Contenu du sommaire : Vers une géographie critique... et réflexive
Revue | Carnets de géographes |
---|---|
Numéro | no 16, 2022 |
Titre du numéro | Vers une géographie critique... et réflexive |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Vers une géographie critique… et réflexive ! - Fabrice Ripoll, Leïla Frouillou
Carnets de débats
- Proposer un atelier pour une autre praxis en géographie critique - Frédérique Blot, Judicaelle Dietrich, Anne-Laure Pailloux Ce texte propose de réfléchir à ces modalités d'échanges et de diffusion des connaissances, en observant notamment les rapports de pouvoir qui s'appuient, dans notre domaine particulier, sur des critères de scientificité qui bien souvent occultent (ou vise à occulter) des rivalités et divergences de positionnement politiques. C'est donc pour répondre à ce projet que nous avons souhaité proposer une forme d'échange (plus) horizontal à propos de la neutralité/de l'engagement et de l'engagement/de la scientificité, en géographie. Au-delà du fond des thématiques et réflexions proposées par les textes rassemblés, notre démarche propose de changer nos pratiques d'échanges scientifiques afin d'éviter les problèmes des présentations pyramidales (dont la forme impose une relation hiérarchique entre auditoire et communiquant.e.s), de les questionner et d'identifier leurs implications en termes de production de rapports de pouvoir et de pointer les limites des formes de communication descendantes.
Varia
- La place des militaires dans les mobilités opérationnelles - Arthur Oldra Force est de constater que, lorsqu'il n'est pas laissé au champ de la géopolitique, le fait militaire n'est pas travaillé en géographie alors qu'il présente des caractéristiques particulières, susceptibles de mettre à l'épreuve des concepts de la discipline et de produire de la connaissance géographique. Dans l'espoir de susciter un intérêt pour une approche géographique du fait militaire, nous souhaitons poser les premiers jalons pour une étude des opérations militaires considérées comme des mobilités. Au-delà du travail empirique qui reste encore à produire, l'article présente plusieurs manières d'approcher les « mobilités opérationnelles » avant de suggérer de faire travailler ces dernières au prisme du concept de place. En choisissant une telle combinaison, on s'aperçoit que le concept de place ouvre des perspectives de compréhension de la construction sociale des identités et de l'habiter.When it is not left to the field of geopolitic, the military fact is not studied in geography even though it presents characteristics that are likely to put the concepts of the discipline to the test and to produce geographical knowledge. In the hope of arousing an interest for a geographical approach of the military fact, we want to lay down the first foundations for a study on militaries operations considered as mobilities. Beyond an empirical work that has yet to be done, the paper presents a few ways to explore the « operational mobilities ». Then, we suggest that these mobilities be examined through the prism of the concept of place (heard as a combination for an individual of a social position with a location). By choosing such an angle, we realize that the concept of place opens perspectives for results on questions of the social construction of identities and on dwelling.
- La place des militaires dans les mobilités opérationnelles - Arthur Oldra
- Proposer un atelier pour une autre praxis en géographie critique - Frédérique Blot, Judicaelle Dietrich, Anne-Laure Pailloux
Carnets de recherches
- Engagements universitaires équivoques en terrain d'innovation énergétique - Annaig Oiry L'article questionne l'implication des sciences humaines et sociales (SHS) au sein du processus de « transition énergétique », en s'interrogeant sur les dispositifs d'acceptabilité des innovations énergétiques, à partir de l'examen du cas français et de la filière des énergies marines renouvelables. Il interroge l'existence d'un biais technophile au sein des institutions de l'enseignement supérieur et de la recherche, en montrant que les critiques anti-industrielles sont parfois invisibilisées. Différents types d'intervention des SHS sont analysés, notamment au sein des dispositifs participatifs comme les débats publics. L'article montre que les SHS jouent parfois un rôle d'accompagnement et de diffusion des innovations énergétiques, mais que l'engagement des chercheurs ou des jeunes diplômés en SHS se fait selon des logiques variées et parfois contradictoires : l'idéal de la participation démocratique est ainsi confronté à des logiques plus pragmatiques (trouver un emploi, questionner « de l'intérieur » un objet d'étude).The article questions the involvement of human and social sciences (SHS) in the "energy transition" process, by examining the acceptability of energy innovations, based on the French case and the marine renewable energy sector. It questions the existence of a technophile bias within institutions of higher education and research, showing that anti-industrial criticism is sometimes invisible. Different types of intervention of SHS are analyzed, within participative devices. The article shows that social sciences and humanities sometimes play a role in accompanying and disseminating energy innovations, but that the involvement of researchers or young graduates in social sciences and humanities follows various and sometimes contradictory logics: the ideal of democratic participation is thus confronted with more pragmatic logics (finding a job, questioning an object of study "from the inside").
- Pratiques partenariales depuis l'université : vers des logiques entrepreneuriales ? - Camille Vergnaud, Camille Noûs A partir d'entretiens (N=146) menés avec des acteurs universitaires de 2013 à 2017, cet article interroge dans quelle mesure l'appartenance universitaire façonne les conditions de possibilité de réalisation de partenariats entre enseignants-chercheurs en Sciences Humaines et Sociales (N=51) et acteurs non académiques, dans une perspective comparative entre l'université de Syracuse (Etats-Unis) et de Paris Nanterre (France). Le statut d'universitaire (titulaire) est souligné comme le principal atout par les enquêté.es en termes de sécurité et d'autonomie de travail. En revanche certaines logiques professionnelles, via une transformation des organisations universitaires (surtout en France) et des normes académiques, sont présentées comme des contraintes fortes, bien que modulées par des effets d'appartenance et de positionnement disciplinaires. Face au renforcement de la place de l'établissement dans la différenciation des conditions de travail et d'accès aux ressources professionnelles (financements, partenaires, reconnaissance), différentes stratégies sont mises en œuvre à l'égard de l'université de rattachement. Celles-ci apparaissent marquées par l'adoption – avec ou sans adhésion d'ailleurs – de logiques entrepreneuriales, comme manière se créer soi-même des conditions favorables aux partenariats. Les logiques de compétition et de rémunération sur fonds propres s'étendent alors aux pratiques des universitaires pour voire par les partenariats afin de les (voire se) financer.Based on interviews (N=146) conducted with academic actors from 2013 to 2017, this article investigates to what extend the academic affiliation shapes the conditions of possibility for partnerships between academics in the Humanities and Social Sciences (N=51) and non-academic actors, in a comparative perspective between Syracuse University (USA) and Paris Nanterre (France). The status of academic (tenured) is underlined as the main asset in terms of security and autonomy of work. On the other hand, some professional logics, driven by important transformation of the university organizations (especially in France) and academic norms, are presented as strong constraints, although modulated by disciplinary effects. Taking into account the growing role of the university of affiliation in the differentiation of working conditions and the access to professional resources (funding, partners, recognition), different strategies are implemented by the academics. These strategies are characterized by the adoption - with or without adhesion - of entrepreneurial logics, as a way of creating by oneself the favorable conditions to develop partnerships. Academics then seek to develop their own funds and become more dependent on private resources or competitive calls for projects, in order to finance their partnership projects, or even to use them to finance their other activities.
- Un terrain « du proche ». Le militantisme et la recherche à l'épreuve de l'occupation d'une université - Xavier Dunezat, Anne-Cécile Hoyez, Pascal Jarno Cet article mobilise la sociologie des mouvements sociaux, l'ethnographie des mobilisations, et la géographie sociale. Il articule une approche socio-spatiale des mouvements sociaux avec une dimension réflexive sur les liens entre recherche et militantisme. Aussi, cet article organise la restitution de l'expérience de ses trois auteurs. Après avoir présenté les éléments de contexte qui ont conduit à l'occupation d'une université par deux mouvements d'occupation distincts (une occupation étudiante ; une occupation par « le Collectif » – un groupe militant de soutien aux personnes sans-papiers), l'article détaille les liens entre espaces de l'occupation et pratiques militantes, en illustrant comment l'université occupée est devenue un « terrain du proche » déstabilisant les rapports de luttes, de dominations et de négociations pour les membres du Collectif. Enfin, l'article revient sur la façon dont ce « terrain du proche », sensible et familier, vient mettre à l'épreuve les postures de recherche et les routines professionnelles. Finalement, ce travail réflexif montre combien l'occupation défait les routines militantes et les pratiques de recherche, en contraignant leurs interactions à un nouveau type de cadrage.This article steps on sociology of social movements, ethnography of mobilisations, and social geography. It articulates a socio-spatial approach of social movements with a reflexive dimension on the links between research and activism. Also, this article proposes the restitution of the experience of its three authors. After presenting the contextual elements that led to the occupation of a university by two distinct occupation movements (a student occupation; an occupation by "the Collective" - a support group for undocumented immigrants), the article details the links between spaces of occupation and militant practices, illustrating how the occupied university has become a “fieldwork of closeliness” destabilizing the relationships of struggles, dominations and negotiations for the members of the Collective. Finally, the article questions the way in which this sensitive and familiar “fieldwork of closeliness” challenges research postures and professional routines. Finally, this reflective work shows how the occupation undoes militant routines and research practices, forcing their interactions into a new type of framing.
- Une approche critique de la professionnalisation par la géographie - Jean-François Thémines L'article propose l'analyse de portfolios d'étudiants en formation initiale au professorat d'histoire-géographie. Cette analyse vise à repérer comment leurs auteurs y appréhendent la spatialité de leurs pratiques débutantes. Il s'agit d'explorer l'enjeu de constitution de la géographie en ressource analytique pour ces étudiants, dans des formations universitaires confrontées à une prescription de professionnalisation qui efface la dimension spatiale dans le travail prescrit.The article proposes the analysis of electronic portfolios made in training by beginner history-geography teachers. It is a question of understanding how beginners grasp the spatiality of their practices. For the researcher who is also responsible for this training, the challenge is the challenge is to make geography an analytical resource for these young teachers, while the prescription of professionalisation of teachers denies the spatial dimension of their work.
Varia
- La violence de la fabrique de la ville - Marie Beschon La violence de l'aménagement est souvent réduite à l'impact socio-économique des transformations urbaines sur les habitants. Et, lorsque critiques il y a envers la tentation démiurgique de l'architecte-urbaniste au sein des grands opérations urbaines, elles sont pour la plupart nuancées dès lors qu'est revendiquée la démarche d'un urbanisme de projet, qui serait plus intégrateur et horizontal. Or l'examen du projet Euroméditerranée à Marseille, qui se réclame d'un urbanisme respectueux de l'existant, n'échappe pas au constat de situations de violences sociale, symbolique et physique envers le territoire et les habitants. Le présent article postule que la violence de l'aménagement est présente dès les coulisses des projections des aménageurs et notamment dans la difficulté des professionnels à prendre en compte les habitants. Cette violence est interrogée depuis les coulisses de l'Etablissement Public d'Aménagement d'Euroméditerranée (EPAEM), à Marseille, en charge d'un projet de rénovation urbaine déclaré Opération d'Intérêt National en 1995. L'article se nourrit d'une ethnographie réalisée entre novembre 2013 et juin 2016 et, plus précisément, d'observations des aménageurs de l'EPAEM menées entre novembre 2013 et juin 2014.The violence of urban planning is often reduced to the socio-economic impact of urban transformations on the inhabitants. And, when there are criticisms of the demiurgic temptation of the architect-urban planner within major urban operations, they are for the most part nuanced when the approach of a project-based urbanism is claimed, which would be more integrative and horizontal. However, the examination of the Euroméditerranée project in Marseille, which claims to respect city as it stands, does not escape the observation of situations of social, symbolic and physical violence against the territory and the inhabitants. This article postulates that the violence of urban planning is present behind the scenes of the projections of the planners and in particular in the professionals' difficulties to consider the inhabitants. This violence is questioned from behind the scenes of the Euroméditerranée Public Development Establishment (EPAEM), in Marseille, in charge of an urban renewal project declared Operation of National Interest in 1995. The article is based on an ethnography carried out between November 2013 and June 2016 and, more specifically, on observations of EPAEM planners carried out between November 2013 and June 2014.
- La tarification incitative : enjeux et problèmes d'acceptabilité sociale d'une fiscalité écologique - Emilie Laurent La gestion des déchets ménagers est source de controverses et un certain nombre d'études porte sur les conflits relatifs à la localisation des infrastructures de traitement. Nous proposons dans cet article de traiter d'un instrument d'action publique présenté comme une solution pour réduire les déchets des ménages, et potentiellement limiter l'usage de ces équipements rejetés : la tarification incitative. Cet outil de fiscalité écologique revêt aussi des enjeux d'acceptabilité sociale et cet article, issu d'une recherche menée en région Centre-Val de Loire, tentera d'en cerner les contours pour proposer des pistes de réflexion.Household waste management is a source of controversy, and a number of studies have focused on conflicts over the location of treatment facilities. In this paper, we propose to focus on a public action instrument presented as a solution to reduce household waste, and potentially limit the use of these treatment facilities: incentive pricing. As an ecological tax, this tool also has social acceptability issues and this article, which is the result of research carried out in the Centre-Val de Loire region, will attempt to define the outlines of this tool in order to propose avenues for reflection.
- La violence de la fabrique de la ville - Marie Beschon
- Engagements universitaires équivoques en terrain d'innovation énergétique - Annaig Oiry
Carnets de terrain
- Photographier les rapports de pouvoir, une mise au point depuis Conakry (Guinée) - Julie Gangneux-Kebe Alors que la photographie est régulièrement utilisée, par exemple, par les mouvements sociaux et par la presse pour mettre en visibilité les formes de protestation et de lutte sur l'espace ; les relations plus ordinaires, elles, le sont moins. La photographie mise en œuvre dans le temps et en des lieux précis devient alors autant une preuve visible de la démarche d'enquête pour le/la chercheur.e que le support “invisible” des sociabilités, témoin clé des rapports affectifs au lieu. À partir d'une enquête qualitative menée entre 2014 et 2016 aux abords d'infrastructures routières dans la capitale guinéenne, nous nous proposons ici de déchiffrer les rapports de pouvoir qui se déploient de manières permanentes, temporaires ou exceptionnels dans ces espaces traversés au quotidien. Associée à la parole habitante, l'image révèle toute l'ambigüité d'une pensée aménagiste conçue ex-nihilo (l'infrastructure) comme elle met en lumière la complexité et la singularité des fabriques ordinaires de la ville qui se tissent à Conakry. Elle permet alors de restituer les “fabriques du bas”, des “interstices“ et stratégies sociospatiales d'investissement de l'espace par et pour les habitants tout en interrogeant les perceptions et représentations des individus, sociétés et leur rapport au territoire vécu.While photography is regularly used, for example, by social media and by the press to highlight forms of protest and struggle in space ; more ordinary relationships are less study. The photograph implemented in time and in precise places then becomes as much visible proof of the investigative process for the researcher as the “invisible” support of sociability, a key of the affective relation to the place. Based on a qualitative survey between 2014 and 2016 near road infrastructure in the Guinean capital, we are here to study the power relations that are deployed in ways, permanent or exceptional in these spaces crossed everyday. Associated with the inhabitant's speech, the photographic image reveals all the ambiguity of a planning thought conceived ex-nihilo (the infrastructure) as it highlights the complexity and the singularity of the ordinary fabric of the city in Conakry. It then makes it possible to restore the “bottom fabric” and the socio-spatial strategies of investment of space by and for the inhabitants while questioning the perceptions and representations of individuals, societies and their relationship to the lived territory.
- Photographier les rapports de pouvoir, une mise au point depuis Conakry (Guinée) - Julie Gangneux-Kebe
Carnets d'enseignements
- Les étudiant·es de l'université populaire ne sont pas celles qu'on croit - Ségolène Darly, Marion Tillous
- Les pédagogies féministes et la géographie - Maria Kherbouche
Carnets de soutenances
- Comprendre les représentations pour favoriser un développement touristique durable dans trois territoires insulaires ultramarins (Nouvelle-Calédonie, Polynésie française, Réunion) - Michel Buhot
- La Ville au filtre des gardiens de sécurité : domination et territoires urbains, Delhi - Damien Carrière
- Quand le périurbain est militant. L'engagement associatif local en faveur de l'environnement - Elodie Dupuit
- Travailleurs agricoles migrants et tomates à industrie en Italie du Sud : les enjeux d'une délocalisation sur place - Romain Filhol
- Les réfractaires du désert - David Frati
- Géographie des lieux abandonnés - Aude Le Gallou
- Towards a geography of persecution: the case of the Arts-et-Métiers and the Enfants-Rouges quarters of the third arrondissement of Paris, 1940-1944 - Maël Le Noc
- Des territoires au cœur d'un conflit d'aménagement. Stuttgart 21 et la Magistrale européenne Paris-Budapest - Anaïs Volin
Carnets de lecture