Contenu du sommaire : Histoires économiques de l'Union Soviétique

Revue Cahiers du monde russe Mir@bel
Numéro volume 64, no 1, janvier-mars 2023
Titre du numéro Histoires économiques de l'Union Soviétique
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  • Dossier. Histoires économiques de l'Union soviétique

    • Histoires économiques de l'Union soviétique : Introduction - Juliette Cadiot, Sophie Lambroschini, Anne O'Donnell p. 9-21 accès libre
    • Economic histories of the Soviet Union : ‪Introduction‪ - Juliette Cadiot, Sophie Lambroschini, Anne O'Donnell p. 23-34 accès libre
    • A movable feast: Property-breaking and property-making after the Russian Revolution - Anne O'Donnell p. 35-62 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Le sujet de l'article, la dépossession des biens meubles, constitue un espace dans lequel s'articulèrent les processus principaux de la révolution : violence politique, transformation sociale et construction de l'État. L'étude se limite à la période comprise entre l'été 1917, époque à laquelle les types de saisie établis par la loi au bénéfice de l'État pendant la première guerre mondiale (la « réquisition » et la « confiscation ») furent dévoyés, et le 16 avril 1920, date à laquelle le Sovnarkom redonna un cadre légal à la saisie des biens meubles par un décret qui, pour la première fois depuis la révolution, donnait une définition de la « réquisition » et de la « confiscation ». Après un bref aperçu des multiples façons de perdre des objets pendant la période révolutionnaire, l'article examine l'étape qui fait suite à la saisie : qu'advenait-il des biens saisis ? Comment, de privés, ces biens devenaient-ils propriété nationale ? Cette dernière question sous-tendait les programmes de nationalisation dans tous les secteurs de la vie économique. Cependant, elle présentait un défi particulier en ce qui concernait les biens domestiques du fait même de leur nature et du sens attribué à leur redistribution en tant que mesure du progrès de la révolution elle-même. En fin de compte, l'État s'avéra incapable de se muer en propriétaire mobilier et, dans un premier temps, para à son incapacité en abolissant totalement la propriété mobilière avant de réinstaurer un cadre légal de la propriété privée dans la société révolutionnaire.
      The article focuses on the dispossession of movable goods as a site where the key processes of the Revolution—political violence, social transformation, and state-building—came together. Its scope is chronologically limited to the period between the summer of 1917, when forms of seizure that had been legally defined for state use during the First World War as “requisition” and “confiscation” jumped off of their wartime rails, and April 16, 1920, when the Sovnarkom returned the seizure of movable property to a clear legal footing with a decree defining “requisition” and “confiscation” for the first time since the Revolution. After a brief look at the many ways there were to lose things in the revolutionary era, the article examines the afterlife of dispossession: what happened to seized goods, and how to make erstwhile personal possessions the property of the state. This problem undergirded the state's nationalization programs in every sphere of economic life. But it posed a special challenge in the realm of household goods, because of their qualities and because of the significance invested in their redistribution as a metric for the progress of the Revolution itself. Ultimately the state proved unable to fashion itself into an adequate proprietor of movable goods and dealt with its incapacity first by trying to eliminate the category as a whole before reintroducing legal formats of personal possession into revolutionary society.
    • “This could only have been done by a person of the capitalist breed”: Retail price increases in the late Soviet Union (1977-1983) - Anna Ivanova p. 63-86 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      L'article étudie une tentative de réforme de l'économie en Union soviétique tardive visant à réduire les pénuries de biens de consommation et freiner l'expansion du marché noir grâce à des augmentations successives des prix de vente des « biens non essentiels » entre 1977 et 1983. Selon l'un des principes majeurs de la science économique soviétique et contrairement à la pratique capitaliste, les prix ne devaient pas être fonction du marché, mais se baser sur le coût du travail investi dans la production. Avec les augmentations de salaires, les prix bas et stables devinrent la pierre angulaire d'une politique d'État visant la prospérité économique pour tous. Cependant, à la fin des années 1970, le gouvernement dut revenir sur ses principes et augmenta sensiblement les prix de « biens non essentiels », notamment des tapis, de la cristallerie, des voitures et des fourrures. La mesure visait principalement à contrer les trafiquants clandestins qui s'enrichissaient grâce à leur activité économique illégale et achetaient régulièrement ces articles à des prix artificiellement bas. Cependant, elle provoqua le ressentiment du public. Même si nombre de citoyens n'avaient pas l'intention d'acheter les biens dont les prix augmentaient, la seule annonce de l'augmentation du prix de ces articles de luxe mettait en lumière l'accroissement des inégalités et la trahison par l'État des principes socialistes.
      The article studies an attempt at late Soviet economic reform consisting in mitigating consumer goods shortages and the growth of the black market, namely a series of retail price increases for “non-essential goods” between 1977 and 1983. A major principle of Soviet economics was that in contrast to capitalist countries, prices in the Soviet Union were supposed not to be defined by the market, but were to be based on the cost of labor invested in production. Low stable prices, together with rising wages, became the cornerstone of a state policy designed to bring about widespread economic prosperity. By the end of the 1970s, however, the government had to compromise its principles and significantly increased prices for “non-essential goods” such as rugs, crystalware, cars, and furs, among others. The goal of this measure was primarily to retaliate against underground dealers who grew rich thanks to their illegal economic activity and regularly purchased these luxury items at artificially low prices. However, this policy provoked resentment among the broader population. While many citizens were not planning to buy the goods on which prices rose, the very announcement of price increases for luxuries spotlighted for them the growth of economic inequality and the state's betrayal of socialist principles.
    • Constructing the average workers' family budget after Stalin - Kristy Ironside p. 87-108 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      L'article examine des études relatives au budget familial « moyen » publiées à l'ère de Hruščev, après le XXe congrès du parti de février 1956 et la promesse du pouvoir soviétique de mieux répondre aux besoins matériels de la population. Bien que présentées comme un reflet objectif de la réalité mettant en valeur l'autorité des experts en statistiques et le pouvoir des chiffres, ces études offraient en fait des constructions idéalisées de la composition des familles et de leurs pratiques économiques ainsi que des présomptions genrées sur la contribution des hommes et des femmes au budget domestique normatif. En même temps, ces études jouaient un rôle pédagogique important à cette époque, car elles contribuaient à expliquer les avantages qu'il y avait à se détourner des politiques staliniennes, tels le stakhanovisme et les réductions de prix systématiques, vers des politiques moins flagrantes, mais, était-il expliqué, manifestement plus avantageuses, tels les « revenus invisibles » des ouvriers provenant des prestations gratuites, ou hautement subventionnées, de l'État-providence.
      The article looks at published “average” family budget studies in the Khrushchev era following the February 1956 Twentieth Party Congress and the Soviet government's pledge to more fully meet the population's material needs. Despite being portrayed as objective reflections of reality, harnessing the expert authority of statisticians and the power of numbers, as this article shows, these studies in fact featured highly idealized constructions of family composition and economic practices, as well as gendered assumptions about men's and women's contributions to the normative household budget. At the same time, published “average” family budget studies played an important pedagogical role during this time, helping to explain the benefits of shifts away from Stalin-era policies, such as encouraging Stakhanovite overproduction and bestowing routine retail price cuts on the population, and toward more abstract but, as it was argued, more tangibly beneficial policies like workers' “invisible earnings” from the free or highly subsidized benefits of the Soviet welfare state.
    • План и рынок в cоветской экономике : Товарообменные операции в 1930-е – 1950-е годы - Олег Хлевнюк p. 109-134 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      L'économie soviétique planifiée ne s'est jamais entièrement pliée à des lois ou des règlements. Comme les ressources importantes étaient essentiellement réservées aux secteurs prioritaires, le système se trouvait dans un désordre permanent. La mauvaise exécution des plans déclenchait des réactions en chaîne de ruptures dans les liens économiques. On suppléait souvent à ces ruptures en utilisant diverses méthodes informelles, telles les relations personnelles entre les administrations des entreprises et les opérations sur les « marchés noirs ». L'article examine l'interaction des plans et de ce que l'on peut appeler une distribution des ressources typique du marché soviétique. L'attention de l'auteur se porte sur plusieurs problématiques, parmi lesquelles le déficit du système de distribution planifiée soviétique et ses conséquences ; les échanges de produits et de matières premières entre les entreprises en dehors de l'économie planifiée ; la réaction de l'État à ces échanges et leur criminalisation ; et le rejet de la règlementation sévère des affaires dans le cadre des réformes poststaliniennes.
      The Soviet planned economy never completely followed laws and regulations. As significant resources were concentrated primarily in priority areas, the system existed in a state of constant disorder. The poor execution of plans started chain reactions of breaks in economic ties. Mending the gaps was often done using various informal methods, personal relations between the enterprises' administrations, and operations on “black markets.” The article examines the interaction of plans and what can be called a specific Soviet market distribution of resources. The focus is on several issues. The first is the deficit in the Soviet planned distribution system and its consequences. The second has to do with the exchanges of products and raw materials between enterprises outside the planned economy. The third is the state's reaction to such exchanges and their criminalization. The fourth is the rejection of strict regulation of deals as part of the post-Stalin reforms.
    • “Economic levers” in the Soviet Union in the late 1940s: From “workarounds” to tools for reform and the construction of communism - Giovanni Cadioli p. 135-170 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      L'article étudie les aspects économiques et théoriques des « leviers économiques », la monnaie, les prix, le commerce, le crédit, le profit, les primes et le hozrasčet (« comptabilité analytique »), en Union soviétique. Sur la base de documents d'archive originaux, l'auteur concentre son étude sur la fin des années 1940 et soutient qu'entre 1946 et 1949, le but établi de renforcer les « leviers économiques » eut des implications pratiques et théoriques significatives. Il montre comment les politiques visant à s'appuyer plus sur les coûts, les prix, les profits et les primes, bien que très rapidement abandonnées en même temps que leurs ramifications idéologiques, exacerbèrent la tension qui existait entre ces « leviers » et la planification centralisée. L'étude nous aide à comprendre les tensions structurelles inhérentes à l'économie soviétique et les premières tentatives d'amendement par les « leviers économiques » des distorsions de plus en plus macroscopiques de l'économie planifiée.
      The article focuses on the economic and theoretical aspects of “economic levers” — money, prices, trade, credit, profit, bonuses and khozraschet (“economic cost-accounting”) — in the Soviet Union. Using original archival sources, it specifically looks at the late 1940s and argues that between 1946 and 1949, the stated goal of strengthening “economic levers” had meaningful practical and theoretical implications. The article demonstrates how policies aimed at further expanding reliance on costs, prices, profits, and bonuses, albeit soon reversed together with their ideological ramifications, highlighted the existing tension between such “levers” and centralized administrative planning. This study contributes to our understanding of structural tensions within the Soviet economy and of early attempts to remedy the command system's increasingly macroscopic distortions through “economic levers.”
    • Deviant and patriotic: Rogue Soviet international banking practices and the blurred boundaries of corporate norms. The collapse of the Soviet Bank in Zurich, 1982-1986 - Sophie Lambroschini p. 171-198 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      L'article étudie les schémas, les pratiques, les acteurs des opérations frauduleuses commises dans les banques internationales soviétiques et l'influence probable de ces malversations sur les comportements du marché postsoviétique. Une étude au niveau micro d'un épisode de rogue banking à la banque soviétique de Zurich au milieu des années 1980 révèle la réaction technocratique des autorités soviétiques et suisses à ce phénomène. La perception par les banquiers soviétiques de la supériorité de la gouvernance occidentale les a conduits à considérer certaines formes de transgression comme acceptables au nom de l'intérêt économique de l'État soviétique. L'auteure affine la narration, selon laquelle les pratiques informelles soviétiques et postsoviétiques étaient ancrées dans l'économie planifiée soviétique, en montrant que l'expérience capitaliste soviétique avait également eu un rôle à jouer. Elle conclut que l'attitude des acteurs des banques et des institutions vis-à-vis de la prise de risque et des transgressions présente des caractéristiques qui transcendent les différences systémiques. L'enquête se base sur un corpus de sources archivistiques principalement primaires et d'entretiens.
      This article investigates patterns, practices, and actors of corporate (mal-)practices of rogue banking in Soviet international banking and how this experience may have influenced post-Soviet market behavior. A micro-level study of rogue banking at the Soviet bank in Zurich in the mid-1980s shows that Soviet and Swiss authorities reacted technocratically to the phenomenon. The Soviet international bankers' perception of the superiority of Western governance led them to frame some forms of transgression as acceptable in the name of the Soviet state's economic interest. The article refines the narrative of Soviet and post-Soviet informal practices as grounded in the Soviet planned economy by showing that the Soviet capitalist experience also had a role to play. The article concludes that the way in which corporate and institutional stakeholders treat risk-taking and transgressions has characteristics that transcend systemic differences. The investigation is shaped by a corpus of mostly primary archival sources and interviews.
    • Help at all Costs: Food loans and famine relief in the late Russian Empire - Immo Rebitschek p. 199-226 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      L'Empire russe tardif disposait d'un système unique d'aide aux victimes de la famine qui apportait de l'aide alimentaire à crédit. Aucun autre État n'a aussi massivement mis en œuvre l'endettement dans la prévention de la famine dans sa population. L'article analyse une opération d'aide aux victimes de la famine entre 1891 et 1893 et étudie les raisons pour lesquelles l'Empire russe avait majoritairement recours aux prêts alimentaires pour faire face à la menace de famine. Il montre la dépendance structurelle et culturelle de l'État à l'égard de ce système coûteux et financier, le fonctionnement et le degré d'efficacité de celui-ci, qui n'était aucunement conçu pour être humanitaire mais qui, en substance, sauva des millions de vies. Il montre également comment les craintes culturelles liées à l'endettement et à l'improductivité de la paysannerie freinèrent les opérations d'assistance, mais aussi comment elles incitèrent l'État à transformer ses prêts en dons. L'autocratie répondit aux besoins sociaux systématiquement en équilibrant l'humanitaire et la responsabilité comptable.
      Late Tsarist Russia commanded a unique system of famine relief that provided food aid on credit. No other state operationalized debts this copiously in order to prevent its populace from starving. The article analyses the hunger relief operation between 1891 and 1893, examining why the Russian Empire resorted to food loans as the major tool to counter the threat of famine. It shows how it worked and to what extent it actually provided relief. It demonstrates how the Russian government was structurally and culturally dependent on this cost ineffective and provisional relief system that neither by design nor by name was supposed to be humanitarian but in essence saved millions of lives. It shows how on the one hand cultural fears of peasant indebtedness and unproductiveness stalled relief efforts while on the other hand these very fears prompted the state to turn loans into donations. The autocracy systematically addressed social needs – by balancing humanitarianism and financial accountability.
    • Научно-техническая интеллигенция в объективе карательной политики ОГПУ-НКВД, 1929-1939 гг. (на материалах Северного края) - Elizaveta V. Khatanzeiskaya p. 227-254 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      L'article suit l'évolution de la politique répressive soviétique envers l'intelligentsia scientifique et technique dans les entreprises clés de la région Nord pendant la décennie précédant la seconde guerre mondiale, 1929-1939. L'auteure examine les répressions exercées sur les techniciens spécialisés qui avaient reçu leur formation et acquis leur savoir-faire et leur expérience avant la révolution et qui travaillaient dans le secteur clé de la région, l'exportation du bois. Malgré les interdictions formelles de recruter des personnes d'« origine sociale étrangère » dans les entreprises, le pouvoir local était obligé de recourir à l'expérience de ces personnes pour les besoins de l'industrialisation. L'auteure identifie les étapes, les spécificités régionales et les résultats de la répression sur ces techniciens. Avant la guerre, le pouvoir soviétique projetait de les remplacer par des « cadres soviétiques ». Cependant, la répression n'entraîna pas de remplacement systématique de ces techniciens par les communistes sélectionnés, mais l'augmentation de la pénurie de main d'œuvre qualifiée, l'immobilisation des équipements et des avaries. En conséquence, l'exportation de bois, ainsi que d'autres secteurs, fit face à une crise systémique. Les répressions eurent un effet négatif global, tant sur le potentiel économique, que sur la formation de personnel qualifié dans les secteurs importants de la région, la gestion, la science, l'éducation ou la culture.
      The article traces the evolution of the Soviet repressive policy towards the scientific and technical intelligentsia in the key enterprises of the North region during the pre-war decade, 1929-1939. The author focuses on repressions of technical specialists with pre-revolutionary education, skills and work experience who were involved in the core industry of the region, timber export. Despite the formal prohibitions on the recruitment of people of “socially alien origin” in Soviet enterprises, the authorities of the region were obliged to use those people's work experience for the purposes of industrialization. The author identifies the stages, regional specificities, and results of the repressive policy towards specialists with a pre-revolutionary background. During the pre-war period, the Soviet leadership planned to replace old-time experts with “Soviet cadres.” However, the policy of repression in the region did not lead to a consistent replacement of pre-revolutionary technical specialists with the communist nominees but to an aggravation of the shortage of qualified personnel, equipment downtime and breakdowns. As a result, the core regional industry, timber export, as well as other industries, found itself in a systemic crisis. The repressions had an extremely negative impact on the economic potential, the training of qualified personnel in the basic industries of the region, and on management, science, education, and culture.
  • Livres reçus - p. 263-264 accès réservé