Contenu du sommaire : Relations afro-chinoises : décentrer l'analyse
Revue | Revue internationale des études du développement |
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Numéro | no 252, 2023/2 |
Titre du numéro | Relations afro-chinoises : décentrer l'analyse |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Introduction : décentrer l'analyse des relations afro-chinoises. Quelle agencéité africaine ? - Thierry Pairault, Folashadé Soulé, Hang Zhou p. 7-26
Dossier
- Déconstruire la cartographie des relations sino-africaines : le cas des ports - Xavier Aurégan p. 29-55 Cet article propose une vision critique des productions – cartographiques – universitaires portant sur les rôles chinois dans les ports africains. Pour ce faire, une contre-représentation cartographique de ces présences chinoises est générée afin de prendre en compte tout d'abord les modalités d'intervention chinoises, de déconstruire ensuite la cartographie afférente et, enfin, d'inverser les représentations et la cartographie afro-chinoise portuaire. Les résultats de l'enquête font état d'une présence chinoise multimodale qui peut être qualifiée de parcellaire, avec 55 ports et 12 ports secs africains financés, construits et/ou subsidiairement gérés par un acteur chinois, mais également 149 qui ne le sont pas.This article offers a critical view of university cartographic productions regarding the roles of the Chinese in African ports. For this purpose, a cartographic counter-representation of these forms of Chinese presence is generated in order first to take into account the methods of Chinese intervention, before deconstructing the related cartography, and finally reversing representations and Afro-Chinese port cartography. The results of the survey show a multimodal Chinese presence in Africa which can be described as fragmented, with 55 ports and 12 dry ports financed, built, and/or managed by Chinese subsidiaries, but also 149 which are not.
- Ghana's Free Zones Strategy and the “Role of China” in It - Paola Pasquali, Wei Xu p. 57-81 Cet article s'intéresse à l'histoire des zones franches au Ghana et à la stratégie mise en place par les décideurs politiques du pays. Il s'interroge sur le rôle de la Chine dans ce contexte, tant en ce qui concerne la présence d'entreprises chinoises qu'en matière de référence à un « modèle chinois » de développement des zones franches. D'une part, le succès des zones économiques spéciales en Chine a validé ce modèle et justifié la création de « ZES chinoises » dans quelques pays africains. D'autre part, malgré la présence importante d'entreprises et d'investisseurs chinois au Ghana – dont un nouveau technopôle chinois –, nous constatons que le rôle de la Chine dans le domaine des zones franches ghanéennes est négligeable. Ce résultat, ainsi que l'absence de « ZES chinoises » au Ghana, peut s'expliquer par une multitude de variables, notamment : les stratégies des dirigeants et décideurs ghanéens, le cadre et la trajectoire du pays en ce qui concerne les zones franches, l'environnement des affaires et des occasions politiques ratées.This paper explores the history of free zones in Ghana and Ghanaian policy makers' related strategy. It looks at the “role of China” in these zones: both in terms of Chinese companies' presence there, and in terms of reference to a “Chinese model” to develop free zones. On the one hand, the domestic success of special economic zones in China has validated this model and justified the creation of “Chinese SEZs” in a few African countries. On the other hand, despite a significant presence of Chinese investors and companies in Ghana - including one newly established Chinese industrial park - we find that China's role in Ghanaian free zones is negligible. We attribute this finding, together with the absence of “Chinese SEZs” in Ghana, to a host of variables, including: Ghanaian leaders' and policy-makers' strategies, the country's framework and trajectory with regard to free zones, the business environment, and some missed political opportunities.
- Le rôle des cadres (nord-)africains dans des filiales chinoises de construction en Algérie - Hicham Rouibah p. 83-111 Sur les chantiers de la nouvelle ville de Bejaïa, au centre-est de l'Algérie, deux filiales chinoises (China Railway Construction Corp. et China Communications Construction Compagny), chargées de la construction de la moitié d'un projet de logements publics, décident en 2017 de s'autofournir en granulats nécessaires à la construction. Pour ce faire, les filiales doivent s'appuyer sur les capitaux fixes déjà bien implantés dans la région mais surtout compter sur deux cadres peu communs dans leur rang : un ingénieur algérien et l'autre malien ; chacun ayant une mission spécifique afin de convaincre les autorités algériennes de leur attribuer cette internalisation des agrégats. À l'aide d'une méthode mixte (observations, entretiens et analyse documentaire de l'entreprise), nous décrivons ce processus inédit dans l'histoire de l'implantation des groupes chinois de construction en Algérie.On the construction sites of the new city of Bejaïa, in central-eastern Algeria, two Chinese subsidiaries (China Railway Construction Corp. and China Communications Construction Company Ltd.), which were in charge of building half of this public housing project, decided in 2017 to self-supply the aggregate materials needed for the construction. To do so, the subsidiaries relied on fixed capital, which was already well established in the region, and on two rather unusual executives among their ranks: an Algerian engineer and a Malian one, each with a specific mission to convince the Algerian authorities to allow their companies to internalize these aggregate materials. Using a mixed-method approach (observations, interviews, and documentary analysis), this article describes this unprecedented process in the history of Chinese construction groups in Algeria.
- Apprendre auprès des équipes médicales chinoises au Cameroun - Jean-Marie Oppliger p. 113-136 Les échanges de savoirs et savoir-faire sont décrits par la Chine comme une des réussites du programme des équipes médicales chinoises (EMC) en Afrique, mais ont encore peu été étudiés. L'étude du cas de l'hôpital de Mbalmayo, au Cameroun, où se trouve une EMC, permet d'interroger l'influence des acteurs camerounais sur ce programme. La plupart se désintéressent des échanges en raison des logiques financières et de carrisères qui caractérisent le système de santé publique camerounais. Les seuls intéressés sont en situation de précarité ou font face à des blocages de progression professionnelle et cherchent ainsi à développer des activités privées. L'apprentissage auprès des EMC se valorise pour eux dans des activités qui se situent à la marge du public et du privé.Knowledge and know-how sharing is described by China as one of the successes of the Chinese medical teams (CMT) program in Africa, yet it has scarcely been studied. The case study of the EMC at the Mbalmayo Hospital in Cameroon allows examining the influence of Cameroonian actors on this program. Most are not interested in such sharing because of the financial considerations and career paths that characterize the public health system in Cameroon. Those who are interested lack job security or face obstacles to their professional advancement, and thus seek to develop private activities. What they learn with CMTs is useful to them in activities that are at the intersection of public health and private practices.
- La figure du « facilitateur » dans la promotion du kung-fu au Cameroun et au Gabon - Alexandre Mathys p. 137-160 La diffusion des arts martiaux chinois en Afrique a été investie par Pékin dans le cadre du déploiement de sa diplomatie culturelle en Afrique. Des intermédiaires participent à cette diffusion, notamment au Cameroun et au Gabon. Cet article présente le rôle nouveau et peu étudié de ces acteurs, entre diplomatie informelle et intérêts personnels. Vivant sur place ou à l'étranger, ils utilisent leur statut d'« amis de la Chine » pour alimenter leur réseau local et se réapproprient ou élaborent des projets pour leur propre compte grâce à leur position. De par ce fonctionnement dans les interstices du soft power chinois, ces « facilitateurs » profitent, selon nous, du manque étonnant de suivi du gouvernement chinois dans le domaine de sa diplomatie culturelle.The dissemination of Chinese martial arts in Africa has been an active part of Beijing's cultural diplomacy in Africa. Intermediaries participate in this dissemination, particularly in Cameroon and Gabon. This article presents the new, scarcely studied role of these actors, between informal diplomacy and personal interests. Living locally or abroad, they use their “friends of China” status to grow their local network and reclaim or develop their own projects thanks to their position. As this phenomenon takes place on the margins of China's soft power, these “facilitators” may take advantage of the astonishing lack of follow-up by the Chinese government in the field of its cultural diplomacy.
- Repenser par le bas les échanges universitaires afro-chinois - Wenling Liu, Camille Salgues p. 161-185 Les jeunes Africains qui étudient en Chine sont censés contribuer à jeter un « pont » entre ce pays et le leur. Cependant, leur expérience est rarement envisagée comme le socle sur lequel est bâti ce pont. Cet article s'appuie sur une enquête qualitative et exploratoire menée à Chengdu en 2022 alors que les frontières sont encore fermées en raison de la pandémie de Covid-19. Les témoignages recueillis auprès d'étudiants africains francophones montrent l'ambiguïté de l'accueil reçu, les arbitrages difficiles qu'ils doivent faire concernant l'apprentissage du chinois, ou encore les ressorts parfois mal compris d'une sociabilité peu sinisée. Un éclairage sur ces difficultés permet ainsi de poser des premiers jalons afin de repenser « par le bas » les échanges universitaires afro-chinois.Young Africans studying in China are expected to help build a “bridge” between this country and their own. However, their experience is rarely seen as the foundations on which this bridge is built. This article is based on a qualitative exploratory survey conducted in Chengdu in 2022, when the borders were still closed due to the Covid-19 pandemic. The testimonies collected from French-speaking African students show the ambiguity of their reception, the difficult choices they have to make when it comes to learning Chinese, or the sometimes misunderstood workings of their scarcely Sinicized sociability. Shedding light on these difficulties thus allows preparing the ground to rethink Afro-Chinese university exchanges “from the ground up.”
- Déconstruire la cartographie des relations sino-africaines : le cas des ports - Xavier Aurégan p. 29-55
Varia
- Livestock Farming in Indian Agrarian Change: Does it Benefit the Poor? - Claire Aubron, Sébastien Bainville, Olivier Philippon p. 189-224 En s'appuyant sur treize études de terrain, cet article propose une interprétation intégrée des Révolutions verte et blanche en Inde. L'élevage, qui jouait auparavant un rôle clé dans l'agriculture, s'est trouvé marginalisé par l'irrigation. Les grands propriétaires terriens ayant accès à l'eau ont tendance à abandonner le bétail au profit de cultures irriguées pour lesquelles ils embauchent des ouvriers. Les petits exploitants et les travailleurs sans terre restent, quant à eux, considérablement impliqués dans l'élevage. Cependant, l'élevage laitier génère des revenus d'autant plus faibles que l'accès aux ressources est limité. La Révolution blanche ne s'est donc pas avérée être une voie efficace pour sortir de la pauvreté, mais combinée à la Révolution verte, elle a permis une augmentation de la productivité agricole, sans transformer profondément la répartition des terres, mais en limitant l'exode rural.Based on 13 field studies, this paper provides an integrated interpretation of India's Green and White Revolutions. Livestock farming, which used to play a key role for cultivation, has been marginalized by irrigation. Large landowners with access to water have tended to abandon livestock and focus on irrigated crops for which they hire labourers. Smallholders and landless labourers are, for their part, massively involved in livestock farming. However, dairy farming generates income that is all the lower as access to resources is limited. Hence, the White Revolution has not proved an effective way out of poverty, but combined with the Green Revolution, it has allowed agricultural productivity to increase, thus limiting rural exodus, without deeply transforming land distribution.
- Facteurs économico-subjectifs d'adoption du gaz butane - Patrick Arnold Ombiono Kitoto p. 225-248 La relation entre les perceptions subjectives du niveau économique de vie et l'adoption des énergies modernes demeure peu explorée en Afrique subsaharienne. Partant de cette considération, cet article vise à mettre en évidence les facteurs économico-subjectifs susceptibles d'accélérer l'adoption du gaz butane au Sahel urbain camerounais. La démarche méthodologique a eu recours aux données secondaires collectées dans la base ECAM-4 et aux analyses économétriques fondées sur les modèles de choix discret. Nos résultats suggèrent que l'action qui semble pertinente et susceptible de constituer un levier efficace à l'adoption du gaz butane est l'amélioration de la situation économique des ménages urbains pauvres dans l'incapacité d'avoir des revenus stables.The relationship between subjective perceptions of the economic standard of living and the adoption of modern energies has scarcely been explored in Sub-Saharan Africa. This article aims to fill this gap by highlighting the economic-subjective factors likely to boost the adoption of butane gas in Cameroon's urban Sahel. The methodological approach uses secondary data collected in the ECAM-4 database and econometric analyses based on discrete choice models. The results suggest that the action that seems relevant and is likely to constitute an effective lever for the adoption of butane gas is the improvement of the economic situation of poor urban households that are unable to have steady incomes.
- Livestock Farming in Indian Agrarian Change: Does it Benefit the Poor? - Claire Aubron, Sébastien Bainville, Olivier Philippon p. 189-224