Contenu du sommaire : La révolution au subjectif | Les élections législatives du 26 septembre 2021 en Allemagne fédérale
Revue | Revue d'Allemagne |
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Numéro | Tome 54, N° 1, janvier-juin 2022 |
Titre du numéro | La révolution au subjectif | Les élections législatives du 26 septembre 2021 en Allemagne fédérale |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
La révolution au subjectif
- Introduction - Valérie Carré, Jean-François Laplénie, Agathe Mareuge p. 3-9
- « Ce sont les enfants qui ont vécu la guerre comme un grand jeu… » (Sebastian Haffner). Subjectivités et masculinités-en-devenir en 1918 - Patrick Farges p. 11-24 Les guerres ont longtemps été considérées comme l'affaire des hommes. Or une nouvelle historiographie des guerres mondiales privilégiant l'étude des « cultures de guerre » a fait tomber des barrières qui paraissaient hermétiques : entre « front » et « arrière », entre hommes et femmes, entre vainqueurs et vaincus, entre générations. La guerre marqua profondément de son empreinte les subjectivités adolescentes, jusque dans le Berlin de la révolution de novembre 1918. Dans une perspective d'histoire culturelle et du genre, il est pertinent de s'intéresser aux continuités émotionnelles et de se pencher sur la « révolution de novembre au subjectif » en Allemagne. Il s'agit ici de montrer comment ce que l'on peut qualifier de « quotidien » (et notamment d'un rapport quotidien à la violence) en a été affecté, en particulier chez les plus jeunes. En effet, ces derniers ont parfois vécu cette révolution comme un non-événement, comme la continuation de la société en guerre « par d'autres moyens ».For a long time, wars were considered to be a matter for men. A new historiography about the world wars, however, favouring the study of “war cultures”, broke down barriers that seemed hermetic: “front”/“rear”, men/women, victors/vanquished, and generations. The war had a profound impact on adolescent subjectivities, and still had consequences in Berlin during the November 1918 revolution. From a gender and cultural history perspective, it is relevant to look at the emotional continuities around the revolution. The article's aim is to show how the younger generation's “everyday” was affected (and in particular regarding everyday violence). This generation sometimes experienced the revolution as a non-event, as the continuation of wartime society “by other means”.
- Pathische Gründung. Arnold Metzger und die deutsche Umkehr aus dem Geiste des Schmerzes - Albert Dikovich p. 25-36 L'expérience de la Première Guerre mondiale a eu une importance capitale pour l'idée d'un tournant éthique que le jeune philosophe et fonctionnaire révolutionnaire Arnold Metzger développa pendant la révolution allemande de novembre 1918. Selon Metzger, la jeunesse revenant des tranchées partageait l'expérience collective de la douleur : la douleur de la violence traumatisante et de la perte des convictions passées qui du jour au lendemain ne firent plus sens. Néanmoins, la douleur impliquait aussi un élément positif : la guerre avait apporté la preuve de la fausseté des normes morales et des valeurs passées et la catastrophe constitua ainsi un fond de moralité commun. À partir des écrits philosophiques et des actions politiques de Metzger, cette contribution analyse l'idée d'une fondation dans l'affectivité du nouvel ordre politique en Allemagne.For the young philosopher and short-time revolutionary functionary Arnold Metzger, the First World War was of key importance for his idea of a moral conversion which he regarded as the most urgent task of the German Revolution of 1918. According to him, the youth returning from the trenches was united by the collective experience of pain: pain caused by the traumatizing violence of the war and the collapse of old beliefs. Yet for Metzger, this pain also implied a positive element: by providing the evidence of the falsity of the moral norms and guiding values of the Second Reich, the catastrophe would provide a common moral ground for the construction of the new. The paper elaborates this idea of the “pathic foundation” of the new Germany by discussing Metzger's philosophical writings and political actions.
- Der schwierige Umgang mit dem Kieler Matrosenaufstand und der Revolution von 1918 innerhalb der deutschen Marinen - Christian Lübcke p. 37-49 En novembre 1918, des marins de la marine impériale lancèrent la plus grande mutinerie de l'histoire allemande. En quelques jours, des soulèvements spontanés se sont transformés en une révolte nationale dans les garnisons du Reich allemand. Cela aboutit à la Révolution de novembre, à la fin de la monarchie et à l'avènement de la République de Weimar. Pendant des décennies, l'historiographie militaire allemande fut dominée par les sources et l'interprétation des hauts gradés. Aujourd'hui, on sait que les schémas d'interprétation qui ont prévalu sous la République de Weimar et le Troisième Reich n'avaient pas grand-chose à voir avec la science mais plutôt avec l'autojustification, le révisionnisme et l'apologie des autorités militaires. Ces modes d'interprétation influencent jusqu'à aujourd'hui l'historiographie militaire allemande, notamment dans la description et l'évaluation des événements de 1918.In November 1918, sailors from the Imperial Navy launched the largest mutiny in German history to date. Within a few days, individual sailor uprisings developed into a nationwide revolt in the garrisons of the German Reich. The result was the November Revolution, which led to the end of the monarchy and the founding of the Weimar Republic. For decades, German military historiography had great difficulties with this complex of topics, whereby the monopoly on sources and interpretation of the official war historiography, which was dominated by actors in officer uniforms, carried a great deal of weight. In the meantime, it can be proven beyond doubt that in the Weimar Republic and the Third Reich, patterns of interpretation dominated that had little to do with science and all the more to do with self-justification, revisionism and apology. These patterns of interpretation influence German military historiography, for example in the description and evaluation of the events of 1918 up to the present day.
- Teilhaberinnen an der Unvollzogenheit. Revolutionäre Utopien und Enttäuschungen österreichischer Sozialistinnen - Veronika Helfert p. 51-61 Sur la base de textes journalistiques et de témoignages de femmes sociales-démocrates et communistes autrichiennes comme Käthe Leichter, Anna Hornik-Strömer ou Ruth Fischer/Elfriede Eisler-Friedländer, l'article présente la phase de transformation révolutionnaire à la fin de la Première Guerre mondiale comme un lieu de nostalgie et un moment d'espoirs déçus en un monde nouveau. Il s'intéresse en outre à la question des acteurs qui ont été intégrés dans l'historiographie et avance d'une part que l'accent mis sur les prisonniers de guerre et les soldats en tant que porteurs de la révolution a fait passer à l'arrière-plan les activités des ouvrières et des étudiantes, et d'autre part que les perspectives sociales-démocrates ont prévalu pendant la Guerre Froide, et ce, au détriment du récit communiste.Based on journalistic texts and ego-documents by Austrian social democrats and communists such as Käthe Leichter, Anna Hornik-Strömer and Ruth Fischer/Elfriede Eisler-Friedländer, the article presents the revolutionary transformation phase at the end of the First World War as a place of longing and a moment of disappointed hopes for a new world. In addition, it explores which actors have found their way into the historiography and argues, on the one hand, that the focus on prisoners of war and soldiers as agents of revolution has relegated the activities of women workers and students to the background, and, on the other hand, that social democratic perspectives dominated over the communist narrative during the Cold War.
- Die „Weltrevolution“ Hannah Höchs: zwischen Verschwinden und Selbstbehauptung - Agathe Mareuge p. 62-75 Cet article prend pour objet le collage de Hannah Höch Schnitt mit dem Küchenmesser Dada durch die letzte Weimarer Bierbauchkulturepoche Deutschlands (1919-1920), l'une des œuvres du mouvement dada berlinois thématisant le plus explicitement la révolution allemande. La révolution politique en cours et la révolution artistique et culturelle que représente Dada coïncident avec la découverte du photomontage, une forme artistique à même de restituer la pluralité des perspectives subjectives et l'hétérogénéité comme le dynamisme des masses révolutionnaires. L'œuvre de Höch procède à une déconstruction des représentations traditionnelles de la masculinité pour exprimer des revendications féminines au plan à la fois politique et artistique. L'accent mis sur l'expression collective a pu conduire à un effacement de la subjectivité individuelle d'Hannah Höch, qui a longtemps disparu de l'historiographie dada. Pourtant, on lui doit la sauvegarde de nombreuses traces matérielles de cette époque ainsi qu'une large part de la redécouverte du mouvement dada. Son collage tardif Lebensbild (1972-1973) atteste le succès d'une affirmation de soi dans le collectif au sein d'un collage redonnant vie, en son cœur, à un fragment du photomontage de 1919.This paper focuses on Hannah Höchs collage Schnitt mit dem Küchenmesser Dada durch die letzte Weimarer Bierbauchkulturepoche Deutschlands (1919-1920), one of the works of Dada Berlin which more explicitly refers to the German Revolution. The political revolution and Dada as an artistic and cultural revolution coincide with the invention of photomontage, an art form which can express the plurality of subjective perspectives and the heterogeneity of revolutionary people. Höch's work deconstructs the traditional representation of masculinity and formulates demands for women in the political and in the artistic field. Because the collective subjectivity is stressed in Höch's work, her own individual subjectivity was often effaced and her role has been minimised in the historiography of Dada for a long time. Thus, she saved a lot of material traces of the time of the revolution and significantly contributed to the re-discovery of Dada. Her late collage Lebensbild (1972-1973), which re-uses a fragment from the collage of 1919, shows that she succeeded in affirming herself within the collectivity and in bearing witness to the revolution.
- Héros, petits hommes et figures historiques : formes et enjeux de la subjectivisation dans les romans de la révolution allemande (1922-1932) - Jean-François Laplénie p. 77-92 Les romans de la révolution allemande de 1918-1919 sont un genre en tension entre impératif documentaire et volonté de donner un « tableau vivant et complet » (Plievier) des événements révolutionnaires. La construction d'un tel tableau passe entre autres par la subjectivisation des perspectives et la profondeur individuelle des personnages. Avant 1925 prédomine un traitement héroïque du personnage révolutionnaire (Zur Mühlen, Daudistel) ancré dans la tradition narrative du roman du xixe siècle, tandis que l'éloignement chronologique et les crises politiques favorisent, surtout à partir de 1928, le recours à des personnages centraux naïfs et désorientés (Glaeser, Renn, Remarque), « petits hommes » qui vivent la révolution comme une mascarade décevante ou comme un écheveau inextricable d'intérêts. Chez Plievier, enfin, le traitement en large fresque de subjectivités mises en correspondance et en contraste permet de donner à la complexité révolutionnaire un sens qui ne reflète pas exactement la « tendance » politique affichée par l'auteur.The novels of the German Revolution of 1918-1919 are a genre in tension, split between the documentary imperative and the desire to render a ‘living complete picture' (lebendiges Gesamtbild, Plievier) of revolutionary events. The latter can be given literary form through the subjectivization of perspectives and the individual depth of the characters. Before 1925, revolutionary characters are mainly treated as heroes (Zur Mühlen, Daudistel) in the tradition of the nineteenth-century novel, whereas both chronological distance and political crises favoured, especially from 1928 onwards, naive and helpless central characters (Glaeser, Renn, Remarque) who experience the revolution as a disappointing masquerade or as an inextricable plurality of political interests. Finally, in Plievier's work, the composition of subjectivities in a large historical fresco provides the revolutionary complexity a meaning that does not exactly reflect the author's explicit political “tendency”.
- Les théories révolutionnaires dans November 1918 d'Alfred Döblin - Alfred Prédhumeau p. 93-108 Notre contribution vise à identifier les différentes théories révolutionnaires qu'Alfred Döblin a intégrées dans November 1918, œuvre conçue et rédigée pendant son exil à Paris et à Los Angeles entre 1937 et 1943. À l'aide de la technique littéraire du montage, il utilise la voix de différents protagonistes qui se font les exégètes de ces théories. Ces derniers sont des personnages de roman ou des acteurs historiques réincarnés en héros littéraires qui interviennent à l'aide de textes tirés de documents d'archives ou purement fictionnels ou hybrides. Dans notre brève étude, nous analysons les théories sociales-démocrates et celles des révolutionnaires dans leur lecture döblinienne. En outre, nous incluons une digression sur les acteurs de la « révolution conservatrice ». Les controverses se tiennent en Alsace, à Berlin et à Cassel où nous rencontrons par exemple Jacques Peirotes, Friedrich Ebert, Rosa Luxemburg, Karl Liebknecht ou Karl Radek, mais aussi Kurt von Schleicher.Our contribution aims to present the theories on revolution integrated by Alfred Döblin in his novel November 1918, the work which he conceived and wrote between 1937 and 1943 during his exile in Paris and Los Angeles. Using the literary technique of “montage”, he integrated the voices of different protagonists who are presented as evangelists of these theories. These protagonists are either purely fictional characters or fictionally adapted historical persons expressing their ideas on the basis of archive documents or through completely fictional or hybrid discourses. In this essay we analyse social-democratic as well as revolutionary theories in their Döblinian versions. Furthermore, we include a digression on the “conservative revolution”. The controversies take place in Alsace, Berlin and Cassel where we meet for example, among others, Jacques Peirotes, Friedrich Ebert, Rosa Luxemburg, Karl Liebknecht, Karl Radek as well as Kurt von Schleicher.
- Die DDR und die Konstruktion der Subjektivität in der Erinnerung an die Revolution 1918-1919 - Valérie Carré p. 109-121 Cet article se propose de revenir sur la mémoire de la révolution en RDA où de nombreuses relations personnelles des événements révolutionnaires ont été récoltées tout en les canalisant idéologiquement. L'article analyse deux archives et montre, dans le premier cas, en quoi le travail sur le texte s'apparente à une fabrique de la subjectivité et veille en même temps à ce que le témoignage corresponde à la doctrine officielle de la mémoire de la révolution. Dans le deuxième cas, au contraire, le témoignage fait preuve d'une subjectivité telle qu'elle entrave la compréhension d'ensemble du déroulement des événements. Ce faisant, il contredit l'image officielle de l'ouvrier idéologiquement formé et engagé dans la lutte des classes.This paper focuses on the memory of the revolution in the GDR, where the political power collected many individuals' recollections of the revolutionary events, always with an ideological purpose. Through the close reading of two records out of the former GDR archives (SAPMO), I try to show in the first case how the subjectivity is being constructed always considering the official ideological doctrine of how history has to be told. In the second case the analysis deals with the recollection of an average worker which seems to take issue with the official image of an ideological-savvy worker.
- Les « métamorphoses d'une révolution ». Monographies récentes sur la Révolution allemande de 1918-1919 - Alfred Prédhumeau p. 123-128
Les élections législatives du 26 septembre 2021 en Allemagne fédérale
- Merkels Europapolitik oder der Preis des Pragmatismus - Ulrike Guérot, Julian Plottka p. 131-151 La politique européenne allemande sous le gouvernement d'Angela Merkel était caractérisée par une « normalisation ». Elle était moins fondée sur des lignes directrices que façonnée par le pragmatisme. Au contraire, la soi-disant « méthode de l'Union » d'intergouvernementalisation de l'UE était une ligne directrice suivie par Merkel. Une explication plus convaincante est la thèse de Schimmelfennig sur le “pouvoir du statu quo” selon laquelle le gouvernement fédéral n'a soutenu aucune réforme fondamentale de l'UE dans l'intérêt économique allemand, mais a voulu préserver le statu quo. En s'appuyant sur les exemples des négociations sur le traité de Lisbonne, de la politique allemande dans la crise de la zone euro, de la volonté de l'Allemagne d'assumer davantage de responsabilités en matière de politique étrangère et de l'Allemagne faisant cavalier seul en suspendant la procédure de Dublin pour les réfugiés syriens, l'article montre qu'en plus des intérêts économiques, la concurrence entre les partis politiques a également acquis une influence croissante sur la politique européenne allemande et explique en partie les actions du gouvernement fédéral. De plus, l'article souligne que l'effet de la politique européenne allemande en termes de politisation horizontale des débats politiques européens dans d'autres États membres et les conséquences de cette politisation sur le champ d'action de l'UE nécessitent une enquête plus approfondie.During Angela Merkel's term in office, German European policy was characterised by a “normalization”. It was less inspired by Leitbilder and more pragmatic than ever before. If anything, the so called “Union method” of intergovernmentalising the EU was a model Merkel followed. A better explanation provides Schimmelfennig's hypothesis of a “status quo power”: the German government's lack of support for a fundamental reform of the EU was driven by German economic interests, which preferred to maintain the status quo. Using the example of the negotiations on the Lisbon Treaty, German policy in the Euro area crises, German willingness to assume more responsibility under European foreign policy and Germany's unilateral decision to temporarily suspend the Dublin procedure for Syrian refugees, the article shows that, in addition to economic interests, party-political competition has gained increasing influence on German European policy. Furthermore, the article points out that the effect of German European policy in terms of a horizontal politicisation of European policy debates in other member states as well as the consequences that this politicisation has on the EU's room for manoeuvre require further investigation.
- Les élections législatives allemandes du 26 septembre 2021 - Michel Fabréguet p. 153-171 La campagne pour les élections législatives du 26 septembre 2021 a été marquée par d'incessants rebondissements, nourris par les nombreuses maladresses des candidats qui s'affrontaient pour la succession d'Angela Merkel, sur fond de pandémie du coronavirus. Dans le courant du premier semestre de l'année 2021, les Verts avec Annalena Baerbock puis les chrétiens-démocrates avec Armin Laschet ont semblé en mesure de l'emporter. Mais au terme d'un ultime retournement à l'été 2021, les sociaux-démocrates, sous la conduite d'Olaf Scholz, ont pris l'ascendant et finalement remporté une courte victoire, totalement inconcevable quelques mois plus tôt. La victoire du SPD a d'abord été celle de son candidat à la chancellerie, qui est apparu comme le plus convaincant et le plus crédible, mais qui a su aussi regagner la confiance d'une partie des classes populaires. L'affaiblissement continu des partis populaires et l'affirmation des partis centristes a permis la constitution d'une coalition inédite « en feu tricolore » associant le SPD, les Verts et le FDP. Mais alors que le débat politique, lors de la campagne législative puis des négociations du contrat de coalition, s'était essentiellement centré sur les questions de politique intérieure, économiques, sociales et sociétales, dans l'état de sidération provoqué par l'intervention militaire de la Russie en Ukraine, le chancelier Scholz s'est trouvé brutalement confronté à la nécessité de rompre sans préalable avec les principes fondamentaux qui avaient jusqu'alors déterminé la politique étrangère et de défense de l'Allemagne.The campaign for the legislative elections of September 26, 2021 was marked by incessant twists and turns, fueled by the clumsiness of the candidates who were competing for the succession of Angela Merkel, against the backdrop of the coronavirus pandemic. During the first half of 2021, the Greens with Annalena Baerbock, then the Christian Democrats with Armin Laschet, seemed able to win. But after a final reversal in the summer of 2021, the Social Democrats, under the leadership of Olaf Scholz, gained the upper hand and finally won a narrow victory, totally inconceivable a few months earlier. The victory of the SPD was first that of its candidate for chancellor, who appeared to be the most convincing and the most credible, but who also managed to regain the confidence of part of the working classes. The continued weakening of the popular parties and the affirmation of the centrist parties enabled the formation of an unprecedented “traffic light” coalition associating the SPD, the Greens, and the FDP. But while the political debate, during the legislative campaign and then the negotiations of the coalition contract, were essentially centered on questions of domestic, economic, social, and societal policy, in the state of bewilderment caused by Russia's military intervention in Ukraine, Chancellor Scholz found himself brutally confronted with the need to break without preconditions with the fundamental principles which had hitherto determined Germany's foreign and defense policy.
- Victoire inattendue du SPD - Brigitte Lestrade p. 173-186 Après les élections au Bundestag de 2017 que le SPD a perdues face à la CDU/CSU, les sociaux-démocrates se sont effondrés dans les sondages, ne réunissant plus qu'une quinzaine de pourcents d'approbation. À quelques mois de l'échéance électorale de 2021, personne n'aurait parié sur une victoire du SPD. Or, au mois de septembre, il a gagné d'une courte tête face aux chrétiens-démocrates. L'énorme surprise passée, les commentateurs ont scruté la campagne électorale des deux partis afin de discerner les éléments susceptibles d'avoir fait pencher la balance en faveur du SPD. Les facteurs qui se dégagent de leurs analyses seraient, du côté des perdants, une erreur dans le choix du candidat à la chancellerie, Armin Laschet n'ayant pas, aux yeux des électeurs, la gravité qui sied à un futur chancelier, ainsi qu'une certaine vacuité du programme qui leur était proposé. Pour expliquer la victoire surprise du SPD, la plupart des commentaires portent essentiellement sur le candidat Olaf Scholz, dont le sérieux et la compétence ont convaincu les électeurs. Il a su, mieux que son adversaire politique, s'adresser aux préoccupations des électeurs.After the 2017 federal elections, which the SPD lost to the CDU/CSU, the Social Democrats plummeted in the polls and achieved an approval rate of only around 15 per cent. A few months before the 2021 elections, no one would have bet on an SPD victory. In September, however, it narrowly won against the Christian Democrats. After the huge surprise was over, commentators examined the election campaign of the two parties to find out which elements might have tipped the scales in favour of the SPD. Their analyses revealed, on the side of the losers, a mistake in the selection of the candidate for chancellor, as Armin Laschet did not have the respectability necessary for a future chancellor in the eyes of the voters, as well as a certain emptiness in the programme proposed to them. To explain the surprise success of the SPD, most commentaries focus on the candidate Olaf Scholz, whose seriousness and competence convinced the voters. He understood better than his political opponent how to address voters' concerns.
- La CDU dans l'opposition : l'analyse d'une défaite - Jean-Louis Georget p. 187-199 La CDU a perdu les élections fédérales à l'automne 2021, alors qu'elle apparaissait pouvoir les remporter au printemps de la même année. En effet, elle avait une sociologie relativement stable ancrée autour des trois grandes idées de conservatisme, d'ancrage à l'Ouest et d'économie sociale de marché. Pourtant, la démocratie-chrétienne était plus instable qu'on ne pouvait le penser : outre l'usure des seize années de pouvoir d'Angela Merkel, le découplage entre la chancellerie et la présidence du parti, dévolue dans un premier temps à Annette Kramp-Karrenbauer, a affaibli le parti. De plus, le choix du candidat de la CDU, Armin Laschet, voulu par les cadres du parti, mais pas par sa base, a été fatal au camp conservateur. En effet, en concurrence avec son rival bavarois Markus Söder pour la candidature, le Rhénan est apparu pendant toute la campagne fade et inconscient des enjeux ; il n'a de plus jamais su gérer son image à l'époque des réseaux sociaux. Après une lourde défaite, la CDU a choisi de faire confiance à Friedrich Merz, homme au profil traditionnel.The CDU lost the federal elections in the autumn of 2021, although it looked likely to win them in the spring of the same year. Indeed, it had a relatively stable sociology based on the three main ideas of conservatism, western anchorage and social market economy. However, the Christian Democracy was more unstable than one might have thought: in addition to the wear and tear of Angela Merkel's sixteen years in power, the decoupling of the chancellorship from the party presidency, which was initially given to Annette Kramp-Karrenbauer, weakened the party. Moreover, the choice of the CDU candidate, Armin Laschet, wanted by the party's cadres but not by its base, was fatal to the conservative camp. Indeed, competing with his Bavarian rival Markus Söder for the candidacy, the Rhineland native appeared bland and unaware of the stakes during the entire campaign; moreover, he never knew how to manage his image in the age of social media networks. After a heavy defeat, the CDU chose to trust Friedrich Merz, a man with a traditional profile.
- Les Verts allemands et la coalition « feux tricolores » : enjeux et perspectives des élections législatives de 2021 - Annette Lensing p. 201-216 Les élections législatives allemandes du 26 septembre 2021 se sont soldées par la victoire inattendue des sociaux-démocrates. Alors qu'au printemps de la même année, les sondages permettaient encore d'envisager une victoire des écologistes, les Verts allemands, emmenés par leur candidate Annalena Baerbock, obtiennent un résultat décevant, ne recueillant que 14,8 % des suffrages exprimés. Même si le parti échoue aux portes de la chancellerie, Bündnis 90/Die Grünen progresse de six points par rapport au scrutin de 2017 et intègre la première coalition « feux tricolores » (SPD, Bündnis 90/Die Grünen, FDP) à l'échelle du Bund. À l'issue des négociations de coalition, ils obtiennent cinq des seize portefeuilles ministériels, parmi lesquels le ministère des Affaires étrangères, pour Annalena Baerbock, et le ministère de l'Économie et du Climat pour Robert Habeck, qui devient également vice-chancelier. Cent jours après la prise de fonction du gouvernement Scholz, cette contribution se propose d'éclairer les moments marquants et les ratés de la campagne des Verts allemands, avant de se pencher sur les principaux enseignements du scrutin et d'ouvrir, dans un contexte marqué par la conjonction des crises sanitaire, climatique et géopolitique, sur les ambitions et les défis de la nouvelle coalition au pouvoir.The elections of September 26th to the Bundestag (Germany's federal parliament) ended with an unexpected victory for the Social Democratic Party. In the previous spring, the Green candidate, Annalena Baerbock, was still regarded to be on the verge of becoming the first Green Chancellor in German history. However, her party received a disappointing result, with only 14.8% of the votes. Nevertheless, the Green Party improved its result by six points compared to 2017 and, after the coalition negotiations, the Greens formed a coalition with the SPD and the FDP on a federal level. The Greens were given five of the sixteen portfolios in government, including the Foreign Ministry with Annalena Baerbock as Minister, while Robert Habeck became Federal Minister for Economics and Climate, as well as Vice-Chancellor. One hundred days after the Scholz government took office, this contribution aims to shed light on the most significant successes and failures of the Green campaign, as well as on the election results. In a context of intertwined sanitary, climatic, and geopolitical crises, this article points out some perspectives regarding the goals and challenges of the new coalition.
- Aux marges du système politique : Die Linke et l'AfD aux élections au Bundestag de 2021 - Patrick Moreau p. 217-235 Die Linke a connu avec 4,9 % des secondes voix un désastre électoral. Ce parti n´a pas su s'adapter à la fin de l'ère Merkel, caractérisée par une mutation et un dynamisme des partis concurrents Verts et SPD. Dans l'Est du pays, Die Linke a perdu son image de parti protestataire et de parti de représentation de l'identité des Allemands de l´Est et des ouvriers et chômeurs. La crise de Die Linke, en particulier dans ses bastions historiques des nouveaux Bundesländer, est la principale explication à la stabilisation électorale de l'AfD en 2021 (10,3 % des deuxièmes voix, – 2,3 points). Ce parti, puissant à l´Est (20,5 %), n'a cependant pas réussi, sur la base de son programme national-völkisch à rassembler le potentiel protestataire existant en Allemagne.With 4.9% of the second votes, the Left suffered an electoral disaster. The party had failed to adapt to the end of the Merkel era, which was marked by change and dynamism of its competing parties, Die Grünen and SPD. In East Germany, the Left lost its image as a protest party and representative of East German identity, workers and the unemployed. The crisis of the Left, especially in its historic strongholds in the new Länder, is the key explanation for the electoral stabilisation of the AfD (10.3% of the second votes, – 2.3%). This party is strong in the East (20.5%), but it has not been able to mobilise the existing protest potential in Germany for itself because of its völkisch-national programme.
- Merkels Europapolitik oder der Preis des Pragmatismus - Ulrike Guérot, Julian Plottka p. 131-151
Varia
- Les Richtmänner de la Wehrmacht, des relais de l'idéologie nazie au plus proche des soldats - Geoffrey Koenig p. 239-251 Au tournant de l'année 1945, la Wehrmacht déploie des Richtmänner dont la mission est de relayer l'idéologie nazie et de prévenir les comportements indésirables au sein de la troupe. Assistant des officiers politiques et de l'encadrement tactique, ils sont conçus comme un moyen d'atteindre l'intimité du « groupe des camarades » et de lutter contre les critiques croissantes des soldats à l'égard de l'institution militaire. Toutefois, ils sont aussi un outil coercitif qui permet de contrôler les soldats. Le contexte particulier de la fin de la guerre, qui explique la création des Richtmänner, limite leur efficacité, car nombre de soldats allemands se montrent défiants face à l'institution militaire. Le cas des Richtmänner permet d'éclairer les structures de la Wehrmacht à la fin du conflit, de réfléchir aux modalités du maintien de la troupe au combat et de s'interroger sur la place du groupe primaire comme facteur de cohésion de l'armée allemande.At the End of the Second World War, the Wehrmacht deployed Richtmänner into its ranks to spread the Nazi ideology but also to prevent unwanted behavior from the soldiers. These Richtmänner were simple soldiers, chosen for political reasons and charged with the mission of assisting the political officers (NSFO) by trying to turn the “group of Comrades” into political fighters. However, the Richtmänner were also a coercive tool to control the soldiers: the Richtmann was supposed to fight against the increasing criticism of the soldiers against the military institution. That explains why the Richtmänner are linked to the context of the end of the war: in 1945, the Wehrmacht wanted to reinforce Nazi indoctrination, but if some men still believed in the “final victory”, many others were exhausted by the war. This paper tries to study the case of the Richtmänner to question the structures of the Wehrmacht at the end of the Second World War, the modalities of maintaining the troops in combat and the position of the primary group as a factor of cohesion of the German army.
- Career, Proximity to National Socialism, and Post-War Reception of Dr Kurt Hofmeier, Director of the Children's Clinic at the Reichsuniversität Straßburg (1941-1944) - Aisling Shalvey p. 253-268 Cet article traite de l'ancien directeur de la clinique pour enfants de la Reichsuniversität Straßburg (1941-1944), le Dr Kurt Hofmeier. L'examen de ses motivations, de son affiliation politique et de son expérience professionnelle peut aider à mieux comprendre la situation de la clinique pour enfants et sa place dans le contexte plus large de la Reichsuniversität Straßburg. Sont d'abord exposées les circonstances qui ont conduit à sa nomination à ce poste, son expérience antérieure en pédiatrie, son statut de membre d'organisations nazies et ses publications. Cet article examine ensuite ses activités d'après-guerre, ainsi que sa réception, à la fois en tant qu'universitaire et en tant que médecin. Ce faisant, cette recherche met en lumière l'action d'une personnalité jusque là oubliée et explique comment son rôle a illustré les objectifs de la Reichsuniversität Straßburg.This article discusses the former director of the children's clinic at the Reichsuniversität Straßburg (1941-1944), Dr Kurt Hofmeier. This examination of his motivations, his political affiliation, and his professional experience can help to understand the situation in the children's clinic more clearly and how it fits in the broader Reichsuniversität Straßburg. The circumstances that led to his appointment to this role, his previous experience in paediatrics, his membership status of Nazi organisations, and his publications are first outlined. Following on from this, this article will examine his postwar activities, and indeed his postwar reception both as an academic and as a medical practitioner. In doing so, this research presents a formerly overlooked clinic director and explains how his role exemplified the aims of the Reichsuniversität Straßburg.
- La réserve de propriété ou Eigentumsvorbehalt dans une perspective comparée - Sandie Calme p. 269-275
- Les Richtmänner de la Wehrmacht, des relais de l'idéologie nazie au plus proche des soldats - Geoffrey Koenig p. 239-251
Italiques
- Christian Baechler, La trahison des élites allemandes. Essai sur le rôle de la bourgeoisie culturelle. 1770-1945 - Gilbert Merlio p. 277-281
- François Bafoil, Freud et Weber. L'hérédité – races, masses et tradition - Michel Fabréguet p. 282-284
- Hugo von Hofmannsthal et le Festival de Salzbourg (1917-1929), traduction, présentation, annotation par Jean-Marie Valentin - Raymond Heitz p. 284-287
- Sylvie Toscer-Angot, La reconnaissance de l'islam dans le système éducatif allemand des années 1980 à 2015 - Sylvie Le Grand p. 287-292
- Frédéric Hartweg (1941-2021) - Emmanuel Béhague p. 293-294