une obligation de rapatriement en droit européen des droits de l'homme ? - Loïc Robert p. 779-796
Chronique
- Chronique de jurisprudence de la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples (2018) - Laurence Burgorgue-Larsen, Guy-Fleury Ntwari p. 851-890 Cette chronique entend présenter les grandes lignes jurisprudentielles qui se dégagent de l'activité de la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples, tant s'agissant de la protection des droits par la Cour, que concernant les conditions procédurales d'accès à celle-ci.S'agissant du premier point, trois arrêts marquent le contentieux 2018. Le premier d'entre eux permet à la Cour africaine de prendre position sur les droits des filles et des femmes en appliquant, pour la première fois, le Protocole de Maputo (affaire APDF & IHRDA). En délivrant une analyse majeure sur l'égalité entre les hommes et les femmes et en mettant à l'index les us et coutumes de la charia, la Cour africaine est particulièrement audacieuse. Le second concerne les garanties des accusés lors de procédures criminelles quand la peine de mort est en jeu. À l'inverse du premier, il ne peut être considéré comme un grand arrêt, tant il fait l'impasse sur l'importance et la spécificité de la Convention de Vienne sur les relations consulaires de 1963 (affaire Armand Guéhi). Enfin, le troisième permet à la Cour de se pencher sur l'importante question du droit à ne pas être privé arbitrairement de sa nationalité tout comme à ne pas être expulsé (affaire Anudo Ochieng Anudo).Sur les conditions procédurales d'accès à la Cour, il est toujours aussi intéressant de prendre la mesure de l'étendue de la compétence matérielle de la Cour et des instruments internationaux, autres que la Charte, qu'elle peut appliquer (ainsi, la Déclaration universelle de 1948, le Protocole de Maputo, la Charte africaine des droits de l'enfant ou encore la CEDEF). De même, la Cour confirme plusieurs éléments de sa jurisprudence concernant les conditions de recevabilité des requêtes, à l'instar de l'exigence d'épuisement des voies de recours internes.This periodical review of the African Court on Human and Peoples' Rights case law presents the main jurisprudential trends concerning the standard of protection of the rights and liberties enshrined within the African Charter, as well as its conditions of access. On that first point, three landmark rulings were key in 2018: one is related to girls and women's rights (APDF and IHRDA) applying for the first time the Maputo Protocol; the other is related to the guarantees during criminal proceedings where the death penalty is at stake (Armand Guéhi). The first ruling is an important and positive decision, but the second one developed a very problematic analysis concerning the consular assistance mechanism. The third ruling is related to the right not to be arbitrarily deprived of one's own nationality and not to be expelled (Anudo Ochieng Anudo).On the second point, the chronicle points out several technical aspects of the material scope of its jurisdiction (which can apply international instruments such as the 1948 Universal Declaration, the Maputo Protocol, the 1989 Covenant of the Child and the CEDAW). At the same time, the Court confirms several aspects of its case law about proceedings, such as its conception of the obligation of exhaustion of remedies.
- Chronique de jurisprudence de la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples (2018) - Laurence Burgorgue-Larsen, Guy-Fleury Ntwari p. 851-890
Jurisprudence
- La protection conventionnelle du domicile tombe-t-elle lorsqu'on l'invoque contre un particulier ? La longue quête de l'horizontalisation des droits de l'homme : (obs. sous Cour eur. dr. h., décision F.J.M. c. Royaume-Uni, 6 novembre 2018) - Nicolas Bernard p. 891-923 Suivant la Cour européenne des droits de l'homme, une locataire expulsée de son logement parce que le propriétaire est dans l'incapacité de rembourser son emprunt hypothécaire n'est pas fondée, en dépit de ses problèmes de santé, à invoquer le droit au domicile (protégé par l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme) car le prêteur se trouve être un organisme privé. Cette décision interroge, notamment sur le plan de la prohibition (conventionnelle) de toute discrimination. Surtout, la Cour a elle-même, dans d'autres affaires, fait application du principe d'horizontalisation des droits de l'homme et imposé le respect de ceux-ci à des particuliers.The European Court of Human Rights declared unfounded the claim of a tenant invoking a right to home (protected by Article 8 of the European Convention on Human Rights) after she was expelled from her home because the landlord was unable to pay back his mortgage and despite her health issues, because the lender was a private entity. This ruling raises questions, especially when it comes to the prohibition of all discrimination (enshrined in the Convention). Above all, the Court itself has enforced the principle of the horizontalization of human rights in other cases and imposed observance of such rights on private individuals.
- L'application de la Charia en Grèce : la fermeté incomprise de la Cour européenne des droits de l'homme : (obs. sous Cour. eur. dr. h., Gde Ch., arrêt Molla Sali c. Grèce, 19 décembre 2018) - Mustapha Afroukh p. 925-940 L'arrêt Molla Sali c. Grèce rendu par Cour européenne des droits de l'homme le 19 décembre 2018 a alimenté une campagne de dénigrement sans précédent de la Cour accusée d'ouvrir la voie à l'application de la Charia en Europe. Ces critiques sont particulièrement injustes car le juge européen dit exactement le contraire. Au-delà des éléments factuels qui se rapportent à l'application la Charia à la communauté musulmane de Thrace, la Cour européenne rend un arrêt de principe dans le domaine de la protection des minorités en considérant qu'un individu appartenant à une minorité ne peut se voir appliquer un régime particulier contre sa volonté.The Molla Sali v. Greece judgment delivered by the European Court of Human Rights on 19 December 2018 fuelled an unprecedented smear campaign against the Court, which was accused of paving the way for the application of Sharia law in Europe. These criticisms are particularly unfair since the European Court says exactly the opposite. Beyond the factual elements relating to the application of Sharia law to the Muslim community in Thrace, the European Court delivers a landmark judgment in the field of minority protection by considering that an individual belonging to a minority cannot be subject to a specific regime against his will.
- La pénalisation des clients de prostitué(e)s devant le Conseil constitutionnel : (obs. sous Cons. const., décision Association Médecins du monde e.a., 1er février 2019) - Valérie Goesel-Le Bihan p. 941-954 Le contrôle exercé par le Conseil constitutionnel sur les dispositions adoptées par le législateur en 2016 qui pénalisent les clients des prostitué(e)s est peu approfondi, non seulement parce qu'elles sont considérées comme restreignant pour l'essentiel la liberté personnelle, mais aussi parce qu'elles portent sur une question de société. Peu motivée, la décision n'en témoigne pas moins d'une normalisation du contrôle exercé alliant contrôle de l'objectif poursuivi et de proportionnalité.The control of the Constitutional Council over the provisions adopted by the French Parliament in 2016 which penalizes the clients of prostitutes is quite superficial, not only because these provisions are considered to restrict personal freedom, but also because they deal with a social issue. Although poorly motivated, this decision reflects a standardization process that produces a control over both the objective and proportionality.
- « Répondre et rassurer » : quelques enseignements à propos du premier avis consultatif de la Cour européenne des droits de l'homme : (obs. sous Cour eur. dr. h., Gde Ch., avis consultatif relatif à la gestation pour autrui, 10 avril 2019) - David Szymczak p. 955-978 Rendu le 10 avril 2019, le premier avis consultatif de la Cour européenne des droits de l'homme est riche d'enseignements. D'une part, et en première lecture, concernant la réponse apportée à la juridiction interne qui avait sollicité l'avis. D'autre part, et plus largement, s'agissant de la façon dont la Cour de Strasbourg paraît envisager la nouvelle compétence consultative prévue par le Protocole no 16. En ce sens, il semble possible d'avancer que, par son premier avis, la Cour européenne cherche à la fois à « répondre » et à « rassurer ».Delivered on 10 April 2019, the first advisory opinion of the European Court of Human Rights is quite instructive. Instructive because, on the one hand, and at first reading, of the answer given to the domestic court which had requested the opinion. And on the other hand, and more broadly, because of the way in which the Court seems to consider the new advisory jurisdiction provided for by Protocol No. 16. In this sense, it seems that in its first opinion the Court seeks both to “answer” and “reassure”.
- À propos de l'arrêt G.K. c. Belgique et de la vérification des pouvoirs : reculer pour mieux sauter ? : (obs. sous Cour eur. dr. h., arrêt G.K. c. Belgique, 21 mai 2019) - Thibault Gaudin p. 979-995 L'arrêt G.K. c. Belgique de la Cour européenne des droits de l'homme est le premier concernant directement le contentieux postélectoral en Belgique, exclusivement confié aux Parlements. On attendait la condamnation du système belge ; ce n'est pas dans cette affaire qu'elle sera prononcée. On peut toutefois lire cet arrêt comme une confirmation du diagnostic selon lequel pareille condamnation n'est plus qu'une question de temps.The G.
K. v. Belgium judgment of the European Court of Human Rights is the first to directly address post-electoral disputes in Belgium, which is exclusively in the hands of parliaments. Constitutional experts were expecting the Belgian system to be condemned; it is not exactly the case. However, this decision can be read as a confirmation of the diagnosis that such a condemnation is only a matter of time. - Coup d'arrêt à Bakou : (obs. sous Cour eur. dr. h., Gde Ch., arrêt rendu dans le cadre de la « Procédure fondée sur l'article 46, § 4, dans l'affaire Ilgar Mammadov c. Azerbaïdjan », 29 mai 2019) - Emmanuel Decaux p. 997-1017 La mise en œuvre de l'article 46, § 4, de la Convention européenne des droits de l'homme a été déclenchée pour la première fois par le Comité des Ministres à l'encontre de l'Azerbaïdjan, dans l'affaire Ilgar Mammadov qui avait déjà donné lieu à deux arrêts de chambre en 2014 et en 2017. Dans le premier arrêt, la Cour avait constaté des violations de l'article 5 de la Convention, combiné avec l'article 18 sur le « détournement de pouvoir ». Dans la seconde affaire, la Cour a conclu à des violations de l'article 6 de la Convention, sans pouvoir se prononcer sur l'article 18. Après une série de résolutions intérimaires demandant en vain la « libération immédiate et inconditionnelle » de M. Mammadov, le Comité des Ministres a fini par saisir la Cour en décembre 2017. L'arrêt de la Grande Chambre éclaire les défis rencontrés par la Cour et le Comité des Ministres en matière de suivi de l'exécution des arrêts, insistant sur l'obligation de « bonne foi » qui incombe aux États dans le cadre des principes généraux de la responsabilité internationale. Mais ce « recours en manquement » trouve toutes ses limites dans la discontinuité des deux contentieux s'agissant d'une violation continue. Derrière l'unanimité de façade de la Grande Chambre, c'est la cohérence juridique du système de la Convention qui se trouve mise en question.Article 46 § 4 of the European Convention on Human Rights was implemented by the Committee of Ministers for the first time against Azerbaijan in the Ilgar Mammadov case which had already led to two judgments in 2014 and in 2017. In the first judgment, the Court held that there had been violations of Article 5 taken in conjunction with Article 18 about “abuse of power” for the arbitrary arrest of M. Mammadov. In the second judgement, it added violations of Article 6 in the criminal condemnation of M. Mammadov, without dealing with Article 18. After several interim resolutions asking for the “immediate and unconditional release” of M. Mammadov, the Committee of Ministers seized the Court on December 2017. The Grand Chamber judgment reflects the challenges faced by the Court and the Committee of Ministers in monitoring the implementation of judgments, emphasizing the obligation of “good faith” for States Parties according to the general principles of international responsibility. These infringement proceedings find obvious limitations when dealing with two separate cases about a continuous violation. Behind the apparent unanimity of the Grand Chamber, it is the legal consistency of the whole system which is put into question.
- La protection conventionnelle du domicile tombe-t-elle lorsqu'on l'invoque contre un particulier ? La longue quête de l'horizontalisation des droits de l'homme : (obs. sous Cour eur. dr. h., décision F.J.M. c. Royaume-Uni, 6 novembre 2018) - Nicolas Bernard p. 891-923
- « La Cour européenne des droits de l'homme : entre renforcement du dialogue et protection des libertés » : Compte-rendu du colloque organisé le 24 mai 2019 à Bruxelles dans la salle des audiences solennelles de la Cour de cassation - Céline Verbrouck p. 1019-1024
- Bibliographie - p. 1025-1038